La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/06/2016 | FRANCE | N°16-10621

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 23 juin 2016, 16-10621


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Mme X..., expert inscrit sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel de Montpellier, a sollicité sa réinscription ; que par décision du 5 novembre 2015, notifiée le 21 décembre 2015, contre laquelle elle a formé un recours le 15 janvier 2016, l'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel a rejeté sa demande au motif d'un risque de manque de neutralité dans l'exécution des missions de l'expert ; que Mme X... a formé un recours contre cette décision ; >
Sur le grief unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 2, ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Mme X..., expert inscrit sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel de Montpellier, a sollicité sa réinscription ; que par décision du 5 novembre 2015, notifiée le 21 décembre 2015, contre laquelle elle a formé un recours le 15 janvier 2016, l'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel a rejeté sa demande au motif d'un risque de manque de neutralité dans l'exécution des missions de l'expert ; que Mme X... a formé un recours contre cette décision ;

Sur le grief unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 2, II, de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 et 12 du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 ;
Attendu que la commission instituée par le premier de ces textes en vue d'émettre un avis sur la candidature d'un expert qui sollicite sa réinscription, est composée de dix-sept membres, dont douze magistrats et cinq experts et que chacune de ces deux catégories de membres doit être représentée par la moitié au moins de ses membres ; que les avis de cette commission ne sont régulièrement émis que lorsque chacune des deux catégories de membres la composant est représentée par la moitié au moins de ses membres ;
Attendu que le procès-verbal de la réunion de la commission tenue le 26 juin 2015, au cours de laquelle a été émis un avis défavorable à la réinscription de Mme X..., indique la présence de quatre magistrats, et la participation de quatre autres magistrats, s'étant succédé les uns aux autres, par visioconférences, de sorte que la commission n'a, à aucun moment, été composée d'au moins six magistrats siégeant ensemble ;
D'où il suit que la décision de l'assemblée générale, prise après avis d'une commission irrégulièrement composée, doit être annulée en ce qui concerne Mme X... ;
Sur le grief unique, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 8 et 15 du décret du 23 décembre 2004 ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que sont représentés à l'assemblée générale d'une cour d'appel appelée à décider de l'inscription ou de la réinscription des candidats sur la liste judiciaire des experts, même si celle-ci siège en commission restreinte ou en formation restreinte, les tribunaux de grande instance, les tribunaux de commerce et les conseils de prud'hommes du ressort de la cour d'appel par un de leurs membres, qui participe, avec voix consultative, à l'examen des demandes ou, à tout le moins, après dispense du premier président, par un membre de chacune des catégories de ces juridictions ;
Attendu que le procès-verbal de l'assemblée générale des magistrats de la cour d'appel de Montpellier en date du 5 novembre 2015, décidant que Mme X... n'était pas réinscrite sur la liste des experts judiciaires de cette cour d'appel, ne fait pas apparaître qu'aient été représentés à cette assemblée générale, par au moins un de leurs membres, les conseils de prud'hommes du ressort de la cour d'appel ;
D'où il suit que la décision de cette assemblée générale doit être annulée en ce qui concerne Mme X... ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du grief :
ANNULE la décision de l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Montpellier en date du 5 novembre 2015, en ce qu'elle a refusé la réinscription de Mme X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la décision partiellement annulée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille seize.
GRIEF ANNEXE au présent arrêt
Grief produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Il est reproché à la décision attaquée d'avoir rejeté la demande de Mme Alia Guettache X... tendant à sa réinscription sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel de Montpellier ;
AUX MOTIFS QUE « Risque de manque de neutralité dans l'exécution des missions de l'Expert » ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE sur présentation d'une nouvelle candidature, l'expert peut être réinscrit pour une durée de cinq années après avis motivé d'une commission associant des représentants des juridictions et des experts ; que la commission est composée d'un magistrat du siège de la cour d'appel désigné par le premier président, en qualité de président, d'un magistrat du parquet général en qualité de rapporteur, de six magistrats du siège des tribunaux de grande instance du ressort de la cour d'appel, de deux magistrats des parquets des tribunaux de grande instance du ressort de la cour d'appel, d'un membre des juridictions commerciales du ressort de la cour d'appel, d'un membre des conseils de prud'hommes du ressort de la cour d'appel et de cinq experts inscrits dans des branches différentes de la nomenclature depuis au moins cinq ans ; qu'il ne résulte pas des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal du 26 juin 2015 transmis à Mme Alia Guettache X..., que la commission était ainsi composée ; que la décision attaquée de l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Montpellier refusant de procéder à la réinscription de Mme Alia Guettache X... sur la liste des experts a donc été rendue en méconnaissance des articles 2- II de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971, modifiée par la loi n° 2004-130 du 11 février 2004, et 12 du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 ;
ALORS, EN DEUXIÈME LIEU, QU'il résulte de l'article 8 du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 que sont représentés à l'assemblée générale des magistrats du siège d'une cour d'appel appelée à décider de l'inscription ou de la réinscription des candidats sur la liste judiciaire des experts, même si celle-ci siège en commission restreinte ou en formation restreinte, les tribunaux de grande instance, les tribunaux de commerce et les conseils de prud'hommes du ressort de la cour d'appel « par un de leurs membres, qui participe, avec voix consultative, à l'examen des demandes » ou, à tout le moins, après dispense du premier président, par un membre de « chacune des catégories » de ces juridictions ; qu'il ne résulte pas des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal du 5 novembre 2015, que la formation restreinte de l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Montpellier ait été composée conformément aux dispositions de l'article 8 du décret du 23 décembre 2004, en l'absence notamment de représentant des conseils de prud'hommes ; que la décision attaquée de l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Montpellier refusant de procéder à la réinscription de Mme Alia Guettache X... sur la liste des experts a donc été rendue en méconnaissance des articles 8 et 15 du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 ;
ALORS, EN TROISIÈME LIEU, QUE l'expert sollicitant sa réinscription sur la liste des experts d'une cour d'appel doit être mis à même de présenter ses observations sur les faits que l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel envisage de retenir pour fonder un refus de réinscription ; qu'en l'espèce, il ne résulte d'aucune des pièces du dossier que Mme Alia Guettache X... ait été invitée à s'expliquer, soit devant la commission de réinscription ou l'un de ses membres, soit devant le magistrat rapporteur, sur le motif ayant été retenu par l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Montpellier pour refuser sa réinscription sur la liste des experts pris d'un prétendu « risque de manque de neutralité dans l'exécution des missions de l'expert » ; que la décision attaquée de l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Montpellier refusant de procéder à la réinscription de Mme Alia Guettache X... sur la liste des experts a donc été rendue en méconnaissance des articles 14, alinéa 3, et 15, alinéa 4, du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 ;
ALORS, EN QUATRIÈME LIEU, QUE l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel se prononce après avoir entendu le ministère public ; qu'en l'espèce, il ne ressort d'aucune des mentions de la décision attaquée de l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Montpellier que le représentant du ministère public ait été entendu avant que la décision ait été rendue ; que cette décision est donc intervenue au terme d'une procédure irrégulière, en violation de l'article 15 du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 ;
ALORS, EN CINQUIEME LIEU, QUE les décisions de refus de réinscription sur la liste des experts judiciaires dressée par chaque cour d'appel doivent être motivées ; qu'en rejetant la demande de réinscription de Mme Alia Guettache X... motif pris d'un prétendu « risque de manque de neutralité dans l'exécution des missions de l'expert », sans fonder cette mise en cause sur des faits objectifs et vérifiables, l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Montpellier n'a dans tous les cas pas donné de motifs suffisants à sa décision, qui par suite encourt l'annulation pour violation de l'article 2 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-130 du 11 février 2004 ;
ET ALORS, EN DERNIER LIEU, QUE qu'en rejetant la demande de réinscription de Mme Alia Guettache X... motif pris d'un prétendu « risque de manque de neutralité dans l'exécution des missions de l'expert », l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Montpellier, qui a mis en cause a priori et sans aucune raison la partialité de Mme Alia Guettache X..., a en définitive entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 16-10621
Date de la décision : 23/06/2016
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

EXPERT JUDICIAIRE - Liste de la cour d'appel - Réinscription - Commission - Composition - Détermination - Portée

EXPERT JUDICIAIRE - Liste de la cour d'appel - Réinscription - Commission - Avis - Régularité - Condition EXPERT JUDICIAIRE - Liste de la cour d'appel - Réinscription - Commission - Composition - Quorum - Détermination - Portée

Il résulte des articles 2, II, de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 et 12 du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004, que la commission instituée par le premier de ces textes en vue d'émettre un avis sur la candidature d'un expert qui sollicite sa réinscription, est composée de dix-sept membres, dont douze magistrats et cinq experts et que chacune de ces deux catégories de membres doit être représentée par la moitié au moins de ses membres, de sorte que les avis de cette commission ne sont régulièrement émis que lorsque chacune des deux catégories de membres la composant est représentée par la moitié au moins de ses membres. Doit en conséquence être annulé le refus de réinscription d'un expert judiciaire, pris sur l'avis défavorable de cette commission, alors que le procès-verbal de la réunion de celle-ci indique la présence de quatre magistrats, et la participation de quatre autres magistrats, s'étant succédé les uns aux autres, par visioconférences, de sorte que la commission n'a, à aucun moment, été composée d'au moins six magistrats siégeant ensemble


Références :

article 2, II, de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971

article 12 du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 05 novembre 2015

A rapprocher : 2e Civ., 21 septembre 2006, pourvoi n° 06-11595, Bull. 2006, II, n° 248 (1) (annulation partielle)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 23 jui. 2016, pourvoi n°16-10621, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Liénard (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat général : M. Girard
Rapporteur ?: M. de Leiris
Avocat(s) : Me Balat

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:16.10621
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award