LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 12 novembre 2007), qu'en 1983 et 1984, la société civile immobilière du Raisin (SCI) a fait construire deux immeubles formant la copropriété Le Gaillac ; que les travaux ont été réceptionnés le 25 septembre 1984 ; qu'en 1993 et 1994, deux déclarations de sinistre ont été adressées à la société Gan, assureur dommages-ouvrage, pour des désordres affectant les jardinières en béton de trois appartements ; que cet assureur a accepté de garantir deux des trois appartements ; qu'en 2001, le syndicat des copropriétaires ayant invoqué une extension du sinistre à l'ensemble des jardinières, une expertise a été ordonnée ; qu'après dépôt du rapport de l'expert, le syndicat des copropriétaires a assigné la SCI et la société Gan, prise en sa qualité d'assureur de la responsabilité décennale de la SCI, en paiement de la somme de 495 714,54 euros TTC correspondant au coût de réparation des 125 jardinières de la copropriété ;
Attendu que le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable, comme atteinte par la forclusion décennale, son action à l'encontre de la société civile immobilière Le Raisin et de la société Gan Eurocourtage IARD prise en sa qualité d'assureur de cette dernière au titre de la garantie décennale, alors, selon le moyen :
1°/ que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions quoiqu'ayant des causes distinctes, tendent vers un seul et même but ; que l'action visant à obtenir la mise à exécution de la garantie de l'assureur de dommages à l'ouvrage et l'action visant à obtenir la mise à exécution de la garantie de l'assureur du constructeur au titre de la garantie décennale tendant, toutes deux, à obtenir le paiement, de la part du même assureur, des travaux de reprise des désordres, il en résulte que le délai de forclusion de l'article 2270 du code civil est interrompu par la reconnaissance, par l'assureur de dommages à l'ouvrage, lorsqu'il est également l'assureur du constructeur au titre de la garantie décennale, de ce que sa garantie est due au titre de désordres entrant tant dans le champ d'application de la garantie décennale des constructeurs que de celui de l'assurance de dommages à l'ouvrage ; qu'en énonçant le contraire, pour déclarer irrecevable, comme atteinte par la forclusion décennale, l'action du syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Gaillac à l'encontre de la société civile immobilière Le Raisin et de la société Gan Eurocourtage IARD prise en sa qualité d'assureur de cette dernière au titre de la garantie décennale, la cour d'appel a violé les articles 2248 et 2270 du code civil ;
2°/ que le délai de forclusion de l'article 2270 du code civil est interrompu par la reconnaissance, par l'assureur de dommages à l'ouvrage, lorsqu'il est également l'assureur du constructeur au titre de la garantie décennale, de ce que sa garantie est due, relativement à des désordres entrant tant dans le champ d'application de la garantie décennale des constructeurs que de celui de l'assurance de dommages à l'ouvrage, au titre de l'assurance de dommages à l'ouvrage, lorsque l'assureur a refusé sa garantie, au titre de l'assurance de la garantie décennale du constructeur, pour des motifs qui étaient, sans raison objective légitime, en contradiction avec la reconnaissance, par cet assureur, que sa garantie était due au titre de l'assurance de dommages à l'ouvrage ; qu'en énonçant, dès lors, pour déclarer irrecevable, comme atteinte par la forclusion décennale, l'action du syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Gaillac à l'encontre de la société civile immobilière Le Raisin et de la société Gan Eurocourtage IARD prise en sa qualité d'assureur de cette dernière au titre de la garantie décennale, que la reconnaissance qu'avait faite, le 18 mars 1994, la société Gan assurances, aux droits de laquelle vient la société Gan Eurocourtage IARD, de ce que sa garantie était due, relativement à des désordres identiques aux désordres litigieux, au titre de l'assurance de dommages à l'ouvrage, n'avait pas interrompu le délai de forclusion de l'article 2270 du code civil, quand elle constatait que la société Gan assurances avait refusé sa garantie, au titre de l'assurance de la garantie décennale du constructeur, pour des motifs qui étaient, sans raison objective légitime, en contradiction avec la reconnaissance qu'elle avait faite le 18 mars 1994, la cour d'appel a violé les articles 2248 et 2270 du code civil ;
3°/ que, enfin et en tout état de cause, des désordres nouveaux constatés au-delà de l'expiration du délai décennal peuvent être réparés au titre de l'article 1792 du code civil s'ils trouvent leur siège dans l'ouvrage où un désordre de même nature a été constaté et s'ils ont été dénoncés à l'assureur du constructeur au titre de la garantie décennale avant l'expiration de ce délai ; qu'en retenant, après avoir relevé que des désordres, relatifs à trois des appartements des bâtiments construits par la SCI Le Raisin, avaient été constatés et dénoncés à la société Gan assurances avant l'expiration du délai de dix ans à compter de la réception, qu'aucune cause d'interruption du délai de forclusion de l'article 2270 du code civil n'était intervenue dans le délai de dix ans à compter de la réception, sans rechercher si, comme elle y était invitée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Gaillac, les désordres litigieux ne pouvaient être regardés comme trouvant leur siège dans le même ouvrage que les désordres constatés et dénoncés avant l'expiration du délai de dix ans à compter de la réception et comme étant de même nature que ceux-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 1792 et 2270 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu, à bon droit, que la reconnaissance de garantie de l'assureur dommages-ouvrage, dans le cadre d'une assurance de chose, ne peut valoir reconnaissance de responsabilité d'un constructeur et relevé qu'en 1993 et 1994 deux déclarations de sinistre avaient été adressées à la société Gan, assureur dommages-ouvrage, pour des désordres affectant les jardinières en béton de trois appartements et que deux des appartements concernés sur trois avaient été pris en garantie, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Gaillac aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Gaillac à payer à la société Gan Eurocourtage IARD la somme de 2 500 euros ; rejette la demande du syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Gaillac ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Capron, avocat aux Conseils pour le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Gaillac.
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR déclaré irrecevable, comme atteinte par la forclusion décennale, l'action du syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Gaillac à l'encontre de la société civile immobilière Le Raisin et de la société Gan Eurocourtage Iard prise en sa qualité d'assureur de cette dernière au titre de la garantie décennale ;
AUX MOTIFS QU' « en 1983 et 1984, la Sci du Raisin a fait construire deux immeubles collectifs à usage d'habitation formant la copropriété dénommée Le Gaillac à Toulouse. La réception des travaux a été donnée le 25 septembre 1984 sans réserve en rapport avec le présent litige. / En 1993 et 1994, deux déclarations de sinistre ont été adressées successivement au Gan, assureur dommages-ouvrage, pour des désordres affectant les jardinières en béton de trois appartements. Deux des appartements concernés sur trois ont été pris en garantie. … attendu, sur la prescription de l'action, qu'aux termes de l'article L. 242-1 du code des assurances, c'est en dehors de toute recherche des responsabilités que l'assurance dommages-ouvrage a pour objet de garantir le paiement de dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1 ; / qu'il s'ensuit nécessairement que la reconnaissance de garantie de l'assureur dommages-ouvrage, dans le cadre d'une assurance de chose, ne peut pas valoir reconnaissance de responsabilité d'un constructeur ; / attendu qu'il en va ainsi également dans le cas où la même compagnie d'assurance a consenti à la fois, pour un même ouvrage, une police dommages-ouvrage au bénéfice du maître de l'ouvrage et une police de responsabilité civile au bénéfice d'un constructeur, le souscripteur de la première ; / attendu que c'est en vain que le syndicat des copropriétaires prétend soutenir que l'opération d'assurance dommages-ouvrage et de responsabilité civile décennale du promoteur serait une opération contractuelle unique et indivisible ; / que ces polices d'assurance, qui ont certes été conclues en même temps et par un même souscripteur pour une même opération et auprès d'un même assureur, sont de nature différentes, l'une assurance de chose, l'autre assurance de responsabilité, ont donc des objets différents, et que les conditions de fond pour la mise en oeuvre des garanties ne se superposent que partiellement ; / attendu que, se contentant d'une pétition de principe, le syndicat des copropriétaires ne démontre pas que la double qualité de l'assureur aurait eu une incidence sur le traitement des sinistres considérés là où, à quelques mois d'intervalle seulement ses services ont donné à des sinistres de même nature deux sorts différents, l'un de garantie, favorable à l'assuré, pour deux jardinières et pour des raisons qui ne sont à vrai dire explicitées ni par le rapport de son premier expert versé aux débats qui ne donne aucune indication sur la nature du dommage, se contentant de le décrire, ni par la notification de l'assureur, l'autre de non-garantie pour une jardinière, cette fois défavorable, sur la base de l'avis d'un autre expert considérant cette fois expressément que le dommage constaté sur celle-ci est de nature esthétique ; / que ces contradictions ne révèlent rien de plus qu'une incohérence qu'aucun élément objectif ne permet d'interpréter ; / que s'il est vrai que l'expert judiciaire indique que le phénomène rencontré et son évolution sont connus et font l'objet de nombreuses publications (page 52), il n'en désigne qu'une qui date de mars-avril 2004 (page 42), et le problème semble au contraire être mal connu à la date d'intervention des deux experts dommages-ouvrage puisqu'il ressort également de l'appréciation de l'expert judiciaire que même le premier expert dont le rapport a abouti à garantie a donné une définition très insuffisante des travaux à réaliser ; / attendu qu'en tout état de cause que l'avis de l'assureur dommages-ouvrage sur l'absence de garantie n'est pas insurmontable pour l'assuré qui ne s'est en l'occurrence pas ému du refus de garantie opposé peu après un accord pour un objet en apparence identique ; / que c'est donc sans fondement qu'il est soutenu que la société Gan Eurocourtage, personne morale unique, se serait " placée dans une situation purement potestative " privant son intervention de toute objectivité et que c'est dans le dessein d'éviter, à l'approche de la fin du délai d'épreuve, de mobiliser sa garantie sur un désordre généralisé dont elle avait connaissance que la société Gan Eurocourtage a désigné un nouvel expert pour instruire une nouvelle déclaration de sinistre identique à une précédente qu'elle avait dû garantir ; … attendu qu'aux termes de l'article L. 114-2 du code des assurances, la prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription, par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre, et que l'interruption peut résulter de l'envoi d'une lettre recommandée ; / que les dires adressés à l'expert par le syndicat des copropriétaires ne revêtent pas les caractères d'actes signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire - l'assureur - au sens de cet article et de l'article 2244 du code civil et n'ont donc pas interrompu la prescription ; / attendu que la suspension de la prescription suppose l'impossibilité d'agir ; / que ce n'est pas sur la tête du syndic de copropriété mais celle du syndicat des copropriétaires dont il n'est que l'organe que peut s'apprécier l'impossibilité d'agir, et que c'est donc en vain qu'il est soutenu que celui-ci se serait trouvé en situation de ne pouvoir agir tant que l'assemblée générale n'avait pas délibéré sur les conclusions de l'expert ; / qu'il ne résulte d'aucune circonstance invoquée que le syndicat des copropriétaires se serait trouvé dans l'impossibilité d'agir avant l'accomplissement de la prescription ; / que c'est de même sans fondement qu'il est soutenu qu'en vertu de l'article 2257 du code civil la prescription n'aurait pas couru entre la date de la première délibération d'assemblée générale et l'accomplissement de la condition qu'elle avait posée à son action, à savoir le dépôt du rapport d'expertise, alors que non seulement ce n'est pas une condition au sens de l'article invoqué, mais qu'en outre elle ne serait pas opposable à l'assureur ; / attendu par conséquent que c'est à juste titre qu'il est soutenu que l'action est prescrite tant à l'égard de l'assureur dommages-ouvrage qu'à l'égard de la Sci du Raisin et du Gan Eurocourtage assureur de celle-ci, ces derniers en l'absence de toute cause d'interruption de la prescription dans le délai de dix ans à compter de la réception ; / attendu qu'il n'y a par conséquent pas lieu de statuer sur les autres moyens, que le jugement doit être réformé et l'action du syndicat des copropriétaires déclarée irrecevable » (cf., arrêt attaqué, p. 4 à 6) ;
ALORS QUE, de première part, si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions quoiqu'ayant des causes distinctes, tendent vers un seul et même but ; que l'action visant à obtenir la mise à exécution de la garantie de l'assureur de dommages à l'ouvrage et l'action visant à obtenir la mise à exécution de la garantie de l'assureur du constructeur au titre de la garantie décennale tendant, toutes deux, à obtenir le paiement, de la part du même assureur, des travaux de reprise des désordres, il en résulte que le délai de forclusion de l'article 2270 du code civil est interrompu par la reconnaissance, par l'assureur de dommages à l'ouvrage, lorsqu'il est également l'assureur du constructeur au titre de la garantie décennale, de ce que sa garantie est due au titre de désordres entrant dans le champ d'application tant dans le champ d'application de la garantie décennale des constructeurs que de celui de l'assurance de dommages à l'ouvrage ; qu'en énonçant le contraire, pour déclarer irrecevable, comme atteinte par la forclusion décennale, l'action du syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Gaillac à l'encontre de la société civile immobilière Le Raisin et de la société Gan Eurocourtage Iard prise en sa qualité d'assureur de cette dernière au titre de la garantie décennale, la cour d'appel a violé les articles 2248 et 2270 du code civil ;
ALORS QUE, de deuxième part, le délai de forclusion de l'article 2270 du code civil est interrompu par la reconnaissance, par l'assureur de dommages à l'ouvrage, lorsqu'il est également l'assureur du constructeur au titre de la garantie décennale, de ce que sa garantie est due, relativement à des désordres entrant dans le champ d'application tant dans le champ d'application de la garantie décennale des constructeurs que de celui de l'assurance de dommages à l'ouvrage, au titre de l'assurance de dommages à l'ouvrage, lorsque l'assureur a refusé sa garantie, au titre de l'assurance de la garantie décennale du constructeur, pour des motifs qui étaient, sans raison objective légitime, en contradiction avec la reconnaissance, par cet assureur, de ce sa garantie était due au titre de l'assurance de dommages à l'ouvrage ; qu'en énonçant, dès lors, pour déclarer irrecevable, comme atteinte par la forclusion décennale, l'action du syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Gaillac à l'encontre de la société civile immobilière Le Raisin et de la société Gan Eurocourtage Iard prise en sa qualité d'assureur de cette dernière au titre de la garantie décennale, que la reconnaissance qu'avait faite, le 18 mars 1994, la société Gan assurances, aux droits de laquelle vient la société Gan Eurocourtage Iard, de ce que sa garantie était due, relativement à des désordres identiques aux désordres litigieux, au titre de l'assurance de dommages à l'ouvrage, n'avait pas interrompu le délai de forclusion de l'article 2270 du code civil, quand elle constatait que la société Gan assurances avait refusé sa garantie, au titre de l'assurance de la garantie décennale du constructeur, pour des motifs qui étaient, sans raison objective légitime, en contradiction avec la reconnaissance qu'elle avait faite le 18 mars 1994, la cour d'appel a violé les articles 2248 et 2270 du code civil ;
ALORS QU'enfin et en tout état de cause, des désordres nouveaux constatés au-delà de l'expiration du délai décennal peuvent être réparés au titre de l'article 1792 du code civil s'ils trouvent leur siège dans l'ouvrage où un désordre de même nature a été constaté et s'ils ont été dénoncés à l'assureur du constructeur au titre de la garantie décennale avant l'expiration de ce délai ; qu'en retenant, après avoir relevé que des désordres, relatifs à trois des appartements des bâtiments construits par la Sci Le Raisin, avaient été constatés et dénoncés à la société Gan assurances avant l'expiration du délai de dix ans à compter de la réception, qu'aucune cause d'interruption du délai de forclusion de l'article 2270 du code civil n'était intervenue dans le délai de dix ans à compter de la réception, sans rechercher si, comme elle y était invitée par syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Gaillac, les désordres litigieux ne pouvaient être regardés comme trouvant leur siège dans le même ouvrage que les désordres constatés et dénoncés avant l'expiration du délai de dix ans à compter de la réception et comme étant de même nature que ceux-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 1792 et 2270 du code civil.