LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par un premier président de cour d'appel (Paris, 3 décembre 2014), que, le 24 juillet 2013, le juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l'article 64 du code des douanes, autorisé des agents de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières à procéder à une visite avec saisies dans des locaux, dépendances et moyens de transport, sis 3 B rue du Faubourg Couzon à L'Horme, occupés par la société Acton, 60 rue du Bourbonnais à Lyon, occupés par les sociétés Maurin, Emmanuel Maurin et Etablissements métallurgiques Emile Maurin, ainsi que 13 rue du Souvenir à Lyon, occupés par la société Etablissements métallurgiques Emile Maurin, afin de rechercher la preuve du délit douanier réputé importation sans déclaration de marchandises prohibées, prévu à l'article 426 du code des douanes, présumé commis par les sociétés Acton et Etablissements métallurgiques Emile Maurin, concernant des éléments en fer ou acier importés de janvier 2010 à avril 2012 ;
Attendu que les sociétés Acton, Etablissements métallurgiques Emile Maurin, Maurin et Emmanuel Maurin font grief au premier président de confirmer l'autorisation de visite alors, selon le moyen :
1°/ que saisi sur le fondement de l'article 64 du code des douanes, le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; qu'en l'espèce, s'agissant d'importations sous couvert de certificats d'origine Form A délivrés par les autorités philippines, ni le juge des libertés et de la détention, ni le délégué du premier président n'ont concrètement énoncé quels éléments les visites domiciliaires autorisées dans les locaux des sociétés exposantes pouvaient permettre d'établir ; qu'ainsi, l'ordonnance attaquée a violé l'article 64 du code des douanes ;
2°/ que manque à son obligation de loyauté, l'administration des douanes qui n'expose pas dans sa requête fondée sur l'article 64 du code des douanes, les règles de preuve auxquelles elle est astreinte en matière de contestation de validité ou d'applicabilité de certificat d'origine et qui ne précise pas quels éléments les visites dans les locaux de l'importateur sont susceptibles de révéler pour la recherche et la constatation du délit douanier ; qu'en statuant comme il l'a fait, le délégué du premier président a violé l'article 64 du code des douanes, ensemble le principe de loyauté dans l'administration des preuves et les articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que les dispositions de l'article 64 du code des douanes, qui organisent le droit de visite des agents de l'administration des douanes et le recours devant le premier président de la cour d'appel, assurent la conciliation du principe de la liberté individuelle ainsi que du droit d'obtenir un contrôle juridictionnel effectif de la décision prescrivant la visite avec les nécessités de la lutte contre la fraude douanière, de sorte que l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée et du domicile est proportionnée au but légitime poursuivi ; qu'ainsi elles ne contreviennent pas à celles des articles 8 et 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par ailleurs, la réglementation européenne a instauré un droit antidumping définitif sur les importations d'éléments de fixation en acier inoxydable originaires de certains pays d'Asie ;
Attendu en l'espèce, d'une part, qu'après avoir constaté, par motifs propres et adoptés, que les éléments recueillis en novembre 2012, aux Philippines, par l'Office européen de lutte anti-fraude, et la forte augmentation du volume d'importations en provenance de ce pays laissaient supposer une fraude consistant à déclarer les éléments de fixation en acier inoxydable comme originaires de celui-ci, non soumis au droit antidumping, les fausses déclarations d'origine étant effectuées notamment au moyen de faux certificats d'origine, l'ordonnance relève que le premier juge a autorisé les agents des douanes à rechercher tous documents et éléments de nature à prouver l'origine réelle des marchandises litigieuses, la connaissance par les dirigeants des sociétés Acton, Maurin, Emmanuel Maurin et Etablissements métallurgiques Emile Maurin de la fausseté des déclarations d'origine et l'implication des différents intervenants de ces sociétés ainsi que des fournisseurs philippins et des véritables fabricants des pays tiers dans l'organisation du contournement présumé des droits antidumping ; qu'en l'état de ces constatations, la première branche manque en fait ;
Et attendu, d'autre part, que le premier président retient à bon droit que, s'il est vrai que l'origine d'un produit importé, lorsqu'elle est certifiée, en vue de l'application d'une préférence tarifaire, par un document émanant de l'autorité compétente du pays d'exportation, ne peut être remise en question que dans les conditions prévues par le règlement communautaire ou l'accord international en vertu duquel le tarif préférentiel a été accordé, soit par la mise en oeuvre d'une procédure de contrôle a posteriori, cette circonstance ne saurait priver l'administration des douanes, au stade de l'enquête préalable, des droits qu'elle tient de l'article 64 du code des douanes ;
D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Acton, Etablissements métallurgiques Emile Maurin, Maurin et Emmanuel Maurin aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Acton, la société Etablissements métallurgiques Emile Maurin, la société Maurin et la société Emmanuel Maurin
Le moyen fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant, sur le fondement de l'article 64 du Code des douanes, des agents de l'administration des douanes à effectuer des visites dans les locaux des sociétés exposantes et à saisir tout document,
AUX MOTIFS QU'il convient en premier lieu de relever que la jurisprudence citée par les sociétés appelantes n'est pas citée in extenso et qu'au surplus elle n'est pas pertinente, alors qu'elle concerne l'application de la Convention de Lomé II du 8 décembre 1984, inapplicable en l'espèce ; qu'en tout état de cause, s'il est vrai que l'origine d'un produit importé, lorsqu'elle est certifiée, en vue de l'application d'une préférence tarifaire, par un document émanant de l'autorité compétente du pays d'exportation, ne peut être remise en question que dans les conditions prévues par le règlement communautaire ou l'accord international en vertu duquel le tarif préférentiel a été accordé, soit par la mise en oeuvre d'une procédure de contrôle a posteriori, cette circonstance ne saurait priver l'administration des douanes, au stade de l'enquête préalable, des droits qu'elle tient de l'article 64 du code des douanes ; que dès lors, quand bien même les marchandises en cause avaient été importées sous le couvert de certificats d'origine "Form A" délivrés par les autorités philippines, ce qui impliquait une procédure de contrôle a posteriori, la DNRED était fondée à solliciter l'autorisation de mise en oeuvre du droit de visite et de saisie prévu à l'article susvisé dès lors qu'il existait des éléments de fait et de droit laissant présumer l'existence d'agissements frauduleux et que des preuves et documents établissant les éléments constitutifs de l'infraction étaient susceptibles de se trouver dans les lieux visés, notamment l'élément intentionnel : que les appelantes ne sauraient donc valablement soutenir que l'administration des douanes a manqué à son obligation de loyauté en n'exposant pas dans sa requête les règles de preuve auxquelles elle est astreinte en matière de contestation de validité ou d'applicabilité de certificat d'origine ; qu'en l'espèce, au vu des documents qui lui ont été communiqués, notamment la réglementation applicable en matière de droits antidumping ainsi que des éléments factuels tels que la forte augmentation des importations de la société Acton en provenance des Philippines, les éléments recueillis par l'OLAF lors de sa mission d'enquête réalisée aux Philippines, les déclarations du directeur de la société Acton lors de son audition ou encore les liens juridiques et commerciaux existant entre cette société et les sociétés du groupe Maurin, le premier juge a valablement considéré qu'il existait des présomptions d'agissements frauduleux des sociétés en cause ; que l'autorisation donnée répondant ainsi aux exigences de l'article 64 du code des douanes, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise ;
1°/ ALORS D'UNE PART QUE saisi sur le fondement de l'article 64 du Code des douanes, le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; qu'en l'espèce, s'agissant d'importations sous couvert de certificats d'origine Form A délivrés par les autorités philippines, ni le juge des libertés et de la détention, ni le délégué du premier président n'ont concrètement énoncé quels éléments les visites domiciliaires autorisées dans les locaux des sociétés exposantes pouvaient permettre d'établir ; qu'ainsi, l'ordonnance attaquée a violé l'article 64 du Code des douanes ;
2°/ ALORS D'AUTRE PART QUE manque à son obligation de loyauté, l'administration des douanes qui n'expose pas dans sa requête fondée sur l'article 64 du Code des douanes, les règles de preuve auxquelles elle est astreinte en matière de contestation de validité ou d'applicabilité de certificat d'origine et qui ne précise pas quels éléments les visites dans les locaux de l'importateur sont susceptibles de révéler pour la recherche et la constatation du délit douanier ; qu'en statuant comme il l'a fait, le délégué du premier président a violé l'article 64 du Code des douanes, ensemble le principe de loyauté dans l'administration des preuves et les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.