LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 juin 2014), que MM. Ali X... Ali Y...
Z..., Marzouq Ali X... Ali Y...
Z... et Mohammed Ali X... Ali Y...
Z... (les consorts Y...), ressortissants émiratis, ont chargé un cabinet d'avocats londonien, Eversheds, de les représenter dans un arbitrage à Londres les opposant à une société grecque, par une lettre d'engagement, du 16 juillet 2009, dépourvue de clause compromissoire ; qu'une seconde lettre d'engagement, stipulant une telle clause, a été signée, le 29 mars 2010, entre le cabinet d'avocats emirati Galadari et associates (GLDR), chargé habituellement des intérêts des consorts Y..., et M. A..., pour que celui-ci, qui avait quitté le cabinet Eversheds et avait fondé la société A... and Associates (Shackleton), suive cette instance ; qu'un différend s'étant élevé relativement au règlement des honoraires, la société A... a mis en oeuvre la clause compromissoire ; qu'une sentence rendue à Paris, le 17 juillet 2012, rectifiée par un addendum du 24 août 2012, a déclaré le tribunal arbitral compétent pour statuer sur la demande de la société en paiement d'une facture d'honoraires ; qu'une seconde sentence, rendue à Paris le 1er mars 2013, a condamné les consorts Y... à payer à l'autre partie une certaine somme ;
Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de rejeter leur recours en annulation des sentences, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge de l'annulation, qui contrôle en fait et en droit la décision du tribunal arbitral sur sa compétence, doit apprécier l'existence, la validité et l'étendue du pouvoir conventionnel pour engager une partie à l'arbitrage en considération de la loi applicable à l'acte juridique en cause ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, motifs pris « qu'en vertu d'une règle matérielle du droit de l'arbitrage international, l'existence et la validité d'une clause compromissoire sont appréciées, sans référence à une loi nationale, mais uniquement au regard de la volonté des parties de recourir à l'arbitrage, appréciée en fonction des circonstances de la cause » et « qu'il n'existe pas de motifs de s'écarter de ces principes lorsque la convention litigieuse concerne les prestations fournies par un avocat à son client », après avoir pourtant constaté que la lettre d'engagement du 29 mars 2010, contenant la clause compromissoire, avait été signée par M. A... et par le cabinet d'avocats GLDR, ce dont il résultait que l'existence, la validité et l'étendue du pouvoir conventionnel donné au cabinet GLDR devaient être appréciés en considération de la loi applicable à cet acte juridique, la cour d'appel a violé l'article 1520. 1° du code de procédure civile ;
2°/ subsidiairement, que seule la volonté commune des contractants a le pouvoir d'investir l'arbitre de son pouvoir juridictionnel ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, aux motifs inopérants, d'une part, que le projet de contrat stipulant la clause compromissoire a été adressé, le 23 février 2010, par M. A... à M. B..., contrôleur financier du groupe
Y...
et à M. Mohammed Y..., d'autre part, que le projet de lettre d'engagement signé par M. A... avait été de nouveau envoyé par courriel à M. B... et à GLDR le 29 mars 2010 et signé le 4 avril 2010 par GLDR, qui a envoyé le jour même l'exemplaire signé par courriel à M. Mohammed Y... et à M. B... et enfin, qu'il n'est pas contesté que le contrat a été ultérieurement exécuté par les consorts Y... qui ont directement donné des instructions au cabinet A... et réglé ses premières factures, ce dont il ne résulte pas l'acceptation, par M. Ali X... Ali Y...
Z..., M. Marzouq Ali X... Ali Y...
Z... et M. Mohammed Ali X... Ali Y...
Z..., de la clause compromissoire figurant à la lettre d'engagement du 29 mars 2010, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520. 1° du code de procédure civile ;
3°/ subsidiairement, que seule la volonté commune des contractants a le pouvoir d'investir l'arbitre de son pouvoir juridictionnel ; que la simple connaissance d'une clause compromissoire figurant dans un contrat négocié et signé par un tiers, fût-il le mandataire de l'un des cocontractants, ne suffit pas à faire présumer son acceptation ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, motifs pris que les consorts Y... ne peuvent « sans contradiction, soutenir comme ils le font que GLDR était chargé pour leur compte de négocier la convention avec le cabinet A... mais qu'eux-mêmes n'étaient pas liés par certains termes de cet accord, dont ils avaient pourtant eu connaissance intégrale avant sa signature », la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520. 1° du code de procédure civile ;
4°/ subsidiairement, qu'en se prononçant comme elle l'a fait, motifs pris que les consorts Y... « ne peuvent, sans mauvaise foi, se retrancher derrière la circonstance, dénuée de pertinence devant cette cour, qu'en droit émirati une clause compromissoire ne serait valablement signée par un mandataire que s'il est titulaire d'un mandat spécial à cet effet », quand il ressort de la sentence partielle du 17 juillet 2012, que devant l'arbitre unique, les consorts Y... ont précisément soutenu que faute d'un pouvoir exprès donné au cabinet d'avocats GLDR, la clause compromissoire devait être tenue pour nulle et sans effet conformément au droit des Emirats Arabes Unis devant s'appliquer à la validité de la clause compromissoire et à la capacité et au pouvoir du cabinet GLDR d'agir comme leur agent, la cour d'appel a violé les articles 1466, 1506. 3° et 1520. 1° du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt constate que la première lettre d'engagement a confié au cabinet d'avocats londonien Eversheds la représentation des consorts Y... dans l'arbitrage les opposant à la société grecque, que la seconde lettre d'engagement a chargé M. A... de poursuivre cette mission et que ces lettres ont été signées par le cabinet GLDR ; qu'il relève que, le 23 février 2010, M. A... a adressé un message électronique au contrôleur financier du groupe
Y...
et à M. Mohammed Y... pour leur soumettre le projet de contrat stipulant la clause compromissoire ; que, le 29 mars 2010, le projet de lettre d'engagement signé par M. A... a été, de nouveau, envoyé au contrôleur financier et au cabinet GLDR ; que celui-ci, qui l'a signé le 4 avril 2010, l'a adressé le jour même à M. Mohammed Y... et au contrôleur financier ; qu'il retient, enfin, que ce contrat a été ultérieurement exécuté par les consorts Y... qui ont directement donné des instructions au cabinet A... et réglé ses premières factures ; qu'ayant fait ressortir que les consorts Y... ayant eu la volonté de se soumettre à l'arbitrage, l'exigence de bonne foi pouvait leur être opposée et que les pouvoirs du cabinet d'avocats émirati étant apparents, la croyance du cabinet A... à l'engagement des consorts Y... était légitime, la cour d'appel en a exactement déduit que le tribunal arbitral était compétent ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X... Ali Y...
Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société A... and Associates Limited la somme de 5 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour les consorts X... Ali Y...
Z...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les recours en annulation des sentences rendues les 17 juillet 2012 et 1er mars 2013 entre les parties ;
AUX MOTIFS QUE les consorts Y... font valoir que le caractère particulier du contrat d'avocat conduit à écarter ou du moins à atténuer le principe de validité de la clause compromissoire applicable au commerce international, que la première lettre d'engagement conclue avec le cabinet Eversheds pour les assister dans l'arbitrage Terna ne comportait pas de clause compromissoire et que la seconde lettre d'engagement du 29 mars 2010 conclue avec M. A... pour assurer le suivi de cette même instance et contenant une clause d'arbitrage a été signée par leur cabinet d'avocats habituel GLDR, sans qu'eux-mêmes aient entendu consentir à une telle stipulation ; que saisie d'un recours en annulation d'une sentence arbitrale, la cour d'appel contrôle la décision du tribunal arbitral sur sa compétence en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier l'existence de la convention d'arbitrage ; qu'en vertu d'une règle matérielle du droit de l'arbitrage international, l'existence et la validité d'une clause compromissoire sont appréciées, sans référence à une loi nationale, mais uniquement au regard de la volonté des parties de recourir à l'arbitrage, appréciée en fonction des circonstances de la cause ; qu'il n'existe pas de motifs de s'écarter de ces principes lorsque la convention litigieuse concerne les prestations fournies par un avocat à son client ; qu'en l'espèce, il est constant que la première lettre d'engagement du 21 juillet 2009, confiant au cabinet Eversheds la représentation des consorts Y... dans l'arbitrage Terna, aussi bien que la seconde lettre d'engagement, datée du 29 mars 2010, qui chargeait M. A... de poursuivre cette mission, ont été signées par le cabinet GLDR ; que les consorts Y... reconnaissent que la première, dépourvue de clause compromissoire, a été conclue pour leur compte, mais soutiennent qu'ils n'ont pas consenti à la clause d'arbitrage stipulée par la seconde ; qu'il résulte d'un courriel envoyé le 23 février 2010 par M. A... à M. B..., contrôleur financier du groupe
Y...
, et à M. Mohammed Y..., que le projet de contrat stipulant la clause compromissoire a été soumis aux consorts Y... pour relecture préalablement à sa signature par GLDR ; que le projet de lettre d'engagement signé de M. A... a été de nouveau envoyé par courriel à M. B... et à GLDR le 29 mars 2010 et qu'il a été signé le 4 avril 2010 par GLDR qui a envoyé le jour même l'exemplaire signé par courriel à M. Mohammed Y... et à M. B... ; qu'il n'est pas contesté que ce contrat a été ultérieurement exécuté par les consorts Y... qui ont directement donné des instructions au cabinet A... et réglé ses premières factures ; qu'il résulte de l'ensemble de ces circonstances que la lettre d'engagement datée du 29 mars 2010 a été signée par GLDR au nom et pour le compte des consorts Y... qui ont manifesté leur volonté de se soumettre à l'ensemble de ses conditions y compris la clause compromissoire ; que du reste, que les consorts Y... ne peuvent, sans contradiction, soutenir comme ils le font que GLDR était chargé pour leur compte de négocier la convention avec le cabinet A... mais qu'eux-mêmes n'étaient pas liés par certains termes de cet accord, dont ils avaient pourtant eu une connaissance intégrale avant sa signature, et ne peuvent, sans mauvaise foi, se retrancher derrière la circonstance, dénuée de pertinence devant cette cour, qu'en droit émirati une clause compromissoire ne serait valablement signée par un mandataire que s'il est titulaire d'un mandat spécial à cet effet ; que le moyen tiré de l'incompétence du tribunal arbitral ne peut qu'être écarté ;
1°) ALORS QUE le juge de l'annulation, qui contrôle en fait et en droit la décision du tribunal arbitral sur sa compétence, doit apprécier l'existence, la validité et l'étendue du pouvoir conventionnel pour engager une partie à l'arbitrage en considération de la loi applicable à l'acte juridique en cause ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, motifs pris « qu'en vertu d'une règle matérielle du droit de l'arbitrage international, l'existence et la validité d'une clause compromissoire sont appréciées, sans référence à une loi nationale, mais uniquement au regard de la volonté des parties de recourir à l'arbitrage, appréciée en fonction des circonstances de la cause » et « qu'il n'existe pas de motifs de s'écarter de ces principes lorsque la convention litigieuse concerne les prestations fournies par un avocat à son client », après avoir pourtant constaté que la lettre d'engagement du 29 mars 2010, contenant la clause compromissoire, avait été signée par M. A... et par le cabinet d'avocats GLDR (arrêt attaqué, p. 2, in fine), ce dont il résultait que l'existence, la validité et l'étendue du pouvoir conventionnel donné au cabinet GLDR devaient être appréciés en considération de la loi applicable à cet acte juridique, la cour d'appel a violé l'article 1520. 1° du code de procédure civile ;
2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE seule la volonté commune des contractants a le pouvoir d'investir l'arbitre de son pouvoir juridictionnel ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, aux motifs inopérants, d'une part, que le projet de contrat stipulant la clause compromissoire a été adressé, le 23 février 2010, par M. A... à M. B..., contrôleur financier du groupe
Y...
et à M. Mohammed Y..., d'autre part, que le projet de lettre d'engagement signé par M. A... avait été de nouveau envoyé par courriel à M. B... et à GLDR le 29 mars 2010 et signé le 4 avril 2010 par GLDR, qui a envoyé le jour même l'exemplaire signé par courriel à M. Mohammed Y... et à M. B... et enfin, qu'il n'est pas contesté que le contrat a été ultérieurement exécuté par les consorts Y... qui ont directement donné des instructions au cabinet A... et réglé ses premières factures, ce dont il ne résulte pas l'acceptation, par M. Ali X... Ali Y...
Z..., M. Marzouq Ali X... Ali Y...
Z... et M. Mohammed Ali X... Ali Y...
Z..., de la clause compromissoire figurant à la lettre d'engagement du 29 mars 2010, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520. 1° du code de procédure civile ;
3°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE seule la volonté commune des contractants a le pouvoir d'investir l'arbitre de son pouvoir juridictionnel ; que la simple connaissance d'une clause compromissoire figurant dans un contrat négocié et signé par un tiers, fût-il le mandataire de l'un des cocontractants, ne suffit pas à faire présumer son acceptation ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, motifs pris que les consorts Y... ne peuvent « sans contradiction, soutenir comme ils le font que GLDR était chargé pour leur compte de négocier la convention avec le cabinet A... mais qu'eux-mêmes n'étaient pas liés par certains termes de cet accord, dont ils avaient pourtant eu connaissance intégrale avant sa signature », la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520. 1° du code de procédure civile ;
4°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'en se prononçant comme elle l'a fait, motifs pris que les consorts Y... « ne peuvent, sans mauvaise foi, se retrancher derrière la circonstance, dénuée de pertinence devant cette cour, qu'en droit émirati une clause compromissoire ne serait valablement signée par un mandataire que s'il est titulaire d'un mandat spécial à cet effet », quand il ressort de la sentence partielle du 17 juillet 2012, que devant l'arbitre unique, les consorts Y... ont précisément soutenu que faute d'un pouvoir exprès donné au cabinet d'avocats GLDR, la clause compromissoire devait être tenue pour nulle et sans effet conformément au droit des Emirats Arabes Unis devant s'appliquer à la validité de la clause compromissoire et à la capacité et au pouvoir du cabinet GLDR d'agir comme leur agent (sentence arbitrale n° 45), la cour d'appel a violé les articles 1466, 1506. 3° et 1520. 1° du code de procédure civile.