LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 15 septembre 2004, M. X..., notaire, a cédé à Mme Y..., son associée, les parts qu'il détenait dans la SELARL qu'ils avaient constituée ensemble, moyennant un prix de 167 693, 92 euros ; que par acte du 16 septembre 2004, signifié à Mme Y... le 17 septembre suivant, M. X...a cédé sa créance à la société Piano ; que le prix de cession a été déposé le 24 mars 2005 auprès de la chambre des notaires de Haute-Corse, laquelle a reçu un avis à tiers détenteur le 25 mars 2005 et a acquitté une somme de 53 512 euros auprès du Trésor public ; que reprochant à Mme Y... de ne pas avoir respecté les termes de l'acte de cession, prévoyant le versement du prix directement au cédant, la société Piano a recherché sa responsabilité ainsi que celle de la chambre des notaires ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Piano fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes à l'encontre de la chambre des notaires, alors, selon le moyen, que l'avis à tiers détenteur ne peut avoir pour effet que d'obtenir le versement, par le détenteur de fonds devant revenir aux redevables d'impôts, des fonds qu'ils détiennent à concurrence des impositions dues par ces redevables ; le cessionnaire d'une créance est saisi à l'égard des tiers par la signification du transport faite au débiteur ; que l'arrêt attaqué retient que la cession à la société Piano de la créance correspondant au prix de vente des parts sociales avait été signifiée le 17 septembre 2004 à M. Y..., débitrice cédée, ce dont il résulte que le transfert de propriété de cette créance était opposable dès cette date aux tiers, y compris la chambre des notaires ; que par suite la chambre des notaires ne pouvait valablement se dessaisir au profit du Trésor public de fonds qui ne devaient pas revenir à M. X..., redevable des impôts au titre desquels l'avis à tiers détenteur lui a été signifié le 25 mars 2005 ; qu'en jugeant le contraire, pour exclure toute responsabilité de la chambre des notaires, la cour d'appel a violé les articles 262 et 263 du livre des procédures fiscales et l'article 1690 du code civil ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article 1690 du code civil que ne sont des tiers, au sens de ce texte, que ceux qui, n'ayant pas été parties à l'acte de cession, ont intérêt à ce que le cédant soit encore créancier ; que tel n'est pas le cas de la chambre des notaires, simple dépositaire des fonds ; qu'il s'ensuit que le moyen est inopérant ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour rejeter les demandes en réparation formées à l'encontre de Mme Y..., l'arrêt, après avoir relevé que le prix de cession avait été déposé auprès de la chambre des notaires, alors que ces conditions ou modalités de séquestre n'étaient nullement précisées dans l'acte de cession, énonce qu'à l'occasion de la notification de l'avis à tiers détenteur, M. X...a déclaré qu'il acceptait la signification de la somme de 40 900 euros pour laquelle il avait donné un pouvoir de règlement à hauteur du même montant à Mme Y..., et qu'il est d'usage, en matière de vente d'office notarial, que le prix de cession soit séquestré auprès de la chambre des notaires, cette formalité étant destinée, notamment, à permettre aux services des impôts de prélever les dernières sommes qui pourraient être dues entre la date de cession et la date d'enregistrement et de publication de celle-ci au Journal officiel ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'acte de cession spécifiait que le prix de vente serait payé directement entre les mains du cédant par le cessionnaire et que l'usage allégué n'avait vocation à s'appliquer que dans le silence de la convention, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du premier moyen : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la société Piano de ses demandes formées à l'encontre de Mme Y..., l'arrêt rendu le 9 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Condamne Mme Y... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société PianoPREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté l'EARL Piano de sa demande de condamnation de Me Y... à lui payer la somme de 53. 512 € outre intérêts à compter de l'assignation et anatocisme ;Aux motifs propres que par acte du 15 septembre 2004, Me X...a cédé les parts qu'il détenait dans la SELARL à sa consoeur Me Anne-Marie Y... ; qu'il y était spécifié que le prix serait payé comptant directement entre les mains du cédant par le cessionnaire au moyen du prêt de même montant qui serait consenti à Me Anne Marie Y... ; que Me X...garantissait également à hauteur de sa participation tout passif social, fiscal et autre ; que par acte du 16 septembre 2004, Me X...a cédé la totalité de sa créance sur le prix de vente de ses parts au profit de l'Earl Piano ; que cette cession de créance a été signifiée à Me Anne Marie Y... le 17 septembre 2004 par acte extrajudiciaire conformément aux dispositions de l'article 1690 du code civil ; qu'il n'est toutefois pas contesté que les fonds correspondant au prix de vente ont été déposés auprès de la chambre des Notaires de Haute Corse alors même que ces conditions ou modalités de séquestre n'étaient nullement précisées dans l'acte de cession ; qu'il n'en reste pas moins que la cession de créance du 16 septembre 2004 n'a jamais été signifié à la chambre des Notaires de Haute Corse ; qu'à l'opposé, l'avis à tiers détenteur a été régulièrement signifié à cette dernière le 25 mars 2005 ; qu'en sa qualité de tiers détenteur des fonds litigieux, celle-ci était dans l'obligation de se dessaisir des sommes correspondantes en application de l'article L 263 du Livre des Procédures Fiscales ; que dans ces conditions il ne peut être reproché aucun comportement fautif à la Chambre des Notaires de Haute Corse ; que concernant Me Anne Marie Y..., il a été justement précisé par les premiers juges qu'à l'occasion de la notification de l'avis à tiers détenteur, Me X...a déclaré qu'il acceptait la signification de la somme de 40. 900 ¿ pour laquelle il avait donné un pouvoir de règlement à hauteur du même montant à Me Anne-Marie Y... ; qu'il est surtout d'usage en matière de vente d'office notarial que le prix de vente soit séquestré auprès de la Chambre des Notaires de Haute Corse, cette formalité étant destinée notamment à permettre aux services des impôts de prélever les dernières sommes qui pourraient être dues entre la date de cession et la date d'enregistrement et de publication de celle-ci au journal officiel ; qu'il ne peut être utilement et valablement reproché à Me Anne Marie Y... d'avoir placé sous séquestre les fonds devant revenir au cédant au regard de sa propre responsabilité de notaire ; qu'à l'opposé, il est permis de s'interroger sur la bonne foi du cédant qui, le lendemain de l'acte de cession, a cédé sa créance à l'Earl Piano dont son fils est le gérant, alors qu'il ne pouvait ignorer que sa créance était en partie obérée par un passif fiscal ; qu'au regard de ces éléments, il convient de considérer qu'aucune faute n'est caractérisée à l'encontre de Me Anne Marie Y... ; Et aux motifs adoptés des premiers juges qu'aux termes de l'acte de cession établi le 15 septembre 2004, Me X...a cédé à Me Y... les parts qu'il détenait dans la Selarl qu'ils avaient constituée ensemble moyennant le prix de 167. 693, 92 € ; que cet acte était soumis à un certain nombre de conditions parmi lesquelles l'obtention d'un prêt par Me Y... correspondant à la totalité du prix de cession et l'acceptation de la démission de Me X...par le Garde des sceaux, ministre de la Justice ; que par un acte du 16 septembre 2004, Me X...a cédé sa créance sur Me Y... à l'Earl Piano, en contrepartie de laquelle l'Earl Piano s'est obligée à lui concéder un droit général d'usage et d'habitation sa vie durant et du vivant de son épouse, sur l'ensemble du patrimoine immobilier de ladite EARL ; que cet acte a été signifié à Me Marie-Anne Y... le 17 septembre 2004, mais il n'est pas justifié de signification à la chambre des notaires de Haute Corse ; que bien que les parties ne l'aient pas prévu dans leur contrat, le prix de vente des parts a transité par la chambre des notaires, ce qui n'est pas aberrant et correspond à un usage selon la chambre des notaires ; que l'avis à tiers détenteur a été régulièrement signifié à la Chambre des notaires, qui se devait dès lors de se dessaisir des sommes correspondantes, conformément à l'article L 263 du Livre des Procédures Fiscales ; qu'aucune faute n'est donc caractérisée à l'encontre de la Chambre des notaires et a fortiori de Me Y... susceptible d'engager leur responsabilité à l'égard de l'EARL Piano ; que le tribunal observe que parmi les pièces versées aux débats figure la déclaration faite par Me Pierre Alexis X...le 25 mars 2005 à l'huissier du Trésor Public selon laquelle « j'accepte la signification de la somme de 40. 900 € pour laquelle j'ai donné un pouvoir de règlement à hauteur du même montant à Me Y... » ; qu'il en résulte qu'à concurrence de cette somme, Me Y... avait un mandat exprès de payer directement au Trésor les sommes que ce dernier réclamait ; ALORS D'UNE PART QU'un usage a valeur supplétive et ne s'applique que dans le silence de la convention ; que l'arrêt attaqué relève que l'acte de cession des parts sociales conclu entre Me Y... et Me X...spécifiait que le prix serait payé « directement entre les mains du cédant par le cessionnaire », et n'avait prévu aucun séquestre ; que la cour d'appel qui, a fait prévaloir un prétendu usage de séquestre du prix de vente d'office notarial auprès de la Chambre des Notaires sur la volonté clairement exprimée par les parties dans la convention que le prix serait payé directement entre les mains du cédant, a violé l'article 1134 du code civil ; ALORS D'AUTRE PART QUE le cessionnaire d'une créance est saisi à l'égard des tiers par la signification du transport faite au débiteur ; qu'à compter de cette date, celui-ci n'est plus débiteur du cédant et ne peut payer que le cessionnaire ; qu'en écartant toute faute de Me Y..., débitrice cédée, pour avoir placé sous séquestre le prix de vente des parts sociales bien qu'il résulte des éléments du débat que le séquestre est intervenu le 24 mars 2005, après que la cession du prix de vente à la société Piano a été signifié par acte extrajudiciaire le 17 septembre 2004 à Me Y..., ce dont il résulte que depuis cette date, les fonds ne devaient revenir qu'à cette société, cessionnaire, la cour d'appel a violé l'article 1690 du code civil ; ALORS ENFIN QUE la propriété d'une créance est transférée au cessionnaire par la remise du titre entre le cédant et le cessionnaire, et est opposable aux tiers par la signification du transport au débiteur cédé ; que la créance de Me X...sur Me Y... a été transférée dans le patrimoine de la société Piano le 16 septembre 2004 dans les rapports entre Me X...et la société ; que ce transfert est opposable à Me Y... depuis le 17 septembre 2004, date de la signification de la cession à la débitrice cédée ; qu'en retenant, pour écarter toute responsabilité de Me Y... du fait de l'appréhension, le 25 mars 2005, par le Trésor Public d'une partie de cette créance qu'elle avait séquestrée auprès de la chambre des Notaires, que Me Y... avait reçu mandat de Me X...de payer directement au Trésor public les sommes que celui-ci réclamait, cependant que ce paiement ne pouvait être fait valablement, fût-ce en vertu d'un mandat du contribuable, avec des fonds qui appartenaient depuis le 16 septembre 2004 à la société Piano, la cour d'appel a violé l'article 1690 du code civil.