LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par un premier président (Douai, 13 octobre 2015), et les pièces de la procédure, que, le 6 octobre 2015, M. X..., de nationalité soudanaise, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en retenue pour vérification de son droit de circulation et de séjour ; que, le même jour, le préfet a pris à son encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire national sans délai, fixant le pays de retour, et le plaçant en rétention administrative ; que, le 8 octobre, le tribunal administratif a annulé la décision fixant le pays de retour ; que le juge des libertés et de la détention a rejeté la demande de prolongation de la rétention administrative présentée, le 11 octobre, par le préfet ;
Attendu que le préfet fait grief à l'ordonnance de rejeter la demande de prolongation de cette mesure alors, selon le moyen :
1°/ que, si le juge judiciaire doit vérifier les diligences accomplies par l'administration en vue du retour d'un étranger placé en rétention administrative, il ne lui appartient pas de les apprécier en fonction du choix de pays de renvoi opéré par l'administration ; qu'en ayant rejeté la demande de prolongation de la rétention administrative de M. X..., au motif que la préfète du Pas-de-Calais ne pouvait justifier de diligences « utiles », soit de diligences accomplies pour reconduire l'étranger dans un pays autre que le Soudan, le conseiller délégué a violé le principe de la séparation des pouvoirs, la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble le décret du 16 fructidor an III ;
2°/ que l'administration doit justifier des diligences qu'elle a accomplies en vue du retour d'un étranger placé en rétention administrative ; qu'en énonçant que la préfète du Pas-de-Calais n'avait pas justifié des diligences « utiles » accomplies par l'administration, en vue du retour de M. X..., après avoir constaté que rendez-vous avait été pris avec les autorités consulaires soudanaises pour le 14 octobre, le conseiller délégué a omis de tirer les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'un étranger ne peut être maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l'administration étant tenue d'accomplir toutes diligences à cet effet ;
Et attendu qu'après avoir exactement retenu qu'il n'appartient pas au juge judiciaire de se prononcer sur la légalité de la décision fixant le pays de retour, mais qu'il lui incombe d'apprécier les diligences mises en oeuvre pour reconduire l'intéressé dans son pays ou tout autre pays, le premier président a pu en déduire qu'en l'absence de justification, par le préfet, de diligences utiles depuis l'annulation de l'arrêté fixant le pays de destination, la demande de prolongation de la mesure ne pouvait être accueillie ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour le préfet du Pas-de-Calais.
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir confirmé la décision du juge des libertés et de la détention ayant rejeté la requête d'un préfet (la préfète du Pas-de-Calais) en prolongation de la rétention administrative d'un étranger (M. X...) ;
AUX MOTIFS QU'en vertu de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet ; qu'en l'espèce, alors que M. X... avait été placé en rétention administrative le 6 octobre 2015 à 15 h 40, le même jour l'administration avait sollicité auprès de l'ambassade du Soudan une audition en vue de la délivrance d'un laissez-passer ; que le tribunal administratif avait annulé le 8 octobre 2015 l'arrêté du préfet, en ce qu'il avait fixé le pays de destination, celui dont il revendiquait la nationalité soudanaise ou tout autre pays où il établirait être légalement admissible ; que si l'article 66 de la Constitution donne compétence au juge judiciaire d'être le garant des libertés individuelles, pour autant cette compétence ne peut trouver à s'appliquer que dans le cadre des lois et règlements qui régissent sa compétence ; qu'en application du principe de la séparation des pouvoirs, le juge judiciaire n'est pas compétent pour déterminer le pays vers lequel l'étranger doit être renvoyé ; que cette décision relève de l'administration, sous le contrôle du juge administratif, de sorte que le juge judiciaire ne saurait apprécier vers quel pays l'administration doit effectuer des diligences ; que, néanmoins, le juge des libertés et de la détention reste compétent pour apprécier les diligences mises en oeuvre par l'administration pour reconduire un étranger en situation irrégulière dans son pays ou tout autre pays l'acceptant ; qu'en l'espèce, le juge des libertés et de la détention avait justement apprécié que, depuis l'annulation de l'arrêté mentionnant le Soudan comme pays de destination le 8 octobre 2015, la préfecture du Pas-de-Calais n'était pas en capacité de justifier de ses diligences envers un autre pays ; qu'en l'absence de démarches utiles depuis le 8 octobre 2015, la demande de prolongation de la rétention administrative formée le 11 octobre 2015 ne pouvait être accueillie et c'était à bon droit que le premier juge avait rejeté cette demande ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE si, depuis le placement en rétention administrative de l'étranger, l'administration avait mis en oeuvre toutes ses diligences pour reconduire M. X... au Soudan, depuis la décision du tribunal administratif en date du 8 octobre 2015, aucune nouvelle démarche n'avait été entreprise pour assurer son départ vers un autre pays dans les plus brefs délais ; qu'en effet, alors que l'administration était avertie, depuis le 8 octobre 2015, qu'elle ne pouvait continuer à faire ses démarches en direction du Soudan, il n'était joint à la requête du 11 octobre 2015 aucun élément pouvant justifier qu'elle aurait effectué de nouvelles diligences ; que, bien au contraire, il semblerait qu'elle poursuive ses démarches pour exécuter la mesure d'éloignement vers le Soudan, puisqu'elle précisait qu'un rendez-vous auprès des autorités soudanaises était fixé au 14 octobre 2015 ; que cette situation portait une atteinte substantielle aux droits de la personne concernée ; qu'il y avait lieu de rejeter la demande de prolongation présentée par la préfète du Pas-de-Calais ;
1°) ALORS QUE si le juge judiciaire doit vérifier les diligences accomplies par l'administration en vue du retour d'un étranger placé en rétention administrative, il ne lui appartient pas de les apprécier en fonction du choix de pays de renvoi opéré par l'administration ; qu'en ayant rejeté la demande de prolongation de la rétention administrative de M. X..., au motif que la préfète du Pas-de-Calais ne pouvait justifier de diligences « utiles », soit de diligences accomplies pour reconduire l'étranger dans un pays autre que le Soudan, le conseiller délégué a violé le principe de la séparation des pouvoirs, la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble le décret du 16 fructidor an III ;
2°) ALORS QUE l'administration doit justifier des diligences qu'elle a accomplies en vue du retour d'un étranger placé en rétention administrative ;
qu'en énonçant que la préfète du Pas-de-Calais n'avait pas justifié des diligences « utiles » accomplies par l'administration, en vue du retour de M. X..., après avoir constaté que rendez-vous avait été pris avec les autorités consulaires soudanaises pour le 14 octobre, le conseiller délégué a omis de tirer les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.