LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 29 octobre 2015), rendu sur renvoi après cassation, (3e Civ. 9 juillet 2014, pourvoi n° 13-22.562), que la société Réseau de transport d'électricité (RTE) est locataire de divers locaux commerciaux, appartenant à la société civile immobilière 1 Terrasse Bellini (la SCI), selon un bail du 17 décembre 2003 assorti d'une clause d'échelle mobile ; qu'à la suite d'une modification de la surface totale des lieux loués, les parties ont signé, le 19 mars 2007, un avenant mentionnant un loyer principal annuel hors taxes, hors charges et hors indexation de 8 141 844,91 euros à compter du 1er janvier 2007 ; que, se prévalant d'une augmentation de loyer de plus du quart par le jeu de la clause d'échelle mobile, la société RTE a, le 18 décembre 2009, sollicité sa révision ;
Attendu que la société RTE fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en particulier, il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'ayant constaté que, pour la mise en oeuvre de la clause d'échelle mobile, les parties s'accordaient sur le second terme de la comparaison, soit la somme de 10 580 334,24 euros correspondant au loyer effectivement payé par la société RTE au jour de la demande de révision judiciaire en décembre 2009, la cour d'appel a néanmoins énoncé, pour retenir comme second terme de la comparaison le loyer indexé au 1er janvier 2009, soit la somme de 9 309 274,04 euros, qu'il lui appartenait de rechercher, conformément aux dispositions de l'article L. 145-39 du code de commerce, le loyer résultant d'une application régulière de la clause d'indexation ; qu'en relevant d'office ce moyen de droit, sans avoir invité les parties à présenter préalablement leurs observations et alors qu'elles s'accordaient sur le second terme de la comparaison, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ que lorsqu'un bail est assorti d'une clause d'échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d'un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire ; qu'ayant constaté qu'au 18 décembre 2009, date de la demande de révision, le loyer indexé exigé par la SCI et payé par la société RTE s'élevait à la somme de 10 580 334,24 euros, la cour d'appel, qui a néanmoins retenu, pour rejeter la demande de révision, qu'il lui appartenait de tenir compte, non du loyer indexé et payé par le preneur, mais du loyer résultant du jeu « régulier » de la clause d'échelle mobile, a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas et violé l'article L. 145-39 du code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant énoncé que, pour vérifier les conditions d'application de l'article L. 145-39 du code de commerce, elle devait comparer au prix précédemment fixé par l'accord des parties, hors indexation, au 1er janvier 2007, le loyer obtenu par le jeu de la clause d'indexation, puis, relevé, d'une part, que, si les parties étaient convenues que le loyer effectivement payé par la société RTE au jour de la demande de révision judiciaire s'élevait à 10 580 334,24 euros, ce loyer ne pouvait être pris en compte que s'il correspondait à celui résultant de l'application de la clause d'indexation, soit 9 309 274,04 euros, d'autre part, que, sur la période du 1er janvier 2007 au 19 décembre 2009, l'indexation avait joué deux fois, les 1er janvier 2008 et 1er janvier 2009, entraînant une augmentation du loyer de 14,34 % et non de 25 %, la cour d'appel a, sans violer le principe de la contradiction et sans ajouter une condition à la loi, retenu à bon droit que les conditions de l'article L. 145-39 du code de commerce n'étaient pas réunies, de sorte qu'il n'y avait pas lieu à révision du loyer ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Réseau de transport d'électricité aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande la société Réseau de transport d'électricité et la condamne à payer à la société civile immobilière 1 Terrasse Bellini la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Réseau de transport d'électricité
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de révision du loyer formée par la société RTE contre la SCI 1 Terrasse Bellini,
AUX MOTIFS QU' aux termes de l'article L. 145-39 du code de commerce, si le bail est assorti d'une clause d'échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d'un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire ; que, pour déterminer la variation d'un quart, il convient de comparer au dernier prix fixé par l'accord des parties, hors indexation, le prix du loyer tel qu'obtenu par le jeu régulier de la clause d'échelle mobile ; qu'il convient donc d'envisager les deux termes devant être comparés ; que, sur le premier terme de la comparaison - le dernier prix fixé par l'accord des parties, hors indexation -, il n'est contesté ni par la bailleresse ni par la locataire que l'avenant signé le 19 mars 2007 par les parties fixe le nouveau prix du bail ; qu'en effet, la SCI rappelle que, lors de l'avenant, « un nouveau loyer a été fixé, prenant effet rétroactivement au 1er janvier 2007 » ; que la société RTE souligne également que « l'avenant n° 2 a clairement exprimé le nouveau prix convenu » ; que cet avenant stipule en son article 3 : « les parties conviennent d'insérer le nouvel article 4.1.4 à l'article 4.1 Loyer du chapitre 1 conditions particulières du bail comme suit. 4.1.4 : compte tenu de la restitution des trois emplacements de parking VIP le loyer principal annuel hors taxes et hors indexation s'élève à la somme de huit millions cent quarante et un mille cent quarante-quatre euros et quatre-vingt-onze centimes (8.141.144,91 euros) se décomposant comme suit » (suit le détail des surfaces louées et le prix au m2) ; que la SCI soutient que le rappel du prix de 8.141.844,91 euros et de sa décomposition ont été donnés en valeur 2ème trimestre 2003 ; qu'il ne s'agissait pas pour le bailleur de renoncer à l'indexation déjà appliquée de 2003 à 2007, mais seulement de démontrer que le prix au m2 n'avait pas été augmenté, l'avenant ayant seulement tenu compte de la modification des surfaces louées ; que ce n'est d'ailleurs pas ce prix qui a été payé après la signature de l'avenant et pendant plusieurs années mais bien celui de 9.252.712,27 euros après application de la variation indiciaire depuis l'origine jusqu'à 2007 ; que le prix nouvellement fixé par cet avenant est donc bien le prix de 9.252.712,27 euros et non le prix de 8.141.844,91 euros qui n'a jamais eu vocation à s'appliquer ; que la comparaison entre la somme de 9.252.712,27 euros et celle payée au jour de la révision, soit 10.580.334,24 euros, permet de constater que, par application de la clause d'échelle mobile, le loyer ne s'est pas trouvé augmenté de plus d'un quart, la variation n'ayant pas excédé 14,34% ; que la société RTE réplique que ce n'est pas le loyer payé qui doit être pris en considération pour déterminer le premier terme de la comparaison, mais seulement le dernier prix fixé contractuellement ; que l'avenant stipule sans ambiguïté que le loyer annuel s'élève à 8.141.844,91 euros HT HC et que toute autre interprétation serait de la dénaturation ; que l'avenant exprime expressément que « le loyer principal annuel hors taxes et hors indexation s'élève à la somme de huit millions cent quarante et un mille cent quarante-quatre euros et quatre-vingt-onze centimes (8.141.144,91 euros) » ; que la clarté de cette rédaction ne permet pas de considérer que le nouveau loyer est en réalité celui résultant de l'indexation de cette somme ; que l'article 6 de l'avenant mentionnant que « toutes les clauses, charges et conditions du bail et de son avenant n° 1 non modifiées par le présent avenant restent et demeurent inchangées » ne peut suffire à contredire une mention qui ne nécessite aucune interprétation ; que, si les parties avaient entendu soumettre ce montant au jeu de l'indexation avant d'en faire le loyer nouvellement fixé, elles l'auraient écrit ; qu'il n'y a pas lieu de s'attacher au loyer effectivement payé par le locataire ; que le premier terme de la comparaison est donc le montant expressément et clairement stipulé, soit 8.141.144,91 euros ;
ET QUE, sur le second terme de la comparaison - le prix du loyer tel qu'obtenu par le jeu régulier de la clause d'échelle mobile -, si les parties s'opposent sur le premier terme, elles s'accordent en revanche sur le second terme, que toutes deux admettent comme s'élevant à 10.580.334,24 euros, ce qui correspond au loyer effectivement payé par la société RTE au jour de la demande de révision en décembre 2009 ; que, pour vérifier que les conditions d'application de l'article L. 145-39 sont remplies, la cour doit effectuer la comparaison avec le second terme tel que défini par cette disposition, soit le loyer résultant d'une application régulière de la clause d'indexation ; qu'il n'y a donc lieu de se référer au loyer effectivement payé que si celui-ci correspond à l'application régulière de l'indexation sur la base initiale ; que si tel n'était pas le cas, les termes de comparaison en seraient faussés ; qu'en l'espèce, la clause d'indexation prévoit une indexation annuelle sur la base de la variation annuelle de l'indice du coût de la construction du 2ème trimestre ; que le bail stipule que le loyer sera indexé le 1er janvier de chaque année ; que l'indexation a donc eu lieu pour la première fois depuis la nouvelle fixation du prix, le 1er janvier 2008, sur la base de l'indice de référence du 2ème trimestre 2006 (1366) et de l'indice de comparaison du 2ème trimestre 2007 (1435), puis le 1er janvier 2009, sur la base de l'indice de référence du 2ème trimestre 2007 et de l'indice de comparaison du 2ème trimestre 2008 (1562) ; que l'application de l'échelle mobile au loyer de 8.141.144,91 euros a donc porté le loyer dû à la somme de 8.552.374,04 euros au 1er janvier 2008 puis à 9.309.274,04 euros au 1er janvier 2009 ; que, par le jeu de l'application régulière de cette clause, sur la base adéquate, soit le dernier loyer contractuellement fixé, le loyer s'est donc trouvé augmenté de 14,34% par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ; que les conditions de l'article L. 145-39 du code de commerce ne sont donc pas remplies ; qu'il n'y a donc pas lieu à révision ; que le jugement du 18 octobre 2011 sera donc infirmé en toutes ses dispositions ; que la société RTE sera déboutée de sa demande tendant à la révision du loyer sur le fondement de cette disposition ; que les demandes principales et subsidiaires en fixation d'un loyer à titre provisionnel ou en séquestration d'une partie du loyer payé deviennent sans objet ;
1°/ ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en particulier, il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'ayant constaté que, pour la mise en oeuvre de la clause d'échelle mobile, les parties s'accordaient sur le second terme de la comparaison, soit la somme de 10.580.334,24 euros, correspondant au loyer effectivement payé par la société RTE au jour de la demande de révision judiciaire en décembre 2009, la cour d'appel a néanmoins énoncé, pour retenir comme second terme de la comparaison le loyer indexé au 1er janvier 2009, soit la somme de 9.309.274,04 euros, qu'il lui appartenait de rechercher, conformément aux dispositions de l'article L. 145-39 du code de commerce, le loyer résultant d'une application régulière de la clause d'indexation ; qu'en relevant d'office ce moyen de droit, sans avoir invité les parties à présenter préalablement leurs observations et alors qu'elles s'accordaient sur le second terme de la comparaison, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ ALORS QU' en toute hypothèse, lorsqu'un bail est assorti d'une clause d'échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d'un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire ; qu'ayant constaté qu'au 18 décembre 2009, date de la demande de révision, le loyer indexé exigé par la SCI 1 Terrasse Bellini et payé par la société RTE s'élevait à la somme de 10.580.334,24 euros, la cour d'appel, qui a néanmoins retenu, pour rejeter la demande de révision, qu'il lui appartenait de tenir compte, non du loyer indexé et payé par le preneur, mais du loyer résultant du jeu « régulier » de la clause d'échelle mobile, a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas et violé l'article L. 145-39 du code de commerce.