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02/10/2013 | FRANCE | N°12-24754;12-25862;12-26223;12-27874

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 02 octobre 2013, 12-24754 et suivants


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° E 12-24. 754, J 12-25. 862, B 12-26. 223 et W 12-27. 874, qui attaquent le même arrêt ;
Donne acte à la société Stéphane E...-Philippe E...et Frédérique X..., venant aux droits de la société F...
E..., venant elle-même aux droits de la société G...
F..., du désistement de ses pourvois n° E 12-24. 754 et J 12-25. 862 en ce qu'ils sont dirigés contre M. Y...et M. Z..., ès qualités ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 18 juin 2012), que par acte authentiqu

e reçu le 10 janvier 2003 par la société Stéphane E...-Philippe E...et Frédérique X......

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° E 12-24. 754, J 12-25. 862, B 12-26. 223 et W 12-27. 874, qui attaquent le même arrêt ;
Donne acte à la société Stéphane E...-Philippe E...et Frédérique X..., venant aux droits de la société F...
E..., venant elle-même aux droits de la société G...
F..., du désistement de ses pourvois n° E 12-24. 754 et J 12-25. 862 en ce qu'ils sont dirigés contre M. Y...et M. Z..., ès qualités ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 18 juin 2012), que par acte authentique reçu le 10 janvier 2003 par la société Stéphane E...-Philippe E...et Frédérique X...(le notaire), Mme A..., représentée par Mme D... en vertu d'une procuration, a vendu, avec le consentement de M. B..., son époux, représenté par un clerc de l'étude, à Mme C..., un bien propre immobilier ayant constitué le domicile conjugal ; que Mme A..., qui fut victime de mauvais traitements et d'abus de faiblesse de la part de M. et Mme D..., et son tuteur, l'UDAF du Loiret, désigné par jugement du 24 février 2004, ont assigné en annulation des ventes et restitution du bien immobilier Mme C...et M. Y..., devenu propriétaire de l'immeuble selon acte reçu le 1er juin 2006 par le même notaire ; que Mme C...a appelé en garantie Mme D..., M. B..., la société Nouvelle Agence du Cèdre, agent immobilier, et le notaire ;
Sur la recevabilité des pourvois n° E 12-24. 754 et B 12-26. 223, examinée d'office après avis donné aux parties, en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article 613 du code de procédure civile ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que le délai de pourvoi en cassation ne court à l'égard des décisions rendues par défaut, même pour les parties qui ont comparu devant les juges du fond, qu'à compter du jour où l'opposition n'est plus recevable ;
Attendu que le notaire et M. B...se sont pourvus en cassation respectivement les 23 août et 27 septembre 2012 contre un arrêt rendu par défaut, susceptible d'opposition, et qu'il n'est pas justifié de l'expiration du délai d'opposition à la date de ces pourvois ;
D'où il suit que ces pourvois ne sont pas recevables ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° J 12-25. 862 :
Attendu que le notaire fait grief à l'arrêt d'avoir retenu sa responsabilité et de l'avoir condamné, in solidum avec Mme D... et M. B..., à payer certaines sommes à titre de dommages-intérêts à Mme A...et l'UDAF du Loiret, ès qualités, ainsi qu'à Mme C..., alors, selon le moyen :
1°/ que le notaire chargé d'authentifier une vente n'est pas tenu de vérifier les capacités intellectuelles d'une partie qui a consenti, hors sa présence, un mandat en vue de la conclusion de l'acte authentique ; qu'en jugeant que la SCP notariale était responsable pour avoir instrumenté l'acte sans avoir rencontré Mme A..., la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
2°/ que le notaire ne peut refuser d'instrumenter un acte ou, en présence d'un mandat, exiger l'intervention personnelle du mandant, qu'en présence d'éléments révélateurs d'une situation anormale ; qu'en jugeant que la SCP notariale était responsable pour avoir instrumenté l'acte sans avoir rencontré Mme A..., aux motifs que « ni la profession déclarée de celle-ci (secrétaire), ni l'éloignement de son domicile (une commune de l'agglomération où est située l'étude) ne justifiait le recours à une procuration donnée, de surcroît, à la personne qui l'hébergeait », bien que ces éléments n'ait pas été de nature à caractériser une situation anormale, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
3°/ que le notaire n'est pas garant de l'exécution des obligations du professionnel intervenu lors de la conclusion, hors sa présence et avant son intervention, d'un acte sous-seing privé ; qu'en jugeant que le comportement du notaire avait été d'autant plus fautif que l'agence immobilière n'avait pas vérifié les capacités intellectuelles de la venderesse pourtant présente lors de la conclusion de cet acte sous-seing privé, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que Mme A...était représentée à l'acte litigieux par Mme D..., chez laquelle elle résidait, tandis que ni son activité professionnelle déclarée ni l'éloignement de son domicile ne justifiaient le recours à une procuration, signée en présence d'une secrétaire de l'étude devant laquelle elle s'était présentée à l'improviste, circonstances qui étaient de nature à permettre au notaire de douter des facultés mentales de la mandante qu'il n'avait pu rencontrer ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a exactement déduit que le notaire avait fait preuve de légèreté et de négligences fautives en omettant de s'assurer personnellement de la capacité à disposer de sa cliente, obligation dont il ne pouvait être dispensé par l'intervention d'un autre professionnel de l'immobilier lors de la signature de la promesse de vente ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi n° J 12-25. 862, pris en sa première branche, et le troisième moyen du pourvoi n° W 12-27. 874, tels que reproduits en annexe :
Attendu que le notaire et M. B...font grief à l'arrêt de les condamner in solidum avec Mme D... à payer à Mme C...la somme de 20 072, 77 euros à titre de dommages-intérêts ;
Mais attendu que, loin de condamner le notaire et M. B...à la réparation d'un préjudice résultant de la restitution en valeur du bien, la cour d'appel, après avoir énoncé que seule Mme C...pouvait être tenue à cette restitution, qui ne constitue pas un préjudice indemnisable, a souverainement évalué le préjudice, consécutif à l'annulation de la vente, subi par celle-ci au titre de la perte du profit qu'elle avait tiré de l'opération immobilière ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen du pourvoi n° J 12-25. 862, pris en sa seconde branche :
Attendu que le notaire fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que l'évaluation du dommage doit tenir compte des avantages que la situation créée par la faute invoquée a procurés au demandeur à l'action ; qu'en condamnant le notaire à indemniser Mme C...de la fraction de la somme de 112 000 euros qu'elle devait restituer à Mme A..., bien qu'elle ait constaté que Mme C...avait revendu le bien acquis et qu'elle avait conservé le prix de 112 000 euros ainsi perçu puisque cette seconde vente n'avait pas été annulée, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu que le moyen, sous le couvert d'une prétendue violation de la loi, ne tend qu'à remettre en cause devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine par les juges du fond du préjudice subi par Mme C...au titre de la perte du profit qu'elle avait tiré de l'opération immobilière ; que le moyen n'est pas recevable ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° W 12-27. 874, pris en sa première branche :
Attendu que M. B...fait grief à l'arrêt d'avoir retenu sa responsabilité et de l'avoir condamné in solidum avec Mme D... et le notaire, à payer certaines sommes à titre de dommages-intérêts à Mme A...et l'UDAF du Loiret, ès qualités, ainsi qu'à Mme C..., alors, selon le moyen, qu'une faute n'engage la responsabilité de son auteur que pour autant qu'elle a causé de façon directe et certaine un dommage ; qu'en retenant la responsabilité de M. B...pour n'avoir pas avisé, le notaire chargé de recevoir l'acte authentique de la vente conclue entre Mme C...et Mme A..., des doutes qu'il aurait pu nourrir sur le consentement de son épouse à la vente et sa réelle capacité à passer cet acte, sans constater à aucun moment qu'une telle information, venant de la part de l'époux en instance de divorce de la venderesse, aurait nécessairement conduit le notaire à vérifier la capacité à contracter de celle-ci et aurait empêché la signature de l'acte de vente, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé un lien de causalité direct et certain entre la faute reprochée à M. B...et le dommage, consistant dans la conclusion de la vente litigieuse, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que M. B...connaissait la perte d'autonomie de Mme A...puisqu'il avait pris, dès le début de l'année 2002, des dispositions pour assurer sa prise en charge et qu'au moment de la vente il était hébergé avec elle au domicile de M. et Mme D..., l'arrêt retient qu'il ne pouvait que douter du consentement de son épouse à la vente et de sa capacité à disposer de son bien et qu'en omettant d'informer le notaire de cette situation, il a participé à la conclusion de l'acte litigieux ; que par ces motifs caractérisant le lien de causalité entre la faute commise par M. B...et les préjudices subis, nonobstant le comportement fautif d'autres intervenants, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la deuxième branche du premier moyen et sur le deuxième moyen du pourvoi n° W 12-27. 874, qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
DECLARE IRRECEVABLES les pourvois n° E 12-24. 754 et B 12-26. 223 ;
REJETTE les pourvois n° J 12-25. 586 et W 12-27. 874 ;
Condamne la société Stéphane E...-Philippe E...et Frédérique X...et M. B...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à Mme C...ainsi qu'à Mme A...représentée par l'UDAF, ès qualités, la somme de 3 000 euros chacune et rejette leurs demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la SCP Stéphane E...-Philippe E...et Frédérique X..., demanderesse au pourvoi n° J 12-25. 862
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré la SCP notariale responsable des fautes et négligences ayant conduit à l'acte de vente annulé, de l'AVOIR condamnée, in solidum avec Madame D... et Monsieur B..., à payer à Madame Claudine A...et à l'UDAF du Loiret la somme de 58. 200 ¿ au titre de la perte de jouissance de son appartement et à prendre en charge les frais de publicité foncière et de l'AVOIR condamnée, in solidum avec Madame D... et Monsieur B..., à payer à Madame C...la somme de 20. 072, 77 ¿ à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE le notaire qui reçoit l'acte de vente doit s'assurer de l'efficacité de son acte ce qui nécessite de vérifier la pleine capacité des parties ; que cette obligation élémentaire est encore plus rigoureuse quand, comme en l'espèce, ni le vendeur ni son conjoint ne comparaissent personnellement à l'acte ce qui doit entraîner une particulière vigilance du notaire pour s'assurer que la procuration ou le mandat ont bien été donnés dans des conditions ne laissant aucun doute sur la volonté et la capacité du mandant à disposer (cf par exemple : Cass. Civ. 08 janvier 2009, Bull. civ. N° 1 pourvoi n° 07-18. 780) ; qu'en l'espèce, ni la profession déclarée de Claudine A...(secrétaire) ni l'éloignement de son domicile (une commune de l'agglomération où est située l'étude) ne justifiaient le recours à une procuration donnée, de surcroît, à la personne qui hébergeait le mandant, ce qui pouvait laisser place à des pressions constantes ; qu'il résulte de l'audition du notaire au cours de la procédure pénale que Ginette D... s'est présentée à l'improviste à l'étude en compagnie de Claudine A...pour lui faire signer une procuration de sorte que c'est une secrétaire de l'étude qui les a reçues au pied levé ; qu'ainsi le notaire n'a jamais rencontré la venderesse en personne et n'a donc jamais été en mesure de s'assurer personnellement de sa capacité de disposer ; qu'il apparaît, en l'occurrence, que la SCP F...et E...a été d'une infinie légèreté et s'est reposée sur le fait que le compromis avait été passé par l'intermédiaire d'une agence censée avoir effectué, plus en amont, les vérification qui s'imposaient sur la capacité de la venderesse ; que cette attitude est d'autant plus fautive en qu'en l'espèce, cette vérification n'a pas eu lieu puisqu'il ressort de la procédure pénale et de l'audition de la gérante de la société NOUVELLE AGENCE DU CEDRE qu'elle-même, qui s'était aperçue de l'état de santé déficient de Claudine A..., comptait sur le notaire pour soulever, éventuellement, la difficulté et faire des investigations plus approfondies ; que ce sont donc les négligences cumulées de l'agence et du notaire qui ont permis que l'acte soit passé alors que Claudine A...était dans un état de santé tel qu'elle ne pouvait consentir à la vente dont elle ne se souvenait même plus lors de son audition par la police ; que, dans ces conditions, la responsabilité de la SCP F...et E...doit être retenue et le jugement sera infirmé de ce chef ; ¿ que compte tenu des fautes retenues contre la SCP F...et E...et Claude B..., il sera ajouté au jugement en condamnant ces deux parties à supporter, avec Ginette D..., in solidum, la somme de 58. 200 ¿ correspondant au trouble de jouissance subi par Claudine A...qui n'a pu disposer de son immeuble pendant le temps où ce dernier a été détenu par Brigitte C...et n'a dont pu mettre ce bien en location, ce qui lui aurait permis de subvenir à ses frais d'hébergement ;

1° ALORS QUE le notaire chargé d'authentifier une vente n'est pas tenu de vérifier les capacités intellectuelles d'une partie qui a consenti, hors sa présence, un mandat en vue de la conclusion de l'acte authentique ; qu'en jugeant que la SCP notariale était responsable pour avoir instrumenté l'acte sans avoir rencontré Madame A..., la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
2° ALORS QUE le notaire ne peut refuser d'instrumenter un acte ou, en présence d'un mandat, exiger l'intervention personnelle du mandant, qu'en présence d'éléments révélateurs d'une situation anormale ; qu'en jugeant que la SCP notariale était responsable pour avoir instrumenté l'acte sans avoir rencontré Madame A..., aux motifs que « ni la profession déclarée de celle-ci (secrétaire), ni l'éloignement de son domicile (une commune de l'agglomération où est située l'étude) ne justifiait le recours à une procuration donnée, de surcroît, à la personne qui l'hébergeait », bien que ces éléments n'ait pas été de nature à caractériser une situation anormale, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
3° ALORS QUE le notaire n'est pas garant de l'exécution des obligations du professionnel intervenu lors de la conclusion, hors sa présence et avant son intervention, d'un acte sous-seing privé ; qu'en jugeant que le comportement du notaire avait été d'autant plus fautif que l'agence immobilière n'avait pas vérifié les capacités intellectuelle de la venderesse pourtant présente lors de la conclusion de cet acte sous-seing privé, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE) Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR condamnée la SCP notariale, in solidum avec Madame D... et Monsieur B..., à payer à Madame C..., la somme de 20. 072, 77 ¿ à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QU'en cas d'annulation, l'acte n'aurait jamais dû être passé ; qu'il doit donc être restitué au vendeur l'équivalent en argent du bien évalué au jour où l'acquéreur s'en dessaisit ; qu'en effet, si Claudine A...était restée en possession de son appartement comme elle aurait dû l'être, elle aurait bénéficié, en juin 2006, d'un immeuble profitant de la plus-value résultant du marché immobilier porteur depuis janvier 2003 ; que c'est donc à juste raison que le Tribunal a ordonné la restitution par Brigitte C...de la somme de 112. 000 ¿ qu'elle a perçue de Lionel Y..., seule de nature à assurer à Claudine A...une restitution in integrum (cf. par exemple Cass. Com. 29 mars 1994 Bull. Civ. IV n° 137 p. 108) dans le cadre d'une vente qui n'aurait jamais dû être faite ; qu'il n'y a donc pas lieu à nouvelle expertise ; ¿ que le préjudice résiduel subi par Brigitte C...dans cette affaire est donc de 112. 000 ¿ (64. 790, 23 + 332, 80 + 3. 917, 74 + 2. 159, 08 (impenses) + 20. 727, 38 (loyers)) = 20. 072, 77 ¿ ; que Brigitte C...est d'une totale bonne foi et ne saurait donc supporter la charge de ce préjudice causé directement par un acte nul qui trouve sa source dans les négligences et fautes cumulées de Ginette D..., de la SCP F...et E...et de Claude B...qui seront donc condamnés, in solidum, à lui payer la somme de 20. 072, 77 ¿ à titre de dommages et intérêts ;
1° ALORS QUE les restitutions auxquelles les parties sont tenues à la suite de l'annulation d'un contrat ne constituent pas un préjudice réparable ; qu'en condamnant le notaire à indemniser Madame C...d'une fraction de la somme de 112. 000 ¿, bien que cette somme ait représenté une partie de la valeur de l'immeuble qu'elle devait restituer par équivalent, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
2° ALORS QU'en toute hypothèse, l'évaluation du dommage doit tenir compte des avantages que la situation créée par la faute invoquée a procurés au demandeur à l'action ;
qu'en condamnant le notaire à indemniser Madame C...de la fraction de la somme de 112. 000 ¿ qu'elle devait restituer à Madame A..., bien qu'elle ait constaté que Madame C...avait revendu le bien acquis et qu'elle avait conservé le prix de 112. 000 ¿ ainsi perçu puisque cette seconde vente n'avait pas été annulée, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil. Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. Claude B..., demandeur au pourvoi n° W 12-27. 874

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré Claude B...responsable, avec la SCP F...et E...et Ginette D..., des fautes et négligences ayant conduit à l'acte de vente annulé conclut le 10 janvier 2003 entre Claudine A...et Brigitte C...et de l'avoir condamné, in solidum avec elles, à payer à Claudine A...et l'UDAF du Loiret la somme de 58. 200 ¿ au titre de la perte de jouissance de son appartement et les frais de publicité foncière du jugement annulant la vente, ainsi qu'à payer à Mme Brigitte C...la somme de 20. 072, 77 ¿ à titre de dommages-intérêts pour réparer son préjudice résiduel après restitution du prix et des impenses ;
Aux motifs qu'il est exact que le bien vendu était un propre de Claudine A...et que Claude B...n'est intervenu à la vente qu'en qualité de conjoint en raison de l'aliénation pressentie du domicile conjugal ; qu'il n'en reste pas moins qu'à l'époque, Claude B...était encore dans les liens du mariage avec Claudine A...et qu'il lui devait donc assistance, ce qui inclut la sauvegarde de ses intérêts patrimoniaux ; que Claude B...ne peut sérieusement soutenir qu'il ignorait l'état de santé réel de son épouse au moment de la vente alors qu'antérieurement à celle-ci, il avait déjà pris des mesures pour pourvoir à l'hébergement de celle-ci qui avait perdu toute autonomie, ainsi qu'il résulte de la procédure pénale, et que dans le temps de la vente, il était hébergé avec son épouse, qu'il côtoyait donc quotidiennement, au foyer des époux D... ; qu'en n'avisant pas la SCP F...et E...des doutes qu'il ne pouvait que nourrir sur le consentement de son épouse à la vente et sa réelle capacité à passer cet acte, Claude B...a partagé le désintérêt total de tous les protagonistes de cette malheureuse affaire sur le sort de Claudine A...et a ainsi participé à la signature d'un acte qui n'aurait jamais dû être passé ; que sa responsabilité doit donc être retenue et le jugement sera réformé de ce chef ; (¿) que compte tenu des fautes retenues contre la SCP F...et E...et Claude B..., il sera ajouté au jugement en condamnant ces deux parties à supporter avec Ginette D..., in solidum, la somme de 58. 200 ¿ correspondant au trouble de jouissance subi par Claudine A...qui n'a pu disposer de son immeuble pendant le temps où ce dernier a été détenu par Brigitte C...et n'a donc pu mettre ce bien en location, ce qui lui aurait permis de subvenir à ses frais d'hébergement ; qu'il ne s'agit pas là d'un préjudice hypothétique comme le soutient la SCP F...et E...puisque la dépossession de Claude A...a été bien réelle ; que celle-ci, qui avait perdu toute autonomie et était séparée de son mari, n'avait plus l'usage personnel de cette habitation et aurait dû pouvoir la louer pour assumer son hébergement actuel ; qu'elle a donc été privée de cette jouissance et c'est là un préjudice bien réel en relation directe avec l'acte annulé ; que le lien de causalité entre les fautes de Ginette D..., de la SCP F...et E...et de Claude B...à l'origine de cet acte et le préjudice est donc établi ;
ALORS D'UNE PART QU'une faute n'engage la responsabilité de son auteur que pour autant qu'elle a causé de façon directe et certaine un dommage ; qu'en retenant la responsabilité de M. B...pour n'avoir pas avisé la SCP F...et E..., notaire chargé de recevoir l'acte authentique de la vente conclue entre Mme C...et Mme A..., des doutes qu'il aurait pu nourrir sur le consentement de son épouse à la vente et sa réelle capacité à passer cet acte, sans constater à aucun moment qu'une telle information, venant de la part de l'époux en instance de divorce de la venderesse, aurait nécessairement conduit le notaire à vérifier la capacité à contracter de celle-ci et aurait empêché la signature de l'acte de vente, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé un lien de causalité direct et certain entre la faute reprochée à M. B...et le dommage, consistant dans la conclusion de la vente litigieuse, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
ALORS D'AUTRE PART QU'en statuant comme elle l'a fait, sans caractériser en quoi le fait que M. B...avise la SCP F...et E...de ses doutes sur le consentement de son épouse à la vente et de sa réelle capacité à passer cet acte, aurait conféré à Mme A..., qui avait perdu toute autonomie, une capacité suffisante pour louer son appartement afin de subvenir à ses frais d'hébergement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Claude B..., in solidum avec la SCP F...et E...et Ginette D..., à payer à Claudine A...et l'UDAF du Loiret la somme de 58. 200 ¿ au titre de la perte de jouissance de son appartement et les frais de publicité foncière du jugement annulant la vente ;
Aux motifs propres que compte tenu des fautes retenues contre la SCP F...et E...et Claude B..., il sera ajouté au jugement en condamnant ces deux parties à supporter avec Ginette D..., in solidum, la somme de 58. 200 ¿ correspondant au trouble de jouissance subi par Claudine A...qui n'a pu disposer de son immeuble pendant le temps où ce dernier a été détenu par Brigitte C...et n'a donc pu mettre ce bien en location, ce qui lui aurait permis de subvenir à ses frais d'hébergement ; qu'il ne s'agit pas là d'un préjudice hypothétique comme le soutient la SCP F...et E...puisque la dépossession de Claude A...a été bien réelle ; que celle-ci, qui avait perdu toute autonomie et était séparée de son mari, n'avait plus l'usage personnel de cette habitation et aurait dû pouvoir la louer pour assumer son hébergement actuel ; qu'elle a donc été privée de cette jouissance et c'est là un préjudice bien réel en relation directe avec l'acte annulé ; que le lien de causalité entre les fautes de Ginette D..., de la SCP F...et E...et de Claude B...à l'origine de cet acte et le préjudice est donc établi ; que les frais de publication du jugement à la conservation des hypothèques seront mis à la charge, in solidum, de Ginette D..., de la SCP F...et E...et de Claude B...;

Et aux motifs adoptés du jugement du 1er mars 2011 que Mme D..., condamnée pénalement pour abus de faiblesse sur la personne de Mme A...est à l'origine de la vente immobilière litigieuse dont elle a pris l'initiative et une part déterminante ¿ ; que sa responsabilité délictuelle doit donc être engagée ; que partant, elle sera condamnée à indemniser le préjudice résultant de l'absence de jouissance du bien qu'a subi Madame A..., soit la somme de 58. 200 ¿ (moyennant un loyer de 600 euros par mois, tel que les requérantes et Mademoiselle C...s'accordent à le fixer pour le bien qui est un appartement de type 4, de la vente du 10 janvier 2003 à ce jour) ;
ALORS D'UNE PART QUE tout jugement doit être motivé ; que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; que le tribunal de grande instance d'Orléans a condamné Mme D... à payer à Mme A...une somme de 58. 200 ¿ correspondant au loyer de 600 ¿ par mois dont elle a été privée entre la vente du 10 janvier 2003 et le jour où le tribunal a statué, le 1er mars 2011 ; qu'ajoutant à ce jugement, dont elle a confirmé ce faisant les motifs, la cour d'appel a condamné Claude B...in solidum avec Mme D..., à payer à Mme A...cette même somme de 58. 200 ¿ correspondant au trouble de jouissance subi par Claudine A...qui n'a pu disposer de son immeuble pendant le temps où ce dernier a été détenu par Brigitte C..., soit jusqu'au 1er juin 2006, où il a été vendu à M. Y...; qu'en statuant par de tels motifs contradictoires, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS D'AUTRE PART QUE la réparation d'un dommage ne peut excéder le montant du préjudice ; qu'ayant constaté que le préjudice subi par Mme A..., consistant dans un trouble de jouissance, correspondait au fait de n'avoir pu disposer de son immeuble pendant le temps où celui-ci a été détenu par Brigitte C..., soit du 10 janvier 2003 au 1er juin 2006, la cour d'appel qui a cependant alloué à Mme A...une somme correspondant à une privation de jouissance pour la période du 10 janvier 2003 au 1er mars 2011, a violé l'article 1382 du code civil ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné Claude B..., in solidum avec la SCP F...et E...et Ginette D..., à payer à Mme Brigitte C...la somme de 20. 072, 77 ¿ à titre de dommages-intérêts pour réparer son préjudice résiduel après restitution du prix et des impenses ;
Aux motifs qu'en cas d'annulation, l'acte n'aurait jamais dû être passé ; qu'il doit donc être restitué au vendeur l'équivalent en argent du bien évalué au jour où l'acquéreur s'en dessaisit ; qu'en effet, si Claudine A...était restée en possession de son appartement comme elle aurait dû l'être, elle aurait bénéficié, en juin 2006, d'un immeuble profitant de la plus-value résultant du marché immobilier porteur depuis janvier 2003 ; que c'est donc à juste raison que le tribunal a ordonné la restitution par Brigitte C...de la somme de 112. 000 ¿ qu'elle a perçue de Lionel Y..., seule de nature à assurer à Claudine A...une restitution in integrum dans le cadre d'une vente qui n'aurait jamais dû être faite ; (¿) que la SCP F...et E...ne peut garantir le remboursement du prix qui ne constitue pas un préjudice indemnisable ; que la différence entre le prix de vente et la valeur restituée est partiellement compensée par la restitution des impenses par l'UDAF du Loiret et Claudine A...et par le fait que Brigitte C...conserve les loyers perçus pendant le temps où elle a été propriétaire ; que le préjudice résiduel subi par Brigitte C...dans cette affaire est donc de 112. 000 ¿ (64. 790, 23 + 332, 80 + 3917, 74 + 2159, 08 (impenses) + 20. 727, 38 (loyers) = 20. 072, 77 ¿ ; que Brigitte C...est d'une totale bonne foi et ne saurait donc supporter la charge de ce préjudice causé directement par un acte nul qui trouve sa source dans les négligences et fautes cumulées de Ginette D..., de la SCP F...et E...et de Claude B...qui seront donc condamnés, in solidum, à lui payer la somme de 20. 072, 77 ¿ à titre de dommages-intérêts ;
Et aux motifs adoptés des premiers juges qu'il n'y a lieu à restitution du bien immobilier dont s'agit en nature, mais seulement en valeur ; qu'afin que les parties se trouvent dans la même situation que si les actes annulés n'avaient jamais été contractés, Melle C...sera condamnée à restituer le prix de revente de 2006, dernière valeur connue du bien soit la somme de 112. 000 ¿ et Mme A...le prix de la vente de 2003, soit la somme de 64. 790, 83 ¿ ;
ALORS QUE les restitutions réciproques auxquelles les parties sont tenues à la suite de l'annulation d'un contrat ne constituent pas un préjudice réparable ; que la somme de 112. 000 ¿ correspond à la restitution par Mme C...de l'immeuble vendu par son équivalent en valeur ; que la cour d'appel, en condamnant M. B...à payer à Mme C...la part de cette obligation de restitution restant à sa charge après compensation avec les sommes devant lui être restituées par Mme A...et celles qu'elle a conservées au titre des fruits, a violé l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article 1304 du même code.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12-24754;12-25862;12-26223;12-27874
Date de la décision : 02/10/2013
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité
Type d'affaire : Civile

Analyses

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Responsabilité civile - Signature des actes authentiques - Obligation de vérifier la capacité des parties

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Responsabilité - Obligation de vérifier - Vérification de la capacité du client - Conditions - Circonstances particulières permettant de mettre en doute les facultés mentales du client OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Responsabilité - Obligation de vérifier - Vérification de la capacité du client - Intervention d'un professionnel de l'immobilier au compromis de vente sous seing privé - Influence - Défaut - Cas

Fait preuve de légèreté et de négligences fautives, sans pouvoir être dispensé de son obligation par l'intervention d'un autre professionnel de l'immobilier lors de la signature de la promesse de vente, le notaire qui omet de s'assurer personnellement de la capacité à disposer de sa cliente, laquelle était représentée à l'acte par la personne chez qui elle résidait, tandis que ni son activité professionnelle déclarée ni l'éloignement de son domicile ne justifiaient le recours à une procuration, signée en présence d'une secrétaire de l'étude devant laquelle elle s'était présentée à l'improviste, circonstances qui étaient de nature à permettre au notaire de douter des facultés mentales de la mandante qu'il n'avait pu rencontrer


Références :

article 1382 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 18 juin 2012

Sur l'obligation de vérifier la capacité des parties à l'acte incombant au notaire, à rapprocher : 1re Civ., 18 décembre 1984, pourvoi n° 83-13908, Bull. 1984, I, n° 339 (cassation) ;

1re Civ., 13 novembre 1997, pourvoi n° 95-19686, Bull. 1997, I, n° 309 (rejet)

arrêt cité ;

1re Civ., 24 février 1998, pourvoi n° 95-21473, Bull. 1998, I, n° 73 (2) (cassation partielle)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 02 oct. 2013, pourvoi n°12-24754;12-25862;12-26223;12-27874, Bull. civ. 2013, I, n° 196
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2013, I, n° 196

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Rapporteur ?: Mme Wallon
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.24754
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