LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis,20 mars 2015), que, par acte du 19 octobre 1999, Mme X... a donné à bail emphytéotique à l'association culturelle Siva Soupramanien de Saint-Benoît, pour une durée de quatre-vingt dix-neuf ans, une parcelle de terrain sur laquelle était implanté un bâtiment ; que, par acte du 27 juillet 2012, reprochant au preneur d'avoir édifié, sans son accord ni autorisation administrative, diverses constructions supplémentaires, elle a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail et expulsion ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à annulation du jugement, alors, selon le moyen :
1° / que l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial ; que l'exigence d'impartialité doit notamment s'apprécier objectivement en se demandant si, indépendamment de la conduite personnelle du juge, certains faits vérifiables autorisent à suspecter l'impartialité de ce dernier ; que tel est le cas lorsqu'un assesseur bailleur composant un tribunal paritaire des baux muraux est membre du conseil d'administration de l'association partie au procès ; qu'au cas d'espèce, la cour d'appel a rejeté la demande d'annulation du jugement en raison de la violation du principe d'impartialité au motif que Mme X... n'avait pas formulé de demande de récusation ; qu'elle ne pouvait déduire de l'absence de demande de récusation formée par Mme X... une renonciation non équivoque de sa part à l'exigence d'impartialité, sans constater sa présence personnelle à l'audience du 11 février 2013, et donc sa connaissance certaine de la cause de partialité au jour de l'audience ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 341 du code de procédure civile, de l'article L. 111-6 du code de l'organisation judiciaire et de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2° / que l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial ; que l'exigence d'impartialité doit notamment s'apprécier objectivement en se demandant si, indépendamment de la conduite personnelle du juge, certains faits vérifiables autorisent à suspecter l'impartialité de ce dernier ; que tel est le cas lorsque dans un tribunal paritaire des baux ruraux, l'un des assesseurs est membre du conseil d'administration de l'association partie au procès ; qu'au cas d'espèce, la cour d'appel a rejeté la demande d'annulation du jugement en raison de la violation du principe d'impartialité au motif que Mme X... n'avait pas formulé de demande de récusation ; que la cour d'appel ne pouvait déduire de l'absence de demande de récusation formée par Mme X... une renonciation non équivoque de sa part à l'exigence d'impartialité, sans constater qu'elle connaissait à la date de l'audience la composition du conseil d'administration de l'association, et donc qu'elle connaissait de manière certaine la cause de partialité au jour de l'audience ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 341 du code de procédure civile, de l'article L. 111-6 du code de l'organisation judiciaire et de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu qu'il ressort des écritures d'appel de Mme X... que son recours tendait à l'annulation du jugement et qu'elle concluait sur le fond, de sorte que la cour d'appel, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif, était tenue de statuer au fond, quelle que fût sa décision sur l'exception de nullité ;
D'où il suit que le moyen est irrecevable ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de résiliation du bail et d'expulsion du preneur ;
Mais attendu qu'ayant constaté que le bail conférant un droit réel au preneur prévoyait que celui-ci pourrait édifier des constructions nouvelles et souverainement retenu que la bailleresse ne rapportait la preuve ni d'un manquement au contrat justifiant sa résolution ni de l'existence de détériorations graves du fonds engendrées par les travaux du preneur, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir dit n'y avoir lieu à annulation du jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Benoît du 5 mars 2013 ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la demande d'annulation du jugement en raison de la violation du principe d'impartialité, Madame Margareth X... soutient que la décision entreprise doit être annulée au motif que Monsieur André Y... a siégé à l'audience publique du tribunal paritaire des baux ruraux tenue le 11 février 2013 en qualité d'assesseur bailleur alors qu'il fait partie du conseil d'administration de l'Association culturelle siva soupramanien de Saint-Benoît, et que n'étant pas en mesure de formuler une demande de récusation dans le délai légal, elle est bien fondée à demander l'annulation du jugement sur le fondement d'une violation de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, étant précisé qu'il a été jugé que «la seule apparence d'impartialité ressentie par une partie suffit à l'annulation de la décision rendue » ; que comme l'admet l'appelante, il est constant que les dispositions de l'article 341 du Code de procédure civile qui prévoient que la récusation d'un juge est admise pour les causes prévues par l'article L. 111-6 du Code de l'organisation judiciaire, doivent être mises en oeuvre dès la première instance, puisque l'article 342 du Code de procédure civile dispose que : « la partie qui veut récuser un juge doit, à peine d'irrecevabilité, le faire dès qu'elle a connaissance de la cause de récusation. En aucun cas, la demande de récusation ne peut être formée après la clôture des débats » ; que dès lors, si Madame Margareth X..., s'étant aperçue de la présence de Monsieur André Y... dans la composition du tribunal, n'a pas formulé de demande de récusation, il n'est pas possible d'examiner en cause d'appel la demande d'annulation du jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Benoît le 5 mars 2013 pour suspicion de partialité, étant précisé que la formation du tribunal était complète (deux assesseurs bailleurs), le tribunal ayant délibéré sous la présidence du juge d'instance, à la majorité des voix en application de l'article 443-3 du Code de l'organisation judiciaire ; qu'il n'y a donc pas lieu à annulation du jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Benoît le 5 mars 2013 » ;
1°) ALORS QUE, premièrement, l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales dispose que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial ; que l'exigence d'impartialité doit notamment s'apprécier objectivement en se demandant si, indépendamment de la conduite personnelle du juge, certains faits vérifiables autorisent à suspecter l'impartialité de ce dernier ; que tel est le cas lorsqu'un assesseurs bailleur composant un tribunal paritaire des baux muraux est membre du conseil d'administration de l'association partie au procès ; qu'au cas d'espèce, la Cour d'appel a rejeté la demande d'annulation du jugement en raison de la violation du principe d'impartialité au motif que Madame X... n'avait pas formulé de demande de récusation ; qu'elle ne pouvait déduire de l'absence de demande de récusation formée par Madame X... une renonciation non équivoque de sa part à l'exigence d'impartialité, sans constater sa présence personnelle à l'audience du 11 février 2013, et donc sa connaissance certaine de la cause de partialité au jour de l'audience ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 341 du Code de procédure civile, de l'article L. 111-6 du Code de l'organisation judiciaire et de l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme ;
2°) ALORS QUE, secondement, l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales dispose que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial ; que l'exigence d'impartialité doit notamment s'apprécier objectivement en se demandant si, indépendamment de la conduite personnelle du juge, certains faits vérifiables autorisent à suspecter l'impartialité de ce dernier ; que tel est le cas lorsque dans un tribunal paritaire des baux ruraux, l'un des assesseurs est membre du conseil d'administration de l'association partie au procès ; qu'au cas d'espèce, la Cour d'appel a rejeté la demande d'annulation du jugement en raison de la violation du principe d'impartialité au motif que Madame X... n'avait pas formulé de demande de récusation ; que la cour d'appel ne pouvait déduire de l'absence de demande de récusation formée par Madame X... une renonciation non équivoque de sa part à l'exigence d'impartialité, sans constater qu'elle connaissait à la date de l'audience la composition du conseil d'administration de l'association, et donc qu'elle connaissait de manière certaine la cause de partialité au jour de l'audience ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 341 du Code de procédure civile, de l'article L. 111-6 du Code de l'organisation judiciaire et de l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, confirmant le jugement en toutes ses dispositions, débouté Madame X... de ses demandes de résiliation du bail et d'expulsion ;
AUX MOTIFS QUE « Sur le fond, Madame Margareth X... fait valoir, sur le fondement de l'article L. 451-5 deuxième alinéa du Code rural, qu'ainsi qu'elle le démontre par un constat d'huissier, l'Association culturelle Siva Soupramanien de Saint-Benoît a réalisé postérieurement à la conclusion du bail d'importants travaux sans avoir obtenu l'autorisation du bailleur (le temple étant la seule construction ayant été autorisée par la bailleresse), et sans autorisation administrative, puisque le président de l'association a été condamné suivant ordonnance d'homologation de composition pénale du 23 septembre 2008 à une amende de 20.000 euros pour avoir exécuté sur la construction existante des travaux ayant pour effet de créer des niveaux supplémentaires sans avoir obtenu au préalable un permis de construire ; que le bail emphytéotique confère au preneur un droit réel sur le bien immobilier concerné, qui emporte l'autorisation pour le preneur d'édifier sur l'immeuble objet du bail toutes constructions utiles ; en l'espèce il est prévu dans le contrat en cause, établi le 19 octobre 1999 pour une durée de 99 ans, par devant Me thazard, notaire à Saint-Benoît, l'éventualité de constructions futures puisqu'il y est précisé que « le preneur maintiendra en bon état d'entretien les biens loués y compris éventuellement les constructions nouvelles qu'il édifiera, sans pouvoir en exiger aucune réparation du bailleur, et devra rendre le tout en bon état de toutes réparations à la fin du bail » ; que le constat d'huissier du 15 mars 2012, s'il décrit, en sus du temple, la présence d'autres constructions, et notamment celle d'un grand bâtiment rectangulaire, qui semble être un réfectoire faisant office de salle de réception, ne rapporte pas la preuve, contrairement à ce que soutient l'appelante, que ces constructions nouvelles constituent une détérioration du fonds ; que par ailleurs, il n'est pas stipulé dans le bail que les constructions nouvelles édifiées par le preneur sont soumises à autorisation préalable du bailleur, ou au respect des lois et règlements en matière d'urbanisme ; qu'il n'est pas non plus établi, faute de précision à cet égard dans la convention signée entre les parties, que l'Association culturelle Siva Soupramanien de Saint-Benoît n'a pas usé du bien loué en bon père de famille en ayant procédé à l'édification d'une ou plusieurs constructions sans permis de construire ; qu'il convient donc de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Madame Margareth X... de ses demandes en résiliation du bail et d'expulsion » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTÉS QU' « aucune stipulation au contrat en cause, établi le 19 octobre 1999 pour une durée de 99 ans par devant Me Z..., notaire à Saint-Benoît, n'oblige le preneur à solliciter l'accord du bailleur pour effectuer des travaux. Et même, le contrat prévoit l'éventualité de constructions futures, précisant que « le preneur maintiendra en bon état d'entretien les biens loués y compris éventuellement les constructions nouvelles qu'il édifiera, sans pouvoir en exiger aucune réparation au bailleur, et devra rendre le tout en bon état de toutes réparations à la fin du bail » ; que de plus, Madame Margareth X... précise d'ailleurs à l'audience qu'il considère la nouvelle construction du réfectoire comme relevant d'une détérioration du fonds, sans toutefois que le procès-verbal de constat d'huissier du 15 mars 2012 en apporte la preuve ; qu'enfin, l'argument de Madame Margareth X... selon lequel l'Association culturelle Siva soupramanien de Saint-Benoît n'a pas usé du bien en bon père de famille, pour avoir construit sans permis de construire un réfectoire et avoir vu son représentant condamné dans le cadre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité le 23 septembre 2008 à une peine d'amende de 20.000 euros, est ainsi inopérant comme non stipulé dans la convention » ;
1°) ALORS QUE, premièrement, l'article L. 451-5 du Code rural et de la pêche maritime dispose que la résolution peut être demandée par le bailleur en cas d'inexécution des conditions du contrat ou si le preneur a commis sur le fonds des détériorations graves ; que l'article L. 451-7 ajoute que le preneur ne peut opérer dans le fonds aucun changement qui en diminue la valeur ; qu'au cas d'espèce il est constant que l'Association a réalisé postérieurement à la conclusion du bail d'importants travaux sans avoir obtenu les autorisations administratives règlementaires, ce qui constitue nécessairement une détérioration grave du fonds ; qu'en rejetant la demande de résiliation du bail et d'expulsion au motif qu'une construction réalisée sans permis de construire ne constituait pas une détérioration grave du fonds, la Cour d'appel a violé l'article L. 451-5 du Code rural et de la pêche maritime ;
2°) ALORS QUE, secondement, l'article L. 451-5 du Code rural et de la pêche maritime dispose que la résolution peut être demandée par le bailleur en cas d'inexécution des conditions du contrat ou si le preneur a commis sur le fonds des détériorations graves ; que le respect par le preneur de la réglementation doit être considéré comme une condition implicite de tout contrat de bail, sans qu'il soit nécessaire qu'il soit stipulé dans le bail que les constructions nouvelles devront respecter les lois et règlements en matière d'urbanisme ; qu'en rejetant la demande de résiliation du bail et d'expulsion au motif qu'il n'était pas stipulé dans le bail que les constructions nouvelles devraient respecter les lois et règlements en matière d'urbanisme, cependant que le respect par le preneur des réglementations d'urbanisme doit être considéré comme une condition implicite de tout contrat de bail, la Cour d'appel a à nouveau violé l'article L. 451-5 du Code rural et de la pêche maritime.