La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/04/2019 | FRANCE | N°18-11207;18-11208

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 04 avril 2019, 18-11207 et suivant


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° 18-11.207 et 18-11.208 ;

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 9 novembre 2017), rendus en référé, que la SCI Les Pacaniers et F... O... étaient respectivement nue-propriétaire et usufruitier d'une parcelle classée en zone A du plan local d'urbanisme, en zone Natura 2000 et en zone rouge du plan de prévention des risques d'inondation ; que, le 1er décembre 2013, la SCI Les Pacaniers a donné à bail

la parcelle à la société BTP Azur ; que, soutenant qu'en septembre 2013 des trav...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° 18-11.207 et 18-11.208 ;

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 9 novembre 2017), rendus en référé, que la SCI Les Pacaniers et F... O... étaient respectivement nue-propriétaire et usufruitier d'une parcelle classée en zone A du plan local d'urbanisme, en zone Natura 2000 et en zone rouge du plan de prévention des risques d'inondation ; que, le 1er décembre 2013, la SCI Les Pacaniers a donné à bail la parcelle à la société BTP Azur ; que, soutenant qu'en septembre 2013 des travaux d'exhaussement y avaient été irrégulièrement exécutés, la commune de Fréjus a assigné en référé la SCI Les Pacaniers et F... O..., puis appelé à l'instance la société BTP Azur et son gérant, M. K..., afin d'obtenir la suspension des travaux et la remise en état des lieux ;

Attendu que M. H... T..., venant aux droits d'S... T..., décédé, M. K..., la SCI Les Pacaniers et la société BTP Azur font grief à l'arrêt d'accueillir ces demandes, alors, selon le moyen, que seul l'auteur du trouble manifestement illicite peut être condamné à le faire cesser ; qu'en l'espèce, pour mettre à la charge d' S... T..., aux droits duquel vient M. H... T..., et de la SCI Les Pacaniers d'une part l'obligation de précéder à la suspension immédiate des travaux d'exhaussement entrepris sur la parcelle cadastrée section [...], d'autre part l'obligation de remettre les lieux en l'état, la cour d'appel a relevé que le premier, usufruitier de la parcelle, en perçoit les revenus et est bénéficiaire des travaux irréguliers litigieux, tandis que la seconde qui a consenti un bail à la société BTP Azur, avait connaissance de l'activité de cette dernière, incompatible avec le classement de la parcelle en zone agricole ; qu'en statuant ainsi quand il résulte de ces énonciations que ni l'un ni l'autre des intéressés n'était l'auteur des travaux litigieux constitutifs du trouble manifestement illicite dénoncé par la commune, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 809 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant exactement retenu, par motifs adoptés, que l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme permettait à la commune de saisir le tribunal de grande instance de l'action civile en vue de faire ordonner la mise en conformité et relevé que les travaux constitutifs d'un trouble manifestement illicite étaient imputables tant à la société BTP Azur, locataire, qu'à la SCI Les Pacaniers, qui avait consenti en parfaite connaissance de cause à cette société un bail pour y exercer une activité de transformation de matériaux et de concassage incompatible avec le classement de la parcelle en zone agricole, et à S... T..., usufruitier de la parcelle, qui en percevait les revenus et était ainsi bénéficiaire des travaux irréguliers réalisés, la cour d'appel a pu en déduire qu'il y avait lieu de les condamner in solidum à cesser les travaux et à remettre les lieux en état ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en sa première branche, ni sur le second moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne M. H... T..., M. K..., la SCI Les Pacaniers et la société BTP Azur à la charge des dépens afférents à leurs pourvois ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. H... T..., de M. K..., de la SCI Les Pacaniers et de la société BTP Azur et les condamne à payer à la commune de Fréjus la somme globale de 3 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi n° D 18-11.207 par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. H... T..., M. K..., la société Les Pacaniers et la société BTP Azur.

Premier moyen de cassation

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR ordonné la suspension immédiate des travaux d'exhaussement entrepris sur la parcelle sise à Fréjus cadastrée section [...] et ordonné à la société BTP AZUR, à M. S... T..., aux droits duquel vient M. H... T..., et à la SCI LES PACANIERS de remettre les lieux en l'état dans un délai de trois mois à compter de la signification de l'ordonnance ;

Aux motifs propres que sur la suspension des travaux, la remise en état des lieux et l'expertise, par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a justement caractérisé l'existence d'un trouble manifestement illicite par la réalisation, depuis 2013, en violation des règles du plan local d'urbanisme et du plan de prévention du risque inondation, de travaux d'exhaussement sur la parcelle objet du litige, par le développement d'une activité de travaux publics et par l'implantation de constructions sur une parcelle à vocation agricole ; il a également retenu à juste titre que ces travaux étaient imputables tant à la société BTP AZUR, locataire de la parcelle depuis 2013, qu'à la SCI LES PACANIERS qui a consenti à la société BTP AZUR un bail en parfaite connaissance de cause pour y exercer une activité de transformation de matériaux et de concassage incompatible avec le classement de la parcelle en zone agricole, qu'à S... T..., usufruitier de la parcelle, qui en perçoit les revenus et est bénéficiaire des travaux irréguliers réalisés ; enfin, si des remblais avaient été réalisés en 1998, déjà irrégulièrement, le premier juge a justement estimé que ces travaux étaient, au vu des images satellites versées aux débats, sans lien avec les travaux effectués en 2013 et 2016, caractérisés par deux procès-verbaux d'infraction établis les 13 novembre 2013 et 21 mars 2016 ; par ailleurs, compte tenu de l'importance des travaux irréguliers réalisés, la commune de Fréjus a un intérêt légitime à solliciter une expertise pour faire vérifier l'état sanitaire de la parcelle ; au regard de ces éléments, l'ordonnance déférée sera confirmée en ses dispositions relatives à la suspension des travaux, la remise en état des lieux et à l'organisation d'une expertise (arrêt, pages 3 et 4) ;

Et aux motifs, adoptés du premier juge qu'aux termes de l'article 809 al. 1er du code de procédure civile, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; il résulte des documents produits aux débats que la parcelle sise à Fréjus, cadastrée section [...] , est située en zone agricole du plan local d'urbanisme de la commune, en zone rouge (R1 qui est celle où les risques sont les plus élevés et la plus contraignante) du plan de prévention du risque d'inondation (PPRI) et en zone de protection Natura 2000 ; aux termes du PPRI approuvé par arrêté préfectoral du 26 mars 2014, sont interdits dans l'ensemble de la zone rouge tous travaux et plus particulièrement « la création de remblais sauf ceux strictement nécessaires aux constructions ouvrages et aménagements autorisés dans la zone au titre du présent PPRI ou régulièrement édifiés antérieurement au présent PPRI » ; il résulte des dispositions relatives à la zone 1 du plan local d'urbanisme que « les affouillements et exhaussements de sol sont autorisés à condition qu'ils soient directement liés et nécessaires à l'exploitation agricole, qu'ils soient nécessaires aux travaux de fondation ainsi qu'à l'assainissement des constructions admises dans la zone et qu'ils ne portent pas atteinte au site » ; il est constant que la réalisation de travaux sans autorisation et en violation tant d'un plan de prévention du risque inondation que d'un plan local d'urbanisme, pénalement sanctionnée, engendre un trouble manifestement illicite au sens du texte, étant rappelé qu'aux termes de l'article L 480-14 du code de l'urbanisme, la commune peut faire le choix de l'action civile en mise en conformité portée devant le tribunal de grande instance (et son juge des référés) plutôt que celui de l'action pénale ; en l'espèce, il ressort d'un procès-verbal d'infraction dressé le 13 novembre 2013, au visa tant du PPRI alors applicable que du plan local d'urbanisme, par un agent assermenté et commissionné de la DDTM du Var qu'un exhaussement du sol de 80 centimètres à 1 mètre a été réalisé sur la parcelle cadastrée section [...] par l'apport de remblais pour la création d'un plate-forme, qu'une activité de travaux publics y est exercée et que divers bâtiments modulaires, résidences de loisir et caissons ont été implantés, que ces constatations sont corroborées par les photographies jointes au procès-verbal ; un nouveau procès-verbal a été dressé le mars 2016 par la DDTM du Var, constatant la persistance de l'exploitation et l'aggravation de la situation ; la comparaison des images satellites prises en 2012 et 2016 établi que la transformation de cette parcelle, naguère presqu'entièrement végétalisée et actuellement à usage d'activité de travaux publics, est récente ; ces travaux et aménagements, réalisés sans autorisation, entrent à l'évidence dans la catégorie de ceux qui sont prohibés non seulement par les PPRI successifs régissant les lieux (bassins du Reyran et de l'Argens) approuvés les 1er mars 2012 et 26 mars 2014 mais, de surcroît, par le règlement de la zone A du plan local d'urbanisme comme n'ayant aucune finalité agricole au sens de ce texte ; les défendeurs ne peuvent utilement tirer argument que dans le secteur concerné d'autres parcelles seraient de longue date à usage industriel ou encore que la commune ne produit aucun plan altimétrique du terrain d'origine puisque les travaux litigieux ont été effectués sans autorisation, aucun dossier n'ayant été déposé en mairie par leurs soins ; par ailleurs, le fait que le premier procès-verbal remonte à 2013 ne constitue pas un obstacle à la présente action, l'urgence n'étant pas une condition d'application des dispositions de l'article 809 al. 1er du code de procédure civile ; enfin, si un premier exhaussement a été réalisé – déjà irrégulièrement, en 1998 – cet apport est sans lien avec les travaux effectués en 2013 et 2016, ainsi qu'il résulte de l'examen de l'image satellite prise en 2012 et versée aux débats (pièce n° 10 de la requérante) ; les mises en demeure de remettre les lieux en l'état qui ont été adressées aux défendeurs les 7 juillet 2014 et 31 mai 2016 sont restées sans effet ; ces derniers ne contestent donc pas sérieusement les faits et ne produisent aucun document de nature à les exonérer de leur responsabilité laquelle incombe tant à l'exploitant (société BTP AZUR) qu'à la société LES PACANIERS, qui a consenti à ce dernier en parfaite connaissance de cause un bail pour y exercer une activité de transformation de matériaux et de concassage incompatible avec le classement de la zone (agricole) qui lui est antérieur (PLU modifié en 2011) et le PPRI alors en vigueur, qu'à M. S... T..., usufruitier qui en perçoit, à ce titre, les revenus et est donc également bénéficiaire des travaux irréguliers qui ont été réalisés ; ils seront dès lors condamnés in solidum et sous astreinte à cesser les travaux et activités en cours sur la parcelle en cours et à la remettre en état ; une provision de 3 000 € sera allouée à la commune de Fréjus à valoir sur le préjudice qu'elle subit du fait des agissements des défendeurs, l'existence de l'obligation de ces derniers n'étant pas sérieusement contestable ; une expertise judiciaire sera ordonnée, sur le fondement des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, afin de vérifier l'état sanitaire de la parcelle et rechercher si les sols ont été pollués ; cette mesure parfaitement justifiée et légitime au regard de la nature des dépôts effectués et de l'activité exercée sur les lieux aura lieu aux frais avancés de la commune (ordonnance, pages 3 et 4) ;

1°/ Alors qu'en se déterminant par la circonstance que les travaux d'exhaussement litigieux ont été entrepris sans autorisation, pour en déduire qu'il convient d'ordonner les mesures permettant de faire cesser le trouble manifestement illicite en résultant, sans rechercher concrètement, ainsi qu'elle y était invitée par les conclusions d'appel des exposants, si, en l'absence de production, par la commune, du plan altimétrique correspondant à l'état d'origine du terrain ni de celui de l'état actuel du terrain, la commune n'échouait pas à établir la réalité d'un exhaussement illicite au regard des règles du plan local d'urbanisme et, partant, à établir l'existence d'un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile ;

2°/ Alors que seul l'auteur du trouble manifestement illicite peut être condamné à le faire cesser ;

Qu'en l'espèce, pour mettre à la charge de M. S... T..., aux droits duquel vient M. H... T..., et de la SCI LES PACANIERS d'une part l'obligation de procéder à la suspension immédiate des travaux d'exhaussement entrepris sur la parcelle cadastrée section [...] , d'autre part l'obligation de remettre les lieux en l'état, la cour d'appel a relevé que le premier, usufruitier de la parcelle, en perçoit les revenus et est bénéficiaire des travaux irréguliers litigieux, tandis que la seconde, qui a consenti un bail à la société BTP AZUR, avait connaissance de l'activité de cette dernière, incompatible avec les classement de la parcelle en zone agricole ;

Qu'en statuant ainsi quand il résulte de ces énonciations que ni l'un ni l'autre des intéressés n'était l'auteur des travaux litigieux constitutifs du trouble manifestement illicite dénoncé par la commune, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 809 du code de procédure civile.

Second moyen de cassation

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné in solidum la société BTP AZUR, M. S... T... aux droits duquel vient M. H... T..., et la SCI LE PACANIERS à payer à la commune de Fréjus une provision de 3 000 € à valoir sur son préjudice ;

Aux motifs propres que sur la provision : la réalisation de travaux sans autorisation a nécessairement causé un préjudice à la commune de Fréjus par l'obligation où elle s'est trouvée de faire dresser des procès-verbaux d'infraction et d'adresser des mises en demeure aux parties concernées ce qui caractérise un préjudice ; l'allocation d'une provision de 3 000 € à valoir sur l'indemnisation de ce préjudice est ainsi justifiée, la créance invoquée par la commune n'étant pas sérieusement contestable ; l'ordonnance dont appel sera également confirmée sur ce point (arrêt, page 4) ;

Et aux motifs, adoptés du premier juge, qu'une provision de 3 000 € sera allouée à la commune de Fréjus à valoir sur le préjudice qu'elle subit du fait des agissements des défendeurs, l'existence de l'obligation de ces derniers n'étant pas sérieusement contestable (ordonnance, page 4) ;

1°/ Alors que ne pouvant méconnaître les termes du litige, déterminés par les prétentions respectives des parties, le juge des référés ne saurait, sur le fondement de l'article 809 du code de procédure civile, allouer à une partie une provision en s'emparant d'un fait étranger au débat ;

Qu'en l'espèce, pour solliciter, aux termes de ses conclusions d'appel, le versement d'une provision, la commune a essentiellement fait valoir que le préjudice qu'elle subissait était consécutif au dépôt de gravats en grande quantité, réalisés en violation des règles d'urbanisme, et n'a nullement réclamé l'indemnisation d'un préjudice né de la nécessité de dresser des procès-verbaux d'infraction à l'encontre des exposants ;

Que, dès lors, en relevant, par motifs propres, que la réalisation de travaux sans autorisation a nécessairement causé un préjudice à la commune de Fréjus par l'obligation où elle s'est trouvée de faire dresser des procès-verbaux d'infraction et d'adresser des mises en demeure aux parties concernées, pour en déduire qu'il convient d'allouer, de ce chef, une provision à la commune, la cour d'appel, qui méconnait les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ Alors qu'en se bornant à énoncer, par motifs adoptés du premier juge, qu'une provision de 3 000 € sera allouée à la commune de Fréjus à valoir sur le préjudice qu'elle subit du fait des agissements des défendeurs, l'existence de l'obligation de ces derniers n'étant pas sérieusement contestable, sans mieux caractériser ni préciser la teneur du préjudice litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile. Moyens produits au pourvoi n° E 18-11.208 par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. H... T... et la société Les Pacaniers.

Premier moyen de cassation

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR ordonné la suspension immédiate des travaux d'exhaussement entrepris sur la parcelle sise à Fréjus cadastrée section [...] et ordonné à M. S... T..., aux droits duquel vient M. H... T..., et à la SCI LES PACANIERS de remettre les lieux en l'état dans un délai de trois mois à compter de la signification de l'ordonnance ;

Aux motifs propres que sur la suspension des travaux, la remise en état des lieux et l'expertise, par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a justement caractérisé l'existence d'un trouble manifestement illicite par la réalisation, depuis le début de l'année 2016, en violation des règles du plan local d'urbanisme et du plan de prévention du risque inondation, de travaux d'exhaussement sur la parcelle objet du litige, par le développement d'une activité de travaux publics et par l'implantation de constructions sur une parcelle à vocation agricole ; il a également retenu à juste titre que ces travaux étaient imputables tant à la SCI LES PACANIERS, en sa qualité de propriétaire de la parcelle, qu'à S... T..., usufruitier de la parcelle, qui en perçoit les revenus et est bénéficiaire des travaux irréguliers réalisés ; il importe peu que les travaux aient été réalisés par la société BTP AZUR, celle-ci n'étant pas officiellement titulaire d'un bail sur cette parcelle de sorte que les travaux ont nécessairement été effectués sous la responsabilité des appelants ; enfin, si des remblais avaient été réalisés en 1998, déjà irrégulièrement, le premier juge a justement estimé que ces travaux étaient, au vu des images satellites versées aux débats, sans lien avec les travaux effectués en 2016, caractérisés par un procès-verbal d'infraction établi le 2 février 2016 ; par ailleurs, compte tenu de l'importance des travaux irréguliers réalisés, la commune de Fréjus a un intérêt légitime à solliciter une expertise pour faire vérifier l'état sanitaire de la parcelle ; au regard de ces éléments, l'ordonnance déférée sera confirmée en ses dispositions relatives à la suspension des travaux, la remise en état des lieux et à l'organisation d'une expertise (arrêt, page 3) ;

Et aux motifs, adoptés du premier juge qu'aux termes de l'article 809 al. 1er du code de procédure civile, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; il résulte des documents produits aux débats que la parcelle sise à Fréjus, cadastrée section [...] , est située en zone agricole du plan local d'urbanisme de la commune, en zone rouge (R1 et marginalement R2) du plan de prévention du risque d'inondation (PPRI) ; aux termes de ce dernier document approuvé par arrêté préfectoral du 26 mars 2014, sont interdits dans l'ensemble de la zone rouge tous travaux et plus particulièrement « la création de remblais sauf ceux strictement nécessaires aux constructions ouvrages et aménagements autorisés dans la zone au titre du présent PPRI ou régulièrement édifiés antérieurement au présent PPRI » ; il résulte des dispositions relatives à la zone A du plan local d'urbanisme que « les affouillements et exhaussements de sol sont autorisés à condition qu'ils soient directement liés et nécessaires à l'exploitation agricole, qu'ils soient nécessaires aux travaux de fondation ainsi qu'à l'assainissement des constructions admises dans la zone et qu'ils ne portent pas atteinte au site » ; il est constant que la réalisation de travaux sans autorisation et en violation tant d'un plan de prévention du risque inondation que d'un plan local d'urbanisme, pénalement sanctionnée, engendre un trouble manifestement illicite au sens du texte, étant rappelé qu'aux termes de l'article L 480-14 du code de l'urbanisme, la commune peut faire le choix de l'action civile en mise en conformité portée devant le tribunal de grande instance (et son juge des référés) plutôt que celui de l'action pénale ; en l'espèce, il ressort d'un procès-verbal d'infraction dressé le 2 février 2016 qu'un exhaussement de sol formant de très importants remblais de terres, roches et gravats, a été réalisé sur la parcelle cadastrée section [...] en bordure du cours d'eau « la Garonnette », que les photographies jointes au procès-verbal montrent en effet un très important amoncellement de terres et gravats de plusieurs mètres de hauteur le long de la rivière ; la comparaison des images satellites prises en 2012 et 2016 établit que la transformation de cette parcelle, naguère entièrement végétalisée et actuellement à usage de dépôt de matériaux et gravats, est récente ; ces travaux entrent dans la catégorie de ceux qui sont prohibés par le PPRI et, de surcroît, n'ont aucune finalité agricole au sens du règlement de la zone 1 du plan local d'urbanisme ; les défendeurs ne peuvent utilement tirer argument que dans le secteur concerné d'autres parcelles seraient de longue date à usage industriel ou encore que la commune ne dispose pas de plan altimétrique d'origine puisque les exhaussements litigieux ont été effectués sans la moindre autorisation, ni constitution de dossier ; la mise en demeure de remettre les lieux en l'état qui leur a été adressée le 18 mars 2016 est restée sans effet ; les défendeurs ne contestent pas sérieusement les faits et ne produisent strictement aucun document de nature à les exonérer de leur responsabilité ; l'action de la commune de Fréjus et dès lors bien fondée et ils seront condamnés sous astreinte tant en leur qualité d'usufruitier que de nu-propriétaire à cesser les travaux en cours sur la parcelle et à la remettre en état ; une provision de 3 000 € sera allouée à la commune de Fréjus à valoir sur le préjudice qu'elle subit du fait des agissements des défendeurs (ordonnance, pages 3 et 4) ;

1°/ Alors qu'en se déterminant par la circonstance que les travaux d'exhaussement litigieux ont été entrepris sans autorisation, pour en déduire qu'il convient d'ordonner les mesures permettant de faire cesser le trouble manifestement illicite en résultant, sans rechercher concrètement, ainsi qu'elle y était invitée par les conclusions d'appel des exposants, si, en l'absence de production, par la commune, du plan altimétrique correspondant à l'état d'origine du terrain ni de celui de l'état actuel du terrain, la commune n'échouait pas à établir la réalité d'un exhaussement illicite au regard des règles du plan local d'urbanisme et, partant, à établir l'existence d'un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile ;

2°/ Alors que seul l'auteur du trouble manifestement illicite peut être condamné à le faire cesser ;

Qu'en l'espèce, pour mettre à la charge de M. S... T..., aux droits duquel vient M. H... T..., et de la SCI LES PACANIERS d'une part l'obligation de procéder à la suspension immédiate des travaux d'exhaussement entrepris sur la parcelle cadastrée section [...] , d'autre part l'obligation de remettre les lieux en l'état, la cour d'appel a relevé que le premier, usufruitier de la parcelle, en perçoit les revenus et est bénéficiaire des travaux irréguliers litigieux, tandis que la seconde, est propriétaire de la parcelle, de sorte que les travaux ont été effectués « sous la responsabilité des appelants » ;

Qu'en statuant ainsi quand il résulte de ces énonciations que ni l'un ni l'autre des intéressés n'était l'auteur des travaux litigieux constitutifs du trouble manifestement illicite dénoncé par la commune, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 809 du code de procédure civile.

Second moyen de cassation

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné in solidum la M. S... T... aux droits duquel vient M. H... T..., et la SCI LE PACANIERS à payer à la commune de Fréjus une provision de 3 000 € à valoir sur son préjudice ;

Aux motifs propres que sur la provision : la réalisation de travaux sans autorisation a nécessairement causé un préjudice à la commune de Fréjus par l'obligation où elle s'est trouvée de faire dresser un procès-verbal d'infraction et d'adresser des mises en demeure aux parties concernées ce qui caractérise un préjudice ; l'allocation d'une provision de 3 000 € à valoir sur l'indemnisation de ce préjudice est ainsi justifiée, la créance invoquée par la commune n'étant pas sérieusement contestable ; l'ordonnance dont appel sera également confirmée sur ce point (arrêt, page 4) ;

Et aux motifs, adoptés du premier juge, qu'une provision de 3 000 € sera allouée à la commune de Fréjus à valoir sur le préjudice qu'elle subit du fait des agissements des défendeurs (ordonnance, page 4) ;

1°/ Alors que ne pouvant méconnaître les termes du litige, déterminés par les prétentions respectives des parties, le juge des référés ne saurait, sur le fondement de l'article 809 du code de procédure civile, allouer à une partie une provision en s'emparant d'un fait étranger au débat ;

Qu'en l'espèce, pour solliciter, aux termes de ses conclusions d'appel, le versement d'une provision, la commune a essentiellement fait valoir que le préjudice qu'elle subissait était consécutif au dépôt de gravats en grande quantité, réalisés en violation des règles d'urbanisme, et n'a nullement réclamé l'indemnisation d'un préjudice né de la nécessité de dresser des procès-verbaux d'infraction à l'encontre des exposants ;

Que, dès lors, en relevant, par motifs propres, que la réalisation de travaux sans autorisation a nécessairement causé un préjudice à la commune de Fréjus par l'obligation où elle s'est trouvée de faire dresser des procès-verbaux d'infraction et d'adresser des mises en demeure aux parties concernées, pour en déduire qu'il convient d'allouer, de ce chef, une provision à la commune, la cour d'appel, qui méconnait les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ Alors qu'en se bornant à énoncer, par motifs adoptés du premier juge, qu'une provision de 3 000 € sera allouée à la commune de Fréjus à valoir sur le préjudice qu'elle subit du fait des agissements des défendeurs, sans mieux caractériser ni préciser la teneur du préjudice litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-11207;18-11208
Date de la décision : 04/04/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

URBANISME - Permis de construire - Construction sans permis ou non conforme - Trouble manifestement illicite - Démolition, mise en conformité ou réaffection du sol - Bénéficiaires des travaux - Détermination - Portée

REFERE - Mesures conservatoires ou de remise en état - Trouble manifestement illicite - Applications diverses - Travaux d'exhaussement d'une parcelle incompatible avec son classement

Ayant relevé que les travaux constitutifs d'un trouble manifestement illicite étaient imputables tant au locataire de la parcelle qu'au nu-propriétaire, qui avait consenti en connaissance de cause un bail pour exercer une activité incompatible avec le classement de la parcelle, et à l'usufruitier de cette parcelle, qui en percevait les revenus et était ainsi bénéficiaire des travaux irréguliers réalisés, un cour d'appel a pu les condamner in solidum à cesser les travaux et à remettre les lieux en état


Références :

article L. 480-14 du code de l'urbanisme

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 09 novembre 2017

Sur la condamnation des bénéficiaires de travaux réalisés en violation des règles d'urbanisme à une remise en état, à rapprocher : Crim., 29 octobre 1997, pourvoi n° 96-86093, Bull. crim. 1997, n° 363 (rejet) ;

Crim., 6 novembre 2012, pourvoi n° 12-80841, Bull. crim. 2012, n° 242 (rejet) ;Crim., 8 mars 2016, pourvoi n° 15-82513, Bull. crim. 2016, n° 70 (rejet) ;

Crim., 24 octobre 2017, pourvoi n° 16-87178, Bull. crim. 2017, n° 235 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 04 avr. 2019, pourvoi n°18-11207;18-11208, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, Me Le Prado

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.11207
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award