LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 13 mars 2012), qu'Amédée X... est décédé le 13 septembre 1996 en laissant pour lui succéder son épouse, Denise Y..., aujourd'hui décédée, avec laquelle il était marié sous le régime légal et leurs cinq enfants ; que la succession d'Amédée X... ayant été partagée, l'un de ceux-ci, M. Philippe X..., a demandé le paiement d'une créance de salaire différé à l'encontre de la succession de sa mère ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'écarter sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ que, si le bénéficiaire d'un contrat de travail à salaire différé exerce son droit de créance après le décès de l'exploitant, cette créance naît du vivant de celui-ci, de sorte qu'à l'égard d'époux mariés sous le régime de la communauté de meubles et acquêts, elle constitue une dette que la communauté supporte définitivement ; que pour rejeter la demande de M. Philippe X... tendant à obtenir à l'occasion des opérations de partage de la succession de sa mère le paiement d'une créance de salaire différé pour sa participation à l'exploitation de la tenue maraîchère parentale, la cour d'appel, qui a constaté que les époux étaient mariés sous le régime de la communauté de meubles et acquêts, s'est bornée à affirmer que la mère de M. Philippe X... n'était pas coexploitante de cette tenue maraîchère exploitée par son mari ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 321-13 et L. 321-17 du code rural et de la pêche maritime, ensemble les articles 1409 et 1499 du code civil ;
2°/ qu'en présence d'ascendants coexploitants, le descendant titulaire d'une créance de salaire différé peut exercer son droit de créance sur l'une ou l'autre des successions ; que la qualité d'exploitant agricole ne dépend pas de l'importance de l'exploitation, de sorte qu'un ascendant peut être qualifié d'exploitant agricole même s'il n'exploite qu'à titre occasionnel ou accessoire cette activité agricole ; qu'en affirmant que Mme Denise Y..., épouse X..., avait occasionnellement aidé aux travaux de la tenue maraîchère pour cependant exclure qu'elle puisse en être considérée coexploitante et interdire en conséquence à M. Philippe X... d'exercer sa créance de salaire différé sur la succession de cette dernière, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles L. 321-13 et L. 321-17 du code rural et de la pêche maritime ;
3°/ qu'en troisième lieu, la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; que pour exclure toute créance de salaire différé de M. X... sur la succession de sa mère, la cour d'appel a affirmé que les attestations et photographie produites par ce dernier ne permettaient pas de démontrer que Mme Y... épouse X... avait participé de manière effective à l'activité professionnelle de son mari, maraîcher ; que par ailleurs la cour d'appel a relevé que ces mêmes pièces permettaient d'établir que sa mère avait occasionnellement aidé aux travaux de la tenue maraîchère ; qu'en jugeant tout à la fois que la mère avait occasionnellement aidé aux travaux de la tenue maraîchère mais qu'elle n'avait pas participé de manière effective à l'activité professionnelle de son mari, la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que, selon les articles L. 321-13 et L. 321-17 du code rural et de la pêche maritime, la créance de salaire différé est une dette non pas du propriétaire du fonds rural mais de l'exploitant de sorte que le bénéficiaire d'un contrat de salaire différé est créancier de l'exploitant et exerce son droit au cours du règlement de la succession de celui-ci ; qu'ayant constaté que Denise Y... n'avait fourni qu'une aide occasionnelle pour la réalisation des travaux de la tenue maraîchère, sans participer de manière effective comme exploitante à l'activité professionnelle de son mari, la cour d'appel a souverainement décidé, sans se contredire, que Denise Y... n'avait pas été co-exploitante et en a exactement déduit que la demande de M. X... à l'encontre de la succession de celle-ci était irrecevable ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Philippe X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. Philippe X...
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR confirmé en toutes ses dispositions le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de Philippe X... relative au salaire différé qui lui était dû dans la succession de ses parents.
AUX MOTIFS PROPRES QUE selon une jurisprudence constante, la créance de salaire différé ne peut être exercée en entier contre l'une ou l'autre des successions, au choix du bénéficiaire, qu'en cas de coexploitation par deux époux ; Considérant qu'il doit être rappelé que M. Amédée X..., ancien maraîcher, est décédé le 13 septembre 1996 à REZE (44), laissant pour lui succéder son épouse Mme Denise Y... et ses cinq enfants ; que cette dernière est décédée le 25 avril 2001 ; Considérant que force est de constater que si la photographie et les attestations produites aux débats par M. Philippe X... permettent d'établir que Mme Denise Y... épouse X... a occasionnellement aidé aux travaux de la tenue maraîchère, elles ne sont pas suffisamment circonstanciées pour lui permettre de faire accréditer la thèse selon laquelle sa mère a participé de manière effective à l'activité professionnelle de son mari, qu'elle a réellement travaillé comme exploitante de la tenue maraîchère ; que dans ces conditions, il ne peut prétendre au bénéfice d'une créance de salaire différé sur la succession de sa mère ; Considérant par ailleurs que Mesdames Z..., A... et M. Alain X... versent aux débats de nombreuses pièces desquelles il ressort sans ambiguïté que la succession de M. Amédée X... est effectivement réglée ; que M. Philippe X... n'apporte aucun élément contraire alors qu'il lui incombe d'établir que les opérations de liquidation de la succession de son père n'ont pas été achevées ; Considérant que dans ces conditions la demande de salaire différé formée par M. Philippe X... sera déclarée irrecevable ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Philippe X... invoque tout d'abord sa créance de salaire différé contre la succession de sa mère ; qu'il est constant que celle-ci n'était pas exploitante maraîchère mais conjointe d'un tel exploitant ; qu'il incombe à Philippe X... d'établir que Denise X... participait de façon effective à l'activité professionnelle de son mari, au moins partiellement, dès lors que cette participation est déniée par les défendeurs ; qu'il ne produit pas la moindre pièce à ce sujet, ce qui justifie le rejet de sa demande à ce titre ; Attendu que Philippe X... invoque ensuite sa créance de salaire différé contre la succession de son père; que l'article L321-17 du Code Rural dispose que le bénéficiaire d'un contrat de salaire différé exerce son droit de créance après le décès de l'exploitant et au cours du règlement de la succession; qu'Amédée X... est décédé le 13 septembre 1996, soit voici quatorze ans ; que sont versés au dossier quelques documents, une lettre adressée le 23 janvier 1998 par Maître B.... notaire chargé de la succession d'Amédée X..., à Madame X..., à qui il donne un rendez- vous pour la signature des actes de la succession de son époux, copie d'un chèque que Maître B... a adressé le 15 juillet 1998 à Denise X... pour paiement du solde de compte dans le cadre de la succession d'Amédée X..., une attestation établie le 29 janvier 1998 par Maître B... qui fait état de l'acceptation de la succession d'Amédée X... par le conjoint survivant qui opte pour l'usufruit de la totalité des biens composant la succession, de l'acceptation par les ayants droit de la succession de leur père et de leur consentement à l'exécution de la donation de la plus forte quotité disponible d'Amédée X... au profit de son épouse, à laquelle il était marié sous le régime de la communauté de biens meubles et acquêts, qui conduit à la propriété par Denise X... de la moitié en pleine propriété de l'immeuble situé ..., l'acte en date du 23 février 2002 portant licitation de ce bien par les consorts X... à René A... et Marie-Claire X... son épouse ; qu'il apparaît donc de ces documents que la succession d'Amédée X... a été partagée, tout au moins partiellement, et qu'il incombe à Philippe X..., demandeur au bénéfice d'un salaire différé controversé, d'établir que les opérations de liquidation de la succession de son père n'ont pas été achevées, ce qu'il ne fait pas ; Attendu qu'il convient en conséquence de rejeter la demande de salaire différé de Philippe X... ;
1/ ALORS QUE, si le bénéficiaire d'un contrat de travail à salaire différé exerce son droit de créance après le décès de l'exploitant, cette créance naît du vivant de celui-ci, de sorte qu'à l'égard d'époux mariés sous le régime de la communauté de meubles et acquêts, elle constitue une dette que la communauté supporte définitivement ; que pour rejeter la demande de Monsieur Philippe X... tendant à obtenir à l'occasion des opérations de partage de la succession de sa mère le paiement d'une créance de salaire différé pour sa participation à l'exploitation de la tenue maraîchère parentale, la Cour d'appel, qui a constaté que les époux étaient mariés sous le régime de la communauté de meubles et acquêts, s'est bornée à affirmer que la mère de Monsieur Philippe X... n'était pas coexploitante de cette tenue maraîchère exploitée par son mari ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les articles L. 321-13 et L. 321-17 du code rural et de la pêche maritime, ensemble les articles 1409 et 1499 du Code civil ;
2/ ALORS QUE, en présence d'ascendants coexploitants, le descendant titulaire d'une créance de salaire différé peut exercer son droit de créance sur l'une ou l'autre des successions ; que la qualité d'exploitant agricole ne dépend pas de l'importance de l'exploitation, de sorte qu'un ascendant peut être qualifié d'exploitant agricole même s'il n'exploite qu'à titre occasionnel ou accessoire cette activité agricole ; qu'en affirmant que Madame Denise Y..., épouse X..., avait occasionnellement aidé aux travaux de la tenue maraîchère pour cependant exclure qu'elle puisse en être considérée coexploitante et interdire en conséquence à Monsieur Philippe X... d'exercer sa créance de salaire différé sur la succession de cette dernière, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles L. 321-13 et L. 321-17 du Code rural et de la pêche maritime ;
3/ ALORS QUE, en troisième lieu, la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; que pour exclure toute créance de salaire différé de Monsieur X... sur la succession de sa mère, la Cour d'appel a affirmé que les attestations et photographie produites par ce dernier ne permettaient pas de démontrer que Madame Y... épouse X... avait participé de manière effective à l'activité professionnelle de son mari, maraîcher ; que par ailleurs la Cour d'appel a relevé que ces mêmes pièces permettaient d'établir que sa mère avait occasionnellement aidé aux travaux de la tenue maraîchère ; qu'en jugeant tout à la fois que la mère avait occasionnellement aidé aux travaux de la tenue maraîchère mais qu'elle n'avait pas participé de manière effective à l'activité professionnelle de son mari, la Cour d'appel a statué par des motifs contradictoires et violé l'article 455 du Code de procédure civile.