LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que M. X..., de nationalité algérienne, en situation irrégulière en France, a fait l'objet le 24 septembre 2009 d'un arrêté de reconduite à la frontière et d'une décision de placement en rétention ; qu'un juge des libertés et de la rétention a refusé de prolonger la rétention de l'intéressé et ordonné qu'il soit remis en liberté ; que par ordonnance du 28 septembre 2009, le premier président de la cour d'appel de Paris a infirmé l'ordonnance entreprise et ordonné la prolongation de la rétention pour une durée de quinze jours à compter du 26 septembre 2009 à 14 heures 10 ;
Sur le deuxième moyen :
Vu les articles R. 552-3 et R. 552-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que la requête et les pièces justificatives utiles qui y sont jointes à peine d'irrecevabilité, sont dès leur arrivée au greffe mises à la disposition de l'avocat de l'étranger ;
Attendu que pour rejeter l'exception de nullité soulevée par le conseil de M. X... et dire que le principe du contradictoire a été respecté, l'ordonnance attaquée retient que la procédure devant le juge des libertés et de la rétention est une procédure orale, que les pièces complémentaires ont été déposées dans les 48 heures de la requête, que le conseil de M. X... ayant déposé des conclusions soulevant trois moyens de nullité, il n'est pas démontré qu'il n'aurait pas eu accès à la procédure avant son évocation ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il avait constaté que la requête avait été déposée le 25 septembre 2009 à 10 heures 30, et que des pièces complémentaires n'avaient été communiquées que le lendemain à l'audience, sans que fût justifiée l'impossibilité de les joindre à la requête, le premier président a violé les textes susvisés ;
Vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Et attendu que les délais légaux de rétention étant expirés, il ne reste plus rien à juger ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les premier et troisième moyens :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 28 septembre 2009, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le préfet du Val-de-Marne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
sur la méconnaissance du juge de l'étendue de son pouvoirLe moyen fait grief à l'ordonnance infirmative attaquée d'AVOIR ordonné la prolongation de la rétention de Monsieur X... dans les locaux du centre de rétention administrative ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de quinze jours ;
AUX MOTIFS QUE le préfet du VAL DE MARNE, a interjeté appel de la décision du 26 septembre 2009 rendue par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de Grande Instance d'Evry (lire Créteil) aux fins d'obtenir l'infirmation de l'ordonnance critiquée aux motifs d'une part que le principe du contradictoire a été respecté et, d'autre part que la confidentialité a été respectée puisqu'il existe une pièce attenante à la salle d'audience permettant cette confidentialité ; qu'à l'audience de ce jour Monsieur X... reprend le bénéfice de ces précédentes écritures à savoir que l'arrêté préfectorale de reconduite à la frontière, son placement en rétention et les droits y afférents lui ont été notifiés avant qu'il ne soit mis fin à sa garde à vue, il a été maintenue sous le double statut ; que sur le principe du contradictoire, la procédure en matière devant le Juge des Libertés et de la Détention est une procédure orale qui suit les principes posés et suivent les dispositions des articles 827 et suivant de Code de procédure pénale ; qu'il convient de relever que la requête préfectorale a été déposée le 25 septembre 2009 à 10 h 30 ; que l'audience s'est tenue le 26 septembre 2009 à 10 h 10 ; que des pièces complémentaires ont été versées contradictoirement à l'audience soit dans le délai de 48 heures de la requête ; que dès lors le conseil de Monsieur X... a déposé des conclusions en soulevant trois moyens de nullité, il n'est pas démontré que ce conseil n'aurait pas eu accès à la procédure avant son évocation ; que le principe du contradictoire a été respecté ; que sur la confidentialité, il est fait grief au tribunal de Créteil de ne pas disposer d'un local permettant aux avocats de s'entretenir avec leur client en toute confidentialité ; qu'il résulte d'une décision rendu par le Juge des Libertés et de la Détention de Créteil le 22 mai 2009 qu'une pièce attenante à la salle d'audience est réservée à cette effet : que ce moyen ne peut prospérer ; que sur le double statut, l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, a été notifié à Monsieur X... le 24 septembre 2009 à 14 h 10 ; que son placement en rétention lui a été notifié à 14 h 20 ; que ses droits en rétention lui ont été notifiés à 14 h 30 ; qu'il est arrivé au local de rétention administrative de Choisy le Roi à 14 h 45 ; que le procès-verbal de fin de garde à vue a été délivré à 14 h 15 ; que l'ensemble de ces actes ayant été notifié dans le même trait de temps et sans départir, la procédure est régulière ;
ALORS QUE le Premier Président de la Cour d'appel a le pouvoir juridictionnel d'ordonner la prolongation d'une rétention administrative en cours ; qu'en l'espèce, le Juge des Libertés et de la Détention a ordonné la remise en liberté de l'intéressé et l'appel formé par le Préfet était dépourvu d'effet suspensif ; qu'en ordonnant la prolongation d'une rétention administrative qui avait cessé, le Premier Président de la Cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs en violation des articles L 552-1, L 552-6, L 552-9 et L 552-10 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire) sur le principe du contradictoireLe moyen fait grief à l'ordonnance infirmative attaquée d'AVOIR ordonné la prolongation de la rétention de Monsieur X... dans les locaux du centre de rétention administrative ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de quinze jours ;
AUX MOTIFS QUE le préfet du VAL DE MARNE, a interjeté appel de la décision du 26 septembre 2009 rendue par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de Grande Instance d'Evry (lire Créteil) aux fins d'obtenir l'infirmation de l'ordonnance critiquée aux motifs d'une part que le principe du contradictoire a été respecté et, d'autre part que la confidentialité a été respectée puisqu'il existe une pièce attenante à la salle d'audience permettant cette confidentialité ; qu'à l'audience de ce jour Monsieur X... reprend le bénéfice de ces précédentes écritures à savoir que l'arrêté préfectorale de reconduite à la frontière, son placement en rétention et les droits y afférents lui ont été notifiés avant qu'il ne soit mis fin à sa garde à vue, il a été maintenue sous le double statut ; que sur le principe du contradictoire, la procédure en matière devant le Juge des Libertés et de la Détention est une procédure orale qui suit les principes posés et suivent les dispositions des articles 827 et suivant de Code de procédure pénale ; qu'il convient de relever que la requête préfectorale a été déposée le 25 septembre 2009 à 10 h 30 ; que l'audience s'est tenue le 26 septembre 2009 à 10 h 10 ; que des pièces complémentaires ont été versées contradictoirement à l'audience soit dans le délai de 48 heures de la requête ; que dès lors le conseil de Monsieur X... a déposé des conclusions en soulevant trois moyens de nullité, il n'est pas démontré que ce conseil n'aurait pas eu accès à la procédure avant son évocation ; que le principe du contradictoire a été respecté ;
ALORS QU'à peine d'irrecevabilité, la requête de l'autorité administrative en prolongation de la rétention de l'étranger est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles sur lesquelles le greffier est tenu d'apposer un timbre indiquant la date et l'heure de la réception ; que la requête et les pièces qui y sont jointes sont, dès leur arrivée au greffe, mises à la disposition de l'avocat de l'étranger ; qu'en l'espèce, en décidant que le principe du contradictoire avait été respecté au seul motif que des pièces complémentaires avaient été versées contradictoirement à l'audience dans le délai de 48 heures de la requête alors qu'elles auraient dû être annexées à la requête et être mises à la disposition de l'avocat de l'étranger immédiatement, le Premier Président de la Cour d'appel a violé l'article R 552-3 et R 552-7 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et les articles 15 et 16 du Code de procédure civile ;
ET ALORS QUE la remise de pièces seulement à l'audience au conseil de l'étranger de pièces détenues par le Préfet ne permet pas l'exercice effectif des droits de la défense ; qu'en disant suffisante cette communication sans constater l'impossibilité pour le Préfet de produire les pièces en temps utile, ni leur détention tardive par ledit Préfet, l'ordonnance attaquée a encore violé lesdites dispositions ensemble l'article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire) sur la confidentialitéLe moyen fait grief à l'ordonnance infirmative attaquée d'AVOIR ordonné la prolongation de la rétention de Monsieur X... dans les locaux du centre de rétention administrative ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de quinze jours ;
AUX MOTIFS QUE le préfet du VAL DE MARNE, a interjeté appel de la décision du 26 septembre 2009 rendue par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de Grande Instance d'Evry (lire Créteil) aux fins d'obtenir l'infirmation de l'ordonnance critiquée aux motifs d'une part que le principe du contradictoire a été respecté et, d'autre part que la confidentialité a été respectée puisqu'il existe une pièce attenante à la salle d'audience permettant cette confidentialité ; qu'à l'audience de ce jour Monsieur X... reprend le bénéfice de ces précédentes écritures à savoir que l'arrêté préfectorale de reconduite à la frontière, son placement en rétention et les droits y afférents lui ont été notifiés avant qu'il ne soit mis fin à sa garde à vue, il a été maintenue sous le double statut ; (…) que sur la confidentialité, il est fait grief au tribunal de Créteil de ne pas disposer d'un local permettant aux avocats de s'entretenir avec leur client en toute confidentialité ; qu'il résulte d'une décision rendu par le Juge des Libertés et de la Détention de Créteil le 22 mai 2009 qu'une pièce attenante à la salle d'audience est réservée à cette effet ; que ce moyen ne peut prospérer ;
ALORS QUE l'exercice effectif des droits de la défense exige que la personne retenue et son conseil puissent en toute circonstance bénéficier de l'aménagement d'un espace permettant un entretien confidentiel ; qu'il était soutenu que le local mis à la disposition à cette fin, attenant à la salle d'audience du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de Grande Instance de CRETEIL, ne permettait pas à la personne retenue et à son conseil de s'entretenir confidentiellement ; qu'il était invoqué que ledit juge avait constaté sur place et consigné dans un procès-verbal de transport annexé à son ordonnance que l'aménagement du local et l'organisation relative aux entretiens entre les personnes retenues et leur conseil ne permettaient pas de garantir la confidentialité des échanges ; qu'en relevant seulement l'existence d'une pièce attenante à la salle d'audience, réservée aux entretiens sans constater qu'elle assurait la confidentialité, le Premier Président de la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L 551-2 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
ALORS aussi QU'en ne s'expliquant pas sur les constatations faites par le procès-verbal par le Juge des Libertés et de la Détention d'où il résultait qu'à la date à laquelle il a statué, un tel local n'existait pas, le Premier Président de la Cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard desdites dispositions ;
ET ALORS en tout cas QUE toute décision de justice doit se suffire à elle-même ; qu'en se fondant sur des constatations opérées par une décision du 22 mai 2009 dans une autre procédure antérieure de six mois sans constater que, à la date où le Juge des Libertés et de la Détention à statuer, les circonstances constatées dans cette procédure étaient inchangées, le Premier Président de la Cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées.