LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article R. 142-22 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 386 du code de procédure civile ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que l'instance est périmée lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné au second, les diligences expressément mises à leur charge par la juridiction ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., victime, le 20 août 2003, d'un accident du travail, a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de la société Coopérative agricole Saint-Yvi Cornouaille (l'employeur) ; qu'ayant, par jugement du 19 mars 2007, accueilli sa demande et ordonné une expertise, cette juridiction, par jugement du 15 septembre 2008, a ordonné la radiation de l'affaire, en l'absence de diligence des parties ; que M. X... ayant, le 9 septembre 2010, sollicité le rétablissement de cette affaire en vue d'obtenir la réparation de son préjudice, l'employeur lui a opposé la péremption de l'instance ;
Attendu que pour déclarer l'instance éteinte par la péremption, l'arrêt retient que le non-respect de l'injonction de conclure, faite aux parties par le tribunal à l'audience du 19 mai 2008, a entraîné la péremption de l'instance dans le délai de deux ans, soit le 20 mai 2010, alors que M. X... n'a sollicité le rétablissement de l'affaire que le 9 septembre 2010 ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si les diligences prescrites avaient été mises à la charge des parties par un jugement de la juridiction ou par une ordonnance de son président, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 avril 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne la société Coopérative agricole Saint-Yvi Cornouaille aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Coopérative agricole Saint-Yvi Cornouaille à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté l'extinction de l'instance pour cause de péremption et débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
AUX MOTIFS QU'en matière sociale, l'article R. 142-22 du Code de la sécurité sociale précise que « l'instance est périmée lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du Code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction » ; qu'en l'espèce, tant Monsieur X... que la coopérative SAINT-YVI CORNOUAILLE reconnaissent dans leurs écritures devant la Cour, avoir reçu injonction de conclure pour le 19 juin 2008 au plus tard et que c'est bien l'absence de cette diligence, expressément mise à la charge des parties par le Tribunal lors de l'audience du 19 mai 2008 qui a entraîné la péremption de l'instance dans le délai de deux ans prévu à l'article 386 du Code de procédure civile ;
ET AUX MOTIFS adoptés du jugement QUE dans le cadre des dispositions de l'article 386 du Nouveau Code de procédure civile, l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligence pendant deux ans ; que l'examen de l'ensemble des pièces de la procédure permet de constater qu'à la suite du dépôt du rapport d'expertise du Docteur Y... le 28 juin 2007, l'examen de cette affaire a été renvoyé à trois reprises lors des audiences du 17 septembre 2007, du 19 novembre 2007 et du 21 janvier 2008 ; que lors de l'audience du 17 mars 2008, l'affaire a fait l'objet d'un dernier renvoi pour plaider pour l'audience du 19 mai 2008 ; que lors de l'audience du 19 mai 2008, l'affaire a fait l'objet d'un ultime renvoi pour plaider pour l'audience du 15 septembre 2008, et obligation a été donnée aux parties de conclure au plus tard le 19 juin 2008 ; que lors de l'audience du 15 septembre 2008, il a été constaté que les parties n'avaient pas conclu au plus tard le 19 juin 2008, ni d'ailleurs postérieurement, que le dossier n'était toujours pas en état d'être plaidé sans que les parties n'allèguent l'existence d'une difficulté particulière de nature à justifier un nouveau renvoi ; que dès lors, la procédure a fait l'objet d'une décision de radiation le 15 septembre 2008 ; que dès lors, dans la mesure où le Tribunal avait mis à la charge des parties l'obligation de conclure au plus tard le 19 juin 2008, que les parties n'ont pas respecté cette diligence à leur charge, ni à cette date ni d'ailleurs postérieurement (Cass. Soc. 16 mars 1994 – JCP E 1994 – I – 384 n° 3) (Cass. Civ. 2ème – 28 juin 2006 – n° 04-18. 226), il résulte que la péremption de l'instance était acquise deux ans plus tard, soit le 20 juin 2010, alors que ce n'est que le 09 septembre 2010 que Monsieur Pierre X... a demandé l'évaluation définitive de l'indemnisation de ses préjudices et que l'affaire a été réenrôlée ;
ALORS QUE, D'UNE PART, Monsieur X... avait fait valoir dans ses conclusions (p. 6, § 3 et 6) « qu'il est constant qu'aucune diligence n'a été demandée par le Juge aux parties et en conséquence en fonction de la doctrine et de la jurisprudence évoquée précédemment, la présente instance échappe à toute péremption » si bien qu'en énonçant au soutien de sa décision que « tant Monsieur X... que la coopérative SAINT YVI-CORNOUAILLE reconnaissent dans leurs écritures devant la Cour avoir reçu injonction de conclure pour le 19 juin 2008 au plus tard », la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions de Monsieur X..., violant l'article 1134 du Code civil ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, en matière de sécurité sociale, le délai de péremption a pour point de départ une injonction formelle du juge prescrivant expressément aux parties l'accomplissement d'une diligence déterminée si bien qu'en retenant qu'une simple déclaration du juge portant « obligation de conclure » donnée de façon orale et informelle aux parties à l'audience du 19 mai 2008 pour le 19 juin 2008 au plus tard, dont il n'était justifié ni de la formalisation dans une décision, ni de la notification aux parties, aurait été de nature à faire fixer le point de départ de la péremption, la Cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article R. 142-22 du Code de la sécurité sociale ;
ET ALORS ENFIN QUE l'ordonnance de radiation du 15 septembre 2008 ne faisait mention d'aucune diligence qui aurait été mise à la charge des parties par le juge, et ne mettait par ailleurs à la charge des parties aucune diligence particulière, si bien qu'en retenant que le délai de péremption avait commencé à courir, et était acquis au 9 septembre 2010, la Cour d'appel a violé les articles 386 du Code de procédure civile et R. 142-22 du Code de la sécurité sociale.