La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/04/2016 | FRANCE | N°15-11436

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 07 avril 2016, 15-11436


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... ayant fait pratiquer, le 17 juillet 2013, une saisie-attribution entre les mains de la banque Delubac (la banque) pour obtenir paiement d'une certaine somme due par la société Pub Opéra, la banque a déclaré que le compte de cette société était créditeur de 8 748, 54 euros, puis a fait savoir à l'huissier de justice instrumentaire, par courrier du 18 juillet 2013, que le compte présentait un solde débiteur de 14 383, 94 euros, précisant, sur la sommation

adressée par l'huissier de justice, qu'un chèque de 22 803, 68 euros,...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... ayant fait pratiquer, le 17 juillet 2013, une saisie-attribution entre les mains de la banque Delubac (la banque) pour obtenir paiement d'une certaine somme due par la société Pub Opéra, la banque a déclaré que le compte de cette société était créditeur de 8 748, 54 euros, puis a fait savoir à l'huissier de justice instrumentaire, par courrier du 18 juillet 2013, que le compte présentait un solde débiteur de 14 383, 94 euros, précisant, sur la sommation adressée par l'huissier de justice, qu'un chèque de 22 803, 68 euros, présenté au paiement le 8 juillet 2013, et qui n'avait pu être payé faute de provision disponible, l'avait été le jour de la saisie ; que Mme X... a interjeté appel du jugement du juge de l'exécution ayant rejeté sa demande tendant à voir déclarer la banque débitrice des causes de la saisie-attribution dans la limite du solde créditeur du compte au jour de celle-ci ;

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et troisième branches :
Vu l'article L. 162-1 du code des procédures civiles d'exécution ensemble l'article L. 131-37, troisième alinéa, du code monétaire et financier ;
Attendu qu'en application du premier de ces textes le solde du ou des comptes du débiteur saisi au jour de la saisie peut, dans le délai de quinze jours ouvrables qui suit la saisie, être affecté au préjudice du saisissant par l'imputation d'un chèque du débiteur remis à l'encaissement par son bénéficiaire, dès lors qu'il est prouvé que cet encaissement est antérieur à la saisie ; qu'en application du second, si la provision est inférieure au montant du chèque, son bénéficiaire a le droit d'exiger le paiement jusqu'à concurrence de la provision ;
Attendu que pour dire que la banque était débitrice envers Mme X... de la somme de 8 748, 54 euros et la condamner à lui payer cette somme, la cour d'appel retient, d'abord, que si le chèque de 22 803, 68 euros a bien été présenté antérieurement à la saisie, le 8 juillet, il n'a pas été réglé faute de provision suffisante et a été mis en attente, étant précisé qu'il ressort d'un document de la banque que le chèque était « en suspens » jusqu'au 12 juillet, que dans ces conditions, la décision de la banque de l'honorer le jour de la saisie alors même que le compte, qui ne présentait pas un solde créditeur suffisant, ne le permettait pas, ne repose sur aucun motif légitime et n'est pas opposable à Mme X..., la saisie pratiquée étant intervenue à une heure où le compte, sauf cette opération, était créditeur ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen unique, pris en ses quatrième et cinquième branches :
Vu les articles L. 162-1, dernier alinéa et R. 162-1 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 1382 du code civil ;
Attendu que le solde saisi attribué des comptes bancaires frappés par une saisie n'est diminué par les éventuelles opérations de débit et de crédit que dans la mesure où leur résultat cumulé est négatif et supérieur aux sommes non frappées par la saisie au jour de leur règlement ; qu'en cas de diminution, de la sorte, des sommes rendues indisponibles par la saisie de comptes bancaires, l'établissement bancaire doit fournir un relevé de toutes les opérations qui ont affecté les comptes depuis le jour de la saisie inclusivement ; que le seul manquement à cette obligation ne peut donner lieu qu'au paiement, s'il y a lieu, de dommages-intérêts ;
Attendu que pour statuer comme il a été dit, la cour d'appel retient encore que la banque, qui se prévaut d'une opération diminuant les sommes rendues indisponibles par la saisie, n'a pas remis à l'appelante, conformément aux prescriptions de l'article R. 162-1 du code des procédures civiles d'exécution, le relevé des opérations ayant affecté le compte pendant le délai de quinze jours suivant la saisie, aux fins de lui permettre de vérifier si le compte n'était pas à nouveau devenu créditeur durant ce délai et qu'ainsi, en application des dispositions de l'article L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution, la banque est personnellement débitrice des causes de la saisie dans la limite du solde créditeur qu'elle a déclaré au jour de la saisie ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Banque Delubac et Cie.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la Banque Delubac était débitrice envers Madame X... de la somme de 8. 748, 54 euros et de l'avoir condamné lui payer cette somme ;
AUX MOTIFS QUE le 17 juillet 2013 à 14h30, Madame X... a fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains de la banque DELUBAC et Cie, pour obtenir paiement de la somme de 41. 417, 72 euros, en principal, accessoires, intérêts et frais, en exécution d'un jugement du conseil des prud'hommes de Paris du 15 mai 2012 ayant condamné son ancien employeur, la société Pub Opéra, à lui verser diverses sommes à titre de rappel de salaires et d'indemnités ; que la banque a déclaré que le compte de la société Pub Opéra était créditeur de 8. 748, 54 euros « sous réserve des opérations en cours et sauf erreur ou omission », puis a fait savoir à l'huissier par courrier du 18 juillet que le compte présentait un compte débiteur de 14. 383, 94 euros ; qu'en réponse à la sommation adressée par l'huissier le 24 juillet 2013, la banque a confirmé que le solde disponible aux date et heure de la saisie était bien de 8. 748, 54 euros mais a précisé qu'un chèque de 22. 803, 68 euros, présenté au paiement le 8 juillet et qui n'avait pu être payé faute de provision disponible, avait été payé le 17 juillet 2013 ; qu'en application de l'article L. 162-1 du code des procédures civiles d'exécution, le solde créditeur déclaré par la banque lors de la saisie peut être affecté notamment, au débit, et durant une période de quinze jours, par des chèques remis à l'encaissement antérieurement à la saisie, c'est à dire par des chèques présentés avant cette date à la banque pour être payés ; qu'en l'espèce, si le chèque de 22. 803, 68 euros a bien été présenté antérieurement à la saisie, le 8 juillet, il n'a pas été réglé faute de provision suffisante et a été mis en attente, étant observé qu'il ressort du document de la banque intitulé « Etat des opérations en attente de décision » que le chèque en cause présenté le 8 juillet (avec une date de valeur au 9 juillet) était « en suspens » jusqu'au 12 juillet ; que dans ces conditions, la décision de la banque de l'honorer le jour de la saisie alors même que le compte, qui ne présentait pas un solde créditeur suffisant, ne le permettait pas, ne repose sur aucun motif légitime et n'est pas opposable à Madame X..., la saisie pratiquée étant intervenue à 14 heures 30 alors que le compte, sauf cette opération, était créditeur, étant encore relevé que la banque DELUBAC et Cie, qui se prévaut d'une opération diminuant les sommes rendues indisponibles par la saisie, n'a pas remis à l'appelante, conformément aux prescriptions de l'article R. 162-1 du code des procédures civiles d'exécution, le relevé des opérations ayant affecté le compte pendant le délai de quinze jours suivant la saisie, aux fins de lui permettre de vérifier si le compte n'était pas à nouveau devenu créditeur durant ce délai ; qu'ainsi, en application des dispositions de l'article L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution, la banque DELUBAC et Cie est personnellement débitrice des causes de la saisie dans la limite de 8. 748, 54 euros ; qu'elle sera en tant que de besoin condamnée à payer cette somme à Madame X... ;
1°) ALORS QUE le chèque tiré par le débiteur saisi et remis à l'encaissement par son bénéficiaire antérieurement à la date de la saisie-attribution peut être imputé au titre des opérations de régularisation pendant le délai d'indisponibilité de quinze jours ; qu'en retenant que la Banque Delubac était personnellement débitrice des causes de la saisie, pour le montant déclaré au jour de la saisie-attribution de 8. 748, 54 euros, après avoir constaté que le chèque émis par le débiteur saisi, la société Pub Opéra, d'un montant de 22. 803, 68 euros, avait été remis à l'encaissement par son bénéficiaire le 8 juillet 2013, de sorte qu'il devait être inscrit au débit du compte au titre de la régularisation comptable dans les quinze jours suivants la saisie, peu important que le chèque ait été « mis en suspend » pendant 8 jours, la cour d'appel a violé l'article L. 162-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
2°) ALORS, EN OUTRE, QU'en retenant que la Banque Delubac était personnellement débitrice des causes de la saisie pour le montant déclaré au jour de la saisie-attribution de 8. 748, 54 euros, motif pris que « la décision de la banque d'honorer le chèque émis par la société Pub Opéra, d'un montant de 22. 803, 68 euros le jour de la saisie alors même que le compte, qui ne présentait pas un solde créditeur suffisant, ne le permettait pas, ne repose sur aucun motif légitime et n'est pas opposable à Madame X... », cependant que l'établissement bancaire n'a pas à justifier d'un motif légitime pour procéder aux opérations de régularisation et inscrire au débit du compte un chèque émis par le débiteur saisi et remis à l'encaissement par son bénéficiaire avant la saisie, fût-il d'un montant supérieur à la provision déclarée au jour de la saisie, la cour d'appel a ajouté une condition à l'article L. 162-1 du code des procédures civiles d'exécution, qu'elle a violé ;
3°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la Banque Delubac démontrait qu'elle justifiait de toute façon d'un motif légitime, son comportement étant conforme aux dispositions du code monétaire et financier en matière d'incident de paiement d'un chèque, qui n'impose à l'établissement bancaire aucune obligation de rejeter le chèque en l'absence de provision ou lorsque la provision n'existe que partiellement ; qu'en retenant néanmoins que la décision de la banque d'honorer le chèque le jour de la saisie sur le compte qui ne présentait pas un solde créditeur suffisant, ne reposait sur aucun motif légitime, sans prendre en compte, ainsi qu'il lui était demandé, la circonstance que la banque justifiait en toute hypothèse d'un motif légitime tenant au respect des dispositions du code monétaire et financier applicables en cas d'incident de paiement d'un chèque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 162-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
4°) ALORS QUE l'établissement bancaire doit fournir un relevé de toutes les opérations qui ont affecté les comptes depuis le jour de la saisie ; que la Banque Delubac, après avoir déclaré sur-le-champ le montant du solde du compte du débiteur saisi d'un montant de 8. 748, 54 euros sous réserve des opérations en cours et sauf erreur ou omission, a régulièrement informé le créancier, dès le lendemain de la saisie, par courrier recommandé du 18 juillet 2013 auquel était joint le relevé bancaire du compte de la société Pub Opéra arrêté au 17 juillet 2013, de ce que le solde était devenu débiteur de 14. 383, 94 euros après imputation d'un chèque de 22. 803, 68 ; que dès lors que le solde débiteur de 14. 383, 94 euros n'a été affecté par aucune autre opération, la banque n'avait pas à fournir un nouveau relevé d'opérations dans les huit jours après expiration du délai de régularisation ; qu'en reprochant néanmoins à la Banque Delubac de n'avoir pas remis à Madame X... le relevé des opérations ayant affecté le compte pendant le délai de quinze jours suivant la saisie, aux fins de lui permettre de vérifier si le compte n'était pas à nouveau devenu créditeur durant ce délai, cependant qu'en l'absence de nouvelles opérations susceptibles d'affecter le compte, la banque n'avait pas à transmettre un nouveau relevé, la cour d'appel a violé l'article R. 162-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
5°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le seul manquement à l'obligation de fournir les pièces justificatives ne peut donner lieu qu'au paiement, s'il y a lieu, de dommages et intérêts ; qu'en condamnant néanmoins la Banque Delubac à garantir les causes de la saisie, motif pris qu'elle n'avait pas remis un relevé des opérations ayant affecté le compte pendant le délai de quinze jours suivant la saisie aux fins de lui permettre de vérifier si le compte n'était pas à nouveau devenu créditeur durant ce délai, cependant qu'un tel manquement, à le supposer avéré, ne pouvait de toute façon être sanctionné que par d'éventuels dommages et intérêts pour réparer un éventuel préjudice subi par le créancier saisissant, la cour d'appel a violé les articles L. 162-1 et R. 162-1 du code des procédures civiles d'exécution.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 15-11436
Date de la décision : 07/04/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION - Mesures d'exécution forcée - Saisie-attribution - Tiers saisi - Obligation de renseignement - Etendue de ses obligations à l'égard du créancier saisissant - Pièces justificatives - Production - Modalités

PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION - Mesures d'exécution forcée - Saisie-attribution - Tiers saisi - Obligation de renseignement - Manquement - Sanction - Détermination

En application des articles L. 162-1, dernier alinéa, et R. 162-1 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 1382 du code civil, le solde saisi attribué des comptes bancaires frappés par une saisie n'est diminué par les éventuelles opérations de débit et de crédit que dans la mesure où leur résultat cumulé est négatif et supérieur aux sommes non frappées par la saisie au jour de leur règlement ; en cas de diminution, de la sorte, des sommes rendues indisponibles par la saisie de comptes bancaires, l'établissement bancaire doit fournir un relevé de toutes les opérations qui ont affecté les comptes depuis le jour de la saisie inclusivement et son manquement à cette obligation ne peut donner lieu qu'au paiement, s'il y a lieu, de dommages-intérêts. Encourt dès lors également la censure l'arrêt qui déclare la banque personnellement débitrice des causes de la saisie dans la limite du solde créditeur qu'elle a déclaré au jour de la saisie, en application des dispositions de l'article L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution, pour ne pas avoir remis au créancier saisissant le relevé des opérations ayant affecté le compte pendant le délai de quinze jours suivant la saisie, aux fins de lui permettre de vérifier si le compte n'était pas à nouveau devenu créditeur durant ce délai


Références :

Sur le numéro 1 : article L. 162-1 du code des procédures civiles d'exécution

article L. 131-37, alinéa 3, du code monétaire et financier
Sur le numéro 2 : articles L. 162-1, dernier alinéa, et R. 162-1 du code des procédures civiles d'exécution

article 1382 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 novembre 2014

n° 1A rapprocher :2e Civ., 13 février 2003, pourvoi n° 01-00543, Bull. 2003, II, n° 40 (rejet)n° 2A rapprocher :2e Civ., 6 mai 2004, pourvoi n° 02-15348, Bull. 2004, II, n° 218 (1) (rejet)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 07 avr. 2016, pourvoi n°15-11436, Bull. civ. d'information 2016 n° 849, II, n° 1226
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles d'information 2016 n° 849, II, n° 1226

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat général : M. Mucchielli
Rapporteur ?: M. de Leiris
Avocat(s) : SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.11436
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award