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13/02/2019 | FRANCE | N°18-11655

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 13 février 2019, 18-11655


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que, le 27 mai 2017, le préfet de police de Paris a pris un arrêté de placement en rétention administrative à l'égard de M. X..., de nationalité algérienne, en situation irrégulière en France ; que, le 29 mai, le juge des libertés et de la détention a été saisi par celui-ci d'une contestation de cette décision et par le préfet d'une demande de prolongation de la mesure ;


Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de stat...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que, le 27 mai 2017, le préfet de police de Paris a pris un arrêté de placement en rétention administrative à l'égard de M. X..., de nationalité algérienne, en situation irrégulière en France ; que, le 29 mai, le juge des libertés et de la détention a été saisi par celui-ci d'une contestation de cette décision et par le préfet d'une demande de prolongation de la mesure ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'ordonnance de prolonger sa rétention alors, selon le moyen, que le juge d'appel saisi sur le fondement de l'article L. 552-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit statuer, à compter de sa saisine, dans les quarante-huit heures, c'est-à-dire rendre sa décision motivée dans ce délai ; que ce délai qui se compte d'heure à heure est impératif à peine de dessaisissement du juge ; qu'en l'espèce il est constant que le procureur a fait appel de l'ordonnance entreprise à 16 heures 24 le 29 mai ; que le juge devait donc statuer avant 16 heures 24 le 31 mai ; qu'en notifiant son ordonnance à 17 heures, la cour d'appel a statué au-delà du délai imparti, excédé ses pouvoirs et violé les articles L. 552-9 et R. 552-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Mais attendu qu'il résulte des mentions de l'ordonnance que le premier président a statué, à 16 heures 05, dans le délai de quarante-huit heures prévu à l'article L. 552-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, peu important que la notification de cette décision à M. X... et à son conseil ait été effectuée après l'expiration de ce délai ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu les articles R. 552-3 et R. 552-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Attendu qu'à peine d'irrecevabilité, la requête du préfet est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, qui sont nécessaires au contrôle de la régularité de la procédure et mises à disposition immédiate de l'avocat de l'étranger ; qu'il ne peut être suppléé à l'absence du dépôt de ces pièces, sauf s'il est justifié de l'impossibilité de les joindre à la requête, par leur seule communication à l'audience ;

Attendu que, pour déclarer la requête du préfet recevable, l'ordonnance relève que la production à l'ouverture des débats devant le juge des libertés et de la détention d'une pièce complémentaire, en l'occurrence le procès-verbal de fin de garde à vue, est régulière dès lors qu'elle a pu être débattue contradictoirement ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le procès-verbal de fin de garde à vue constitue une pièce justificative utile au sens de l'article R. 552-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le premier président a violé les textes susvisés ;

Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le quatrième moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare l'appel recevable, l'ordonnance rendue, entre les parties, le 31 mai 2017, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Rémy-Corlay, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'ordonnance infirmative attaqué d'AVOIR déclaré recevable l'appel du procureur de la République avec demande d'effet suspensif et infirmé l'ordonnance du 29 mai 2017 ;

AUX MOTIFS QUE: « (...) Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'appel du parquet aux motifs que les articles L. 552-9 et L. 552-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'autorisent pas le parquet à faire un appel suspensif à l'encontre des ordonnances prononçant l'irrecevabilité de la requête aux fins de prolongation de la rétention administrative, la cour rappelle qu'en l'espèce le parquet de Paris a fait appel avec demande d'effet suspensif contre l'ordonnance rendue le 29 mai 2017 par le juge des libertés et de la détention de Paris qui s'est prononcé ainsi" -déclarons irrecevable la requête aux fins de prolongation de la rétention administrative -déclarons recevable la requête en contestation de la légalité du placement en rétention -ordonnons la jonction des deux procédures -constatons l'irrégularité de la décision de placement en rétention de l'intéressé -ordonnons en conséquence la mise en liberté de l'intéressé -rappelons à l'intéressé qu'il a obligation de quitter le territoire national -informons l'intéressé qu'il est maintenu à disposition de la justice pendant un délai de six heures à compter de la notification de la présente ordonnance au procureur de la République "; Que les articles visés ouvrent la voie de l'appel contre les ordonnances mentionnées aux sections I et II du présent chapitre sans qu'aucune exclusion ne soit faite et prévoient que dans certaines conditions l'effet suspensif puisse être accordé à l'appel fait par le parquet à l'encontre d'une décision d'effet immédiat c'est-à-dire celles aboutissant à la remise en liberté de l'intéressé ou convertissant la rétention en une assignation à résidence; qu'en l'espèce, le dispositif de l'ordonnance querellée mentionne la remise en liberté de L... X... et prévoit en conséquence, à juste titre, le maintien à disposition de la justice de l'intéressé pendant un délai de 611 à compter de ladite notification et ce conformément à l'article L. 552-6 ; qu'en conséquence, il convient de rejeter ce moyen d'irrecevabilité » ;

ALORS QUE l'appel formé par le Procureur de la République avec demande d'effets suspensifs ne peut être formé dans les six heures qu'à l'encontre d'une ordonnance mettant fin à la rétention ou assignant l'étranger à résidence ; qu'en l'espèce, l'ordonnance entreprise du 29 mai 2017 prononçait uniquement l'irrecevabilité la requête aux fins de prolongation de la rétention administrative ; qu'en disant néanmoins recevable l'appel avec demande d'effets suspensifs du procureur, la Cour d'appel a violé les articles L. 552-6 et L. 552-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'ordonnance infirmative attaqué d'AVOIR déclaré recevable l'appel du procureur de la République, infirmé l'ordonnance du 29 mai 2017, déclaré recevable la requête au fin de prolongation de la rétention administrative, et ordonné la prolongation de la rétention de Monsieur L... X... dans les locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de vingt-huit jours.

EN RETENANT QUE: cette ordonnance était « faite à Paris le 31 mai prononcée à 16.05 et notifiée à 17h ».

ALORS QUE le juge d'appel saisi sur le fondement de l'article L. 552-9 du CESEDA doit statuer doit statuer, à compter de sa saisine, dans les quarante-huit heures, c'est-àdire rendre sa décision motivée dans ce délai ; que ce délai qui se compte d'heure à heure est impératif à peine de dessaisissement du juge ; qu'en l'espèce il est constant que le Procureur a fait appel de l'ordonnance entreprise à 16h24 le 29 mai ; que le juge devait donc statuer avant 16h24 le 31 mai ; qu'en notifiant son ordonnance à 17h, la Cour d'appel a statué au-delà du délai imparti, excédé ses pouvoirs et violé les articles L. 552-9 et R. 552-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'ordonnance infirmative attaqué d'AVOIR infirmé l'ordonnance du 29 mai 2017, déclaré recevable la requête au fin de prolongation de la rétention administrative, et ordonné la prolongation de la rétention de Monsieur L... X... dans les locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de vingt-huit jours.

AUX MOTIFS QUE « Sur les moyens tirés de l'irrecevabilité de la requête en prolongation de la rétention au motif que ne figurent pas toutes les pièces justificatives utiles, en l'espèce le procès-verbal de fin de garde à vue, de l'irrecevabilité de la pièce nouvelle (le procès-verbal de garde à vue) au motif que si elle a été enregistrée aux début des débats l'administration ne justifie pas de l'impossibilité de la joindre à ladite requête, de l'irrégularité du procès-verbal de garde à vue, la cour considère que la requête en date du 28 mai 2017 déposée par le préfet au greffe du juge des libertés et de la détention comportait, au visa de l'article R. 552-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile les pièces justificatives utiles notamment la copie du registre prévu à l'article L. 553-1 et le procès-verbal d'interpellation de l'intéressé ; que la production à l'ouverture des débats devant le juge des libertés et de la détention d'une pièce complémentaire, à savoir le procès-verbal de fin de garde à vue, est régulière dans le mesure où elle a pu être débattue contradictoirement; que ce procès-verbal mentionne l'heure à laquelle l'intéressé a refusé de s'alimenter ainsi que celle à laquelle il s'est alimenté, et qu'ainsi aucune irrégularité n'est encourue; qu'il y a lieu d'infirmer l'ordonnance querellée ».

ALORS QUE à peine d'irrecevabilité, la requête en prolongation de rétention doit être motivée, datée, signée et accompagnée de toutes pièces justificatives utiles ; que constitue une pièce justificative utile le procès-verbal de fin de garde à vue ; qu'en considérant la requête régulière, à défaut même d'être accompagnée du procès-verbal de garde à vue du moment que celui-ci avait été ultérieurement versé et pu être débattu contradictoirement, la cour d'appel a violé les articles L. 552-1 et R. 552-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'ordonnance infirmative attaqué d'AVOIR ordonné la prolongation de la rétention de Monsieur L... X... dans les locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de vingt-huit jours ;

AUX MOTIFS QUE: « (...) Sur le moyen tiré de la contestation relative à l'arrêté de placement en rétention, sur l'incompétence du signataire de l'acte, qu'en l'espèce l'arrêté de placement en rétention pris le 27 mai 2017 à l'encontre de L... X... est signé par Monsieur Q... Y..., contrôleur général; que celui-ci bénéficie d'une délégation de signature donnée par le préfet de Police par arrêté N° -9017- 00303 du 21 avril 2017 publié au recueil des actes administratifs, décision accordant délégation de la signature préfectorale aux membres du cabinet du préfet de police qui assurent le service de permanence; que l'article 1 stipule qu'en cas d'absence ou d'empêchement de monsieur U... E..., préfet, directeur de cabinet, délégation est donnée aux conseillers techniques ou chargés de mission dont les noms suivent à l'effet de signer, au nom du préfet de police, toutes décisions nécessitées par une situation d'urgence lorsqu'ils assurent le service de permanence"; que Monsieur Q... Y... fait partie des neuf personnes ainsi désignées pouvait intervenir dans ce champ d'intervention précisément délimité; qu'il a signé l'arrêté de placement un samedi après-midi, jour où sont assurés dans les services des préfectures des permanences pour les interventions urgentes, ce qui est le cas en matière de rétention ; que bénéficiant d'une délégation de signature lui permettant d'intervenir régulièrement aux lieu et place du préfet pour les permanences et intervenant un jour de permanence, il convient de considérer que monsieur Q... Y... avait compétence de signature le 27 mai 2017, la production d'un document le désignant comme étant de permanence n'étant pas en l'espèce nécessaire, un tel document étant exigé lorsque l'intervention du signataire intervient à un autre moment que celui visé dans la délégation ; qu'il y a lieu d'infirmer l'ordonnance querellée sur ce moyen. » ;

ALORS QUE la décision de placement est prise par l'autorité administrative et il appartient à la préfecture de démontrer que le signataire de la requête ordonnance le placement a reçu délégation de signature ; qu'il était fait valoir par l'exposant qu'il n'était pas démontré que M. Y..., signataire, était de permanence au moment où il a signé l'arrêté litigieux ; qu'en déduisant qu'une telle preuve était établie du seul fait que M. Y... « avait été désigné par arrêté du 21 avril 2017, pour, "en cas d'absence ou d'empêchement de U... E..., préfet, signer toutes décisions nécessitées par une situation d'urgence, lorsqu'il assure le service de permanence" » et qu'il était dès lors de permanence puisque l'arrêté avait été signé un samedi jour non ouvrable, la Cour d'appel a manqué de base légale au regard de l'article L. 551-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-11655
Date de la décision : 13/02/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

ETRANGER - Mesures d'éloignement - Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire - Prolongation de la rétention - Saisine du juge des libertés et de la détention - Requête du préfet - Recevabilité - Conditions - Pièces justificatives utiles - Définition - Procès-verbal de fin de garde à vue - Production - Défaut - Portée

ETRANGER - Mesures d'éloignement - Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire - Prolongation de la rétention - Saisine du juge des libertés et de la détention - Requête du préfet - Recevabilité - Conditions - Pièces justificatives utiles - Impossibilité de les joindre - Communication des pièces à l'audience - Portée

L'irrecevabilité de la requête du préfet résultant de l'absence du procès-verbal de fin de garde à vue, qui constitue une pièce justificative utile au sens de l'article R. 552-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut être couverte par la communication de cette pièce à l'audience, sauf s'il est justifié de l'impossibilité de la joindre à la requête


Références :

Sur le numéro 1 : articles L. 552-9 et R. 552-15 et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur le numéro 2 : articles R. 552-3 et R. 552-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 31 mai 2017

N2 Sur la définition des pièces justificatives utiles à joindre, à peine d'irrecevabilité, à la requête du préfet aux fins de prolongation de la mesure de placement en rétention d'un étranger, à rapprocher : 2e Civ., 17 juin 1998, pourvoi n° 97-50022, Bull. 1998, II, n° 197 (rejet)

arrêt cité ;

1re Civ., 14 mars 2018, pourvoi n° 17-17328, Bull. 2018, I, n° 46 (cassation partielle sans renvoi). Sur l'irrecevabilité de la requête résultant du défaut de jonction d'une pièce justificative utile, non couverte par la communication de cette pièce à l'audience, sauf justification de l'impossibilité de la joindre à ladite requête, à rapprocher : 1re Civ., 9 mars 2011, pourvoi n° 09-71232, Bull. 2011, I, n° 51 (cassation sans renvoi)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 13 fév. 2019, pourvoi n°18-11655, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : Me Rémy-Corlay, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.11655
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