AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que l'arrêt attaqué statuant sur les demandes en divorce de M. et Mme X..., a retenu que le passage suivant des conclusions de M. Y... : "on ne peut que remarquer aussi l'étroitesse des relations existant entre Mme Z... et le conseil de Mme Y... (voir attestation A..., attestation B...) pour constater que le manque de crédibilité et de sincérité de ce témoignage divergent, variable, empreint de subjectivité et manifestement dicté par le souci de faire plaisir", était diffamatoire et étranger à la cause, a prononcé sa suppression et a réservé l'action civile ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le premier moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le second moyen, pris en sa première branche :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la suppression du premier alinéa de la page 10 de ses conclusions, des attestations de Mmes B... et A... et du mémoire communiqué avec les conclusions et d'avoir réservé l'action civile de M. C... quant aux faits diffamatoires constitués par la production de ces écrits, alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'article 41, alinéa 3, de la loi du 29 juillet 1881 dont les dispositions sont d'ordre public, que les propos injurieux prononcés devant les tribunaux ne peuvent donner lieu à aucune poursuite ; qu'il en va autrement, en application du dernier alinéa de ce texte, lorsque les propos litigieux sont susceptibles de constituer une diffamation publique consistant dans l'imputation d'un fait précis de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération d'une personne déterminée ou d'un groupe auquel elle appartient ; qu'en se bornant à affirmer qu'un passage des conclusions de M. Y... était diffamatoire pour la seule raison qu'il mettait en doute la crédibilité et la sincérité d'une attestation dont l'auteur était connu pour être en relation étroite avec l'avocat de son épouse, ainsi que Mmes B... et A... en avaient elles-mêmes témoigné, la cour d'appel qui n'a caractérisé aucun des éléments constitutifs de la diffamation publique, a violé les articles 29 et 41 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Mais attendu que toute expression qui contient l'imputation d'un fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l'honneur où à la considération de la personne visée, constitue une diffamation, même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d'insinuation ; que les écrit incriminés, insinuant que l'avocat de Mme Y... aurait obtenu un témoignage de complaisance à la suite des relations qu'il entretenait avec un témoin, portaient atteinte à son honneur et à sa considération professionnelle ; que c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu leur caractère diffamatoire ;
Et attendu que l'exercice de la faculté de prononcer la suppression d'écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires, reconnue aux juges saisis de la cause et statuant sur le fond, par l'alinéa 4 de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 relève de leur pouvoir souverain ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que l'immunité instituée par cet article, destinée à garantir le libre exercice du droit d'agir ou de se défendre en justice, couvre les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux et ne reçoit exception que dans le cas où les faits diffamatoires sont étrangers à la cause ;
Attendu que pour réserver l'action civile, l'arrêt retient que les faits diffamatoires étaient étrangers à la cause ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les imputations visaient à contester la crédibilité et la sincérité des attestations produites par Mme Y... à l'appui de sa demande en divorce, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'il y a lieu de faire application de la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a réservé l'action civile pour diffamation, l'arrêt rendu le 17 avril 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que les imputations diffamatoires n'étaient pas étrangères à la cause ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes respectives de M. Y... et Mme Y... ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille quatre.