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27/05/2021 | FRANCE | N°19-23733

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 27 mai 2021, 19-23733


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 mai 2021

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 505 F-P

Pourvoi n° Q 19-23.733

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 MAI 2021

La société Gauthier-Delmas, société d'exercice libéral p

ar actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 19-23.733 contre l'arrêt rendu le 17 septembre 2019 par la juridictio...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 mai 2021

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 505 F-P

Pourvoi n° Q 19-23.733

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 MAI 2021

La société Gauthier-Delmas, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 19-23.733 contre l'arrêt rendu le 17 septembre 2019 par la juridiction du premier président de la cour d'appel de Bordeaux, dans le litige l'opposant à M. [B] [A], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de la société Gauthier-Delmas, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. [A], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 avril 2021 tenue dans les conditions de l'article 5 de l'ordonnance n° 2020-1400 du 18 novembre 2020 par M. Pireyre, président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre.

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué, rendu par la juridiction du premier président d'une cour d'appel (Bordeaux, 17 septembre 2019), et les productions, M. [A] a confié, courant 2016, la défense de ses intérêts à la Société Gauthier-Delmas (l'avocat) avant de saisir le bâtonnier de l'ordre des avocats d'une demande de fixation de ses honoraires.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en sa seconde branche

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. L'avocat fait grief à la décision de ne mentionner ni le nom du magistrat rapporteur ayant tenu l'instance ni le fait que ce magistrat rapporteur ait rendu compte à la formation collégiale des plaidoiries, alors « que lorsque le magistrat chargé du rapport tient seul l'audience pour entendre les plaidoiries conformément aux prescriptions de l'article 786 du code de procédure civile, ce magistrat est tenu d'en rendre compte à la formation collégiale de la juridiction qui délibère de l'affaire ; que l'ordonnance attaquée qui ne mentionne ni le nom du magistrat rapporteur ayant tenu l'instance, ni le fait que ce magistrat rapporteur ait rendu compte à la formation collégiale des plaidoiries, méconnaît l'article 786 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. La décision attaquée mentionnant que la juridiction était composée de trois magistrats, dont le conseiller entendu en son rapport et qu'il en a été délibéré par ces magistrats, après que la cause ait été débattue en audience publique, il y a lieu de présumer que le magistrat rapporteur a rendu compte des débats aux autres magistrats.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

5. L'avocat fait grief à la décision de l'inviter à restituer à M. [A] la somme de 7 093,18 euros, alors « que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'une convention d'honoraires peut prévoir les modalités de la rémunération de l'avocat en cas de dessaisissement ; que la convention d'honoraires signée le 27 avril 2016 entre les parties prévoyait un article 9 selon lequel en cas de dessaisissement M. [A] « s'engage à régler, sans délai, les honoraires, frais et dépens dus à l'avocat (..) pour les diligences effectuées antérieurement au dessaisissement » ; qu'en retenant que, la Selas Gauthier-Delmas ayant été dessaisie de son mandat avant le terme de sa mission, la convention d'honoraires ne pouvait s'appliquer de sorte que les honoraires lui revenant devaient être fixés en application des seuls critères de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, alors que la convention d'honoraires comportait un article 9 prévoyant qu'en cas de dessaisissement de l'avocat, M. [A] s'engageait à régler, sans délai, les honoraires, frais et dépens dus à l'avocat, le premier président a violé l'article 1134 du code civil, devenu 1103 du même code, ensemble l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. M. [A] conteste la recevabilité de ce moyen. Il soutient qu'il est nouveau, mélangé de fait et de droit, dès lors qu'il ne résulte pas des conclusions d'appel de l'avocat que celui-ci ait invité le premier président à constater l'existence d'une clause prévoyant la rémunération de l'avocat en cas de dessaisissement.

7. Cependant, l'« ordonnance » attaquée énonce que l'avocat, qui a été dessaisi de son mandat avant le terme de sa mission, ne peut se prévaloir de la convention régularisée par les parties, ce dont il résulte que l'avocat s'est bien prévalu de l'existence d'une telle convention et de la clause litigieuse relative à son dessaisissement.

8. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 1134, devenu 1103 du code civil et 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa version applicable au litige :

9. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'une convention d'honoraires prévoyant le montant de l'honoraire de diligence de l'avocat peut recevoir application lorsqu'elle a prévu les modalités de cette rémunération en cas de dessaisissement avant qu'il ait été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable.

10. Pour fixer, au regard des seuls critères prévus par l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, l'honoraire dû par M. [A], la décision retient que l'avocat a été dessaisi avant le terme de sa mission et qu'il ne peut se prévaloir de la convention régularisée par les parties.

11. En statuant ainsi, alors que le dessaisissement de l'avocat ne rendait pas inapplicable la convention qui avait organisé les modalités de paiement de l'honoraire de diligence dans cette hypothèse, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable le recours, l'arrêt rendu le 17 septembre 2019, entre les parties, par la juridiction du premier président de la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;

Condamne M. [A] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gouz-Fitoussi, avocat aux Conseils, pour la société Gauthier-Delmas

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'ordonnance attaquée de ne mentionner ni le nom du magistrat rapporteur ayant tenu l'instance ni le fait que ce magistrat rapporteur ait rendu compte à la formation collégiale des plaidoiries ;

Alors que lorsque le magistrat chargé du rapport tient seul l'audience pour entendre les plaidoiries conformément aux prescriptions de l'article 786 du code de procédure civile, ce magistrat est tenu d'en rendre compte à la formation collégiale de la juridiction qui délibère de l'affaire ; que l'ordonnance attaquée qui ne mentionne ni le nom du magistrat rapporteur ayant tenu l'instance, ni le fait que ce magistrat rapporteur ait rendu compte à la formation collégiale des plaidoiries, méconnaît l'article 786 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'avoir invité la Selas Gauthier-Delmas à restituer à M. [B] [A] la somme de 7 093,18 euros ;

Aux motifs que la Selas Gauthier-Delmas, qui a été dessaisie de son mandat avant le terme de sa mission, ne peut se prévaloir de la convention régularisée par les parties ; que l'honoraire dû sera arbitré au regard des dispositions de l'article 10 de la loi du 27 décembre 1971 (usages, fortune du client, difficulté de l'affaire, notoriété et diligences du conseil...) ; que M. [B] [A] a confié à la Selas Gauthier-Delmas ses intérêts dans le cadre de la liquidation de l'indivision existant entre lui-même et Mme [S] [R] ; qu'au vu des pièces communiquées, le conseil entend mettre en compte: 1.- 14 entretiens téléphoniques avec le client et l'avocat adverses, 2 h 28 ; 2.- rendez-vous au cabinet pour 1 h 30 ; 3.- 54 courriers du cabinet, ; 4.- 33 courriels reçus, ; 5.- 19 études du dossier, ; 6.- une assignation, uni eu de conclusions et une audience de plaidoirie (président tgi statuant en la forme des référés) ; 7- rédaction d'une requête d'autorisation de jour fixe ; 8.- un jeu de conclusions sur assignation de l'adversaire ; que les postes 1 et 2 ne sont pas discutés ; que les temps passés seront retenus pour h. ; que pour les courriers adressés par le cabinet, poste 3, il sera décompté 4 heures ; que concernant le poste n° 5 le temps passé sera arbitré à 1 h30 ; que le temps consacré à l'examen des mèls du client, sera décompté pour 1 h30 ; poste 6, pour l'établissement de l'assignation en la forme des référés, quatre pages sans difficulté particulière, il sera compté 1h30 ; que pour le jeu de conclusions en réponse, si l'on enlève la page de garde et le dispositif, il reste 1 page et 7 lignes de travail, il sera décompté 30 minutes ; que le temps d'audience sera arbitré à 1 heure ; qu'on retiendra 1 heure du temps du cabinet pour l'établissement de la requête afin d'être autorisé à assigner à jour fixe ; que poste n° 9, il sera mis en compte 4 heures du temps du cabinet pour la rédaction de ces conclusions en réponse, sachant que sur les 14 pages de discussion, 5 ont été reprises intégralement sur une clé usb confiée au conseil par le client ; que soit au total, 15 heures ; que compte tenu de la difficulté toute relative du mandat confié, traité pour l'essentiel par des collaborateurs du cabinet, le taux horaire sera arbitré à 250 euros ht, soit 300 euros ttc ; que l'honoraire dû sera arbitré à la somme de 5.700 euros ttc ; que compte tenu des provisions réglées, 12 793,18 et non 12 493,18 euros, le conseil devra restituer à son ancien client (12 793,18 euros - 5.700 euros) 7 093,18 euros ;

Alors 1°) que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'une convention d'honoraires peut prévoir les modalités de la rémunération de l'avocat en cas de dessaisissement ; que la convention d'honoraires signée le 27 avril 2016 entre les parties prévoyait un article 9 selon lequel en cas de dessaisissement M. [A] « s'engage à régler, sans délai, les honoraires, frais et dépens dus à l'avocat (..) pour les diligences effectuées antérieurement au dessaisissement » (cf. prod) ; qu'en retenant que la SELAS Gauthier Delmas ayant été dessaisie de son mandat avant le terme de sa mission, la convention d'honoraires ne pouvait s'appliquer de sorte que les honoraires lui revenant devaient être fixés en application des seuls critères de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, alors que la convention d'honoraires comportait un article 9 prévoyant qu'en cas de dessaisissement de l'avocat, M. [A] s'engageait à régler, sans délai, les honoraires, frais et dépens dus à l'avocat, le premier président a violé l'article 1134 du code civil, devenu 1103 du même code, ensemble l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 ;

Alors 2°) que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître ; que, si les juges du fond apprécient souverainement d'après les conventions des parties et les circonstances de la cause le montant de l'honoraire dû à l'avocat, il ne leur appartient pas de les réduire dès lors que le principe et le montant de l'honoraire ont été acceptés par le client après service rendu ; qu'en réduisant le montant des honoraires dus à l'avocat sans rechercher, comme il le lui était demandé, si M. [A] n'avait pas accepté, après service rendu, en son principe et son montant, les honoraires appelés, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, ensemble l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-23733
Date de la décision : 27/05/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

AVOCAT - Honoraires - Contestation - Convention d'honoraires - Application - Honoraires de diligence - Dessaisissement de l'avocat en cours d'instance

Il résulte de la combinaison des articles 1134, devenu 1103, du code civil et 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 que le dessaisissement de l'avocat avant qu'il ait été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable ne fait pas obstacle à l'application de la convention d'honoraires portant sur le montant de son honoraire de diligence, lorsqu'elle a prévu les modalités de cette rémunération en cas de dessaisissement


Références :

Articles 1134, devenu 1103, du code civil

article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 17 septembre 2019

A rapprocher : 2e Civ., 18 septembre 2003, pourvoi n° 01-16013, Bull. 2003, II, n° 279 (cassation) ;

2e Civ., 8 février 2018, pourvoi n° 16-22217, Bull. 2018, II, n° 25 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 27 mai. 2021, pourvoi n°19-23733, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Gouz-Fitoussi, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.23733
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