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06/10/2015 | FRANCE | N°15-82247

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 octobre 2015, 15-82247


Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Djamel X..., - M. Djaffar Y..., - M. Lahcen Z..., - M. Brendon A...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 4e section, en date du 20 mars 2015, qui, dans l'information suivie contre eux, notamment, du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants, a prononcé sur leur demande d'annulation de pièces de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 22 septembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de pro

cédure pénale : M. Guérin, président, M. Buisson, conseiller rapporteur, M. Stra...

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Djamel X..., - M. Djaffar Y..., - M. Lahcen Z..., - M. Brendon A...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 4e section, en date du 20 mars 2015, qui, dans l'information suivie contre eux, notamment, du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants, a prononcé sur leur demande d'annulation de pièces de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 22 septembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Buisson, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller BUISSON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire CABY ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 3 juin 2015, joignant les pourvois et prescrivant leur examen immédiat ;
I-Sur la recevabilité du pourvoi formé par M. A...:
Attendu que le pourvoi, formé le 1er avril 2015, plus de cinq jours francs après la notification de l'arrêt faite par le chef de l'établissement pénitentiaire le 25 mars 2015, est irrecevable comme tardif, en application de l'article 568 du code de procédure pénale ;
II-Sur les pourvois formés par MM. Z...et Y... :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
III-Sur le pourvoi formé par M. X...:
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 1er août 2013, un officier de police judiciaire du commissariat d'Aubervilliers a reçu une information d'une personne désirant garder l'anonymat par peur des représailles, qu'il a relatée dans un procès-verbal, selon laquelle le gérant du garage Pro Car, M. Lahcen Z..., livrerait de la résine de cannabis à plusieurs dealers qui viendraient se fournir à toute heure de la journée ; qu'une enquête préliminaire ayant été consécutivement ouverte, des surveillances ont été organisées aux abords de ce garage qui ont rendu objectivement vraisemblable ce renseignement anonyme ; que le 5 août suivant, après que l'officier de police judiciaire eut reçu un nouveau message de son informateur confirmant la teneur de son premier message, également transcrit dans un procès-verbal, une seconde surveillance similaire a été assurée qui a apporté une nouvelle confirmation des premiers indices recueillis ;
Attendu que, ce même 5 août 2013, le juge des libertés et de la détention a, sur requête du procureur de la République délivrée dans le cadre de l'enquête préliminaire, ordonné une perquisition coercitive du garage en cause, en application de l'article 76, alinéa 4, du code de procédure pénale, au cours de laquelle a été saisie une quantité de deux cents kilogrammes de résine de cannabis, le procureur décidant alors de saisir de cette enquête le service départemental de police judiciaire de la Seine-Saint-Denis ; qu'au cours de l'information ouverte le 20 août 2013, un officier de police judiciaire de ce service agissant en exécution d'une commission rogatoire a, le 28 août suivant, reçu un renseignement anonyme relatif à l'origine éventuelle de la quantité de résine de cannabis saisie ; que cette instruction a abouti à l'implication, notamment, de M. X...qui, mis en examen des chefs susvisés le 17 mai 2014, a régulièrement déposé une requête en annulation de pièces de la procédure le 17 novembre 2014 ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, préliminaire, 706-57, 706-58 et 591 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête en annulation des procès-verbaux faisant état de déclarations anonymes ;
" aux motifs que les procès-verbaux cotés D8, D13 et D10631 se bornent à consigner les informations obtenues par un policier d'une personne venue spontanément trouver l'enquêteur et ne constituent pas au sens de l'article 706-57 des procès-verbaux d'audition de témoin mais un recueil de renseignements destinés à guider d'éventuelles investigations, dépourvu de valeur probante ; que la seule interrogation du policier sur la certitude de l'information donnée dans le cadre du procès-verbal coté D13 ne porte pas sur les faits et ne constitue pas un interrogatoire ; que, contrairement aux allégations de l'avocat de M. X..., la procédure d'audition de témoins prévue à l'article 706-58 du code de procédure pénale ne peut être étendue aux renseignements au motif que l'enquête a débuté ; que ces procès-verbaux ne portent pas atteinte à la notion de procès équitable prévu à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
" 1°) alors que les dépositions d'une personne non suspectée, faites dans le cadre d'une enquête déjà ouverte, ne peuvent être recueillies, si cette personne désire garder l'anonymat, que dans les conditions prévues par l'article 756-58 du code de procédure pénale, sans qu'il y ait lieu de distinguer si ces déclarations sont spontanées ou faites en réponse à un interrogatoire ; qu'en décidant le contraire, la chambre de l'instruction a violé les articles 706-57, 706-58 et préliminaire du code de procédure pénale, et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
" 2°) alors que le respect du principe du contradictoire et du principe de loyauté de la preuve impose de contrôler de manière stricte le recours à des renseignements ou témoignages anonymes, et à n'y recourir qu'en cas de stricte nécessité ; que la procédure de l'article 706-58 du code de procédure pénale permet seule de s'assurer que l'anonymat d'un témoin soit préservé dans le respect de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'en refusant d'annuler les procès-verbaux faisant état de déclarations anonymes sans que la procédure de l'article 706-58 ait été respectée, la chambre de l'instruction a méconnu les principes visés ci-dessus ;
" 3°) alors que le principe d'égalité impose que les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions soient jugées selon les mêmes règles ; qu'en laissant aux autorités de police le choix de recueillir les déclarations d'un témoin souhaitant rester anonyme sous la forme d'un procès-verbal de renseignement ou selon la procédure prévue par les articles 706-57 et 706-58, et d'éluder ainsi de manière arbitraire la mise en oeuvre des garanties procédurales de l'article 706-58 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a méconnu le principe d'égalité entre les personnes mises en cause " ;
Attendu que, pour rejeter la demande d'annulation des procès-verbaux relatant des informations que, par crainte des représailles, une personne désirant garder l'anonymat a fournies à un officier de police judiciaire, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions de droit interne et conventionnel invoquées, dès lors que n'entrent pas dans les prévisions des articles 706-57 et suivants du code de procédure pénale les procès-verbaux dépourvus de force probante qui se bornent, comme en l'espèce, à consigner des déclarations d'une personne fournissant spontanément aux enquêteurs des renseignements destinés à permettre des investigations ultérieures ou à en faciliter l'exécution en cours ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 76, 802, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête en annulation de l'ordonnance autorisant la perquisition du garage Pro Car sans l'assentiment de son gérant ;
" aux motifs que les seules mentions de la qualification des faits et des lieux où seront opérées les perquisitions sont prescrites à peine de nullité par l'article 76 du code de procédure pénale ; que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisation la perquisition sans assentiment a été rendue au visa de la procédure et de la requête du ministère public qui, indépendamment de l'élément erroné qu'elle contient, fait état d'un trafic de stupéfiants étayé dans le garage où a eu lieu la perquisition par des procès-verbaux ; que son défaut de motivation ne fait pas grief ; qu'il apparaît, dès lors, qu'au regard de la requête et à la lecture de la procédure, le juge des libertés et de la détention a pu avoir une exacte appréciation des éléments du dossier et se déterminer en fonction de ceux-ci ;
" 1°) alors que l'obligation de motivation des décisions de justice permet de garantir le respect des droits de la défense et notamment le principe du contradictoire ; que la nullité prise du défaut de motivation d'une décision de justice fait donc nécessairement grief ; qu'en constatant que l'ordonnance autorisant la perquisition du garage sans l'assentiment de son gérant n'était pas motivée et en se refusant à l'annuler au motif que ce défaut de motivation ne ferait pas grief, la chambre de l'instruction a méconnu le principe susvisé ;
" 2°) alors que l'élément erroné contenu dans la requête du ministère public portait sur la question de l'implication du gérant du garage Pro Car dans le trafic de stupéfiants dénoncé ; qu'en effet, les enquêteurs et le parquet ont exposé que le gérant avait lui-même effectué une livraison de résine de cannabis alors même qu'il ressortait des déclarations du témoin ayant dénoncé le trafic que celui-ci avait vu trois individus sortir du garage sans préciser leur identité ; que cette erreur a pu jouer un rôle déterminant dans la décision de procéder à la perquisition souhaitée sans que l'assentiment du gérant ne soit recherché ; qu'en ne recherchant pas si l'erreur contenue dans la requête, à laquelle se réfère l'ordonnance de perquisition en guise de motivation, n'était pas de nature à priver de tout fondement la décision, la chambre de l'instruction n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Attendu que le moyen est irrecevable en ce qu'il vise la perquisition effectuée dans un local sur lequel le demandeur ne peut se prévaloir d'aucun droit ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Par ces motifs :
I-Sur le pourvoi de M. A...:
Le DÉCLARE IRRECEVABLE ;
II-Sur les autres pourvois :
Les REJETTE ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six octobre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 15-82247
Date de la décision : 06/10/2015
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité et rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

OFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE - Pouvoirs - Enquête préliminaire - Audition de témoin - Témoin anonyme - Articles 706-58 et suivants du code de procédure pénale - Domaine d'application

OFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE - Pouvoirs - Enquête préliminaire - Audition de témoin - Témoin anonyme - Déclarations spontanées - Force probante (non)

N'entrent pas dans les prévisions des articles 706-57 et suivants du code de procédure pénale les procès-verbaux dépourvus de force probante qui se bornent à consigner les déclarations d'une personne fournissant spontanément aux enquêteurs, de manière anonyme, des renseignements destinés à permettre des investigations ultérieures ou à en faciliter l'exécution en cours


Références :

articles 706-57 et suivants du code de procédure pénale

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 20 mars 2015

Sur l'absence d'application des règles de protection des témoins au procès-verbal se bornant à consigner les déclarations spontanées d'une personne qui n'a pas été interrogée, à rapprocher :Crim., 28 mai 2014, pourvois n° 13-83.197 et 11-81.640, Bull. crim. 2014, n° 142 (rejet).Sur l'absence de force probante du procès-verbal rapportant des informations obtenues auprès d'une personne désirant conserver l'anonymat, à rapprocher :Crim., 9 juillet 2003, pourvoi n° 03-82119, Bull. crim. 2003, n° 138 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 oct. 2015, pourvoi n°15-82247, Bull. crim. 2016, n° 837, Crim., n° 312
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle 2016, n° 837, Crim., n° 312

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : Mme Caby
Rapporteur ?: M. Buisson
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:15.82247
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