LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; que l'exigence d'impartialité doit s'apprécier objectivement ;
Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que condamnée par le jugement d'un tribunal de commerce, rendu par défaut, à verser diverses sommes à M. X..., la société Aquawat a formé opposition à l'encontre de cette décision et, se prévalant de ce que M. X... venait d'être élu juge à ce tribunal, a sollicité l'application des dispositions de l'article 47 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter cette demande, le tribunal retient qu'à la date à laquelle l'affaire a été plaidée, M. X... n'avait pas encore été installé dans ses fonctions ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'à cette date, M. X... avait déjà été élu juge à ce tribunal, peu important la date effective de sa prise de fonctions, et que cette situation était de nature à faire peser sur la juridiction un soupçon légitime de partialité, le tribunal a méconnu les exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 23 janvier 2009, entre les parties, par le tribunal de commerce de Lons-le-Saunier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de commerce de Besançon ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ; le condamne à payer à la société Aquawat la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils pour la société Aquawat
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR débouté la société AQUAWAT de sa demande de délocalisation de l'affaire en application des dispositions de l'article 47 du Code de Procédure Civile et de s'être déclaré compétent pour statuer sur l'opposition formée et d'AVOIR rejeté ladite opposition ;
AUX MOTIFS QUE « en application des dispositions de l'alinéa 1er de l'article 47 du Code de Procédure Civile, lorsqu'un magistrat ou un auxiliaire de justice est partie à un litige qui relève de la compétence d'une juridiction dans le ressort de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, le demandeur peut saisir une juridiction située dans un ressort limitrophe ; que les dispositions de l'article 47 du Code de Procédure Civile sont applicables aux juges de tribunaux de commerce ; cependant que le Juge est en fonction ; qu'à la date où le dossier a été plaidé, Monsieur X... Hervé n'exerçait aucune fonction au sein du Tribunal de commerce de Lons le Saunier ; que dès lors, il n'y a lieu de faire droit à l'exception d'incompétence en application des dispositions de l'article 47 du Code de Procédure Civile soulevée par la société AQUAWAT ; qu'ainsi la présente juridiction est compétente pour statuer sur l'opposition qui lui est soumise ; » (cf. arrêt p. 3)
ALORS QUE, lorsqu'un magistrat est partie à un litige qui relève de la compétence d'une juridiction dans le ressort de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, le juge doit, si le défendeur le sollicite, ordonner le renvoi devant une juridiction située dans un ressort limitrophe ; que la société AQUAWAT, demandeur au litige l'opposant à Monsieur X..., faisait valoir que ce dernier venait d'être nommé juge au Tribunal de commerce de LONS LE SAUNIER ; qu'en décidant, pour rejeter la demande de délocalisation, qu'à la date où la décision a été plaidée Monsieur X... n'exerçait aucune fonction dans la juridiction alors que sa désignation comme juge au Tribunal de commerce de céans avait été prononcée, peu important le délai de sa prise de fonction, le Tribunal a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ensemble l'article 47 du Code de Procédure Civile.