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29/03/2017 | FRANCE | N°17-80642

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 mars 2017, 17-80642


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° F 17-80.642 F-P+B

N° 1052

FAR
29 MARS 2017

CASSATION

M. GUÉRIN président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf mars deux mille dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller DRAI, les observations de la so

ciété civile professionnelle NICOLAŸ, DE LANOUVELLE et HANNOTIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat gé...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° F 17-80.642 F-P+B

N° 1052

FAR
29 MARS 2017

CASSATION

M. GUÉRIN président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf mars deux mille dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller DRAI, les observations de la société civile professionnelle NICOLAŸ, DE LANOUVELLE et HANNOTIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;

CASSATION et désignation de juridiction sur le pourvoi formé par M. [L] [A], contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, en date du 13 décembre 2016, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de meurtre et tentative de meurtre, a rejeté sa demande de mise en liberté ;

Vu le mémoire produit et les observations complémentaires ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire et 593 du code de procédure pénale :

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande directe de mise en liberté présentée par M. [A], à l'époque en détention provisoire depuis quarante-deux mois ;

"aux motifs que :
1) la durée de vingt-trois mois de l'information n'est pas déraisonnable au regard de la multiplicité des auditions rendues indispensables par les pressions exercées sur certains témoins et les concertations orchestrées entre auteurs et témoins, et au regard des dénégations du mis en cause nécessitant des auditions de tiers,
2) les autorités compétentes ont apporté une diligence particulière à la poursuite de la procédure suivie contre M. [A] placé sous mandat de dépôt le 6 juin 2013, renvoyé devant la cour d'assises de première instance par ordonnance du mai 2015, des efforts ayant été fait pour permettre l'audiencement un an après l'arrêt de renvoi, en mai 2016,
3) les autorités judiciaires de la cour d'appel de Montpellier ont tenté de remédier à l'engorgement du rôle des cours d'assises du ressort en mettant en oeuvre une commission d'audiencement siège/parquet avec une élaboration de critères de priorité de passage ainsi qu'en augmentant le nombre et la durée des sessions d'assises,
4) que ces contraintes s'exercent dans un contexte de pénurie de magistrats et de fonctionnaires alors même qu'il a été sollicité auprès de la direction des services judiciaires, en fin d'année 2015, une augmentation des effectifs pour permettre la désignation d'un quatrième président d'assises et un accompagnement correspondant de magistrats et fonctionnaires afin d'augmenter la capacité de jugement de la juridiction ; que les instances judiciaires locales ont donc tout mis en oeuvre pour limiter les durées de détention provisoire des accusés en attente de jugement ;

"1°) alors que la durée de la détention provisoire ne doit pas excéder le délai raisonnable imposé par l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ; que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. [A], placé en détention provisoire le 6 juin 2013, a été renvoyé devant la cour d'assises de première instance par ordonnance du 5 mai 2015 ; que, par arrêt du 20 mai 2016, il a été condamné à la peine de huit ans d'emprisonnement et a été maintenu en détention ; que l'accusé et le procureur général ont relevé appel de cet arrêt ; que, le 23 novembre 2016 l'accusé a formulé une demande de mise en liberté ; que, pour rejeter cette demande et écarter l'argumentation de M. [A] selon laquelle sa détention provisoire excédait le délai raisonnable imparti par l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, l'arrêt a statué par les motifs 1), 2), 3) et 4) ci-dessus résumés ; mais qu'en l'état de ces énonciations, insuffisantes pour justifier la durée de l'instruction et du délai écoulé entre la fin de celle-ci et l'audience de la cour d'assises de première instance, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé les diligences particulières ou les circonstances insurmontables qui auraient pu expliquer, au regard des exigences conventionnelles la durée de la détention provisoire de M. [A], n'a pas justifié sa décision et violé les textes susvisés ;

"2°) alors que la durée de la détention provisoire ne doit pas excéder le délai raisonnable imposé par l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ; que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. [A], placé en détention provisoire le 6 juin 2013, a été renvoyé devant la cour d'assises de première instance par ordonnance du 5 mai 2015 ; que, par arrêt du 20 mai 2016, il a été condamné à la peine de huit ans d'emprisonnement et a été maintenu en détention ; que l'accusé et le procureur général ont relevé appel de cet arrêt ; que, le 23 novembre 2016 l'accusé a formulé une demande de mise en liberté ; que, pour rejeter cette demande et écarter l'argumentation de M. [A] selon laquelle sa détention provisoire excédait le délai raisonnable imparti par l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, l'arrêt a statué par les motifs 3) et 4) ci-dessus résumés ; mais qu'en l'état de ces énonciations, insuffisantes pour justifier le délai de comparution devant les juges du second degré, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé les diligences particulières ou les circonstances insurmontables qui auraient pu expliquer, au regard des exigences conventionnelles la durée de la détention provisoire de M. [A], n'a pas justifié sa décision et violé les textes susvisés ;

"3°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; qu'en s'abstenant de répondre aux chefs d'articulations essentielles contenus dans le mémoire de le demandeur faisant valoir :
1) que sur les soixante-dix-neuf mois correspondant à sa condamnation (déduction faite des crédits de peine) sans déduction des remises de peines supplémentaires attachées aux années exécutées (soit ici un potentiel de dix mois) il avait aurait d'ores et déjà exécutés a minima cinquante et un mois le 6 septembre 2017, et,
2) qu'étant mineur au moment des faits, il pourrait d'ores et déjà être placé sous le régime de la libération conditionnelle sans l'appel du parquet, la cour a entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions et violé les textes susvisés" ;

Vu l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que, d'une part, la durée de la détention provisoire ne doit pas excéder le délai raisonnable imposé par le premier de ces textes ;

Attendu que, d'autre part, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. [A], placé sous mandat de dépôt le 6 juin 2013, a été renvoyé le 5 mai 2015, pour meurtre et tentative de meurtre, devant la cour d'assises des mineurs de l'Hérault, qui, par arrêt du 20 mai 2016, l'a acquitté du chef de meurtre et condamné à huit ans d'emprisonnement et trois ans de suivi socio-judiciaire du chef de tentative de meurtre ; que le ministère public a interjeté appel principal et l'intéressé appel incident ; que, le 23 novembre 2016, l'accusé a présenté une demande de mise en liberté ;

Attendu que, pour rejeter cette demande, l'arrêt, après avoir relevé que l'information s'est poursuivie pendant vingt-trois mois en raison de la multiplicité des auditions rendues indispensables par les pressions exercées sur certains témoins et les concertations orchestrées entre les auteurs et d'autres témoins, énonce notamment que la durée de l'information ne saurait être considérée comme déraisonnable, les autorités compétentes ayant apporté une diligence particulière à la poursuite de la procédure, et que des efforts ont été entrepris pour permettre l'audiencement du dossier un an après l'ordonnance de renvoi, M. [A] ayant comparu devant la cour d'assises des mineurs de l'Hérault en mai 2016 ; que les juges ajoutent que si l'engorgement du rôle des cours d'assises du ressort ne permet pas toujours d'audiencer à court terme les procédures en instance de jugement, les autorités judiciaires de la cour ont tenté d'y remédier en mettant en place une commission d'audiencement chargée d'élaborer des critères de priorité de passage et en augmentant le nombre et la durée des sessions d'assises, dans un contexte de pénurie de magistrats et de fonctionnaires, rendant nécessaire, en fin d'année 2015, une demande d'effectifs supplémentaires auprès de la direction des services judiciaires ;

Mais attendu qu'en l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction, qui a exposé la situation particulière des cours d'assises du ressort et les initiatives accomplies pour remédier à leur encombrement, n'a cependant pas caractérisé les diligences particulières ou les circonstances insurmontables qui auraient pu justifier, au regard des exigences conventionnelles ci-dessus rappelées, la durée de la détention provisoire de M. [A], mineur au moment des faits ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, en date du 13 décembre 2016, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Drai, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-80642
Date de la décision : 29/03/2017
Sens de l'arrêt : Cassation et désignation de juridiction
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6, § 1 - Détention provisoire - Délai raisonnable - Détention subie par un accusé appelant d'une décision de cour d'assises - Appréciation - Diligences particulières ou circonstances insurmontables - Détermination - Portée

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Détention provisoire - Détention subie par un accusé appelant d'une décision de cour d'assises - Délai raisonnable - Appréciation - Diligences particulières ou circonstances insurmontables - Détermination - Portée DETENTION PROVISOIRE - Demande de mise en liberté - Détention subie par un accusé appelant d'une décision de cour d'assises - Appréciation - Diligences particulières ou circonstances insurmontables - Détermination - Portée

Encourt la cassation l'arrêt de la chambre de l'instruction qui, saisie d'une demande de mise en liberté d'un condamné en attente de comparution devant une cour d'assises d'appel, demande fondée sur la violation du délai raisonnable, se borne à exposer la situation particulière des cours d'assises du ressort et les initiatives accomplies pour remédier à leur encombrement, mais ne caractérise pas les diligences particulières ou les circonstances insurmontables qui pourraient justifier, au regard des exigences conventionnelles, la durée de la détention provisoire


Références :

article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

article 593 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, 13 décembre 2016

Sur la nécessité de caractériser les diligences particulières ou circonstances insurmontables pouvant justifier de la durée de la détention provisoire au regard des exigences conventionnelles, à rapprocher : Crim., 17 juin 2015, pourvoi n° 15-82206, Bull. crim. 2015, n° 154 (irrecevabilité et cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 mar. 2017, pourvoi n°17-80642, Bull. crim.Bull. crim. 2017, n° 100
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle Bull. crim. 2017, n° 100

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Bonnet
Rapporteur ?: Mme Drai
Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:17.80642
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