LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
-
X... Yannick, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11e chambre, en date du 27 novembre 2007, qui, dans la procédure suivie contre Sofiane Y... et Ahmed Z..., notamment du chef de violences aggravées, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1er et 3 de l'ordonnance du 7 janvier 1959, de l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985 dans sa rédaction issue de l'article 25 IV de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, de l'article 1382 du code civil, des articles 2, 421 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'intervention de l'agent judiciaire du Trésor et a confirmé le jugement entrepris ayant déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Yannick X... du chef de son préjudice physique ayant donné lieu à versement de prestations par l'agent judiciaire du Trésor et lui ayant accordé une indemnité de 300 euros au titre de son préjudice moral ;
"aux motifs que Yannick X... demande la condamnation des prévenus à lui payer une provision de 1 000 euros et l'organisation d'une expertise médicale ; que l'agent judiciaire du Trésor intervient volontairement pour la première fois en appel et développe des conclusions tendant à ordonner une mesure d'instruction à l'effet d'évaluer le préjudice de Yannick X... et à surseoir à statuer sur la créance de l'Etat ; qu'aux termes des dispositions d'ordre public de l'article 3 de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 (modifié par la loi du 5 juillet 1985), lorsque la victime engage une action contre le tiers responsable, il doit appeler en déclaration de jugement commun la personne publique intéressée qui lui a versé des prestations ouvrant droit à recours subrogatoire ; que si l'Etat, dont l'agent est victime de l'infraction commise par le tiers responsable, tire de cette ordonnance le droit d'intervenir devant la juridiction répressive, la règle d'ordre public du double degré de juridiction s'oppose à ce que cette intervention se produise pour la première fois en cause d'appel ; qu'il est constant qu'en l'espèce, l'agent judiciaire du Trésor intervient volontairement pour la première fois en cause d'appel aux fins de réclamer le remboursement de ses prestations, en sorte qu'il y a lieu de le déclarer irrecevable en son intervention devant la cour d'appel ; que si la cour peut statuer sur la réparation du préjudice de caractère personnel souffert par Yannick X..., il lui appartient, faute de mise en cause régulière de l'agent judiciaire du Trésor, de déclarer irrecevable la demande de la partie civile tendant à l'évaluation et à l'indemnisation du préjudice lié à son intégrité physique et de la renvoyer à se pourvoir de ce chef devant la juridiction civile ;
"alors, d'une part, que les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge ; que si l'Etat, sur le fondement des articles 1er et 3 de l'ordonnance du 7 janvier 1959, n'intervient qu'à hauteur d'appel, la cour doit réserver sa créance à faire valoir devant le juge judiciaire, tout en prononçant sur le complément d'indemnité due à la victime au titre de son préjudice physique ;qu'en première instance, Yannick X... avait demandé à l'agent judiciaire du Trésor d'intervenir dans l'action civile dirigée contre Sofiane Y... et Ahmed Z... en même temps que l'action publique dont ils faisaient l'objet ; que l'agent judiciaire du Trésor n'est intervenu que devant la cour d'appel qui a déclaré son intervention irrecevable, refusant de statuer sur le complément du préjudice physique de Yannick X..., violant ainsi les textes précités ;
"alors, d'autre part, et subsidiairement que l'agent judiciaire du Trésor avait été invité par le conseil de Yannick X... à intervenir à l'audience des premiers juges du 13 juin 2007, et ce par lettre télécopiée le 25 mai 2007, devant être assimilée à une intervention forcée ; qu'en considérant que l'agent judiciaire du Trésor était intervenu pour la première fois en cause d'appel, la cour a violé les textes précités" ;
Vu les articles 1er et 3 de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959, ensemble l'article 42 de la loi du 5 juillet 1985 et l'article 15 du décret 86-15 du 6 janvier 1986 ;
Attendu qu'en application du dernier de ces textes, les personnes mentionnées aux articles 39 à 42 de la loi du 5 juillet 1985, qui versent ou sont tenues de verser des prestations au titre d'un régime obligatoire de sécurité sociale à la victime ou à ses ayants droit, doivent, lorsqu'elles ne sont pas présentes aux débats, indiquer au président de la juridiction saisie le décompte des prestations versées à la victime et celles qu'elle envisagent de lui servir ;
Attendu que, pour limiter la réparation du préjudice de la partie civile, la cour d'appel retient que, si elle peut statuer sur la réparation du préjudice de caractère personnel souffert par Yannick X..., elle se trouve dans la nécessité, par suite de l'irrégularité de l'intervention de l'agent judiciaire du Trésor, de déclarer irrecevable la demande de la victime en ce qu'elle tend à l'évaluation et à l'indemnisation du préjudice lié à son intégrité physique et de la renvoyer à se pourvoir de ce chef devant la juridiction civile ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que le président de la juridiction saisie était en droit, pour procéder à la liquidation, d'exiger de l'agent judiciaire du trésor la communication du décompte des prestations versées à la victime, la cour d'appel, à qui il appartenait, en tant que de besoin, de surseoir à statuer en application de l'article 4 de l'ordonnance du 7 janvier 1959, a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions concernant Yannick X..., l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 27 novembre 2007, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Farge conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Le Corroller conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;