La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/03/2014 | FRANCE | N°11-20312

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 19 mars 2014, 11-20312


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 mars 2011), tel que rectifié (Civ. 1ère, 15 janvier 2014), que la société Strategic technologies (ci-après la société ST), de droit singapourien, a conclu un contrat de fourniture d'un système militaire d'essai souterrain avec le Procurement Bureau of the Republic of China-Ministry of National Defence-Taïwan (le bureau de l'équipement du ministère de la défense de la République de Chine-Taïwan, ci-après le Procurement Bureau) ; qu'à la suite d'un différend

survenu entre les parties, la société ST l'a assigné en paiement de ce...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 mars 2011), tel que rectifié (Civ. 1ère, 15 janvier 2014), que la société Strategic technologies (ci-après la société ST), de droit singapourien, a conclu un contrat de fourniture d'un système militaire d'essai souterrain avec le Procurement Bureau of the Republic of China-Ministry of National Defence-Taïwan (le bureau de l'équipement du ministère de la défense de la République de Chine-Taïwan, ci-après le Procurement Bureau) ; qu'à la suite d'un différend survenu entre les parties, la société ST l'a assigné en paiement de certaines sommes, devant une juridiction singapourienne, laquelle par un jugement du 10 décembre 2002, rendu par défaut, a accueilli cette demande ; que cette société l'a alors, de nouveau, assigné, le 27 juillet 2009, devant une juridiction française, en exequatur de cette décision étrangère; que cette assignation, transmise par le ministère français des affaires étrangères, a été envoyée directement, par l'Institut français de Taïpei, à son destinataire; qu'ayant déclaré recevable et fondé l'incident soulevé par la République de Chine-Taïwan, tiré de l'absence de signification par voie diplomatique de l'assignation délivrée en méconnaissance de l'article 684, alinéa 2, du code de procédure civile, le juge de la mise en état a prononcé, sur le fondement de ce texte, la nullité de l'assignation et, en conséquence, constaté la nullité de la procédure et déclaré irrecevables les demandes de la société ST ;
Sur les deux moyens réunis, pris en leurs diverses branches :
Attendu que la société ST fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité de l'assignation délivrée par elle contre le Procurement Bureau, alors, selon le moyen:
1°/ que les organismes qui constituent l'émanation d'un Etat étranger sont susceptibles de bénéficier de l'immunité de juridiction ; qu'en se bornant à énoncer que « le Procurement Bureau of the Republic of China-Ministry of National Defence-Taïwan n'est pas un organe interne au ministère de la défense de la République de Chine (...), lui-même émanation de ladite République », sans indiquer en quoi le Procurement Bureau constituait une émanation de la République de Chine, la cour d'appel a violé, par fausse application les principes de droit international relatifs à l'immunité de juridiction des Etats étrangers et l'article 684 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en énonçant, d'une part, que la République de Chine « invoque à juste titre une reconnaissance de fait » (arrêt page 4, avant-dernier paragraphe) et, d'autre part, que cette même République est « non reconnue par la République française » (arrêt page 4, dernier §), la cour d'appel s'est déterminée par des motifs contradictoires, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que l'acte destiné à être notifié à un Etat étranger ou à tout autre bénéficiaire de l'immunité de juridiction doit être signifié par voie diplomatique ; que bénéficient seuls de l'immunité de juridiction les Etats dotés d'une personnalité internationale ; que la République de Chine (Taïwan) ne fait l'objet d'aucune reconnaissance par la France ou la communauté internationale en qualité d'Etat souverain ; qu'en décidant pourtant que l'assignation adressée à une entité représentant la République de Chine (Taïwan) devait lui être signifiée par voie diplomatique, sans relever aucune circonstance permettant d'établir que la République de Chine est un Etat souverain et indépendant, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des principes de droit international relatifs à l'immunité de juridiction des Etats étrangers et de l'article 684 du code de procédure civile ;
4°/ qu'il ressort de l'article 684, alinéa 2, du code de procédure civile que l'acte destiné à être notifié à un Etat étranger ou à tout autre bénéficiaire de l'immunité de juridiction est remis au parquet et transmis par l'intermédiaire du ministre de la justice aux fins de signification par voie diplomatique ; qu'il appartient au seul pouvoir exécutif d'établir les conditions d'une signification par voie diplomatique ; qu'en prononçant la nullité de l'assignation au motif que celle-ci n'avait pas été transmise via le ministère des affaires étrangères de l'Etat destinataire, alors pourtant que le ministère français des affaires étrangères attestait de ce que la situation diplomatique à l'égard de Taïwan interdisait toute signification via le ministère des affaires étrangères de cet Etat non reconnu par la France, les juges du fond ont violé l'article 684 du code de procédure civile, ensemble le principe de la séparation des pouvoirs ;
5°/ que, sauf à consacrer un déni de justice, la signification d'un acte par voie diplomatique doit s'opérer ¿ en cas d'impossibilité juridique ou matérielle de respecter le circuit traditionnel de transmission ¿ par tout moyen conforme aux usages internationaux et aux règles de la courtoise internationale ; que la société ST établissait que la remise de l'acte, par le ministère des affaires étrangères français, à l'Institut français de Taipei pour envoi à son destinataire, correspond au mode normal de signification « diplomatique » à l'égard des entités représentant la République de Chine (Taïwan), non reconnue par la France comme Etat souverain ; qu'en prononçant pourtant la nullité de l'assignation au motif que celle-ci n'avait pas été transmise via le ministère des affaires étrangères de l'Etat destinataire, les juges du fond ont violé les articles 4 du code civil et 684 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, constaté l'existence d'un ministère taiwanais des affaires étrangères et relevé qu'ainsi rien n'empêchait d'opérer la signification de l'acte par son intermédiaire, aux fins de remise au Procurement Bureau, qui est un organe interne au ministère de la défense de la République de Chine-Taiwan, la cour d'appel, qui a estimé que ladite République bénéficiait d'une reconnaissance de fait par la France, a, par ces seuls motifs et sans se contredire, exactement déduit que la République de Chine-Taiwan était un bénéficiaire de l'immunité de juridiction au sens de l'article 684, alinéa 2, du code de procédure civile et que l'assignation était nulle ;
PAR CES MOTIFS:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Strategic technologies aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Strategic technologies.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la nullité de l'assignation introductive d'instance délivrée par la société Strategic Technologies à l'encontre du Procurement Bureau of the Ministry of Defence of the Republic of China, et en conséquence, déclaré irrecevables les demandes formées par la société Strategic Technologies ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « selon l'article 684 du Code de procédure civile, « l'acte destiné à être notifié à un Etat étranger¿ou à tout autre bénéficiaire de l'immunité de juridiction est remis au parquet et transmis par l'intermédiaire du Ministère de la justice aux fins de signification par voie diplomatique » ; qu'il n'est pas contestable que l'assignation introductive d'instance n'a pas été, dans le cas d'espèce, délivrée suivant les règles de la signification par voie diplomatique puisque en premier lieu faite au Ministère de la Défense et non pas au Ministère des Affaires Etrangères et puisque en second lieu réalisée directement par voie postale ; que la signature par un Etat d'une clause d'arbitrage, vaut renonciation à son immunité de juridiction lorsque ledit Etat veut s'opposer au déroulement de l'arbitrage et/ou aux conséquences de celui-ci ; que tel n'est manifestement pas le cas ici puisque la République de Chine a toujours revendiqué le recours à l'arbitrage contractuellement prévu et refusé la saisine des juridictions étatiques ; que le seul contenu du contrat litigieux, qui est un « acte d'autorité » puisque destiné à la défense nationale d'un Etat, démontre par le PROCUREMENT BUREAU OF THE REPUBLIC OF CHINA - MINISTRY OF NATIONAL DEFENCE - TAIWAN n'est pas (sic) un organe interne au Ministère de la défense de la République de Chine (à qui d'ailleurs a été envoyée la lettre recommandée) lui-même émanation de ladite République ; que non reconnue de jure par la France cet Etat invoque à juste titre une reconnaissance de fait, qu'il serait illogique de lui refuser alors qu'il est jugé apte à se défendre devant un juge ; que la République de Chine, non reconnue par la République française, constitue en fait un Etat souverain et indépendant auquel la courtoisie internationale impose qu'il ne soit pas porté atteinte ; qu'une telle violation entraîne la nullité de l'assignation ; que cette façon de faire attentatoire à la souveraineté de l'Etat qui en est la victime lui cause par là même un grief au sens de l'article 114 du code de procédure civile » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « la société STRATEGIC TECHNOLOGIES Pte. Ltd ne démontre pas que l'Etat taïwanais a renoncé en l'espèce à son immunité diplomatique s'agissant d'un Etat souverain ; qu'elle soutient que le contrat en cause n'est qu'un acte de gestion pour lequel l'application de l'immunité diplomatique et de ses accessoires ne peut être revendiquée ; mais attendu que la décision dont l'extension et sollicitée concernait un contrat de fourniture au Ministère de la Défense taïwanais d'un système militaire d'essai souverain, lequel poursuivait nécessairement un objectif d'intérêt commun et devait être qualifié non pas de simple acte de gestion mais d'acte de puissance publique ; qu'il s'ensuit que l'immunité diplomatique devait s'appliquer et que la citation en justice devait s'appliquer et que la citation en justice de PROCUREMENT BUREAU OF IMIINISTRY OF NATIONAL DIEFENSE OF THE REPUBILIC OF CHINA relevait en conséquence des dispositions de l'article 684 alinéa 2 du code de procédure civile ; qu'il ressort en outre de la situation évoquée et des pièces versées aux débats que l'absence de reconnaissance par la France de l'Etat Taïwanais n'empêchait pas d'opérer la signification de l'acte auprès du Ministère des affaires étrangères de TAÏWAN, Etat souverain et indépendant, et qu'ayant été réalisée en l'espèce par l'institut français de TAÏPEI, jouant le rôle d'ambassade dans ce pays, par simple courrier recommandé adressé au Ministère de la défense Taïwanais, elle apparaît contraire aux exigences de souveraineté et de courtoisie internationale requises en matière de signification d'acte aux Etats étrangers aux termes desquelles elle devait intervenir par voie diplomatique à autorité équivalente ; attendu, s'agissant d'une règle d'ordre public, que sa violation entraîne de plein droit la nullité de l'acte ; qu'il s'ensuit que l'assignation est nulle pour violation du texte susvisé et que la demande présentée par la société STRATEGIC TECHNOLOGIES Pte. Ltd est irrecevable » ;
ALORS 1°) QUE les organismes qui constituent l'émanation d'un Etat étranger sont susceptibles de bénéficier de l'immunité de juridiction ; qu'en se bornant à énoncer que « le PROCUREMENT BUREAU OF THE REPUBILIC OF CHINA - MINISTRY OF NATIONAL DEFENSE - TAÏWAN n'est pas un organe interne au Ministère de la défense de la République de Chine, lui-même émanation de ladite république », sans indiquer en quoi le Procurement Bureau constituait une émanation de la République de Chine, la cour d'appel a violé, par fausse application les principes de droit international relatifs à l'immunité de juridiction des Etats étrangers et l'article 684 du code de procédure civile ;
ALORS 2°) QU'en énonçant d'une part que la République de Chine « invoque à juste titre une reconnaissance de fait » (arrêt page 4, avant-dernier paragraphe) et que d'autre part que cette même République est « non reconnue par la République française » (arrêt page 4, dernier §), la cour d'appel s'est déterminée par des motifs contradictoires, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;
ET ALORS 3°) QU'en toute hypothèse, l'acte destiné à être notifié à un Etat étranger ou à tout autre bénéficiaire de l'immunité de juridiction doit être signifié par voie diplomatique ; que bénéficient seuls de l'immunité de juridiction les Etats dotés d'une personnalité internationale ; que la République de Chine (Taïwan) ne fait l'objet d'aucune reconnaissance par la France ou la communauté internationale en qualité d'Etat souverain ; qu'en décidant pourtant que l'assignation adressée à une entité représentant la République de Chine (Taïwan) devait lui être signifiée par voie diplomatique, sans relever aucune circonstance permettant d'établir que la République de Chine est un Etat souverain et indépendant, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des principes de droit international relatifs à l'immunité de juridiction des Etats étrangers et de l'article 684 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, confirmant l'ordonnance entreprise, prononcé la nullité de l'assignation introductive d'instance délivrée par la société Strategic Technologies à l'encontre du Procurement Bureau of the Ministry of Defence of the Republic of China, et en conséquence déclaré irrecevables les demandes formées par la société Strategic Technologies ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « selon l'article 684 du Code de procédure civile, « l'acte destiné à être notifié à un Etat étranger¿ou à tout autre bénéficiaire de l'immunité de juridiction est remis au parquet et transmis par l'intermédiaire du Ministère de la justice aux fins de signification par voie diplomatique » ; qu'il n'est pas contestable que l'assignation introductive d'instance n'a pas été, dans le cas d'espèce, délivrée suivant les règles de la signification par voie diplomatique puisque en premier lieu faite au Ministère de la Défense et non pas au Ministère des Affaires Etrangères et puisque en second lieu réalisée directement par voie postale ; que la signature par un Etat d'une clause d'arbitrage, vaut renonciation à son immunité de juridiction lorsque ledit Etat veut s'opposer au déroulement de l'arbitrage et/ou aux conséquences de celui-ci ; que tel n'est manifestement pas le cas ici puisque la République de Chine a toujours revendiqué le recours à l'arbitrage contractuellement prévu et refusé la saisine des juridictions étatiques ; que le seul contenu du contrat litigieux, qui est un « acte d'autorité » puisque destiné à la défense nationale d'un Etat, démontre par le PROCUREMENT BUREAU OF THE REPUBLIC OF CHINA - MINISTRY OF NATIONAL DEFENCE - TAIWAN n'est pas (sic) un organe interne au Ministère de la défense de la République de Chine (à qui d'ailleurs a été envoyée la lettre recommandée) lui-même émanation de ladite République ; que non reconnue de jure par la France cet Etat invoque à juste titre une reconnaissance de fait, qu'il serait illogique de lui refuser alors qu'il est jugé apte à se défendre devant un juge ; que la République de Chine, non reconnue par la République française, constitue en fait un Etat souverain et indépendant auquel la courtoisie internationale impose qu'il ne soit pas porté atteinte ; qu'une telle violation entraîne la nullité de l'assignation ; que cette façon de faire attentatoire à la souveraineté de l'Etat qui en est la victime lui cause par là même un grief au sens de l'article 114 du code de procédure civile » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « la société STRATEGIC TECHNOLOGIES Pte. Ltd ne démontre pas que l'Etat taïwanais a renoncé en l'espèce à son immunité diplomatique s'agissant d'un Etat souverain ; qu'elle soutient que le contrat en cause n'est qu'un acte de gestion pour lequel l'application de l'immunité diplomatique et de ses accessoires ne peut être revendiquée ; mais attendu que la décision dont l'extension et sollicitée concernait un contrat de fourniture au Ministère de la Défense taïwanais d'un système militaire d'essai souverain, lequel poursuivait nécessairement un objectif d'intérêt commun et devait être qualifié non pas de simple acte de gestion mais d'acte de puissance publique ; qu'il s'ensuit que l'immunité diplomatique devait s'appliquer et que la citation en justice devait s'appliquer et que la citation en justice de PROCUREMENT BUREAU OF IMIINISTRY OF NATIONAL DIEFENSE OF THE REPUBILIC OF CHINA relevait en conséquence des dispositions de l'article 684 alinéa 2 du code de procédure civile ; qu'il ressort en outre de la situation évoquée et des pièces versées aux débats que l'absence de reconnaissance par la France de l'Etat Taïwanais n'empêchait pas d'opérer la signification de l'acte auprès du Ministère des affaires étrangères de TAÏWAN, Etat souverain et indépendant, et qu'ayant été réalisée en l'espèce par l'institut français de TAÏPEI, jouant le rôle d'ambassade dans ce pays, par simple courrier recommandé adressé au Ministère de la défense Taïwanais, elle apparaît contraire aux exigences de souveraineté et de courtoisie internationale requises en matière de signification d'acte aux Etats étrangers aux termes desquelles elle devait intervenir par voie diplomatique à autorité équivalente ; attendu, s'agissant d'une règle d'ordre public, que sa violation entraîne de plein droit la nullité de l'acte ; qu'il s'ensuit que l'assignation est nulle pour violation du texte susvisé et que la demande présentée par la société STRATEGIC TECHNOLOGIES Pte. Ltd est irrecevable » ;
ALORS 1°) QUE, il ressort de l'article 684 alinéa 2 du code de procédure civile que l'acte destiné à être notifié à un Etat étranger ou à tout autre bénéficiaire de l'immunité de juridiction est remis au parquet et transmis par l'intermédiaire du ministre de la justice aux fins de signification par voie diplomatique ; qu'il appartient au seul pouvoir exécutif d'établir les conditions d'une signification par voie diplomatique ; qu'en prononçant la nullité de l'assignation au motif que celle-ci n'avait pas été transmise via le Ministère des affaires étrangères de l'Etat destinataire, alors pourtant que le Ministère français des affaires étrangères attestait de ce que la situation diplomatique à l'égard de Taïwan interdisait toute signification via le Ministère des affaires étrangères de cet Etat non reconnu par la France, les juges du fond ont violé l'article 684 du code de procédure civile, ensemble le principe de la séparation des pouvoirs ;
ALORS 2°) QUE, sauf à consacrer un déni de justice, la signification d'un acte par voie diplomatique doit s'opérer - en cas d'impossibilité juridique ou matérielle de respecter le circuit traditionnel de transmission - par tout moyen conforme aux usages internationaux et aux règles de la courtoise internationale ; que la société Strategic Technologies établissait que la remise de l'acte, par le Ministère des affaires étrangères français, à l'Institut français de Taipei pour envoi à son destinataire, correspond au mode normal de signification « diplomatique » à l'égard des entités représentant la République de Chine (Taïwan) non reconnue par la France comme Etat souverain ; qu'en prononçant pourtant la nullité de l'assignation au motif que celle-ci n'avait pas été transmise via le Ministère des affaires étrangères de l'Etat destinataire, les juges du fond ont violé les articles 4 du Code civil et 684 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des Libertés fondamentales.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

ETAT - Etat étranger - Immunité de juridiction - Personnes pouvant s'en prévaloir - République étrangère bénéficiant d'une reconnaissance de fait par la France

PROCEDURE CIVILE - Acte de procédure - Nullité - Cas - Vice de forme - Applications diverses - Assignation délivrée contre un organe d'une république étrangère - Signification par la voie diplomatique - Défaut

Ayant constaté l'existence d'un ministère taïwanais des affaires étrangères et estimé que la République de Chine-Taïwan bénéficiait d'une reconnaissance de fait par la France, une cour d'appel en a déduit exactement que ladite République était un bénéficiaire de l'immunité de juridiction au sens de l'article 684 du code de procédure civile. Dès lors, en l'absence de signification par l'intermédiaire du ministère taïwanais des affaires étrangères, une assignation délivrée contre un organe de ladite République, en exequatur d'une décision étrangère, encourt la nullité sur le fondement de ce texte


Références :

Les principes de droit international relatifs à l'immunité de juridiction des Etats étrangers

article 684 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 30 mars 2011

Sur la portée de la reconnaissance, à rapprocher :1re Civ., 2 novembre 1971, pourvoi n° 69-14100, Bull. 1971, I, n° 278 (rejet). Sur la signification par la voie diplomatique, à rapprocher :1re Civ., 22 juin 1999, pourvoi n° 96-18583, Bull. 1999, I, n° 212 (cassation)


Publications
Proposition de citation: Cass. Civ. 1re, 19 mar. 2014, pourvoi n°11-20312, Bull. civ. 2014, I, n° 44
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2014, I, n° 44
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Savatier (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat général : M. Chevalier
Rapporteur ?: Mme Maitrepierre
Avocat(s) : SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Formation : Chambre civile 1
Date de la décision : 19/03/2014
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 11-20312
Numéro NOR : JURITEXT000028759359 ?
Numéro d'affaire : 11-20312
Numéro de décision : 11400282
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2014-03-19;11.20312 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award