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31/10/2017 | FRANCE | N°16-83683

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 31 octobre 2017, 16-83683


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

-
Le procureur général près la cour d'appel de REIMS,

contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 19 avril 2016, qui a renvoyé la Société pétrolière de production et d'exploitation des fins de la poursuite du chef d'homicide involontaire ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 septembre 2017 où étaient présents : M. Soulard, président, M. Talabardon, conseiller rapporteur, M. Straehli, Mme Durin-

Karsenty, MM. Cathala, Larmanjat, Ricard, Parlos, Bonnal, Mme Ménotti, conseillers de la...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

-
Le procureur général près la cour d'appel de REIMS,

contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 19 avril 2016, qui a renvoyé la Société pétrolière de production et d'exploitation des fins de la poursuite du chef d'homicide involontaire ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 septembre 2017 où étaient présents : M. Soulard, président, M. Talabardon, conseiller rapporteur, M. Straehli, Mme Durin-Karsenty, MM. Cathala, Larmanjat, Ricard, Parlos, Bonnal, Mme Ménotti, conseillers de la chambre, MM. Barbier, Ascensi, Mme de-Lamarzelle, conseillers référendaires ;

Avocat général : Mme Le Dimna ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire TALABARDON, les observations de la société civile professionnelle BORÉ, SALVE DE BRUNETON et MÉGRET, avocat en la Cour et les conclusions de Mme l'avocat général LE DIMNA ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-1 à 121-3 du code pénal et L. 225-251 du code de commerce ;

Vu les articles 121-2 et 121-3 du code pénal, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que, d'une part, selon le premier de ces textes, les personnes morales, à l'exception de l'Etat, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ;

Qu'il s'en déduit que, lorsqu'ils constatent la matérialité d'une infraction non intentionnelle susceptible d'être imputée à une personne morale, il appartient aux juges d'identifier, au besoin en ordonnant un supplément d'information, celui des organes ou représentants de cette personne dont la faute, commise dans les conditions prévues au deuxième ou au troisième alinéa de l'article 121-3 du code pénal, est à l'origine du dommage ;

Qu'il en va ainsi du représentant légal qui omet de veiller lui-même à la stricte et constante mise en oeuvre des dispositions édictées par le code du travail et les règlements pris pour son application en vue d'assurer la sécurité des travailleurs, à moins que ne soit apportée la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à un préposé investi par lui et pourvu de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires au respect des dispositions en vigueur ;

Attendu que, d'autre part, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du rapport de l'inspection du travail et des autres pièces de procédure que Didier X..., salarié de la Société pétrolière de production et d'exploitation (SPPE) en qualité d'agent de maintenance, a été mortellement blessé par suite de l'explosion d'une pompe d'extraction de pétrole qu'il tentait de remettre en marche ; que l'enquête sur les causes de l'accident a établi que, lors de la remise en fonctionnement de l'appareil, un phénomène de rotation inverse, dit "back spin", s'est produit à une vitesse élevée, provoquant une désintégration de la couronne fixée au sommet du moteur et l'implosion du carter de protection, dont des fragments ont atteint violemment l'intéressé au front ; que, selon les conclusions d'une expertise ordonnée par le procureur de la République, le système de freinage, qui aurait dû limiter la vitesse de cette rotation, n'a pas fonctionné correctement du fait d'un défaut de lubrification, imputable à une information insuffisante des opérateurs sur les règles de maintenance de l'équipement en cause ; qu'au terme de l'information ouverte sur les faits, la SPPE a été renvoyée devant le tribunal correctionnel du chef d'homicide involontaire ; que les juges du premier degré l'ont déclarée coupable des faits ; que la prévenue et le ministère public ont relevé appel de la décision ;

Attendu que, pour infirmer le jugement et renvoyer la SPPE des fins de la poursuite, l'arrêt, après avoir relevé que le dysfonctionnement du système de freinage destiné à ralentir la rotation inverse de la pompe résultait d'un défaut de maintenance ancien et habituel et qu'ainsi la faute à l'origine de l'accident était établie, retient que celle-ci n'était pas le fait d'un organe ou d'un représentant de la société, motif pris, notamment, de ce que le dirigeant de cette dernière, qui n'avait consenti aucune délégation de ses pouvoirs en matière d'hygiène et de sécurité, n'avait pour autant commis personnellement aucune faute en relation causale avec l'accident, puisqu'il travaillait au siège social et n'intervenait pas sur le site pétrolifère ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, par des considérations pour partie inopérantes, alors qu'il lui appartenait de rechercher si les carences qu'elle a relevées dans la conception et l'organisation des règles de maintenance de l'équipement de travail, sur lequel s'est produit l'accident, ne procédaient pas, en l'absence de délégation de pouvoirs en matière de sécurité, d'une faute d'un organe de la société, et notamment de la violation des prescriptions des articles R. 4322-1 et R. 4323-1 du code du travail s'imposant à l'employeur, qu'avait mentionnée l'inspection du travail, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés et du principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Qu'en application de l'article 612-1 du code de procédure pénale, et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, elle aura effet à l'égard des consorts X..., parties civiles, qui ne se sont pas pourvus ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Reims, en date du 19 avril 2016, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Reims et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente et un octobre deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-83683
Date de la décision : 31/10/2017
Sens de l'arrêt : Cassation et désignation de juridiction
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Hygiène et sécurité des travailleurs - Responsabilité pénale - Chef d'entreprise - Homicide et blessures involontaires - Obligation générale de sécurité - Accomplissement des diligences normales - Recherche nécessaire

HOMICIDE ET BLESSURES INVOLONTAIRES - Responsabilité pénale - Chef d'entreprise - Obligation générale de sécurité - Accomplissement des diligences normales - Recherche nécessaire

Ne justifie pas sa décision au regard de ces textes et principe la cour d'appel qui, pour relaxer une société prévenue d'homicide involontaire dans le cadre du travail, retient que le manquement à l'origine de l'accident, consistant en un défaut de maintenance ancien et habituel de l'équipement de travail sur lequel s'est produit le dommage, ne peut être imputé à un organe ou un représentant de la personne morale, au motif, notamment, que son dirigeant, qui n'avait pas délégué ses pouvoirs en matière d'hygiène et de sécurité, n'intervenait pas personnellement sur les lieux, sans rechercher si la faute relevée ne procédait pas d'une carence de cet organe dans sa mission de veiller au respect de prescriptions applicables en matière de sécurité


Références :

Sur le numéro 1 : articles 121-2 et 121-3 du code pénal
Sur le numéro 2 : article 121-3 du code pénal

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 19 avril 2016

n° 1 :Sur la nécessité de rechercher si l'infraction a été commise pour le compte de la personne morale par l'un de ses organes ou représentants, au besoin par un supplément d'information, à rapprocher :Crim., 27 septembre 2016, pourvoi n° 15-85248, Bull. crim. 2016, n° 251 (cassation partielle)

arrêt citéSur la nécessité d'identifier l'organe ou le représentant qui a commis la faute à l'origine du dommage, évolution par rapport à :Crim., 2 octobre 2012, pourvoi n° 11-85032, Bull. crim. 2012, n° 206 (2) (rejet)

arrêt citén° 2 :Sur la caractérisation de la faute du chef d'entreprise fondée sur la carence de cet organe dans sa mission de veiller au respect de prescriptions applicables en matière de sécurité, dans le même sens que :Crim., 19 novembre 1996, pourvoi n° 95-85945, Bull. crim. 1996, n° 413 (cassation partielle)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 31 oct. 2017, pourvoi n°16-83683, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Soulard
Avocat général : Mme Le Dimna
Rapporteur ?: M. Talabardon
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.83683
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