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25/02/2016 | FRANCE | N°15-12150

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 25 février 2016, 15-12150


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la SCI Eglantine, agissant par son liquidateur amiable, M. X..., ainsi que M. X... et Mme Y..., agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leurs trois enfants, alors mineurs (les consorts X...-Y...), ont engagé, sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage, une action contre M. et Mme A... ; qu'ils ont invoqué, devant le tribunal saisi du litige, le caractère diffamatoire et étranger à la cause de divers écrit

s produits par ces derniers ;
Sur les deuxième et troisième moy...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la SCI Eglantine, agissant par son liquidateur amiable, M. X..., ainsi que M. X... et Mme Y..., agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leurs trois enfants, alors mineurs (les consorts X...-Y...), ont engagé, sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage, une action contre M. et Mme A... ; qu'ils ont invoqué, devant le tribunal saisi du litige, le caractère diffamatoire et étranger à la cause de divers écrits produits par ces derniers ;
Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés :
Attendu que ces moyens ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que les discours prononcés et les écrits produits devant les tribunaux ne peuvent donner lieu à aucune action en diffamation ; que, si cette règle reçoit exception dans le cas où les faits prétendus diffamatoires sont étrangers à la cause, c'est à la condition, lorsqu'ils concernent l'une des parties, que l'action ait été réservée par le tribunal devant lequel les propos ont été tenus ou les écrits produits ;
Attendu que, pour rejeter la demande des consorts X...-Y...tendant à voir réserver leur action en diffamation, l'arrêt énonce qu'il n'appartient pas à la cour d'appel de réserver cette action, une telle affirmation étant dépourvue de toute portée juridique et ne préjugeant en rien du succès de l'action si elle est exercée ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande des consorts X...-Y...tendant à voir réserver l'action prévue par l'article 41, alinéa 6, de la loi du 29 juillet 1881, l'arrêt rendu le 16 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Réserve l'action en diffamation des consorts X...-Y...;
Condamne M. et Mme A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq février deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour les consorts X...-Y...et la SCI Eglantine
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement en ce qu'il avait réservé aux exposants l'action prévue par l'article 41, alinéa 5, de la loi du 29 juillet 1881 ;
AUX MOTIFS QU'« il n'appartient pas à la cour de " réserver " aux consorts X... l'action prévue à l'article 41 alinéa 5 de la loi du 29 juillet 188l, une telle affirmation étant en soi dépourvue de toute portée juridique et ne préjugeant en rien du succès de l'action si elle est exercée » ;
ALORS QUE la recevabilité d'une action civile ou publique à raison de faits diffamatoires ou outrageants contenus dans des écrits produits dans le cadre d'une instance judiciaire, lorsqu'ils sont étrangers à la cause, est subordonnée à la réserve de telles actions par le juge ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a confirmé le jugement en ce qu'il avait constaté que trois des pièces communiquées en première instance par les époux A... ¿ à savoir : la lettre au procureur de la République du 15 septembre 2006, la lettre au bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris du 15 septembre 2006 et une attestation de Mme Marie-Laure A... du 30 novembre 2006 ¿ comportaient des propos outrageants et diffamatoires à l'égard de M. Pascal X..., qui étaient étrangers aux faits de la cause ; qu'en énonçant néanmoins qu'il ne lui appartenait pas de réserver aux exposants l'action civile ou publique en diffamation et outrage, en ce qu'une telle affirmation serait dépourvue de toute portée juridique et ne préjugerait pas de leur succès si elles étaient exercées, la cour d'appel a violé l'article 41, alinéa 5, de la loi du 29 juillet 1881.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la responsabilité des époux A..., sur le fondement d'un trouble anormal de voisinage, à raison de la construction de la piscine et de ses annexes, et d'avoir, en conséquence, débouté les exposants de leur demande de réparation de leur préjudice pécuniaire formée à ce titre, à raison des frais de remise en état des pelouses, à hauteur de 4 010, 19 euros ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'« ainsi que l'a justement relevé le tribunal, il n'est nullement établi que les importantes stagnations d'eau (réelles) constatées sur le terrain des consorts X... soient en relation avec la rupture d'un drain intervenue lors de la construction de la piscine ; qu'ainsi les nuisances liées à la construction de la piscine, si elles ont pu exister, ne constituent pas pour autant des troubles excédant les inconvénients normaux de voisinage » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « contrairement aux allégations des défendeurs, si la rupture du drain n'est pas établie formellement, en revanche les constats d'huissier dressés le 3 mars et 24 août 2007 attestent d'une stagnation importante de l'eau sur le terrain X...-Y...après un épisode de pluie, d'un sol spongieux et détrempé sur la partie de jardin à hauteur de la piscine construite, le même phénomène n'étant pas observé dans le fond de la propriété, au-delà de la partie construite ; que l'huissier mentionne que la terre est gorgée d'eau et que le sol est particulièrement moussu ; que pour autant, cette stagnation d'eau n'a été constatée qu'en 2007, à deux reprises sur une période de six mois, alors que la piscine a été construite en 2005 ; que la photographie des jardins en 2001 versée aux débats par les défendeurs dont les requérants contestent qu'elle représente leur jardin inondé, mais prétendent qu'elle correspond aux jardins A...et C..., leurs voisins de gauche, est inexploitable pour le tribunal, s'agissant d'une photocopie illisible ; que quant au nouveau propriétaire des lieux, Monsieur B..., il dément tout problème de ce type depuis son acquisition en 2009 en temps normal et n'invoque des excédents que lors de fortes précipitations saisonnières et de chutes de neige ; que la preuve des désordres allégués sur ce point qui seraient imputables aux travaux de construction de la piscine n'est pas suffisamment rapportée au vu de l'ensemble de ces pièces » ;
ALORS QUE nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage ; qu'en écartant tout trouble anormal de voisinage imputable aux époux A... au titre des importantes stagnations d'eau constatées sur le terrain des exposants, sans rechercher si le fait, expressément relevé par elle sur le fondement des constats d'huissiers des 3 mars et 24 août 2007, qu'un tel phénomène se concentrait sur la partie du jardin à hauteur de la piscine construite, sans qu'il puisse être observé au-delà, n'était pas de nature à établir qu'il avait pour origine l'implantation d'un tel ouvrage sur le terrain voisin, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe susvisé.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les exposants de leur demande de remboursement des frais de constat et mesures techniques pour un montant de 5 418 euros ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE « cette demande sera rejetée dès lors que les consorts X...-Y...ont fait le choix de ne pas recourir à une mesure d'expertise judiciaire, de multiplier les constats, préférant notamment filmer et enregistrer par eux mêmes leurs voisins, ou prendre des photos, ce qui n'a pas manqué de générer un conflit toujours exacerbé à ce jour » ;
ALORS QU'en vertu du principe de réparation intégrale du préjudice, les dommages et intérêts alloués à la victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle aucune perte ; qu'en l'espèce, afin d'établir la réalité des troubles anormaux de voisinage qu'ils subissaient, les exposants avaient été contraints de recourir à des constats d'huissier, les frais engagés à ce titre participant ainsi directement du préjudice qui en était résulté ; qu'en rejetant la demande tendant à voir condamner les époux A... à assumer de tels frais, aux motifs impropres qu'ils avaient fait le choix de ne pas recourir à une mesure d'expertise judiciaire et de multiplier de tels constats, en préférant filmer et enregistrer par eux-mêmes leurs voisins, quand elle s'était fondée sur de tels constats d'huissier pour juger établi le trouble anormal de voisinage né de nuisances liées à l'utilisation de la piscine, la cour d'appel a violé le principe de réparation intégrale du préjudice.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 15-12150
Date de la décision : 25/02/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

PRESSE - Abus de la liberté d'expression - Immunités - Discours ou écrits devant les tribunaux - Exclusion - Faits diffamatoires étrangers à la cause - Conditions - Réserve de l'action en diffamation

Il résulte de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse que les discours prononcés et les écrits produits devant les tribunaux ne peuvent donner lieu à aucune action en diffamation et que, si cette règle reçoit exception dans le cas où les faits prétendus diffamatoires sont étrangers à la cause, c'est à la condition, lorsqu'ils concernent l'une des parties, que l'action ait été réservée par le tribunal devant lequel les propos ont été tenus ou les écrits produits


Références :

article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 16 octobre 2014

Sur les conditions d'application de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, à rapprocher :2e Civ., 8 avril 2004, pourvoi n° 01-12638, Bull. 2004, II, n° 183 (2) (cassation partielle sans renvoi) ;1re Civ., 28 mars 2008, pourvoi n° 06-12996, Bull. 2008, I, n° 92 (cassation partielle)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 25 fév. 2016, pourvoi n°15-12150, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat général : M. Cailliau
Rapporteur ?: Mme Canas
Avocat(s) : SCP Delvolvé, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 25/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.12150
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