Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 3 juin 2010), que, par acte notarié du 21 octobre 1988, Henri X..., agriculteur, et Elvire Y..., son épouse, mariés sans contrat en 1936, ont adopté le régime de la communauté universelle de biens avec attribution intégrale et en toute propriété au profit du survivant ; qu'ils sont respectivement décédés en 1992 et 2002 en laissant pour leur succéder leurs deux enfants, Annie, épouse Z... et Monique, épouse A... ; que, par acte du 10 décembre 2004, cette dernière a fait assigner sa soeur en ouverture des opérations de partage de la succession de leur mère et en paiement d'une créance de salaire différé ;
Sur le second moyen pris en sa première branche :
Attendu que Mme Z... fait grief à l'arrêt de dire que Mme A... bénéficiait d'une créance de salaire différé sur la succession d'Elvire Y..., veuve X..., pour la période du 9 décembre 1954 au 3 septembre 1960, alors, selon le moyen, que c'est à celui qui se prétend bénéficiaire d'un contrat à salaire différé d'apporter la preuve qu'il remplit les conditions légales et notamment qu'il n'a reçu aucune contrepartie pour sa collaboration à l'exploitation ; que dès lors, en retenant que si Mme A..., qui avait reçu 6 000 nouveaux francs lors de son mariage et avait bénéficié de libéralités, Mme Annie X...- Z... n'établissait pas que sa soeur aurait été désintéressée suite à la vente par ses parents d'un immeuble à sa soeur et à son beau-frère le 9 février 1970, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve a violé l'article 1315 du code civil et les articles L. 321-13 et L. 321-17 du code rural et de la pêche maritime ;
Mais attendu que la cour d'appel a estimé qu'il était établi que Mme A... n'avait reçu aucune contrepartie du chef de sa participation directe et effective à l'exploitation ; que le grief, qui ne tend, en réalité, qu'à contester cette appréciation qui est souveraine, ne peut être accueilli ;
Et sur le premier moyen et sur le second moyen pris en sa seconde branche :
Attendu que Mme Z... fait encore grief à l'arrêt de statuer ainsi alors, d'une part, selon le premier moyen, que la créance du salaire différé est une dette non pas du propriétaire du fonds rural mais de l'exploitant, de sorte qu'elle ne saurait être une dette de communauté ; que dès lors, en se déterminant comme elle l'a fait, et en retenant que Mme A... bénéficiait d'une créance de salaire différé s'imputant sur la succession de Mme Veuve X..., la cour d'appel a procédé d'une violation des articles L. 321-13 et L. 321-17 du code rural et 1526 du code civil " et, d'autre part, selon la seconde branche du second moyen, qu'en toute hypothèse en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que Mme veuve X... avait fait savoir que le règlement de la créance de salaire différé de Mme A... interviendrait à son décès et qu'elle avait toujours reconnu la créance de salaire différé de cette dernière, cependant qu'elle n'était pas débitrice en son vivant, pas plus que sa succession une fois survenu son décès, d'une créance de salaire différé au profit de sa fille Monique A..., la cour d'appel a procédé d'une violation de l'article L. 321-17 du code rural et de la pêche maritime ;
Mais attendu que, si le bénéficiaire du contrat de travail à salaire différé exerce son droit de créance après le décès de l'exploitant, cette créance naît du vivant de celui-ci, de sorte qu'à l'égard d'époux mariés sous le régime de la communauté universelle, elle constitue, au sens de l'article 1526, alinéa 2, du code civil, une dette future que la communauté supporte définitivement ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'arrêt retient que la créance de salaire différé litigieuse constitue une dette personnelle d'Henri X... qui doit être prise en compte à l'occasion de la liquidation de la succession d'Elvire Y... ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que Madame Monique A... bénéficiait d'une créance de salaire différé sur la succession de Mme Elvire Y... veuve X..., pour la période du 9 décembre 1954 au 3 septembre 1960 ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 1526 alinéa 2 du Code civil : « la communauté universelle supporte définitivement toutes les dettes des époux, présentes et futures » ; que cette disposition ne distingue pas la nature des dettes des époux : qu'ainsi, les dettes personnelles de feu M. X... sont rentrées dans le passif de la communauté universelle, et doivent donc être prises en compte dans le cadre de la liquidation de la succession de Mme Jeanne Y... veuve X..., en l'absence de stipulation contraire dans l'acte notarié du 21 octobre 1988 homologué par le jugement du Tribunal de grande instance de VERDUN du 02 février 1989 ;
ALORS QUE la créance du salaire différé est une dette non pas du propriétaire du fonds rural mais de l'exploitant, de sorte qu'elle ne saurait être une dette de communauté ; que dès lors, en se déterminant comme elle l'a fait, et en retenant que Mme A... bénéficiait d'une créance de salaire différé s'imputant sur la succession de Mme Veuve X..., la Cour d'appel a procédé d'une violation des articles L. 321-13 et L. 321-17 du Code rural et 1526 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que Madame Monique A... bénéficiait d'une créance de salaire différé sur la succession de Mme Elvire Y... veuve X..., pour la période du 9 décembre 1954 au 3 septembre 1960 ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 1526 alinéa 2 du Code civil : « la communauté universelle supporte définitivement toutes les dettes des époux, présentes et futures » ; que cette disposition ne distingue pas la nature des dettes des époux : qu'ainsi, les dettes personnelles de feu M. X... sont rentrées dans le passif de la communauté universelle, et doivent donc être prises en compte dans le cadre de la liquidation de la succession de Mme Jeanne Y... veuve X..., en l'absence de stipulation contraire dans l'acte notarié du 21 octobre 1988 homologué par le jugement du Tribunal de grande instance de VERDUN du 02 février 1989 » ; que l'article L. 321-13 du Code rural et de la pêche maritime dispose que : « Les descendants d'un exploitant agricole qui, âgés de plus de dix-huit ans, participent directement et effectivement à l'exploitation, sans être associés aux bénéfices ni aux pertes et qui ne reçoivent pas de salaire en argent en contrepartie de leur collaboration, sont réputés légalement bénéficiaires d'un contrat de travail à salaire différé sans que la prise en compte de ce salaire pour la détermination des parts successorales puisse donner lieu au paiement d'une soulte à la charge des cohéritiers » que selon le relevé de la MSA, Mme A... a été déclarée comme aide familial du 09 décembre 1954 au 31 décembre 1960 ; que l'imprimé MSA signé par le Maire de MOUZAI le 13 décembre 1991, ainsi que par Mme Jeanne X... et M. Henri X... mentionne une activité non salariée agricole de Mme Monique X... de décembre 1952 à septembre 1960 ; que M. Roger C...atteste que Mme Monique X... « participait activement aux travaux » de l'exploitation de ses parents, de 1953 à 1960, dimanches et jours de fêtes compris ; que M. Marcel D...confirme le travail de Mme Monique X... qui n'était pas rémunérée ; que, par ailleurs, M. Claude E...expose également que Mme Monique A... travaillait gratuitement « les sept jours de la semaine » à la ferme et à la maison, de fin juin 1954 à Septembre 1960, date de son mariage ; que dans un courrier adressé le 09 janvier 1994 à Mme A..., Maître F..., notaire indique avoir rencontré Mme Jeanne X..., sa mère qui lui a demandé de la contacter pour déterminer le montant de la créance de salaire différé à laquelle elle pourrait prétendre ; que dans une correspondance du 26 juillet 1995, le notaire indique que suite à la 100952 BP demande de partage de bijoux formulée par Mme A..., Mme X... lui a fait savoir que « dans ces conditions, le règlement de la créance différé interviendrait à son décès » ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, Mme A... établit on droit à une créance de salaire différé du 09 décembre 1954 au 03 septembre 1960, date de son mariage ; que dans un premier testament du 27 janvier 1995, Mme Y... veuve X... expliquait que sa fille Monique bénéficiait de la créance de salaire différée et que sa fille Annie lui avait remis son salaire pendant au moins sept ans, quand elle travaillait à l'extérieur, qu'elle indiquait que Monique avait reçu 6 000 nouveaux francs lors de son mariage, avait été logé avec son mari gratuitement lorsqu'ils habitaient à MOUZAY, et avait pris l'ensemble des meubles se trouvant dans la maison de la mère de feu M. X... ; que si Mme A... a bénéficié de libéralités, il n'est pas établi que celles-ci aient servi à la désintéresser de sa créance de salaire différée, étant rappelé que Mme Annie X... n'établit pas que sa soeur aurait été désintéressée suite à la vente par ses parents d'un immeuble à sa soeur et son beau-frère, 20 000 F, le 9 février 1970, dès lors qu'il n'est pas justifié que cette somme ne correspondait pas au prix du marché de l'époque ; que Mme Y... veuve X... a toujours reconnu la créance de salaire différé de Mme A... ; qu'ainsi il sera fait droit à la demande sur la période précitée du 09 décembre 1954 au 03 septembre 1960, à charge pour le notaire d'opérer les calculs ;
ALORS, D'UNE PART, QUE c'est à celui qui se prétend bénéficiaire d'un contrat à salaire différé d'apporter la preuve qu'il remplit les conditions légales et notamment qu'il n'a reçu aucune contrepartie pour sa collaboration à l'exploitation ; que dès lors, en retenant que si Mme A..., qui avait reçu 6 000 nouveaux francs lors de son mariage et avait bénéficié de libéralités, Mme Annie X...- Z... n'établissait pas que sa soeur aurait été désintéressée suite à la vente par ses parents d'un immeuble à sa soeur et à son beau-frère le 9 février 1970, la Cour d'appel qui a inversé la charge de la preuve a violé l'article 1315 du Code civil et les articles L. 321-13 et L. 321-17 du Code rural et de la pêche maritime ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en toute hypothèse, en retenant pour statuer comme elle l'a fait, que Madame Veuve X... avait fait savoir que le règlement de la créance de salaire différé de Mme A... interviendrait à son décès, et qu'elle avait toujours reconnu la créance de salaire différé de cette dernière, cependant qu'elle n'était pas débitrice en son vivant, par plus que sa succession une fois survenu son décès, d'une créance de salaire différé au profit de sa fille Monique A..., la Cour d'appel a procédé d'une violation de l'article L. 321-17 du Code rural et de la pêche maritime.