LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suite au dépôt par Mme X..., salariée de la Fondation du père Favron, d'une requête devant le conseil de prud'hommes de Saint-Denis de la Réunion, aux fins d'obtenir l'annulation d'une sanction disciplinaire prononcée à son encontre, l'employeur a demandé le renvoi de l'affaire devant une autre juridiction en invoquant la suspicion légitime liée aux fonctions de défenseur syndical occupées par la salariée devant ce conseil de prud'hommes ;
Attendu que pour écarter cette requête, la cour d'appel retient que le seul fait que la salariée, partie dans le litige dont s'agit, dispose par ailleurs de la qualité de défenseur de salariés la mettant en contact régulier avec les membres des conseils de prud'hommes de Saint-Denis et de Saint-Pierre et qu'elle soit affiliée à la même organisation syndicale que certains conseillers prud'hommes de la section appelée à statuer sur le litige en cours n'est pas un élément de nature à remettre en cause l'impartialité des conseillers relevant de la même organisation syndicale, mais aussi de l'ensemble des membres de la section, et n'est par conséquent pas de nature à justifier à lui seul le renvoi de l'affaire devant une autre juridiction pour cause de suspicion légitime ; qu'il n'est justifié par ailleurs d'aucun élément objectif permettant de supposer que la présence régulière et l'activité que le défenseur de salariés concerné par le litige a pu déployer devant les juridictions prud'homales jusqu'à ce jour serait propre à exercer une influence déterminante sur l'opinion des membres composant le conseil devant connaître de l'affaire et de la solution à lui apporter, alors qu'il s'agit d'une juridiction devant laquelle l'exigence d'impartialité est d'abord assurée par le paritarisme ; la prohibition du mandat impératif pour ses membres, et de surcroît la possibilité de recourir à un juge départiteur et donc à l'imparité dans l'hypothèse notamment où un déséquilibre dans les intérêts pris en compte et garantis par les règles de la juridiction prud'homale apparaissait à cette occasion ; qu'en l'absence de tout autre élément établi objectivement et permettant de douter de l'impartialité du conseil de prud'hommes de Saint-Denis, la requête tendant au renvoi de l'affaire devant une autre juridiction ne saurait être accueillie ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le fait qu'une partie exerce habituellement les fonctions de défenseur syndical devant une juridiction est de nature à créer un doute sur l'impartialité objective de cette juridiction, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ; Condamne Mme X... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour la Fondation du père Favron. Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime ;AUX MOTIFS QUE la demande formée par la Fondation du Père Favron en conformité avec les dispositions des articles 356 et 343 du Code de procédure civile est recevable en la forme ; que la demanderesse fait valoir au visa de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 356 et suivants du Code de procédure civile, que Madame Shabine X..., qui a la qualité non discutée de défenseur syndical de salariés, intervient régulièrement devant les juridictions prud'homales du département mais aussi devant la cour d'appel de ce siège et, qu'à l'instar du renvoi prévu par l'article 47 pour un magistrat ou un auxiliaire de justice partie à un litige, il y a lieu d'éviter « (...) toute suspicion quant à l'impartialité de la juridiction saisi et ce compte tenu du fait que l'intervention régulière des auxiliaires de justice devant les juridictions entraîne très nécessairement une proximité, voire des amitiés ou inimitiés avec les membres des juridictions en cause », alors que cette partie est connue sûrement par les conseillers prud'hommes dont les membres du même syndicat, qu'elle côtoie par ailleurs dans le cadre de ses mandats de formatrice auprès de l'union régionale CGTR, de responsable juridique de ce syndicat et de membre exécutif auprès des différentes commissions du même syndicat ; que cependant, le seul fait que Madame Shabine X..., partie dans le litige dont s'agit, dispose par ailleurs de la qualité de défenseur de salariés la mettant en contact régulier avec les membres des conseils de prud'hommes de Saint-Denis et de Saint-Pierre et qu'elle soit affiliée à la même organisation syndicale que certains conseillers prud'hommes de la section appelée à statuer sur le litige en cours n'est pas un élément de nature à remettre en cause l'impartialité des conseillers relevant de la même organisation syndicale, mais aussi de l'ensemble des membres de la section, et n'est pas conséquent pas de nature à justifier à lui seul le renvoi de l'affaire devant une autre juridiction pour cause de suspicion légitime ; qu'il n'est justifié par ailleurs d'aucun élément objectif permettant de supposer que la présence régulière et l'activité que le défenseur de salariés concerné par le litige a pu déployer devant les juridictions prud'homales jusqu'à ce jour serait propre à exercer une influence déterminante sur l'opinion des membres composant le conseil devant connaître de l'affaire et de la solution à lui apporter, alors qu'il s'agit d'une juridiction devant laquelle l'exigence d'impartialité est d'abord assurée par le paritarisme ; la prohibition du mandat impératif pour ses membres, et de surcroît la possibilité de recourir à un juge départiteur et donc à l'imparité dans l'hypothèse notamment où un déséquilibre dans les intérêts pris en compte et garantis par les règles de la juridiction prud'homale apparaissait à cette occasion ; qu'en l'absence de tout autre élément établi objectivement et permettant de douter de l'impartialité du conseil de prud'hommes de Saint-Denis et du conseil de prud'hommes de Saint-Pierre la requête tendant au renvoi de l'affaire devant une autre juridiction ne peut être accueillie ; ALORS QUE, toute personne ayant droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial, le juge est tenu de faire droit à une demande de renvoi de l'affaire devant une autre juridiction lorsqu'une des parties exerce les fonctions de défenseur syndical dans le ressort de la juridiction prud'homale initialement saisie ; qu'en rejetant la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime formée par l'employeur, après avoir constaté que la salariée, partie au litige, exerçait les fonctions de défenseur syndical auprès des juridictions prud'homales de Saint Denis, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 356 du Code de procédure civile ensemble les dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales.