LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Fujifilm médical systems France (la société FMSF) ayant obtenu une ordonnance sur requête pour procéder à des constatations sur l'ordinateur de M. X..., gérant de la société Pierre-Louis X... conseil (la société PLMC), la société PLMC a saisi le président d'un tribunal de grande instance en rétractation de son ordonnance, et a été déboutée de sa demande ;
Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :
Attendu que la société FMFS fait grief à l'arrêt d'infirmer l'ordonnance du 15 décembre 2011, de rétracter l'ordonnance rendue le 21 septembre 2011 par le président du tribunal de grande instance de Nanterre à sa requête, et d'annuler en conséquence les opérations de constat réalisées en vertu de cette ordonnance alors, selon le moyen :
1°/ qu'en vertu de l'article 812, alinéa 2 ,du code de procédure civile, le président du tribunal de grande instance dispose d'une compétence générale pour ordonner sur requête toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement ; que cette compétence générale l'autorise à statuer par voie d'ordonnance sur requête même dans les affaires qui, par nature, relèvent d'une autre juridiction; qu'en écartant la compétence du président du tribunal de grande instance au prétexte que le litige susceptible d'opposer les parties relèverait du tribunal de commerce, la cour d'appel a violé l'article 812 ,alinéa 2, du code de procédure civile ;
2°/ que la compétence du président du tribunal de grande instance saisi par voie de requête pour ordonner, avant tout procès, les mesures d'instruction que prévoit l'article 145 du code de procédure civile ne saurait être écartée au motif qu'une autre juridiction que le tribunal de grande instance serait compétente dans le cadre d'un litige éventuel au fond ; qu'en excluant cependant la compétence du président du tribunal de grande instance au motif que le litige susceptible d'opposer les parties dans l'éventualité d'une instance au fond serait de nature commerciale et relèverait du tribunal de commerce, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 145, 812 et 875 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit que la compétence dévolue par l'article 812 du code de procédure civile au président du tribunal de grande instance pour statuer sur requête ne pouvait faire échec à celle conférée au président du tribunal de commerce par l'article 875 du même code lorsque le litige pour la solution et dans la perspective duquel étaient requises les mesures d'instruction relevait de la juridiction de ce dernier, la cour d'appel a exactement décidé que seul le président du tribunal de commerce de Nanterre était compétent ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les troisième et quatrième branches du moyen ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen relevé d'office après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article 79, alinéa 1er, ensemble les articles 145, 496, 497 du code de procédure civile ;
Attendu que pour infirmer l'ordonnance de référé du 15 décembre 2011, rétracter l'ordonnance rendue le 21 septembre 2011 par le président du tribunal de grande instance de Nanterre à la requête de la société FMFS, et annuler en conséquence les opérations de constat réalisées en vertu de cette ordonnance, sans statuer sur les mérites de la requête, l'arrêt retient qu'en raison de l'incompétence matérielle du président du tribunal de grande instance de Nanterre, il n' y a pas lieu de statuer sur l'absence de motifs, tant dans la requête que dans l'ordonnance l'ayant suivie, permettant une dérogation au principe de la contradiction ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle était juridiction d'appel des décisions, tant du président du tribunal de grande instance que du président du tribunal de commerce, et avait compétence pour statuer sur les mérites de la requête présentée par la société FMSF, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 septembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société Pierre-Louis X... conseil aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Pierre-Louis X... conseil, la condamne à payer à la société Fujifilm médical systems France la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé par Mme Bardy, conseiller, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Fujifilm médical systems France.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rétracté l'ordonnance rendue le 21 septembre 2011 par le Président du Tribunal de grande instance de NANTERRE à la requête de la société FMSF et d'avoir, en conséquence, annulé, les opérations de constat réalisées le 26 septembre 2011 en vertu de cette ordonnance;
Aux motifs que : « les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile qui prévoient que des mesures d'instruction peuvent être ordonnées avant tout procès sur requête ou en référé, n'instaurent aucune dérogation aux principes régissant les compétences d'attribution des juridictions civiles et commerciales ; que la compétence dévolue par l'article 812 du code de procédure civile au président du tribunal de grande instance pour statuer sur requête ne peut, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, davantage faire échec à celle expressément conférée au président du tribunal de commerce par l'article 875 du code de procédure civile pour exercer un pouvoir identique « dans les limites de sa compétence », c'est-à-dire, lorsque le litige, pour la solution et dans la perspective duquel sont requises les mesures d'instruction, relève de la juridiction dont il émane, même s'il ne s'agit que d'un litige potentiel ou éventuel ; qu'en l'espèce, il est constant que les sociétés FMSF et PLMC ont toutes deux la qualité de commerçant et que le litige susceptible de les opposer devant le juge du fond est de nature commerciale, ayant trait, selon les énonciations de la requête et les conclusions de l'intimée, à des violations par la société PLMC des obligations, notamment de loyauté et de bonne foi, découlant du contrat d'apport d'affaires ; qu'il en résulte qu'indépendamment de la clause attributive de compétence figurant à l'article 10 de ce contrat qui n'est pas opposable à une partie qui saisit le juge des requêtes sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, le président du tribunal de grande instance de NANTERRE ne pouvait connaître de la requête de la société FMSF qui, en application des articles 874 et 875 du code de procédure civile, aurait dû être présentée au président du tribunal de commerce du lieu d'exécution des mesures sollicitées, c'est-à-dire celui de Nanterre ; que, pour ce motif et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'absence de motifs, tant dans la requête que dans l'ordonnance l'ayant suivie, permettant une dérogation au principe de la contradiction, l'ordonnance sur requête du 21 septembre 2011 doit être rétractée et l'ordonnance entreprise infirmée en ce qu'elle a rejeté cette demande » ;
Alors, en premier lieu, qu'en vertu de l'article 812 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal de grande instance dispose d'une compétence générale pour ordonner sur requête toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement ; que cette compétence générale l'autorise à statuer par voie d'ordonnance sur requête même dans les affaires qui, par nature, relèvent d'une autre juridiction; qu'en écartant la compétence du président du tribunal de grande instance au prétexte que le litige susceptible d'opposer les parties relèverait du tribunal de commerce, la cour d'appel a violé l'article 812 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Alors, en deuxième lieu et en tout état de cause, que la compétence du président du tribunal de grande instance saisi par voie de requête pour ordonner, avant tout procès, les mesures d'instruction que prévoit l'article 145 du code de procédure civile ne saurait être écartée au motif qu'une autre juridiction que le tribunal de grande instance serait compétente dans le cadre d'un litige éventuel au fond ; qu'en excluant cependant la compétence du président du tribunal de grande instance au motif que le litige susceptible d'opposer les parties dans l'éventualité d'une instance au fond serait de nature commerciale et relèverait du tribunal de commerce, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 145, 812 et 875 du code de procédure civile ;
Alors, en troisième lieu et en tout état de cause, qu'en relevant, pour dire que le litige susceptible d'opposer les parties devant le juge du fond était de nature commerciale, que les sociétés FMSF et PLMC avaient toutes deux la qualité de commerçant, sans rechercher si la requête du 21 septembre 2011 qui faisait état d'un certain nombre de fautes commises par Monsieur X... lui-même, ne visait pas, outre la société commerciale PLMC, un non-commerçant, de sorte que le président du tribunal de grande instance était compétent pour en connaître, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 145, 493 et 812 du code de procédure civile ;
Alors, en quatrième lieu et en tout état de cause, que, dans sa requête du 21 septembre 2011, la société FMSF faisait état d'agissements commis par Monsieur X... constitutifs d'infractions pénales ; qu'en relevant que la requête mettait uniquement en avant des manquements de la société PLMC au contrat d'apport d'affaires du 2 novembre 1999, la cour d'appel, qui s'est ainsi livrée à une lecture incomplète de ce document, l'a dénaturé par omission et ainsi violé l'article 1134 du code civil ;
Alors, enfin et en tout état de cause, que l'effet dévolutif de l'appel investit les juges du second degré de l'entière connaissance du litige et leur fait obligation de statuer eux-mêmes sur le fond ; qu'il s'ensuit que, pour rétracter l'ordonnance sur requête rendue le 21 septembre 2011, la cour d'appel ne pouvait se borner à retenir l'incompétence du juge ayant rendu cette ordonnance mais était tenue de trancher intégralement le litige qui lui était soumis et, à ce titre, devait se prononcer, comme elle y était invitée, sur l'existence d'un motif justifiant une dérogation au principe de la contradiction; qu'en considérant cependant qu'il n'y avait pas lieu d'examiner cette question pour rétracter l'ordonnance du 21 septembre 2011, la cour d'appel a violé les articles 561 et 562 du code de procédure civile.