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24/06/1997 | SUISSE | N°1A.367/1996

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 24 juin 1997, 1A.367/1996


123 II 425

45. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 24 juin
1997 dans la cause Etat de Vaud contre T. (recours de droit
administratif)
A.- T. est propriétaire d'une maison de deux appartements à V.; il
occupe lui-même, avec sa famille, l'appartement situé à l'étage
supérieur de l'immeuble. Il loue l'appartement du rez-de-chaussée à M.
Le 25 mars 1993 vers 2h30, un incendie se déclare dans
l'appartement du rez-de-chaussée. T., sa femme et son fils sortent de
la maison. Constatant que son locataire est demeuré dans l

'immeuble,
T. s'introduit, pour lui porter secours, dans l'appartement du
rez-de-chaus...

123 II 425

45. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 24 juin
1997 dans la cause Etat de Vaud contre T. (recours de droit
administratif)
A.- T. est propriétaire d'une maison de deux appartements à V.; il
occupe lui-même, avec sa famille, l'appartement situé à l'étage
supérieur de l'immeuble. Il loue l'appartement du rez-de-chaussée à M.
Le 25 mars 1993 vers 2h30, un incendie se déclare dans
l'appartement du rez-de-chaussée. T., sa femme et son fils sortent de
la maison. Constatant que son locataire est demeuré dans l'immeuble,
T. s'introduit, pour lui porter secours, dans l'appartement du
rez-de-chaussée encore en flammes. Il est brûlé sur environ 30% de la
surface corporelle. Hospitalisé une dizaine de jours, il souffre
durant plusieurs mois des séquelles physiques de ses blessures; il
doit en outre suivre quelques séances de psychothérapie, se montre
anxieux et prend aujourd'hui encore des tranquillisants.
Par jugement du 19 avril 1994, le Tribunal de police du district
d'Orbe a condamné M. à quinze jours d'emprisonnement avec sursis,
pour incendie par négligence. Selon le jugement, M. faisait l'objet
de nombreuses poursuites et d'actes de défaut de biens.
En mars 1995, T. a réclamé à l'Etat de Vaud l'octroi d'une somme de
15'000 fr. à titre de réparation morale. Statuant en première
instance, le Président du Tribunal civil du district d'Orbe a rejeté
la demande. Selon lui, les lésions subies par T., quoique graves,
n'étaient pas en relation de causalité adéquate avec l'infraction
commise par M.
Par arrêt du 26 juin 1996, la Chambre des recours du Tribunal
cantonal vaudois a réformé le jugement; elle a admis partiellement
l'action de T., déclarant l'Etat de Vaud débiteur de T. de la somme
de 8'000 fr. T. avait rendu vraisemblable qu'il ne pouvait rien
recevoir de tiers, notamment en raison de la situation financière de
l'auteur de l'infraction. Les lésions dont il avait été victime
constituaient une atteinte grave au sens de l'art. 12 al. 2 LAVI (RS
312.5), et il convenait d'admettre que ces lésions étaient en
relation de causalité adéquate avec l'infraction commise par M. Le
Tribunal cantonal a également estimé que le comportement exemplaire
de T. était une circonstance particulière, au sens de l'art. 12 al. 2
LAVI, qui justifiait l'allocation d'une réparation morale qu'il a
fixée, ex aequo et bono, à 8'000 fr.
Extrait des considérants:
2.- La qualité pour former un recours de droit administratif se
détermine selon l'art. 103 OJ. Selon la lettre a de cette
disposition, a qualité pour recourir quiconque est atteint par la
décision attaquée et a un intérêt digne de protection à ce qu'elle
soit annulée ou modifiée. L'art. 103 lettre b OJ permet à
l'administration fédérale de recourir, notamment contre des décisions
de dernière instance cantonale. L'art. 103 lettre c OJ confère en
outre la qualité pour recourir à toute autre personne, organisation
ou autorité, à laquelle la législation fédérale accorde le droit de
recours.
a) Le canton recourant ne peut se prévaloir de l'art. 103 lettre b
OJ, qui ne concerne que les autorités fédérales.
b) A la différence d'autres lois fédérales (art. 12 LPN, art. 56
al. 2 et 57 LPE, art. 34 al. 2 LAT, art. 3 al. 4 LCR), la LAVI ne
reconnaît pas aux collectivités publiques la qualité pour interjeter
un recours de droit administratif contre une décision cantonale prise
en application de cette loi. Comme il le reconnaît lui-même, le
canton recourant ne saurait par conséquent fonder sa qualité pour
agir sur l'art. 103 lettre c OJ.
3.- Ce silence du législateur ne signifie pas encore que la
collectivité publique soit privée de toute qualité pour agir: il
convient en effet de rechercher si le canton recourant peut fonder
cette qualité sur l'art. 103 lettre a OJ, autrement dit s'il peut
faire valoir un "intérêt digne de protection" à l'annulation ou à la
modification de l'arrêt entrepris (ATF 122 II 382 consid. 2c).
En effet, même si l'art. 103 lettre a OJ ne concerne en principe
pas les autorités ou les collectivités de droit public, la
jurisprudence reconnaît exceptionnellement à ces dernières la qualité
pour agir. Elle recourt pour ce faire à plusieurs critères.
a) La qualité pour former un recours de droit administratif est
reconnue à la collectivité publique lorsqu'elle est touchée, par la
décision attaquée, directement et de la même manière qu'un
particulier, dans sa situation matérielle ou juridique (ATF 122 II 33
4.- L'Etat de Vaud expose que selon l'art. 10 de la loi vaudoise
d'application de la LAVI (LVLAVI), la victime qui demande à l'Etat
une indemnisation ou une réparation morale doit d'abord s'adresser au
Conseil d'Etat; à défaut d'accord, elle procède par voie judiciaire.
En vertu de l'art. 11 LVLAVI, c'est le Président du Tribunal de
district compétent qui connaît des demandes d'indemnité et de
réparation morale dirigées contre l'Etat, quelle que soit la valeur
litigieuse. En exécution de l'art. 17 LAVI, le canton de Vaud a
désigné le Tribunal cantonal comme autorité de recours unique, saisi
par la voie du recours en réforme ou en nullité, selon le titre XV du
code de procédure civile vaudois (art. 15 LVLAVI). Ce recours a un
effet dévolutif: le Tribunal cantonal n'est pas lié par l'état de
fait arrêté par la juridiction inférieure et peut procéder ou faire
procéder à toute mesure d'instruction qu'il juge utile. Le canton
recourant en déduit que, devant les deux instances judiciaires
cantonales, l'Etat "procède en qualité de partie à l'instar de
n'importe quelle personne privée", et qu'il se trouve ainsi "partie à
un procès qui l'oppose à la victime". On devrait dès lors admettre sa
qualité pour former un recours pour fausse application de la loi
fédérale, car il serait "inconcevable que le droit fédéral impose des
obligations à un Etat cantonal et lui refuse la qualité pour agir".
a) On peut s'interroger, à ce propos, sur la compatibilité du
système vaudois avec le droit fédéral.
Ce dernier prévoit une procédure simple, rapide et gratuite (art.
16 al. 1 LAVI); le législateur a ainsi voulu permettre à la victime
d'obtenir une décision "le plus rapidement possible et sans
bureaucratie" (FF 1990 II p. 909 ss, 941). A première vue,
l'intervention successive de trois autorités (Conseil d'Etat,
Président du Tribunal de district et Tribunal cantonal) pourrait
contrevenir aux art. 16 et 17 LAVI, qui ne prévoient qu'une autorité
de première instance et une autorité de recours; selon la
jurisprudence toutefois, le Conseil d'Etat


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.367/1996
Date de la décision : 24/06/1997
1re cour de droit public

Analyses

Aide aux victimes d'infractions; art. 103 OJ. Rappel des principes régissant la qualité pour recourir des collectivités publiques (consid. 2 et 3). Le canton n'a pas qualité pour former un recours de droit administratif contre une décision cantonale, fondée sur la LAVI, l'astreignant à payer une indemnité à la victime d'une infraction (consid. 4).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1997-06-24;1a.367.1996 ?
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