LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 juillet 2011) que M. X..., engagé en qualité de technicien informatique par la société Cicada le 16 avril 2008, a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 27 août 2008 ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande aux fins de voir juger que sa prise d'acte de rupture du contrat de travail produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge est tenu d'examiner tous les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié et d'apprécier si, dans leur ensemble, ils font obstacle à la poursuite du contrat de travail ; qu'en se bornant au contraire à apprécier si chacun des manquements de l'employeur pris isolément était de nature, à lui seul, à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail ;
2°/ que le juge doit prendre en considération tous les griefs invoqués par le salarié devant lui et ne peut se limiter à ceux mentionnés dans la lettre prenant acte de la rupture ; qu'en excluant cependant que l'atteinte à la vie privée du salarié du fait de sa filature par un détective privé organisée par son employeur puisse justifier une prise d'acte de rupture aux torts de l'employeur, par la considération que le salarié, qui avait eu connaissance de sa filature après avoir rédigé sa lettre prenant acte de la rupture, ne l'avait pas mentionnée dans ladite lettre, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail ;
3°/ que le retard répété dans le paiement du salaire constitue un manquement aux obligations contractuelles de l'employeur qui fait produire à la prise d'acte de la rupture du contrat de travail les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail ;
4°/ que l'absence de compensation des heures supplémentaires effectuées par l'allocation d'un repos compensateur sans perte de salaire par rapport à la rémunération que le salarié aurait perçue s'il avait travaillé, constitue un manquement aux obligations contractuelles de l'employeur qui fait produire à la prise d'acte de la rupture du contrat de travail les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail ;
5°/ qu'en retenant que le grief pris de l'absence d'octroi au salarié d'un repos compensateur ayant permis de couvrir la totalité du volume horaire effectué en heures supplémentaires ne « parai ssait » pas suffisant à justifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a statué, sur la gravité du grief imputé à l'employeur, par un motif dubitatif et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6°/ qu'en statuant par une telle considération et donc en ne portant aucune analyse effective sur le grief concerné, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé de plus fort l'article 455 du code de procédure civile ;
7°/ que le comportement du salarié, surtout lorsqu'il a provoqué une sanction disciplinaire, ne peut être valablement pris en considération par le juge pour ôter a un fait commis par l'employeur le caractère de gravité devant faire produire à la prise d'acte de la rupture du contrat de travail les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en retenant néanmoins que les prétendues carences du salarié qui lui avaient été reprochées au soutien de deux avertissements, privaient l'absence de repos compensateur imputée à l'employeur de la gravité suffisant à justifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, qu'ayant constaté que les faits invoqués à l'appui du grief d'atteinte à la vie privée du salarié n'avait été connus de ce dernier que postérieurement à la prise d'acte, la cour d'appel a retenu à bon droit qu'ils ne pouvaient être pris en considération pour justifier la rupture ;
Attendu, ensuite, que le moyen, en ses cinq dernières branches, ne tend, sous couvert de griefs non fondés de vice de motivation, de violation de la loi et de manque de base légale, qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond qui ont retenu qu'un seul des autres manquements imputés à l'employeur était établi et qu'il n'était pas d'une gravité suffisante pour justifier la prise d'acte ;
D'où il suit que le moyen, devenu inopérant en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X...aux dépens ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat aux Conseils, pour M. X...
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté monsieur X..., salarié, de sa demande de prise d'acte de rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, dit que la lettre du 27 août 2008 devait s'analyser en une démission du salarié et débouté ce dernier de ses demandes indemnitaires subséquentes ;
AUX MOTIFS QU'il était constant que la prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits que celui-ci reprochait à son employeur, qui ne pouvait être rétractée, entraînait la rupture immédiate du contrat de travail, et produisait les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; que pour justifier la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, monsieur Benoît X...invoquait le paiement en retard de salaires, l'exécution d'heures supplémentaires non payées, et les pratiques anormales de son employeur qui lui aurait demandé certaines missions en se prévalant de l'appartenance à une autre société au moyen d'une carte qu'il assimilait à un faux ; qu'en ce qui concernait le paiement en retard de salaires, pour justifier sa demande, monsieur Benoît X...produisait un courriel adressé à son employeur le 3 juillet 2008 dans lequel il réclamait le règlement du salaire en invoquant les retards antérieurs ; que toutefois, il ne pouvait être considéré que le défaut de perception du salaire le 4 du mois puisse justifier une rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, et le salarié ne justifiait pas une carence de l'employeur dans la mise en paiement tardive des salaires, les relevés bancaires de l'intimé étant insuffisants pour caractériser le grief imputé à l'employeur ; qu'en ce qui concernait les heures supplémentaires, en premier lieu, monsieur Benoît X...évoquait dans ses observations écrites réitérées à l'audience qu'il aurait réclamé oralement le paiement d'heures supplémentaires effectuées en mai 2008, que l'employeur lui aurait refusé ; qu'aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournissait au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge formait sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estimait utiles ; que si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié était assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci devait être fiable et infalsifiable ; que toutefois, il appartenait au préalable au salarié qui demandait le paiement d'heures supplémentaires de fournir au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; qu'or, sur ce point, monsieur Benoît X...n'apportait aucun élément de nature à étayer la réalité d'heures supplémentaires qui auraient été effectuées en mai 2008 ; que par ailleurs, monsieur Benoît X...soutenait avoir effectué 39 heures 50 lors d'un déplacement professionnel à Lyon les 23, 24 et 25 juin 2008, dont 24, 73 heures de nuit ; qu'il produisait un document manuscrit attestant selon lui le temps de travail effectué, et faisait valoir qu'il en avait réclamé le règlement avant d'engager la procédure de référé qui avait donné lieu à la décision susvisée ; qu'il avait évalué sa créance à la somme de 599 euros ; que l'existence des heures supplémentaires n'était pas contestée par l'employeur qui faisait valoir que le salarié avait perçu sur le bulletin de salaire du mois de juin 2008 le règlement équivalant à sept heures supplémentaires pour lesquelles une majoration de 25 % avait été appliquée, et qu'il aurait bénéficié en outre d'un repos compensateur le jeudi 26 et vendredi 27 juin 2008 ; qu'il produisait à cet effet le bulletin de juin 2008 sur lequel figurait la prise en compte des sept heures supplémentaires, et une attestation au nom de Lisa Z..., graphiste de la société, qui faisait état du fait que monsieur Benoît X...était en repos compensateur ces deux jours ; que toutefois, outre que cette attestation n'était pas signée comme l'intimé l'avait relevé dans ses observations, par une attestation contraire, Thanh A...
..., ancien salarié de la société Cicada, avait déclaré que l'employeur leur avait refusé le principe d'un repos compensateur à la suite de l'intervention à Lyon les 23 au 26 juin 2008 (fin d'intervention à 6 heures du matin), et tenant au principe que le repos compensateur ne devait entraîner aucune perte de salaire par rapport à la rémunération que le salarié aurait perçue s'il avait travaillé, il n'était ni formellement démontré que le salarié avait réellement bénéficié d'un repos compensateur, ni que ce repos avait permis de compenser la totalité du volume horaire effectué en heures supplémentaires, en plus de la partie qui avait donné lieu à règlement ; que pour autant, les circonstances de la cause conduisaient à considérer que ce seul grief ne paraissait pas suffisant pour justifier la prise d'acte de rupture du contrat de travail, par rapport notamment au comportement du salarié quant à ses propres carences telles qu'elles lui avait été reprochées lors des deux avertissements ; qu'en ce qui concernait l'utilisation de la carte Ordi Clean, en l'absence d'éléments probants, l'argumentation sommaire de l'intimé qui soutenait que la société Cicada lui aurait demandé d'intervenir auprès de clients en se faisant passer pour un salarié de la société Ordi Clean à l'aide d'une carte établie au nom de cette société ne pouvait justifier la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, alors que l'appelante avait expliqué qu'elle intervenait en qualité de sous-traitant pour le compte de la société Ordi Clean pour effectuer des dépannages informatiques sur des lieux sécurisés qui nécessitaient la détention de cette carte d'accès, explication qui n'était pas sérieusement contredite par le salarié ; qu'en ce qui concernait les investigations effectuées par la société Investiga-France, si la lettre du 27 août 2008 ne faisait pas mention de ce grief, et à supposer que les observations écrites présentées par le salarié doivent être analysées comme un grief supplémentaire, ce qui ne ressortait pas clairement des écritures de l'intimé, il n'était pas contestable que le recours par la société Cicada à un prestataire détective privé pour surveiller monsieur Benoît X...en fin d'après-midi les 11 et 12 août 2008 à partir de 17 heure 15, pour contrôler son emploi du temps en dehors du travail, avait porté atteinte au respect de sa vie privée ; que pour autant, ce seul motif ne pouvait suffire à justifier la prise d'acte de rupture aux torts de l'employeur, puisque le salarié n'avait eu connaissance de cette surveillance que postérieurement à la lettre du 27 août 2008 qui avait eu pour effet de mettre fin au contrat de travail ; qu'il se déduisait de ce qui précédait que la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur n'était pas démontrée, et de ce fait, la lettre du 27 août 2008 ne pouvant avoir un autre effet que la démission du salarié, le jugement devait être infirmé sur ce point ; que sur les incidences indemnitaires, compte tenu de ce qui précédait, monsieur Benoît X...était mal fondé à réclamer une indemnisation de son départ de la société Cicada et le jugement devait être infirmé sur ce point ; que sur les dommages intérêts pour atteinte au respect de la vie privée, le recours par la société Cicada à un détective privé pour surveiller monsieur Benoît X...en dehors du travail, qui avait porté atteinte au respect de sa vie privée, lui avait nécessairement causé un préjudice qui devait être indemnisé à hauteur de la somme de 2. 000 euros (arrêt pp. 5, 6 et 7 § 1) ;
ALORS QUE le juge est tenu d'examiner tous les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié et d'apprécier si, dans leur ensemble, ils font obstacle à la poursuite du contrat de travail ; qu'en se bornant au contraire à apprécier si chacun des manquements de l'employeur pris isolément était de nature, à lui seul, à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail ;
ALORS, DE SURCROÎT, QUE le juge doit prendre en considération tous les griefs invoqués par le salarié devant lui et ne peut se limiter à ceux mentionnés dans la lettre prenant acte de la rupture ; qu'en excluant cependant que l'atteinte à la vie privée du salarié du fait de sa filature par un détective privé organisée par son employeur puisse justifier une prise d'acte de rupture aux torts de l'employeur, par la considération que le salarié, qui avait eu connaissance de sa filature après avoir rédigé sa lettre prenant acte de la rupture, ne l'avait pas mentionnée dans ladite lettre, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail ;
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le retard répété dans le paiement du salaire constitue un manquement aux obligations contractuelles de l'employeur qui fait produire à la prise d'acte de la rupture du contrat de travail les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail ;
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE l'absence de compensation des heures supplémentaires effectuées par l'allocation d'un repos compensateur sans perte de salaire par rapport à la rémunération que le salarié aurait perçue s'il avait travaillé, constitue un manquement aux obligations contractuelles de l'employeur qui fait produire à la prise d'acte de la rupture du contrat de travail les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail ;
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en retenant que le grief pris de l'absence d'octroi au salarié d'un repos compensateur ayant permis de couvrir la totalité du volume horaire effectué en heures supplémentaires ne « parai ssait » pas suffisant à justifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a statué, sur la gravité du grief imputé à l'employeur, par un motif dubitatif et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, PLUS SUBSIDIAIREMENT ENCORE QU'en statuant par une telle considération et donc en ne portant aucune analyse effective sur le grief concerné, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé de plus fort l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le comportement du salarié, surtout lorsqu'il a provoqué une sanction disciplinaire, ne peut être valablement pris en considération par le juge pour ôter a un fait commis par l'employeur le caractère de gravité devant faire produire à la prise d'acte de la rupture du contrat de travail les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en retenant néanmoins que les prétendues carences du salarié qui lui avaient été reprochées au soutien de deux avertissements, privaient l'absence de repos compensateur imputée à l'employeur de la gravité suffisant à justifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail.