LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 décembre 2008), que les consorts X..., propriétaires d'un local commercial donné à bail à la société Tinou Shop (société Tinou), ont assigné cette dernière pour faire fixer le prix du bail renouvelé à compter du 1er juillet 2006 ;
Attendu que pour dire que le loyer du bail renouvelé doit être fixé selon les règles du déplafonnement, soit à la valeur locative, l'arrêt retient que les bailleurs se prévalent du rapport amiable établi à leur demande par M. Y... mettant en évidence une évolution des facteurs locaux de commercialité durant le cours du bail expiré, que ce rapport soumis aux observations contradictoires des parties et comportant des éléments objectifs, doit être retenu comme un élément permettant d'apprécier les motifs de déplafonnement, qu'il met en évidence une augmentation importante du pourcentage du nombre des enseignes par rapport au nombre de commerces resté constant du secteur en cause, que cette augmentation a attiré un flux supplémentaire non négligeable de chalands venant de l'extérieur et a eu une incidence notablement favorable sur la commercialité déjà bonne du secteur, que ce courant positif de commercialité a nécessairement profité au commerce en cause, les chalands, attirés par les marques, ne dédaignant pas pour autant les commerces autres participant ainsi à ce courant, que le commerce litigieux a d'autant plus profité de ce courant que la majorité des enseignes dont s'agit sont des enseignes de prêt-à-porter n'entrant pas dans la catégorie des enseignes de luxe et que ce changement notable de commercialité lié à l'augmentation du pourcentage des enseignes justifie le déplafonnement du loyer ;
Qu'en statuant ainsi, en se fondant exclusivement sur une expertise non contradictoire établie à la demande d'une des parties, la cour d'appel, qui a méconnu le principe de l'égalité des armes, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 décembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les consorts X... à payer à la société Tinou Shop la somme de 2 500 euros ; rejette la demande des consorts X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils pour la société Tinou Shop
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d' AVOIR dit que les loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2006 devait être fixé selon les règles du déplafonnement, soit à la valeur locative ;
AUX MOTIFS QUE M. Jacques X... et Mme Anny X..., épouse Z... se prévalent, devant la Cour, du rapport amiable établi à leur demande par M. Y... qui mettrait en évidence une évolution des facteurs locaux de commercialité durant le cours du bail expiré par arrivée d'un grand nombre d'enseignes nationales dédiées à la mode féminine, par l'augmentation de la fréquentation des stations de métro proches Saint Placide et Montparnasse Bienvenue et par la construction de 153 logements et sollicitent la fixation de la valeur locative à la somme de 71.000 € sur la base retenue par l'expert d'une surface pondérée de 47,40 m² et d'un prix unitaire de 1500 € sollicitant, subsidiairement, un expertise ; que la carence des bailleurs en première instance dans la preuve des éléments de déplafonnement par eux allégués ne saurait avoir pour effet, comme le soutient l'intimée, de faire obstacle à la production de tels éléments en cause d'appel dès lors que l'appel remet la chose jugée en question devant la Cour pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit ; que M. Jacques X... et Mme Anny X... épouse Z... sont donc parfaitement recevables à produire devant la Cour le rapport d'expertise amiable qu'ils ont fait établir par M. Y... et qui, se trouvant soumis aux observations contradictoires des parties comme pièces régulièrement communiquée aux débats, et comportant des éléments objectifs, sera retenu par la Cour comme un élément susceptible de lui permettre d'apprécier ; que ce rapport met en évidence une augmentation importante du pourcentage du nombre des enseignes par rapport au nombre de commerces resté constant du secteur en cause (…) ; que le rapport d'expertise de M. Y... (…) apparaît, tout comme pour le principe du déplafonnement, comporter tous les éléments permettant à la cour de statuer sur la valeur locative sauf, pour les bailleurs, à produire un plan plus précis quant aux surfaces utiles ou une estimation de géomètre ;
ALORS QUE le juge ne peut se déterminer au seul vu d'une expertise établie non contradictoirement ; que les juges du fond sont tenus de veiller au respect du caractère équitable du procès et de l'équilibre dans l'administration de la preuve ; qu'en l'espèce, pour décider que le montant du loyer du bail renouvelé devait être fixé à la valeur locative, la cour d'appel s'est déterminée au seul vu du rapport amiable établi par M. Y..., à la demande des bailleurs en cause d'appel ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 16 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2006 devait être fixé selon les règles du déplafonnement, soit à la valeur locative ;
AUX MOTIFS QUE le rapport d'expertise amiable que les consorts X... ont fait établir par M. Y... met en évidence une augmentation importante du pourcentage du nombre des enseignes par rapport au nombre de commerces restés constant du secteur en cause ; que l'augmentation du pourcentage d'enseignes sur le nombre de commerces demeurés stable, ce pourcentage étant passé de 51,60 % dans le début du bail expiré à 64,10 % à l fin de ce bail (soit une augmentation de ce pourcentage de 23,80 %), a incontestablement attiré un flux supplémentaire non négligeable de chalands venant non seulement de l'environnement immédiat du commerce en cause, mais aussi de l'extérieur et en, ainsi, une incidence notablement favorable sur la commercialité, déjà bonne, du secteur étudié ; que ce courant positif de commercialité a nécessairement profité au commerce de la société Tinou Shop, les chalands, attirés par les marques, ne dédaignant pas, pour autant, les commerces autres qui participent ainsi à ce courant et que le commerce litigieux a d'autant plus profité de ce courant que la majorité des enseignes, dont s'agit, sont des enseignes de prêt-à-porter n'entrant pas dans la catégorie des enseignes de luxe ; que le changement notable susvisé de la commercialité lié à l'augmentation du pourcentage des enseignes suffit, à lui seul, à justifier le déplafonnement du loyer ;
1°/ ALORS QUE l'appréciation de l'évolution des facteurs locaux de commercialité et de son importance doit se faire « in concreto » ; qu'en qualifiant de notable l'augmentation de 23,80 % du nombre d'enseignes nationales sur le nombre de commerces demeuré stable, laquelle correspondait en réalité à l'installation d'une enseigne nationale par an, soit 9 enseignes nationales sur une période de 9 ans, dans un secteur dont elle a expressément constaté qu'il était déjà de bonne commercialité, la cour d'appel a violé les articles L. 145-33, L 145-34 et R. 145-6 du code de commerce ;
2°/ ALORS QUE l'appréciation de l'évolution des facteurs locaux de commercialité et de son importance doit se faire « in concreto », en fonction de l'intérêt que présente cette évolution pour le commerce considéré ;
qu'en se bornant à retenir que le commerce de prêt-à-porter exploité par la société Tinou Shop avait « nécessairement profité de l'installation d'enseignes », sans caractériser d'éléments concrets ni de changement objectivement constaté, établissant l'intérêt que le commerce de prêt-à-porter et accessoires sans marque, à des prix très bon marché, et situé géographiquement au-delà des enseignes nationales avait pu en retirer, la cour d'appel a violé les articles L. 145-33, L 145-34 et R. 145-6 du code de commerce ;
3°/ ALORS QUE, dans ses conclusions d'appel, l'exposante faisait expressément valoir qu'elle exploitait un magasin de prêt-à-porter et accessoires sans marque, à des prix très bon marché et situé géographiquement au-delà des enseignes nationales dans la rue de Rennes ; qu'en omettant de répondre à ce moyen pertinent, de nature à établir l'absence d'intérêt, pour le commerce considéré, de la prétendue modification notable des facteurs locaux de commercialité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.