La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/11/2015 | FRANCE | N°15-10774

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 04 novembre 2015, 15-10774


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2014 par la cour d'appel de Montpellier, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Attendu que Mmes Véra et Natalija X... se sont pourvues contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2014, en même temps qu'elles se sont pourvues contre l'arrêt rendu par cette même cour le 7 janvier 2015 ;
Mais attendu qu'aucun des moyens contenus dans le mémoire n'étant dirigé contre l'ar

rêt rendu le 10 septembre 2014, il y a lieu de constater la déchéance du p...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2014 par la cour d'appel de Montpellier, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Attendu que Mmes Véra et Natalija X... se sont pourvues contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2014, en même temps qu'elles se sont pourvues contre l'arrêt rendu par cette même cour le 7 janvier 2015 ;
Mais attendu qu'aucun des moyens contenus dans le mémoire n'étant dirigé contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2014, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre cette décision ;
Sur le moyen unique du pourvoi, pris en ses deux premières branches, en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 7 janvier 2015 :
Vu l'article 1096 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004, et l'article 384 du code de procédure civile ;
Attendu, d'une part, que la révocation des donations peut résulter de tout fait ou acte de l'époux donateur qui indique, d'une manière non équivoque, son intention de révoquer sa donation ; que, d'autre part, les héritiers du titulaire d'un droit à caractère personnel peuvent, sauf exception, poursuivre l'instance engagée par leur auteur ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation (1re Civ. 10 juillet 2013, pourvoi n° 11-28.124), et les productions, que le divorce de Petar X... et Mme Y..., qui s'étaient mariés le 22 décembre 1977 à Belgrade (Serbie) sous le régime français de la séparation de biens, a été prononcé le 10 mars 2008 par une juridiction serbe ; qu'entre-temps, Petar X... avait assigné Mme Y... pour faire constater qu'il avait révoqué les donations consenties durant le mariage, prononcer leur nullité et obtenir la restitution des biens donnés ; qu'un jugement a constaté la révocation des donations et accueilli les demandes de restitution ; que Petar X... étant décédé, son épouse, Mme Véra X..., et sa fille, Mme Natalija X..., sont intervenues à l'instance en leur nom propre et en leur qualité d'héritières de Petar X... pour poursuivre l'instance engagée par celui-ci ;
Attendu que, pour dire que l'action en révocation des donations était éteinte par le décès de Petar X..., que les dispositions du jugement entrepris relatives à la révocation des donations et aux demandes de restitution étaient non avenues, que l'instance d'appel était éteinte accessoirement à l'action, que la cour d'appel était dessaisie et rejeter les demandes des parties, l'arrêt retient, d'une part, que Mmes Véra et Natalija X... ne prouvent pas que Petar X... avait antérieurement révoqué les donations, d'autre part, que l'action en révocation des donations, qui est strictement personnelle au donateur, n'est pas transmissible à ses héritiers et n'avait pas été définitivement jugée ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'instance introduite par Petar X... valait nécessairement révocation des donations consenties à Mme Y... et que ses héritières pouvaient poursuivre l'instance engagée par leur auteur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du moyen :
CONSTATE la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2014 par la cour d'appel de Montpellier ;
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 janvier 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Confirme le jugement rendu le 14 septembre 2010 par le tribunal de grande instance de Draguignan ;
Condamne Mmes Dolores Y... et Tatiyana X..., M. Aleksandar X... et les sociétés Manaser Establissement Investments et Oakbridge Equities Limited Ltd aux dépens, y compris ceux afférents aux instances d'appel ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à Mmes Véra et Natalija X... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour Mmes Véra et Natalija X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté l'extinction de l'action en révocation des donations par le décès de M. Petar X..., d'AVOIR constaté en conséquence que les dispositions du jugement entrepris relatives à la révocation des donations des parts de la société Manaser Establishment Investments et des sommes versées via la société Cauze Investments, étaient non avenues, ainsi que les dispositions subséquentes de restitution des parts de la société civile immobilière Manaser Establishment et de la somme de 2.460.000 dollars US, transférés via la société Cauze Investments LTD, d'AVOIR constaté l'extinction de l'instance d'appel accessoirement à l'action ainsi que le dessaisissement de la Cour et d'AVOIR débouté les parties de leurs demandes de dommages-intérêts ainsi que de leurs autres demandes ;
AUX MOTIFS QUE la faculté de révocation des donations consenties pendant le mariage prévue par l'article 1096 du Code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004, applicable en la cause, est strictement personnelle au donateur et n'est pas transmissible à ses héritiers, seraient-ils réservataires ; qu'en l'espèce, à la suite du décès de Petar X... survenu le 13 mars 2014, Mme Véra X..., seconde épouse de M. Petar X... et Mme Natalija X... interviennent volontairement à l'instance en venant aux droits de M. Petar X... en leur qualité d'héritiers légaux et testamentaires ; que dès lors que la faculté de révocation des donations consenties pendant le mariage était personnelle à M. Petar X... qui est décédé en cours d'instance et qu'elle n'est pas transmissible à ses héritiers, l'action en révocation est éteinte et ses héritiers ne sont pas recevables à la reprendre ;
ET QUE Mme Dolorès Y... demande à la Cour de constater l'extinction de l'instance en révocation des donations et à l'irrecevabilité des prétentions de Véra et Nataliya X... tendant à la révocation des donations et au débouté d'autres prétentions ; que ces prétentions satisfont aux exigences de l'article 954 du Code de procédure civile et que la Cour doit statuer sur ces prétentions énoncées au dispositif de ces dernières conclusions ; qu'en vertu d'une jurisprudence constante, la faculté de révocation des donations entre époux est strictement personnelle au donateur et n'est pas transmissible à ses héritiers ; qu'il en est ainsi même lorsque le donateur décède en cours d'instance ; que l'article 384 al. 1er du Code de procédure civile dispose que l'action s'éteint accessoirement à l'action dans les actions non transmissibles, par le décès d'une partie ; que le jugement du 14 septembre 2010 n'a pu passer en force de chose jugée dès lors qu'il a fait l'objet d'un appel qui n'est pas définitivement jugé ; qu'il en est de même de l'arrêt du 22 septembre 2011 en ses dispositions cassées et annulées relatives aux donations en cause et qui n'ont donc pas force de chose jugée ; que Mmes Véra et Natalija X... ne prouvent ni même offrent de prouver que M. Petar X... avait antérieurement révoqué les donations, alors que le jugement entrepris énonçait que la révocation intervenait dans le cadre de la « présente instance » soit de l'instance pendante devant le tribunal ; qu'il s'ensuit que l'action introduite par M. Petar X... tendait à obtenir la révocation des donations litigieuses et non pas seulement à faire constater une révocation antérieure, qui ne ressort d'aucun élément ; qu'il en résulte que l'action en révocation des donations que n'est pas transmissible ni définitivement jugée est éteinte par le décès de M. Petar X... survenu le 13 mars 2014 ; que les dispositions du jugement entrepris relatives à la révocation des donations sont en conséquence non avenues et que le jugement doit être en tant que de besoin réformé de ces chefs ; que le principe de l'indépendance de la première instance et de l'instance d'appel est inopérant dès lors que c'est l'action qui est éteinte ; qu'en revanche l'extinction de l'action entraîne celle de l'instance d'appel et le dessaisissement de la Cour sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité des interventions volontaires ou forcée devenues sans objet ;
1° ALORS QUE les héritiers sont recevables à exercer une action tendant à faire constater les effets d'une révocation, accomplie par un donateur avant son décès, de la donation qu'il avait consentie à son époux ; qu'en affirmant que l'action en révocation des donations était éteinte par le décès de M. Petar X... de sorte que les dispositions du jugement relatives à la révocation des donations étaient non avenues et devaient être réformées, après avoir elle-même relevé que Petar X... avait révoqué les donations de son vivant, en introduisant l'instance, la Cour d'appel a violé l'article 1096 du Code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 ;
2° ALORS QU'en toute hypothèse, un héritier est recevable à poursuivre seul l'action d'un donateur, introduite avant son décès, en révocation d'une donation consentie à son époux ; qu'en affirmant que l'action en révocation des donations était éteinte par le décès de M. Petar X... de sorte que les dispositions du jugement relatives à la révocation des donations étaient non avenues et devaient être réformées, après avoir elle-même relevé que Petar X... avait introduit de son vivant l'instance en révocation des donations, reprise par les exposantes, la Cour d'appel a violé l'article 384 du Code de procédure civile ;
3° ALORS QU'en toute hypothèse un jugement a dès son prononcé, autorité de chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche ; que saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, la Cour d'appel est tenue de statuer sur le fond quelle que soit sa décision sur la nullité du jugement ; qu'en se bornant à affirmer que les dispositions du jugement relatives à la révocation des donations étaient non avenues par cela seul que Petar X... était décédé au cours de l'instance d'appel, sans se prononcer sur le bien fondé du recours des appelants qui tendait à remettre en cause le jugement exécutoire du 14 septembre 2010, qui avait jugé que le donateur avait révoqué les donations litigieuses, la Cour d'appel a violé l'article 562 du Code de procédure civile, ensemble l'article 480 du même Code.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 15-10774
Date de la décision : 04/11/2015
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

DONATION - Donation entre époux - Révocation - Modalités - Détermination - Portée

DONATION - Donation entre époux - Révocation - Action en révocation - Action exercée par le donateur - Donateur décédé en cours d'instance - Reprise de l'instance par ses héritiers - Possibilité PROCEDURE CIVILE - Instance - Reprise d'instance - Instance reprise après le décès d'une partie par un héritier ou un légataire universel - Action personnelle - Action en révocation d'une donation entre époux PROCEDURE CIVILE - Parties - Décès - Action personnelle - Action en révocation d'une donation entre époux - Absence d'influence

La révocation d'une donation entre époux peut résulter de tout fait ou acte du donateur d'où résulte, de manière non équivoque, son intention de la révoquer, tel qu'une assignation tendant à sa révocation et à la restitution des biens donnés. Les héritiers du donateur décédé au cours de l'instance introduite par une telle assignation sont, en vertu de l'article 384 du code de procédure civile, recevables à poursuivre l'action engagée par leur auteur


Références :

article 1096 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004

article 384 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 10 septembre 2014

Sur les modalités de la révocation d'une donation entre époux, à rapprocher :1re Civ., 14 décembre 1960, pourvoi n° 57-12749, Bull. 1960, I, n° 545 (1) (cassation) ;

1re Civ., 18 janvier 1965, pourvoi n° 63-10949, Bull. 1965, I, n° 44 (rejet) ;

1re Civ., 29 février 1984, pourvoi n° 82-16769, Bull. 1984, I, n° 82 (rejet) ;

1re Civ., 21 juillet 1987, pourvoi n° 86-10054, Bull. 1987, I, n° 243 (rejet).Sur la possibilité pour les héritiers de poursuivre l'action en révocation engagée par le donateur décédé, à rapprocher : 1re Civ., 8 janvier 1991, pourvoi n° 89-12384, Bull. 1991, I, n° 10 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 04 nov. 2015, pourvoi n°15-10774, Bull. civ. 2016, n° 839, 1re Civ., n° 436
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2016, n° 839, 1re Civ., n° 436

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat général : Mme Valdès-Boulouque
Rapporteur ?: M. Vigneau
Avocat(s) : SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:15.10774
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award