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21/06/2016 | FRANCE | N°16-80126

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 juin 2016, 16-80126


Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Abdellah X..., - M. Mohamed X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de RENNES, en date du 11 décembre 2015, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 8 juillet 2015, n° 15-81. 731), a prononcé sur leurs requêtes en annulation d'actes de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 7 juin 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, MM. Straehli, Finidori, Buisson, Mme Durin-Karsenty, MM. Larmanjat, Ricard, Parlos, Bonna

l, conseillers de la chambre, M. Talabardon, conseiller référendaire ;
Avocat g...

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Abdellah X..., - M. Mohamed X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de RENNES, en date du 11 décembre 2015, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 8 juillet 2015, n° 15-81. 731), a prononcé sur leurs requêtes en annulation d'actes de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 7 juin 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, MM. Straehli, Finidori, Buisson, Mme Durin-Karsenty, MM. Larmanjat, Ricard, Parlos, Bonnal, conseillers de la chambre, M. Talabardon, conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Liberge ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire BARBIER, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBERGE ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 11 mars 2016, joignant les pourvois et prescrivant leur examen immédiat ;
Vu le mémoire commun aux demandeurs et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à l'occasion de plusieurs enquêtes préliminaires distinctes portant sur un trafic de stupéfiants au cours de l'année 2012 et au mois de janvier 2013, le ministère public a ouvert une information par réquisitoire introductif en date du 13 février 2013 ; que le juge d'instruction a autorisé la sonorisation du domicile de M. Mohamed X... ainsi que la perquisition de locaux d'habitation en dehors des heures prévues à l'article 59 du code de procédure pénale ; qu'à la suite de ces opérations, les demandeurs ont été interpellés et mis en examen ;
Attendu M. Abdellah X... a présenté une requête tendant à l'annulation des opérations de perquisition à son domicile et par voie de conséquence, notamment, de son interpellation et de sa mise en examen ; que MM. X... ayant contesté la régularité d'un enregistrement permis par la mesure de sonorisation, il est apparu que les services enquêteurs avaient conservé une copie de travail des enregistrements issus de ladite mesure ;
En cet état :
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 171, 173, 174, 591, 706-100 et 802 du code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motifs ;
" en ce que la chambre de l'instruction, après avoir constaté que les services enquêteurs avaient conservé irrégulièrement, après l'achèvement de leur mission, une copie des enregistrements recueillis à l'occasion d'une mesure de sonorisation autorisée par le juge d'instruction, a néanmoins décidé que cette irrégularité n'était pas de nature à affecter par elle-même la régularité des opérations de sonorisation, ainsi que la mise sous scellés des enregistrements et a ordonné une mesure d'instruction pour vérifier la date d'un des enregistrements d'une conversation ;
" aux motifs que l'article 706-100 du code de procédure pénale indique que les enregistrements de la sonorisation sont placés sous scellés fermés ; que cette disposition implique que les scellés sont remis au juge mandant à l'issue de l'exécution de la commission rogatoire, sans possibilité pour les enquêteurs délégataires de conserver une copie de travail des enregistrements ; qu'en conséquence, cette copie de travail et les pièces de la procédure s'y rapportant, à savoir la vérification demandée par le juge d'instruction et le complément de renseignements en exécution du supplément d'information, devront être annulés ; que si le fait pour les enquêteurs d'avoir conservé une copie de travail et de s'y rapporter après l'exécution de leur mission de sonorisation donnée par commission rogatoire est irrégulier, cette irrégularité n'est pas de nature à affecter par elle-même la régularité des opérations de sonorisation ainsi que la mise sous scellés fermés des enregistrements des conversations retranscrites et de l'ensemble de la sonorisation, lesquels au surplus non pas été ouverts, en raison précisément de la copie de travail ;
" alors que la conservation par les enquêteurs d'une copie des enregistrements recueillis à l'occasion d'une mesure de sonorisation autorisée par le juge d'instruction constitue une atteinte à la vie privée et entache de nullité toutes les opérations de sonorisation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés " ;
Attendu que, pour refuser de faire droit à la requête des demandeurs tendant à l'annulation de toutes les opérations de sonorisation par suite de la conservation irrégulière par les enquêteurs d'une copie de travail des enregistrements issus de ces mesures, l'arrêt énonce que cette irrégularité n'est pas de nature à affecter par elle-même la régularité des opérations de sonorisation ainsi que la mise sous scellés fermés des enregistrements des conversations retranscrites et de l'ensemble de la sonorisation ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que n'était irrégulière que la conservation par les services enquêteurs d'une copie de travail des enregistrements postérieurement à la retranscription des conversations utiles issues de la mesure de sonorisation, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 171, 173, 174 et 802 du code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motifs ;
" en ce que la chambre de l'instruction, après avoir annulé l'autorisation de procéder à la perquisition du domicile de M. Abdellah X... en dehors des heures légales et la perquisition effectuée à ce domicile, a refusé de prononcer la nullité des actes subséquents ;
" aux motifs que les autorisations et perquisitions annulées ne sont le support nécessaire d'aucun autre acte de la procédure ; qu'en particulier, tant l'interpellation de M. Abdellah X... qu'ensuite la mesure de garde à vue le concernant, sa mise en examen et son placement en détention provisoire, dont il a demandé l'annulation subséquente, reposent sur des éléments extérieurs à l'autorisation de perquisition de son domicile en dehors des heures légales et rappelés dans l'exposé ci-dessus, telles les interceptions téléphoniques entre décembre 2012 et avril 2013, faisant apparaître, après son identification, qu'il se livrait à un commerce de stupéfiants où les surveillances physiques montrant les rencontres avec les protagonistes du trafic et la livraison à son domicile en septembre 2013 de 30 kg de résine de cannabis par M. Emrah Y... ;
" alors que lorsqu'une irrégularité constitue une cause de nullité de la procédure doivent être annulés les actes affectés par cette nullité et ce dont ils sont le support nécessaire ; que lorsqu'une perquisition est effectuée irrégulièrement, en dehors des heures légales, au domicile d'une personne l'interpellation de cette personne à son domicile au cours de cette perquisition doit être annulée, de même que la garde à vue et les actes qui lui font suite ; qu'en décidant le contraire au seul motif qu'avant la perquisition les enquêteurs disposaient d'éléments extérieurs laissant apparaître une implication de la personne interpellée dans un trafic de stupéfiants, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il se déduit de ces textes que doivent être annulés les procès-verbaux afférents à l'interpellation et au placement en garde à vue d'une personne auxquels les officiers de police judiciaire ont procédé au domicile de celle-ci, dès lors que l'introduction dans ce domicile trouve son support nécessaire et exclusif dans une ordonnance du juge d'instruction y ayant autorisé une perquisition en dehors des heures légales, elle-même annulée ;
Attendu qu'après avoir prononcé l'annulation de l'autorisation de perquisition de son domicile en dehors des heures légales, l'arrêt, pour refuser de faire droit à la demande d'annulation de l'interpellation de M. Abdellah X..., de la mesure de garde à vue le concernant, de sa mise en examen et de son placement en détention provisoire, retient que ces actes reposent sur des éléments extérieurs à l'autorisation de perquisition annulée, telles les interceptions téléphoniques entre décembre 2012 et avril 2013, faisant apparaître, après son identification, qu'il se livrait à un commerce de produits stupéfiants ou les surveillances physiques montrant les rencontres avec les protagonistes du trafic et la livraison à son domicile en septembre 2013 de 30 kilogrammes de résine de cannabis ;
Mais attendu qu'en prononçant par ces motifs, alors que, si elle a retenu à bon droit que l'interrogatoire de première comparution et la mise en examen de M. X... n'avaient pas pour support nécessaire l'ordonnance de perquisition annulée, en présence des indices graves ou concordants dont disposait, par ailleurs, le juge d'instruction, elle aurait dû, en revanche, constater que l'interpellation et le placement en garde à vue de l'intéressé n'avaient pu être réalisés à son domicile que sur le fondement exclusif de cet acte, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 11 décembre 2015, en ses seules dispositions relatives à l'interpellation et au placement en garde à vue de M. Abdellah X... et aux pièces dont elles sont le support nécessaire, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite d l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un juin deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-80126
Date de la décision : 21/06/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Nullités de l'instruction - Examen de la régularité de la procédure - Annulation d'actes - Perquisition - Effets - Limites - Actes dont la perquisition était le support nécessaire et exclusif - Détermination - Portée

INSTRUCTION - Nullités - Etendue - Annulation d'actes - Perquisition - Effets - Limites - Actes dont la perquisition était le support nécessaire et exclusif - Détermination - Portée CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 8 - Respect de la vie privée - Ingérence de l'autorité publique - Instruction - Perquisitions - Annulation d'acte - Effets - Limites - Actes dont la perquisition était le support nécessaire et exclusif - Détermination - Portée

Il se déduit des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et 171, 173, 174 et 802 du code de procédure pénale que doivent être annulés les procès-verbaux afférents à l'interpellation et au placement en garde à vue d'une personne auxquels les officiers de police judiciaire ont procédé au domicile de celle-ci, dès lors que l'introduction dans ce domicile trouve son support nécessaire et exclusif dans une ordonnance du juge d'instruction y ayant autorisé une perquisition en dehors des heures légales, elle-même annulée. En revanche, ne trouvent pas leur support nécessaire dans ces actes et n'encourent pas l'annulation l'interrogatoire de première comparution et la mise en examen du suspect, qui les suivent, lorsque le juge d'instruction dispose, par ailleurs, à l'encontre de celui-ci, d'indices graves ou concordants d'avoir commis les infractions poursuivies


Références :

articles 171, 173, 174 et 802 du code de procédure pénale 

article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, 11 décembre 2015

Sur la notion de support nécessaire pour la détermination de l'étendue de l'annulation des actes subséquents à l'acte d'instruction annulé, à rapprocher : Crim., 22 juin 2000, pourvoi n° 00-82632, Bull. crim. 2000, n° 242 (rejet), et les arrêts cités ;Crim., 19 mars 2002, pourvoi n° 01-88240, Bull. crim. 2002, n° 63 (rejet), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 21 jui. 2016, pourvoi n°16-80126, Bull. crim. criminel 2016, n° 188
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2016, n° 188

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Liberge
Rapporteur ?: M. Barbier
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:16.80126
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