La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/02/2015 | FRANCE | N°14-82350

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 février 2015, 14-82350


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Marie-Line X...,- La compagnie d'assurance la Maif, partie intervenante,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BASSE-TERRE, chambre correctionnelle, en date du 11 mars 2014, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 23 octobre 2012, n° 12-80. 171), pour homicide involontaire et omission de céder le passage, a condamné la première à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l

'audience publique du 13 janvier 2015 où étaient présents dans la formation prévue...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Marie-Line X...,- La compagnie d'assurance la Maif, partie intervenante,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BASSE-TERRE, chambre correctionnelle, en date du 11 mars 2014, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 23 octobre 2012, n° 12-80. 171), pour homicide involontaire et omission de céder le passage, a condamné la première à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 13 janvier 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Mirguet, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Leprey ;
Sur le rapport de Mme le conseiller MIRGUET, les observations de Me LE PRADO, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire CABY ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 609, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a statué sur l'action publique et condamné Mme X... à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis ;
" aux motifs que sur la faute pénale, qu'il résulte des pièces de procédure que, le 3 janvier 2008, au François (Martinique), un accident mortel de la circulation est survenu entre le véhicule conduit par Mme X... et la moto pilotée par M. Z... alors que Mme X... venait de quitter sa voie de circulation par la gauche afin de rejoindre un terre plein et faire demi-tour et qu'elle était percutée par la moto qui arrivait sur la voie opposée ; que s'il est exact, ainsi que l'a jugé le tribunal de Fort de France, que la contravention prévue par l'article R. 415-5 du code de la route de refus de priorité à droite à une intersection de routes ne s'appliquait pas dans la mesure où les deux conducteurs n'abordaient pas une intersection par des routes différentes, la contravention de l'article R. 415-4 est constituée dès lors que Mme X... a omis de céder le passage aux véhicules venant en sens inverse ; que cette faute ayant été la cause du décès de M. Z..., le délit d'homicide involontaire est également établi ; qu'en effet, à supposer que M. Z... soit également fautif pour excès de vitesse, la présence anormale du véhicule de Mme X... sur la voie de circulation opposée, qui plus est dans une courbe réduisant la visibilité, est la cause directe de l'accident et du décès ; que le jugement sera donc confirmé en ce qui concerne la déclaration de culpabilité pour homicide involontaire mais complété par une déclaration de culpabilité au titre de l'article R. 415-4 ; que sur la peine, la peine de dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis prononcée par le tribunal correspond à la gravité des faits et à la personnalité de la prévenue qui n'a jamais été condamnée ; que le jugement sera confirmé également sur ce point ;
" alors que lorsqu'une décision de relaxe est annulée sur le seul pourvoi de la partie civile, la juridiction de renvoi ne peut prononcer une peine, la décision ayant acquis force de chose jugée en ce qui concerne l'action publique ; qu'en statuant néanmoins sur l'action publique quand bien même l'arrêt de relaxe rendu par la cour d'appel de Fort-de-France n'avait fait l'objet d'un pourvoi que de la seule partie civile et que la Cour de cassation avait expressément limité sa censure aux « seules dispositions civiles, toutes autres dispositions étant expressément maintenues », la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Vu l'article 609 du code de procédure pénale, ensemble l'article 567 dudit code ;
Attendu que, si le pourvoi a pour effet de déférer à la Cour de cassation la décision attaquée dans son intégralité, cet effet est limité par la qualité du demandeur, par sa volonté ou par son intérêt à agir ;
Attendu qu'après cassation l'affaire est dévolue à la cour d'appel de renvoi dans les limites fixées par l'acte de pourvoi et dans celles de la cassation intervenue ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Mme X..., renvoyée devant le tribunal correctionnel pour homicide involontaire et refus de priorité, a été relaxée du chef de cette dernière contravention et déclarée coupable du délit d'homicide involontaire ; que, sur appel de la prévenue, les juges du second degré l'ont relaxée et ont débouté la partie civile de ses demandes de dommages et intérêts ; que sur le seul pourvoi de la partie civile, par arrêt du 23 octobre 2012, les seules dispositions civiles de la décision de la cour d'appel de Fort-de-France ont été cassées et annulées, et l'affaire a été renvoyée devant la cour d'appel de Basse-Terre sur les seuls intérêts civils ;
Attendu que la cour d'appel, prononçant par les motifs repris au moyen, condamne Mme X... des chefs d'homicide involontaire et d'omission de céder le passage ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi sur l'action pénale, alors que la cour d'appel de renvoi n'était saisie que des seuls intérêts civils, la relaxe de la prévenue ayant acquis l'autorité de chose jugée, les juges d'appel ont méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Et sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles R. 431-1 du code de la route, 1382 du code civil, 4 et 6 de la loi du 5 juillet 1985, 592 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Mme X... entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident ;
" aux motifs que c'est par des motifs pertinents exactement justifiés par les faits de la cause que le premier juge a reconnu l'entière responsabilité pénale de Mme X... ; qu'en effet, il est établi que Mme X... n'a pas marqué de temps d'arrêt avant de s'engager sur la voie opposée et que, selon Mme A..., le motard roulait à vitesse normale ; que c'est bien Mme X... qui a commis imprudemment la manoeuvre perturbatrice cause de l'accident ; que certes, Mme B... affirme que la moto est arrivé très vite dès que Mme X... a commencé à tourner sur sa gauche, mais cette appréciation subjective et isolée est insuffisante à établir un excès de vitesse de la part du motard qui, selon son épouse, était un conducteur prudent ; que Mme X... sera donc reconnue entièrement responsable de l'accident ;
" alors que lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, directement ou par ricochet, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice ; qu'il appartient alors au juge d'apprécier si cette faute a pour effet de limiter l'indemnisation ou de l'exclure et que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que Mme X... et son assureur soulignaient dans leurs écritures que le casque de la victime avait été retrouvé non endommagé à côté d'elle, ce qui signifiait à tout le moins qu'il n'était pas ou mal attaché, et que cette faute avait contribué à la réalisation du dommage ; qu'en déclarant néanmoins Mme X... entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident sans répondre à ces écritures pourtant déterminantes, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Vu l'article 4 de la loi du 25 juillet 1985 et l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, la faute commise par le conducteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis ;
Attendu que, selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, sur l'action civile, pour écarter la demande de partage de responsabilité, la cour d'appel prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions qui faisaient valoir l'absence de port correct du casque par le motocycliste, et sans rechercher si ce comportement de la victime avait pu contribuer à la réalisation de son propre dommage, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est également encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Basse-Terre, en date du 11 mars 2014, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, sur les seuls intérêts civils ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Cayenne, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Basse-Terre et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre février deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 14-82350
Date de la décision : 24/02/2015
Sens de l'arrêt : Cassation et désignation de juridiction
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CASSATION - Juridiction de renvoi - Pouvoirs - Etendue - Cassation portant sur les seules dispositions civiles

JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Cour d'appel - Cour d'appel de renvoi après cassation - Pouvoirs - Etendue - Cassation portant sur les seules dispositions civiles

Il résulte des articles 567 et 609 du code de procédure pénale que si le pourvoi a pour effet de déférer à la Cour de cassation la décision attaquée dans son intégralité, cet effet est limité par la qualité du demandeur, par sa volonté ou par son intérêt à agir. Après cassation, l'affaire est dévolue à la cour d'appel de renvoi dans les limites fixées par l'acte de pourvoi et dans celles de la cassation intervenue. Méconnaît ces dispositions, la cour d'appel de renvoi, qui statue sur l'action pénale, alors qu'elle n'était saisie que des seuls intérêts civils


Références :

articles 567 et 609 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre, 11 mars 2014

Sur l'étendue des pouvoirs de la juridiction de renvoi après cassation, dans le même sens que :Crim., 11 juillet 1990, pourvoi n° 89-86483, Bull. crim. 1990, n° 280 (4) (cassation sans renvoi) ;Crim., 6 mars 2007, pourvoi n° 06-84160, Bull. crim. 2007, n° 67 (cassation partielle par voie de retranchement sans renvoi)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 24 fév. 2015, pourvoi n°14-82350, Bull. crim. criminel 2015, n° 32
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2015, n° 32

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : Mme Caby
Rapporteur ?: Mme Mirguet
Avocat(s) : Me Le Prado

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.82350
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award