LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 688 du code de procédure civile, ensemble la convention franco-marocaine du 5 octobre 1957 ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que l'assignation destinée à être délivrée à une personne qui demeure au Maroc, est transmise directement au parquet dans le ressort duquel se trouve le destinataire de l'acte ; que s'il n'est pas établi que le destinataire en a eu connaissance en temps utile, le juge ne peut statuer au fond que si les conditions ci-après sont réunies :
- l'acte a été transmis selon les modes prévus par les règlements communautaires ou les traités internationaux applicables, ou à défaut de ceux-ci, selon les dispositions des articles 684 à 687 du code de procédure civile ;
- un délai d'au moins six mois s'est écoulé depuis l'envoi de l'acte ;
- aucun justificatif de remise de l'acte n'a pu être obtenu nonobstant les démarches effectuées auprès des autorités compétentes de l'Etat où l'acte doit être remis ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., résidant au Maroc, a été condamné à restituer une somme à Pôle emploi, l'exception de nullité de l'assignation ainsi que sa demande de dommages-intérêts ayant été rejetées et l'action en répétition de l‘indu déclarée non prescrite ;
Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité de l'assignation, l'arrêt, après avoir relevé qu'aucune des pièces produites n'établissait que l'acte avait été porté à la connaissance de l'intéressé en temps utile, l'huissier de justice ayant indiqué, le 2 juin 2014, qu'aucun document de signification n'était revenu de l'entité du requis, retient que l'article 688 du code de procédure civile n'exige la preuve par l'huissier significateur des démarches effectuées auprès des autorités compétente de l'Etat où l'acte doit être remis ;
Qu'en statuant ainsi, sans qu'il ait été justifié des démarches effectuées en vue d'obtenir un justificatif de remise de l'acte auprès des autorités compétentes de l'Etat où l'acte devait être remis, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y a lieu de statuer sur les deux autres moyens :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Condamne Pôle emploi aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois février deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'exception de nullité de l'assignation et du jugement rendu le 17 octobre 2014 par le tribunal de grande instance de Dijon ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' « en vertu de l'article 684 du code de procédure civile, l'acte destiné à être notifié à une personne ayant sa résidence habituelle à l'étranger est remis au parquet, sauf dans les cas où un règlement communautaire ou un traité international autorise l'huissier de justice ou le greffe à transmettre directement cet acte à son destinataire ou à une autorité compétente de l'Etat de destination ; qu'en application de la convention franco-marocaine du 5 octobre 1957, les actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile destinés à des personnes résidant sur le territoire de l'un des deux pays sont transmis directement par l'autorité compétente au parquet dans le ressort duquel se trouve le destinataire de l'acte et l'autorité requise se borne à faire effectuer la remise de l'acte au destinataire, la preuve de la remise se faisant, si le destinataire accepte l'acte, au moyen d'un récépissé daté et signé par celui-ci ou d'une attestation de l'autorité requise constant le fait, le mode et la date de la remise, l'un de ces documents étant envoyé directement à l'autorité requérante ; que le Pôle Emploi de Bourgogne justifie que l'huissier significateur a transmis l'acte introductif d'instance au Procureur du Roi de Taroudant, le 1er août 2013, ce dernier ayant signé l'accusé de réception de ce pli, qu'il a relaté dans l'acte les modalités de son expédition, de sa transmission ou de sa remise et qu'il a adressé la lettre recommandée prévue par l'article 686 du code de procédure civile à M. X... ; qu'aucune des pièces produites n'établit toutefois que l'acte a été porté à la connaissance de l'intéressé, en temps utile, l'huissier instrumentaire indiquant, le 2 juin 2014, qu'aucun document de signification n'était revenu de l'entité du requis, le TPI de Taroudant ; que l'article 688 du code de procédure civile prévoit, dans l'hypothèse où il n'est pas établi que le destinataire de l'acte en a eu connaissance en temps utile, que le juge saisi de l'affaire peut statuer au fond si l'acte a été transmis selon les modes prévus par les traités internationaux applicables ou, à défaut, selon les prescriptions des articles 684 à 687, si un délai d'au moins six mois s'est écoulé depuis l'envoi de l'acte et si aucun justificatif de remise de l'acte n'a pu être obtenu nonobstant les démarches effectuées auprès des autorités compétentes de l'Etat où l'acte doit être remis, le texte n'exigeant pas la preuve par l'huissier significateur des démarches ainsi effectuées ; que le premier juge a été régulièrement saisi, à l'égard de M. X... domicilier quartier Al Ksiba à Taroudant au Maroc, par la remise de l'assignation transmise selon les modalités prévues par la convention franco-marocaine et les prescriptions des articles 684 à 687 du code de procédure civile, complétée par les indications prévues à l'article 684-1 du code de procédure civile ; qu'il est par ailleurs établi qu'aucun justificatif de remise n'a été obtenu et que le délai de six mois prévu par l'article 688 du code de procédure civile s'était écoulé à la date de l'audience des débats devant le tribunal de grande instance de Dijon, fixée au 3 juin 2014 ; que dès lors le premier juge pouvait statuer au fond et sa décision n'encourt aucune nullité pas plus que l'acte introductif d'instance » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU' « il résulte des dispositions de l'article 684 du code de procédure civile, de la convention de La Haye du 1er mars 1954 et de la convention entre le Maroc et la France du 5 octobre 1957, notamment de la section I de cette convention, que l'huissier de justice doit adresser l'acte destiné à être signifié à une personne ayant sa résidence habituelle à l'étranger, accompagné du formulaire F4, directement au Procureur du Roi près le tribunal de première instance compétent ; qu'en l'espèce, l'huissier saisi par Pôle Emploi justifie avoir adressé le projet de l'acte d'assignation, ainsi que le formulaire F4 reprenant les mentions requises, au Procureur du Roi compétent au regard du domicile de M. X... ; qu'il ressort par ailleurs du courrier produit par l'huissier de justice qu'aucun document de signification ne lui a été retourné par l'autorité requise ; que, conformément à l'article 688 du code de procédure civile, s'il n'est pas établi que le destinataire d'un acte en a eu connaissance en temps utile, le juge saisi de l'affaire ne peut statuer au fond que si les conditions ci-après sont réunies : - l'acte a été transmis selon les modes prévus par les règlements communautaires ou les traités internationaux applicables ; - un délai de six mois s'est écoulé depuis l'envoi de l'acte ; - aucun justificatif de remise de l'acte n'a pu être obtenu nonobstant les démarches effectuées auprès des autorités compétentes de l'Etat où l'acte doit être remis ; qu'en outre, l'ensemble de ces conditions étant rempli, il conviendra de statuer sur le fond » ;
1°/ ALORS QUE s'il n'est pas prouvé par un justificatif de remise que le destinataire d'un acte introductif d'instance, devant lui être notifié sur son lieu de résidence à l'étranger, en a eu connaissance en temps utile, le juge saisi de l'affaire ne peut statuer au fond que s'il est établi que des démarches ont cependant été effectuées auprès des autorités locales compétentes pour porter l'assignation à la connaissance du défendeur ; que la cour d'appel, pour rejeter l'exception tirée de la nullité de l'assignation et du jugement, tout en ayant constaté qu'aucune des pièces produites n'établissait que l'acte avait été porté à la connaissance de l'intéressé en temps utile et qu'aucun document de signification n'avait été retourné à l'huissier par l'autorité requise, a énoncé que la preuve des démarches effectuées par l'huissier significateur auprès de ladite autorité n'était pas requise ; qu'elle a ainsi violé l'article 688 du code de procédure civile, ensemble la convention franco-marocaine d'aide mutuelle judiciaire du 5 octobre 1957 ;
2°/ ALORS QUE le juge ne peut statuer au fond, en dépit de la non comparution du défendeur domicilié à l'étranger, dont il n'est pas établi que l'acte introductif d'instance a été porté à sa connaissance en temps utile, qu'après avoir recherché si des démarches avaient été effectuées auprès des autorités compétentes de l'Etat où l'acte devait être remis, en dépit desquelles aucun justificatif de remise de l'acte n'a pu être obtenu ; que la cour d'appel, en jugeant réguliers l'acte introductif d'instance et le jugement qui lui était déféré, sans rechercher si des démarches avaient été effectuées auprès des autorités locales compétentes, en dépit desquelles aucun justificatif de remise de l'acte introductif d'instance n'avait pu être obtenu, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 688 du code de procédure civile, ensemble la convention franco-marocaine d'aide mutuelle judiciaire du 5 octobre 1957.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par M. X... ;
AUX MOTIFS QU' « aux termes de l'article 2241, alinéa 2, du code civil, la demande en justice interrompt le délai de prescription même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure ; que l'article 2241 ne distinguant pas dans son alinéa 2 entre le vice de forme et l'irrégularité de fond, l'assignation même affectée d'un vice de fond a un effet interruptif, et l'exploit introductif d'instance signifié le 26 juillet 2012 à M. X... a donc valablement interrompu la prescription, de sorte que l'action en répétition de l'indu initiée par Pôle Emploi Bourgogne n'était pas prescrite à la date du 1er août 2013 » ;
ALORS QUE si l'effet interruptif d'une assignation demeure même lorsque cette assignation est annulée pour un vice de procédure, il en va autrement lorsqu'elle a été délivrée à une adresse que le demandeur savait inexacte, ce qui le prive du droit de se prévaloir dudit effet interruptif ; que la cour d'appel, pour juger que n'était pas prescrite l'action en répétition de l'indu formée par Pôle Emploi précisément à raison du départ pour l'étranger de M. X..., a retenu que l'exploit introductif d'instance, signifié le 26 juillet 2012 à l'ancienne adresse française que l'exposant avait quittée, avait interrompu la prescription ; que la cour d'appel a ainsi violé l'article 2241, alinéa 2, du code civil, ensemble l'article 55 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QU' « il résulte de la déclaration annuelle de situation que remplit l'intéressé à compter de son admission au bénéfice de l'assurance chômage, qu'une mention libellée en caractères gras au bas de l'imprimé et au dessous de l'emplacement réservé à sa signature précise que tout départ du territoire français devait faire l'objet d'une déclaration auprès de Pôle Emploi ; qu'il est ainsi mal fondé à reprocher un manquement de Pôle Emploi à son obligation d'information » ;
ALORS QUE lors de son inscription, le travailleur recherchant un emploi est informé de ses droits et obligations et que manque à son obligation d'assurer l'information complète du demandeur d'emploi le Pôle Emploi qui s'abstient de l'avertir des conséquences, sur ses droits à indemnisation, d'un départ du territoire français ; que la cour d'appel, pour juger que Pôle Emploi n'avait pas manqué à son obligation d'information envers M. X..., a retenu qu'il avait informé M. X... du fait que tout départ du territoire français devait faire l'objet d'une déclaration ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions de M. X..., si Pôle Emploi n'avait pas commis une faute en s'abstenant de l'informer que la fixation de sa résidence à l'étranger le priverait de ses droits à indemnisation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du code civil et R. 5411-4 du code du travail.