LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Nice, 10 janvier 2019), qu'en juillet 2018, en vue de la mise en place du comité social et économique, un protocole d'accord préélectoral a été conclu entre la société Triverio construction et les organisations syndicales représentatives ; qu'il prévoyait notamment que, dans le premier collège, six sièges étaient à pourvoir tant pour les titulaires que pour les suppléants et que la répartition des sexes dans ce collège était de 96 % d'hommes et 4 % de femmes, « soit une femme titulaire/ une femme suppléante » ; que l'Union syndicale de la construction du bois et de l'ameublement CGT des Alpes-Maritimes (le syndicat CGT) a présenté un candidat unique, M. X..., en qualité de titulaire, et un candidat unique, M. L..., en qualité de suppléant, qui ont tous deux été élus au premier tour des élections le 27 septembre 2018 ; que la Fédération générale Force ouvrière construction (le syndicat FO) a saisi le tribunal d'instance le 11 octobre 2018 en annulation de l'élection de M. X... et de M. L... aux motifs que les listes du syndicat CGT ne respectaient pas les dispositions du protocole pré-électoral et celles du code du travail ;
Sur l'irrecevabilité du mémoire en défense soulevée par le demandeur au pourvoi :
Attendu que le mémoire en défense a été adressé au greffe de la Cour de cassation par un avocat du barreau de Nice agissant comme mandataire de MM. X... et L... ainsi que du syndicat CGT, sans qu'il soit justifié d'un pouvoir spécial ;
Qu'il est dès lors irrecevable ;
Sur le moyen unique :
Attendu que le syndicat FO fait grief au jugement de rejeter sa demande d'annulation de l'élection de M. X... et de M. L... alors, selon le moyen, que la règle de mixité prévue à l'article L. 2314-30 du code du travail suppose que les listes de candidats, pour chaque collège électoral, comportent plusieurs candidats masculins et féminins correspondant à la part de femmes et d'hommes inscrits sur la liste électorale ; qu'au cas présent, la liste de candidats au premier collège devait, conformément aux prévisions du protocole d'accord préélectoral, comporter cinq candidats masculins et un candidat féminin, pour assurer la mixité de la représentation du personnel ; que le tribunal d'instance a constaté que le syndicat CGT n'avait présenté qu'un homme comme candidat titulaire au sein du premier collège et qu'un homme comme candidat suppléant au sein du premier collège ; que pour la dire régulière, le tribunal d'instance a néanmoins retenu que la liste CGT au premier collège ne méconnaissait pas les exigences de mixité et de représentation équilibrée des hommes et des femmes au sein des instances de représentation du personnel ; qu'en statuant ainsi, le tribunal n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 2314-30 du code du travail ;
Mais attendu que, lorsque plusieurs sièges sont à pourvoir, les organisations syndicales sont tenues de présenter une liste conforme à l'article L. 2314-30 du code du travail, c'est à dire respectant la proportion de la part des hommes et des femmes dans le collège électoral considéré et devant comporter au moins un candidat au titre du sexe sous-représenté ; que lorsque l'application des règles de proportionnalité et de l'arrondi à l'entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5 conduit, au regard du nombre de sièges à pourvoir, à exclure totalement la représentation de l'un ou l'autre sexe, il résulte de l'article précité que les listes de candidats peuvent comporter un candidat du sexe sous-représenté, sans que les organisations syndicales y soient tenues ; que les dispositions de l'article L. 2314-30 du code du travail étant d'ordre public absolu, le protocole préélectoral ne peut y déroger ;
Et attendu qu'après avoir constaté que l'application de la règle de la proportionnalité et de la règle de l'arrondi au regard du nombre de postes à pourvoir conduisait à ce qu'aucun siège ne soit attribué à une femme, le tribunal a statué à bon droit ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour le syndicat Fédération générale Force ouvrière construction
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande en annulation des élections de H... X... et W... L... ;
AUX MOTIFS QUE «Sur la demande d'annulation de l'élection de Hichem X... et W... L... ; qu'il résulte de la lecture du protocole d'accord pré-électoral signé en juillet 2018 qu'à la date de sa signature était prévu, au regard des effectifs de la société, un nombre de sièges à pourvoir fixé à 9 titulaires et 9 suppléants étant répartis en deux collèges électoraux : 1er collège (ouvriers et employés : 6 titulaires et 6 suppléants), 2ème collège (techniciens, agents de maitrise, cadres ; 3 titulaires et 3 suppléants) ; que s'agissant de la répartition des sièges entre les collèges, il est prévu par l'article 3, que chaque collège serait composé au moins d'une femme titulaire et d'une femme suppléante tel qu'indiqué : « la répartition des sexes entre les collèges est de l'ordre de : 1er collège : ouvriers et employés A, B, C, D : 96% d'hommes et 4% de femmes soit 1 femme titulaire et 1 femme suppléante, 2ème collège : techniciens et agents de maitrise E,F,G,H et cadres : 84 % d'hommes et 16 % de femmes soit 1 femme titulaire et 1 femme suppléante » ; que pour l'élection des membres du comité social et économique, l'article L. 2314-29 du code du travail fixe un mode de scrutin de liste à deux tours avec représentation proportionnelle à la plus forte moyenne ; « Le scrutin est de liste à deux tours avec représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. Au premier tour de scrutin, chaque liste est établie par les organisations syndicales mentionnées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 2314-5. Si le nombre des votants est inférieur à la moitié des électeurs inscrits, il est procédé, dans un délai de quinze jours, à un second tour de scrutin pour lequel les électeurs peuvent voter pour des listes autres que celles présentées par une organisation syndicale. Lorsque le nom d'un candidat a été raturé, les ratures ne sont pas prises en compte si leur nombre est inférieur à 10 % des suffrages exprimés en faveur de la liste sur laquelle figure ce candidat. Dans ce cas, les candidats sont proclamés élus dans l'ordre de présentation. Après la proclamation des résultats, l'employeur transmet, dans les meilleurs délais, par tout moyen, une copie des procès-verbaux aux organisations syndicales de salariés qui ont présenté des listes de candidats aux scrutins concernés ainsi qu'à celles ayant participé à la négociation du protocole d'accord préélectoral » ; que s'agissant plus précisément de la mixité des listes, l'article L. 2314-30 du code du travail dispose que « Pour chaque collège électoral, les listes mentionnées à l'article L. 2314-29 qui comportent plusieurs candidats sont composées d'un nombre de femmes et d'hommes correspondant à la part de femmes et d'hommes inscrits sur la liste électorale. Les listes sont composées alternativement d'un candidat de chaque sexe jusqu'à épuisement des candidats d'un des sexes. Lorsque l'application du premier alinéa n'aboutit pas à un nombre entier de candidats à désigner pour chacun des deux sexes, il est procédé à l'arrondi arithmétique suivant : 1° Arrondi à l'entier supérieur en cas de décimale supérieure ou égale à 5 ; 2° Arrondi à l'entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5. En cas de nombre impair de sièges à pourvoir et de stricte égalité entre les femmes et les hommes inscrits sur les listes électorales, la liste comprend indifféremment un homme ou une femme supplémentaire. Lorsque l'application de ces règles conduit à exclure totalement la représentation de l'un ou l'autre sexe, les listes de candidats pourront comporter un candidat du sexe qui, à défaut ne serait pas représenté. Ce candidat ne peut être en première position sur la liste. Le présent article s'applique à la liste des membres titulaires du comité social et économique et à la liste de ses membres suppléants » ; qu'il résulte ainsi de l'avant-dernier alinéa de cet article que lorsque l'application des règles arithmétiques exposées conduisent à exclure totalement la représentation de l'un des sexes au sein d'une liste, cette dernière pourra néanmoins comporter un candidat du sexe qui ne se trouverait pas représenté ; que par l'emploi du terme « pourront » le législateur a clairement entendu laisser une possibilité de contourner le résultat qui serait résulté de l'application stricte de ces règles arithmétiques mais ne fixe pas, par cette disposition, une quelconque obligation dont le non-respect se trouve, en tout état de cause, pas sanctionné par une nullité faute de texte la prévoyant expressément ; au soutien de sa prétention, la Fédération Générale Force ouvrière Construction cite un arrêt rendu le 09 mai 2018 par la chambre sociale de la Cour de cassation ayant jugé que dans le cas d'espèce qui lui était présenté, l'organisation syndicale était tenue de présenter une liste conforme à l'article L. 2324-22-1 du code du travail alors applicable interprété conformément à la décision du Conseil constitutionnel, c'est-à-dire comportant nécessairement une femme et un homme, ce dernier au titre du sexe sousreprésenté dans le collège considéré ; qu'il convient de préciser que les dispositions de l'article L. 2324-22-1 du code du travail précité ont été abrogées par l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ; que cet article disposait que « Pour chaque collège électoral, les listes mentionnées à l'article L. 2324-22 qui comportent plusieurs candidats sont composées d'un nombre de femmes et d'hommes correspondant à la part de femmes et d'hommes inscrits sur la liste électorale. Les listes sont composées alternativement d'un candidat de chaque sexe jusqu'à épuisement des candidats d'un des sexes. Lorsque l'application du premier alinéa du présent article n'aboutit pas à un nombre entier de candidats à désigner pour chacun des deux sexes, il est procédé à l'arrondi arithmétique suivant : 1° Arrondi à l'entier supérieur en cas de décimale supérieure ou égale à 5 ; 2° Arrondi à l'entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5. En cas de nombre impair de sièges à pourvoir et de stricte égalité entre les femmes et les hommes inscrits sur les listes électorales, la liste comprend indifféremment un homme ou une femme supplémentaire. Le présent article s'applique à la liste des membres titulaires du comité d'entreprise et à la liste de ses membres suppléants » ; que dans cet arrêt, la question prioritaire de constitutionnalité à laquelle il est fait référence (n° 2017-686 QPC) est relative à la conformité aux droits et libertés que la constitution garantit de l'article L. 2324-22-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, se trouvant donc aujourd'hui abrogé ; que dans sa décision n° 2017-686 rendue le 19 janvier 2018, le Conseil constitutionnel précise au point 5 : « Aux termes du second alinéa de l'article 1er de la Constitution : « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales ». Il ressort de ces dispositions que le constituant a entendu permettre au législateur d'instaurer tout dispositif tendant à rendre effectif l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales. À cette fin, il est loisible au législateur d'adopter des dispositions revêtant soit un caractère incitatif, soit un caractère contraignant. Il lui appartient toutefois d'assurer la conciliation entre cet objectif et les autres règles et principes de valeur constitutionnelle auxquels le pouvoir constituant n'a pas entendu déroger. » ; et de rajouter aux points 9 et 10 s'agissant du texte de l'ancien article L. 2324-22-1 du Code du travail : « Toutefois, l'application de cette règle d'arrondi ne saurait, sans porter une atteinte manifestement disproportionnée au droit d'éligibilité aux institutions représentatives du personnel résultant du principe de participation, faire obstacle à ce que les listes de candidats puissent comporter un candidat du sexe sous-représenté dans le collège électoral. Sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, le législateur a ainsi assuré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre l'objectif institué au second alinéa de l'article 1er de la Constitution et le principe de participation énoncé au huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 » ; qu'en effet, la lecture comparée des dispositions de l'article L. 2324-22-1, alors applicable, et des nouvelles dispositions de l'article L. 2314-30 du Code du travail permet de constater que lors de la rédaction de ce dernier article, le législateur a tiré les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel en rajoutant la disposition selon laquelle « lorsque l'application de ces règles conduit à exclure totalement la représentation de l'un ou l'autre sexe, les listes de candidats pourront comporter un candidat du sexe qui, à défaut ne serait pas représenté. Ce candidat ne peut être en première position sur la liste ; que cette disposition apparait désormais conforme en sa rédaction à la décision du Conseil constitutionnel, qui a laissé le choix au législateur du caractère contraignant ou non des dispositions prises en ce sens, en ce qu'elle permet au moins d'assurer un équilibre a minima dans la représentation des sexes au sein des listes électorales présentées ; que néanmoins, et sans contrevenir à l'esprit de la décision du Conseil constitutionnel précitée qui précise en son point 5 «à cette fin, il est loisible au législateur d'adopter des dispositions revêtant soit un caractère incitatif, soit un caractère contraignant », le législateur a fait le choix, par le terme « pourront » mentionné à l'avant dernier alinéa de l'article L. 2314-30 du code du travail, de laisser cette possibilité ouverte mais non de l'imposer à titre obligatoire ; que par ailleurs, le cas d'espèce dans lequel la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu son arrêt du 9 mai 2018 (pourvoi n° 17-14.088) différait de l'espèce soumise au tribunal de céans en ce que le protocole pré-électoral applicable prévoyait que le collège électoral « cadres » était composé de 77 % de femmes et de 23% d'hommes, deux postes étant à pourvoir ; que la Cour de cassation a alors considéré que l'organisation syndicale était tenue de présenter une liste comportant au moins deux personnes dont un homme et une femme ; que dans le cas de céans et comme rappelé dans l'exposé du litige, eu égard aux effectifs que comptait la société Triverio Construction en juillet 2018, le nombre de sièges à pourvoir a été fixé à 9 titulaires et 9 suppléants répartis en deux collèges électoraux, avec pour le premier collège composé de 113 hommes (soit 96%) et 6 femmes (soit 4%) soit % d'hommes et 16 % de femmes soit 1 femme titulaire et 1 femme suppléante ; que selon la règle de l'arrondi arithmétique prévue par l'article L. 2314-30 du Code du travail, la règle de calcul strictement appliquée aurait abouti à voir le nombre de siège à pourvoir concernant le premier collège électoral à 5,64 hommes et 0,36 femmes, soit six sièges réservés aux hommes et 0 sièges pour les femmes ; que le protocole d'accord pré-électoral signé en juillet 2018 prévit expressément, en dépit du résultat du calcul précédent résultant de l'application stricte des dispositions du code du travail, qu'au moins une place de titulaire et une place de suppléante soit réservée à des femmes concernant les deux collèges électoraux ; que néanmoins si ce protocole préélectoral prévoit la représentation d'au moins une femme titulaire et d'une femme suppléante au sein des deux collèges, il n'impose pas en revanche à chaque syndicat de présenter une liste comportant cette parité comme indiqué à l'article L. 2314-30 du code du travail ; qu'en effet, seul le résultat consistant en une représentation a minima de chacun des deux sexes au sein des deux collèges en qualité de titulaire et de suppléant est prévu ; qu'or en l'espèce cette répartition se trouve respectée puisqu'à l'issue de l'élection du premier collège, il apparait qu'une femme, Madame F... V..., a effectivement été nommée en qualité de titulaire et, une seconde, Madame S... E..., en qualité de suppléante ; que dès lors les dispositions de l'accord préélectoral et notamment celles figurant à l'article 3 ont été pleinement respectées et il convient en conséquence de rejeter la demande d'annulation de ces élections » ;
ALORS QUE la règle de mixité prévue à l'article L. 2314-30 du code du travail suppose que les listes de candidats, pour chaque collège électoral, comportent plusieurs candidats masculins et féminins correspondant à la part de femmes et d'hommes inscrits sur la liste électorale ; qu'au cas présent, la liste de candidats au premier collège devait, conformément aux prévisions du protocole d'accord préélectoral, comporter cinq candidats masculins et un candidat féminin, pour assurer la mixité de la représentation du personnel ; que le tribunal d'instance a constaté que le syndicat CGT n'avait présenté qu'un homme comme candidat titulaire au sein du premier collège et qu'un homme comme candidat suppléant au sein du premier collège ; que pour la dire régulière, le tribunal d'instance a néanmoins retenu que la liste CGT au premier collège ne méconnaissait pas les exigences de mixité et de représentation équilibrée des hommes et des femmes au sein des instances de représentation du personnel ; qu'en statuant ainsi, le tribunal n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L.2314-30 du Code du travail.