LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° V 15-86.351 FS-P+B
N° 811
FAR
19 AVRIL 2017
CASSATION PARTIELLE
M. GUÉRIN président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par La société Areas assurances, contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 7e chambre, en date du 9 octobre 2015, qui, dans la procédure suivie contre M. [T] [O] du chef notamment d'homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 7 mars 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Guého, conseiller rapporteur, M. Pers, Mme Dreifuss-Netter, M. Fossier, Mmes Schneider, Ingall-Montagnier, Farrenq-Nési, MM. Bellenger, Lavielle, conseillers de la chambre ;
Avocat général : M. Lemoine ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GUÉHO, les observations de Me LE PRADO, de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE DE BRUNETON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LEMOINE ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur la recevabilité du pourvoi :
Attendu que, contrairement à ce que soutient la défenderesse, le fait que le moyen ne critique qu'une partie des dispositions attaquées par le pourvoi n'a pas d'incidence sur sa recevabilité ;
Que le pourvoi est par conséquent recevable ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 1382 du code civil, 31 de la loi du 5 juillet 1985, 591 et 593 du code de procédure pénale :
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. [O] à payer à Mme [U] [F] une somme totale de 34 159,20 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du déficit fonctionnel temporaire partiel, des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent et du préjudice sexuel ;
"aux motifs que sur les pertes de gains professionnels avant et après consolidation ; que les seuls justificatifs produits par Mme [F] consistent en une attestation de son employeur sur les pertes relatives au 13e mois et aux congés payés, et en divers décomptes d'indemnités journalières ; que ceci est insuffisant pour établir la réalité et l'ampleur des pertes de revenus, et qu'il convient d'inviter Mme [F] à produire ses avis d'imposition des années 2009 à 2014 inclus, les débats étant réouverts à cette fin ; que, sur le déficit fonctionnel temporaire, que l'expert conclut à l'existence d'un déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % pendant un an, puis de 10 % jusqu'à la consolidation acquise le 3 mars 2012 ; que sur une base de 24,00 euros par jour pour un déficit fonctionnel temporaire total, il convient d'accorder à Mme [F] :
- déficit fonctionnel temporaire partiel 25 % pendant 365 jours 2 190,00 euros,
- déficit fonctionnel temporaire partiel 10 % pendant 504 jours 1 209,60 euros, soit une somme totale de 3 399,60 euros ; que sur les souffrances endurées, qu'il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime du jour de l'accident à la date de consolidation ; que l'expert a évalué le préjudice de souffrances à trois sur une échelle de sept degrés ; que dans cet état, la somme de 6 000,00 euros paraît de nature à procurer une réparation satisfaisante ; que sur le déficit fonctionnel permanent, qu'il s'agit du préjudice résultant de la réduction définitive du potentiel physique, psycho-sensoriel, ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l'atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours ; que l'expert considère qu'après consolidation, il subsiste un déficit physiologique au taux de 8 %, compte tenu de troubles dysthymiques modérés ; qu'en cet état, et compte tenu de l'âge de la victime (52 ans révolus à la date de la consolidation), il convient de fixer la valeur du point à 1 420,00 euros et d'accorder la somme de 14 759,60 euros ; que sur le préjudice sexuel, que l'expert a noté un préjudice sexuel portant sur la libido et l'acte sexuel proprement dit, soit des troubles du désir et du plaisir, qu'en cet état, et pour tenir compte de l'âge de Mme [F], une somme de 10 000,00 euros parait de nature à apporter une indemnisation satisfaisante ;
"1°) alors que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce, poste par poste, sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge ; que les prestations versées par la sécurité sociale doivent donc être déduites poste par poste des indemnités auxquelles le responsable est tenu envers la victime pour réparer les atteintes à son intégrité physique ; que le tiers payeur, au titre du capital représentatif de la rente invalidité servie à la victime, exerce ainsi d'abord son recours sur le poste de la perte de gains professionnels actuels, puis sur celui de la perte de gains professionnels futurs et enfin sur le déficit fonctionnel permanent ; et que, le préjudice doit être réparé sans perte ni profit pour aucune des parties ; qu'en déboutant la société Areas dommages de sa demande de sursis à statuer sur le préjudice subi par Mme [F] au titre au titre du déficit fonctionnel permanent pour condamner le prévenu à verser à ce titre une somme de 14 759,60 euros, après avoir pourtant constaté, pour surseoir à statuer sur l'évaluation de la perte de gains professionnels actuels et futurs, que Mme [F] devait produire ses relevés d'imposition dès lors qu'elle n'avait produits que des décompte de versement d'indemnités journalières, ce dont il résultait que la CPAM des Bouches du Rhône avait versé des sommes pouvant être déduites de ce poste de préjudice, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les textes susvisés ;
"2°) alors que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce, poste par poste, sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge ; que les prestations versées par la sécurité sociale doivent donc être déduites poste par poste des indemnités auxquelles le responsable est tenu envers la victime pour réparer les atteintes à son intégrité physique ; que le tiers payeur, au titre du capital représentatif de la rente invalidité servie à la victime, exerce ainsi d'abord son recours sur le poste de la perte de gains professionnels actuels, puis sur celui de la perte de gains professionnels futurs et enfin sur le déficit fonctionnel permanent ; et que, le préjudice doit être réparé sans perte ni profit pour aucune des parties ; qu'en condamnant toutefois la société Areas dommages à verser à Mme [F] une somme de 14 759,60 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, sans rechercher, comme l'y invitait pourtant la société Aréas dommages, si Mme [F] n'avait pas perçu à ce titre des indemnités journalières et une rente invalidité versées par la cpam des Bouches-du-Rhône, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés" ;
Vu les articles 1382, devenu 1240, du code civil et 31 de la loi du 5 juillet 1985, ensemble l'article 29 de ladite loi ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que, d'une part, le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé, dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties, d'autre part, pour la détermination de l'indemnité complémentaire revenant à la victime en réparation de son préjudice soumis à recours, doivent être prises en compte toutes les prestations versées par les tiers payeurs subrogés, même si ces derniers n'exercent pas leur recours ou le limitent à une somme inférieure ;
Attendu que, statuant sur les conséquences dommageables d'un accident de la circulation dont [G] [F] a été victime et dont M. [T] [O], reconnu coupable d'homicide involontaire, a été déclaré tenu à réparation intégrale, l'arrêt attaqué sursoit à statuer sur les demandes de Mme [U] [F] relatives aux pertes de gains professionnels actuels et futurs en l'invitant à produire ses avis d'imposition et condamne M. [O] à lui verser une certaine somme au titre notamment du déficit fonctionnel permanent ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans se faire communiquer par la caisse primaire d'assurances maladie, appelée en déclaration de jugement commun, un état de ses débours afin de vérifier notamment, ainsi qu'elle y était invitée par l'assureur du prévenu, si la caisse n'avait pas servi à Mme [F] une rente d'invalidité devant s'imputer sur les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et, en cas de reliquat, sur le déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 9 octobre 2015, mais en ses seules dispositions relatives au déficit fonctionnel permanent, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registre du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-neuf avril deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.