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10/02/2015 | FRANCE | N°12-13052

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 février 2015, 12-13052


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur la demande de mise hors de cause :

Attendu que le pourvoi ne formule aucune critique contre le chef de l'arrêt ayant écarté la responsabilité de M. X... et la garantie de son assureur, la société MMA IARD assurances mutuelles ; qu'il y a donc lieu d'accueillir leur demande ;
Sur le moyen unique :
Vu l'arrêt du 22 mai 2013 rendu par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation ;
Vu l'article 4, paragraphes 2, 4 et 5, de la convention de Rome du 19 juin 1980 su

r la loi applicable aux obligations contractuelles ;
Attendu, selon l'arrêt a...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur la demande de mise hors de cause :

Attendu que le pourvoi ne formule aucune critique contre le chef de l'arrêt ayant écarté la responsabilité de M. X... et la garantie de son assureur, la société MMA IARD assurances mutuelles ; qu'il y a donc lieu d'accueillir leur demande ;
Sur le moyen unique :
Vu l'arrêt du 22 mai 2013 rendu par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation ;
Vu l'article 4, paragraphes 2, 4 et 5, de la convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Va Tech JST (la société Va Tech) a chargé, par contrat du 24 septembre 2002, la société SAFRAM intercontinental (la société SAFRAM), établie en France, d'organiser le déplacement d'un transformateur électrique depuis le port d'Anvers (Belgique), où il avait été débarqué en provenance des États-Unis, jusqu'à son principal établissement à Lyon ; que la société SAFRAM, agissant sous son nom, mais pour le compte de la société Va Tech, a confié à la société Haeger et Schmidt GmbH (la société Haeger), établie en Allemagne, le soin de faire exécuter la partie fluviale du déplacement ; que la société Haeger a choisi à cette fin M. X..., domicilié en France, propriétaire de la péniche « El-Diablo » immatriculée en Belgique ; que, lors du chargement à son bord du transformateur, celui-ci a glissé dans la cale, provoquant le chavirement du bateau qui a sombré avec sa cargaison ; que la société Va Tech, puis ses assureurs subrogés, les sociétés Axa Corporate solutions et Ace Insurance NV (les assureurs), ont demandé réparation du préjudice à la société SAFRAM, mise ensuite en liquidation judiciaire, et à la société Haeger ; que l'arrêt condamne celle-ci à payer aux assureurs une indemnité, après avoir retenu que sa responsabilité devait s'apprécier sur le fondement de la loi française ; que, par arrêt du 22 mai 2013, la Cour de cassation a sursis à statuer sur le pourvoi de la société Haeger et interrogé, à titre préjudiciel, la Cour de justice de l'Union européenne ;
Attendu que, par arrêt du 23 octobre 2014 (n° C-305/13), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit :
« 1°/ L'article 4, paragraphe 4, dernière phrase, de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980, doit être interprété en ce sens que cette disposition s'applique à un contrat de commission de transport uniquement lorsque l'objet principal du contrat consiste dans le transport proprement dit de la marchandise concernée, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier ;
2°/ L'article 4, paragraphe 4, de ladite convention doit être interprété en ce sens que la loi applicable à un contrat de transport de marchandises doit, à défaut de pouvoir être fixée en application de la deuxième phrase de cette disposition, être déterminée en fonction de la règle générale prévue au paragraphe 1 de cet article, c'est-à-dire que la loi régissant ce contrat est celle du pays avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits ;
3°/ L'article 4, paragraphe 2, de la même convention doit être interprété en ce sens que, dans l'hypothèse où il est fait valoir qu'un contrat présente des liens plus étroits avec un pays autre que celui dont la loi est désignée par la présomption figurant audit paragraphe, le juge national doit comparer les liens existant entre ce contrat et, d'une part, le pays dont la loi est désignée par la présomption et, d'autre part, l'autre pays concerné. À ce titre, le juge doit tenir compte de l'ensemble des circonstances, y compris l'existence d'autres contrats liés au contrat en cause ;
Attendu que, pour soumettre à la loi française la responsabilité contractuelle de la société Haeger, l'arrêt retient que le droit allemand, dont elle revendique l'application, n'a aucune vocation à régir un contrat de transport au sens de la convention susvisée, auquel cette société est partie, dès lors qu'il a été conclu pour le compte de la société Va Tech et par l'intermédiaire de la société SAFRAM, toutes deux établies en France, et que le lieu prévu pour le déchargement est également situé dans ce pays ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, après avoir qualifié le contrat liant la société Haeger de contrat de commission de transport aux motifs qu'il avait pour objet l'organisation d'un transport par voie fluviale, que la mission de la société Haeger excédait celle d'un simple affréteur et que le choix du moyen de transport ainsi que celui du batelier lui appartenait, sans préciser, dès lors, en quoi ce contrat aurait eu pour objet principal le transport proprement dit, seul cas où un contrat de commission de transport est assimilable à un contrat de transport au sens de l'article 4 § 4 de la convention susvisée, la cour d'appel qui, dans l'hypothèse où elle ne pouvait retenir cette dernière qualification, aurait dû procéder à une comparaison effective, en fonction de l'ensemble des circonstances, des liens existant entre le contrat et, respectivement, l'Allemagne, la Belgique et la France pour déterminer celui de ces pays avec lequel ils étaient les plus étroits, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, infirmant le jugement entrepris, il déclare irrecevables l'ensemble des demandes présentées contre M. X... et la société MMA IARD assurances mutuelles et leur alloue la somme de 10 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 2 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Met hors de cause M. X... et la société MMA IARD assurances mutuelles ;
Condamne les sociétés Axa Corporate solutions et Ace Insurance NV aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande, les condamne à payer à la société Haeger et Schmidt GmbH la somme globale de 3 000 euros et condamne la société Haeger et Schmidt GmbH à payer la somme globale de 3 000 euros à M. X... et à la société MMA IARD assurances mutuelles ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Haeger et Schmidt GmbH
LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR, en confirmant le jugement, condamné la société HAEGER et SCHMIDT à payer aux sociétés d'assurance AXA CORPORATE SOLUTIONS et ACE INSURANCE SA NV la somme en principal de 285.659, 64 €, outre intérêts légaux à compter du 10 juillet 2003, date de l'assignation et ordonné la capitalisation des intérêts attachés à la somme de 285.659,64 € mise à la charge de la société HAEGER et SCHMIDT au profit des assureurs de la société VA TECH ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'« aux termes de l'article 4.4 de la convention de Rome du 19 juin 1980 : « le contrat de transport de marchandises n'est pas soumis à la présomption du paragraphe 2. Dans ce contrat, si le pays lequel le transporteur a son établissement principal au moment de la conclusion du contrat est aussi celui dans est situé le lieu de chargement ou de déchargement ou l'établissement principal de l'expéditeur, il est présumé que le contrat a les liens les plus étroits avec ce pays. Pour l'application du présent paragraphe, sont considérés comme contrats de transport de marchandises les contrats d'affrètement pour un seul voyage ou d'autres contrats lorsqu'ils ont principalement pour objet de réaliser un transport de marchandises » ; qu'il en résulte, qu'à défaut de stipulation contraire en l'espèce non invoquées, la loi française est applicable aux relations contractuelles entre la société VA TECH et la société SAFRAM, le siège social de ces deux sociétés étant situé en France et les opérations de déchargement étant également situées en France ; qu'il en va de même s'agissant des relations contractuelles entre la société SAFRAM et la société HAEGER ET SCHMIDT, le droit allemand n'ayant aucune vocation à s'appliquer à un contrat de transport, au sens de la convention précitée, conclu entre une société française ayant son siège social en France pour le compte d'une autre société française et alors que le point de déchargement est situé à Lyon, en France ; que les dispositions de l'article 4.1 de cette convention ne peuvent donc être invoquées utilement par la société HAEGER ET SCHMIDT pour justifier de l'application du droit allemand ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a considéré que le droit français était applicable dans les relations entre ces sociétés » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « la société HAEGER et SCHMIDT demande l'application du droit allemand mais que le présent contrat est effectué entre société française ; que la société HAEGER et SCHMIDT ne prouve pas que le contenu de la loi allemande, ni de la loi Belge d'ailleurs aurait une quelconque incidence sur sa responsabilité ; que le Tribunal de commerce de Douai constatera que la loi française est seule applicable » ;
ALORS QU'en application de l'article 4, paragraphe 1, de la Convention de Rome du juin 1980, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits ; qu' il résulte de la combinaison des paragraphes 2 et 5 que, pour déterminer la loi la plus appropriée, le juge saisi doit procéder à une comparaison des liens existant entre le contrat et, d'une part, le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle, et, d'autre part, l'autre pays en cause, et rechercher celui avec lequel il présente les liens les plus étroits ; que la Cour d'appel a retenu la qualité de commissionnaire présentée par la société HAEGER et SCHMIDT ; qu'en statuant comme elle l'a fait, en l'état d'un contrat de commission de transport, et sans se prononcer sur la circonstance invoquée par la société HAEGER et SCHMIDT, qu'elle était une société de droit allemand, dont le siège social et le centre de ses activités est situé à Duisbourg, en Allemagne (concl., p. 4), la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions précitées.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-13052
Date de la décision : 10/02/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de Rome du 19 juin 1980 - Loi applicable aux obligations contractuelles - Article 4 - Absence de choix des parties - Présomption de l'article 4 § 4 - Domaine d'application - Contrat de commission de transport - Conditions - Portée

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de Rome du 19 juin 1980 - Loi applicable aux obligations contractuelles - Article 4 - Absence de choix des parties - Loi du pays présentant les liens les plus étroits - Détermination CONFLIT DE LOIS - Contrats - Loi applicable - Convention de Rome du 19 juin 1980 - Article 4 - Absence de choix des parties - Loi du pays présentant les liens les plus étroits - Détermination

La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit (CJUE, arrêt du 23 octobre 2014, Haeger et Schmidt, C-305/13), que : "1) L'article 4, paragraphe 4, dernière phrase, de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980, doit être interprété en ce sens que cette disposition s'applique à un contrat de commission de transport uniquement lorsque l'objet principal du contrat consiste dans le transport proprement dit de la marchandise concernée, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. 2) L'article 4, paragraphe 4, de ladite convention doit être interprété en ce sens que la loi applicable à un contrat de transport de marchandises doit, à défaut de pouvoir être fixée en application de la deuxième phrase de cette disposition, être déterminée en fonction de la règle générale prévue au paragraphe 1 de cet article, c'est-à-dire que la loi régissant ce contrat est celle du pays avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits. 3) L'article 4, paragraphe 2, de la même convention doit être interprété en ce sens que, dans l'hypothèse où il est fait valoir qu'un contrat présente des liens plus étroits avec un pays autre que celui dont la loi est désignée par la présomption figurant audit paragraphe, le juge national doit comparer les liens existant entre ce contrat et, d'une part, le pays dont la loi est désignée par la présomption et, d'autre part, l'autre pays concerné. A ce titre, le juge doit tenir compte de l'ensemble des circonstances, y compris l'existence d'autres contrats liés au contrat en cause". Ne donne pas de base légale à sa décision au regard de l'article 4, § 4, de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, une cour d'appel qui soumet à la loi française la responsabilité contractuelle d'une société, après avoir qualifié le contrat liant cette société de contrat de commission de transport, sans préciser, en quoi ce contrat aurait eu pour objet principal le transport proprement dit, seul cas où un contrat de commission de transport est assimilable à un contrat de transport au sens de ce texte. Dans l'hypothèse où elle ne pouvait retenir la qualification de contrat de transport, la cour d'appel aurait dû procéder à une comparaison effective, en fonction de l'ensemble des circonstances, des liens existant entre le contrat et, respectivement, les pays concernés pour déterminer celui de ces pays avec lequel ils étaient les plus étroits


Références :

article 4, §§§ 2, 4 et 5 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 02 novembre 2011

A rapprocher :Com., 19 décembre 2006, pourvoi n° 05-19723, Bull. 2006, IV, n° 255 (cassation partielle)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 fév. 2015, pourvoi n°12-13052, Bull. civ. 2015, IV, n° 21
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2015, IV, n° 21

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat général : Mme Pénichon
Rapporteur ?: M. Rémery
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Richard, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 24/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:12.13052
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