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23/04/2013 | FRANCE | N°12-12411

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 avril 2013, 12-12411


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., sous-préfet hors classe, a été engagé le 18 octobre 2006 par la société Sogreah consultants, aujourd'hui Artelia ville et transport, et détaché à cette fin le 25 octobre 2006, pour remplir une mission d'intérêt public à l'étranger, dans le cadre d'un appel d'offre financé par la Commission européenne ; qu'il a été licencié par lettre du 6 septembre 2007, l'employeur lui reprochant d'avoir continué à utiliser le titre de sous-préfet hors classe ;

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ur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licen...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., sous-préfet hors classe, a été engagé le 18 octobre 2006 par la société Sogreah consultants, aujourd'hui Artelia ville et transport, et détaché à cette fin le 25 octobre 2006, pour remplir une mission d'intérêt public à l'étranger, dans le cadre d'un appel d'offre financé par la Commission européenne ; qu'il a été licencié par lettre du 6 septembre 2007, l'employeur lui reprochant d'avoir continué à utiliser le titre de sous-préfet hors classe ;

Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de ses demandes de dommages-intérêts alors, selon le moyen :
1°/ que, les juges du fond doivent rechercher, au-delà des énonciations de la lettre de licenciement, la véritable cause du licenciement et ils ne peuvent se dispenser de cette recherche, pour la seule raison que le motif allégué par l'employeur, présenterait un caractère réel et sérieux ; que pour juger que le licenciement de M. X... avait une cause réelle et sérieuse et refuser, comme il le lui était pourtant demandé, de rechercher la cause véritable du licenciement, la cour d'appel a affirmé que le grief énoncé dans la lettre de licenciement étant avéré et constitutif d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, il n'y a pas lieu de s'interroger sur l'existence éventuelle d'une autre cause de rupture ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le principe susvisé et l'article L. 1235-1 du code du travail, ensemble l'article 12 du code de procédure civile ;
2°/ que les juges du fond ne sauraient dénaturer les conclusions des parties ; que pour juger que le licenciement de M. X... avait une cause réelle et sérieuse et refuser, comme il le lui était pourtant demandé, de rechercher la cause véritable du licenciement, la cour d'appel a également affirmé qu'il n'y a pas lieu de s'interroger sur l'existence éventuelle d'une autre cause de rupture qui aurait été liée, selon les affirmations non étayées du salarié, à son refus de se rendre complice de prétendus agissements illégaux de son employeur et de la délégation de la Commission européenne ; qu'en statuant ainsi, par voie de simple affirmation sans répondre à l'argumentation précise de M. X... qui détaillait, pièces à l'appui, la cause réelle de la rupture, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1235-1 du code du travail ;
3°/ que l'interdiction d'apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché n'est pas limitée aux droits ou libertés fondamentaux bénéficiant d'une protection prétendument absolue ; que pour juger que M. X... avait commis une faute contractuelle justifiant son licenciement, la cour d'appel a affirmé que le droit de faire librement usage de son grade de « sous-préfet hors classe » ne peut être rattaché à un droit ou à une liberté fondamentale bénéficiant d'une protection absolue ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 1121-1 du code du travail ;
4°/ que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; que pour juger que M. X... avait commis une faute contractuelle justifiant son licenciement, la cour d'appel a affirmé que un tel droit d'usage de son grade de « sous-préfet hors cadre » n'autorise pas son titulaire à le mettre en oeuvre sans justification dans un rapport de droit privé en contravention avec les ordres donnés et dans des conditions susceptibles d'apporter un trouble objectif aux intérêts et au fonctionnement de l'entreprise ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui incombait à l'inverse de rechercher si la restriction à l'usage de ce droit d'usage du grade était justifiée et proportionnée, la cour d'appel a de nouveau violé l'article L. 1121-1 du code du travail ;
5°/ que l'interdiction faite à un salarié de mentionner son grade constitue une atteinte à sa liberté d'expression, et au droit de communication, protégés par les articles 11 de la Déclaration des droits de l'homme, et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'en retenant pour fautif la mention du grade, la cour d'appel a violé lesdites dispositions ;
6°/ que lorsque le licenciement du salarié est prononcé parce que son comportement a, compte tenu de ses fonctions et de la finalité propre de l'entreprise, créé un trouble objectif au sein de l'entreprise, ce trouble doit être caractérisé ; que pour juger que le licenciement de M. X... était justifié par une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a affirmé que l'usage par M. X... de son titre de « sous-préfet hors classe » pouvait entraîner des risques de confusion entre la nature du projet et son rattachement à l'Etat français et qu'il avait agit dans des conditions susceptibles d'apporter un trouble objectif aux intérêts et au fonctionnement de l'entreprise ; que ce faisant, la cour d'appel n'a pas fait état d'un trouble caractérisé, mais seulement hypothétique et a donc violé l'article L. 1232-1 du code du travail ;
7°/ que M. X... avait fait valoir que, recruté en sa qualité de sous-préfet, il avait pendant plus de neuf mois fait usage de courriers et cartes de visite portant son grade, comme le faisaient les autres responsables du projet ; que la demande de modification de ces documents ne lui a été faite que verbalement et plus d'un mois après qu'il lui eût été demandé de démissionner pour d'autres raisons ; qu'aucun trouble caractérisé n'a été invoqué ; qu'en n'examinant pas ces moyens pertinents, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que si la restriction du droit de faire usage d'un titre ou d'un grade au temps et au lieu de travail, droit qui n'entre pas dans la catégorie des libertés fondamentales, doit être justifiée par la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché, la cour d'appel, qui a constaté que le salarié s'est délibérément opposé à quatre reprises aux directives de sa hiérarchie relayant une requête expresse de la représentante de la délégation de la Commission européenne en Ukraine en charge du suivi du projet communautaire confié à la société Sogreah en raison des risques de confusion que cet usage pouvait entraîner entre la nature européenne du projet et son rattachement au gouvernement ou à l'Etat français, a pu décider que la décision de l'employeur de lui interdire de faire usage du titre et du grade de sous préfet hors classe était justifiée ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel, qui a retenu que le salarié avait commis un acte d'insubordination, écartant par là même le moyen pris d'une autre cause de licenciement, a décidé, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, que le licenciement procédait d'une cause réelle et sérieuse ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa sixième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles 31 du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive de fonctions, L. 61 du code des pensions civiles et militaires de l'Etat, ensemble l'article L. 241-8 du code de la sécurité sociale ;
Attendu que pour condamner le salarié à rembourser à l'employeur les cotisations liées à son statut de fonctionnaire acquittées pour son compte et en ses lieu et place, l'arrêt retient que le salarié était personnellement redevable desdites cotisations et que son contrat individuel de travail prévoyait expressément qu'il ferait son affaire personnelle de toute cotisation, de quelque nature que ce soit, susceptible d'être due pendant la durée de son détachement à raison de sa situation de fonctionnaire détaché ;
Attendu, cependant, que la contribution de l'employeur pour la constitution des droits à pension reste exclusivement à sa charge, toute convention contraire étant nulle de plein droit ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait alors que la clause contractuelle était nulle en ce qu'elle prévoyait la prise en charge par le salarié de la contribution dont était redevable l'employeur envers le Trésor, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. X... à payer à la société Sogreah consultants la somme de 17 824,50 euros en remboursement des cotisations liées à son statut de fonctionnaire qui ont été acquittées pour son compte et en ses lieu et place, l'arrêt rendu le 22 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Condamne la société Artelia ville et transport aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois avril deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que le licenciement de M. X... avait une cause réelle et sérieuse et de l'avoir ainsi débouté de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse et pour licenciement abusif, mais aussi de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu'il a subi
AUX MOTIFS PROPRES QUE, Monsieur Jean-François X..., sous-préfet hors classe, engagé dans le cadre d'un détachement de son administration d'origine par la Sas Sogreah Consultants à compter du 1er novembre 2006 en qualité d'ingénieur, position 3.1, chargé de la réalisation et de l'animation d'un projet confié par la Commission Européenne, a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 29 août 2007, puis licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 6 septembre 2007, motivée comme suit: « Par courrier remis en main propre le 07 août 2007, nous avons convoqué à un entretien préalable qui s'est déroulé le mercredi 29 août 2007, une mesure de licenciement pour motif personnel fondé sur une cause réelle et sérieuse étant envisagée à votre encontre. Lors de cet entretien, nous vous avons exposé les motifs qui nous amenaient à envisager une telle mesure, à savoir : - vous avez été embauché par SOGREAH à compter du 1er novembre 2006 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée de chantier (mission d'intérêt public à l'étranger financé par la Commission Européenne dans le cadre du marché "Europe Aid/1224ll/C/SV/VA/Sustainable Local Développement ") ;- votre mission, en qualité de Team Leader (chef d'équipe), statut cadre, comprend à la fois la réalisation et l'animation du projet précité confié à SOGREAH dans le cadre de la proposition qui a été acceptée par la Commission Européenne et qui a été portée à votre connaissance ;- notre relation contractuelle est régie par les dispositions du code du travail et des accords collectifs applicables à SOGREAH;- sur plusieurs reproches évoqués lors de l'entretien préalable, nous avons pris en compte vos explications, même si vos différents courriers, dont celui daté du 30 août 2007, nécessiteraient commentaires et rectifications. Nous sommes conscients que l'éloignement et la complexité de ce type de projet peuvent être sources d'incompréhensions. -A l'issue de notre réflexion, il ressort néanmoins un point que nous ne pouvons accepter: votre attitude concernant le port du titre de sous-préfet hors classe ;- par pas moins de quatre fois ainsi que vous le précisez dans votre courrier en date du 13 août 2007, votre supérieur hiérarchique, Monsieur Alain Y... vous a mis en demeure de ne pas faire état de votre grade de « sous-préfet hors classe " en raison des risques de confusion pouvant apparaître entre le projet qui nous a été confié et le gouvernement français, cette demande ayant par ailleurs été expressément rappelée par Madame Hélène Z... Directeur des opérations de la délégation de la commission européenne en Ukraine dans son courrier en date du 03 août 2007:" (La référence au grade de sous-préfet hors classe constitue une infraction à la visibilité des obligations contractuelles en ce qu'elle laisse apparaître une relation contractuelle qui n'existe pas entre le projet et le gouvernement français(…)- ainsi que vous le précisez dans votre courrier précité, vous avez délibérément refusé de respecter nos demandes respectives ; - bien que haut fonctionnaire en situation de détachement, vous êtes dans le cadre de votre activité, soumis aux règles régissant la fonction que vous occupez. En effet, vous n'avez pas été engagé en raison de votre qualité de « sous-préfet hors classe », mais sur la base de l 'expérience professionnelle dont vous avez fait état dans votre curriculum vitae. Nous observons à cet égard que les intitulés de la fonction («position ») énoncé au point 14 (« professional expérience ») de votre curriculum vitae pour les émissions réalisées en Azerbaïdjan et en Ukraine pour le compte de l'Europen Commission - CIVIPOL, l'Europen Commission-THALES E. C, dont vous vous prévalez pour justifier votre attitude, sont respectivement : - « Senior Expert, - Team Leader, - Senior Expert and acting Team Leader », et, en aucune manière, la fonction de « Team Leader Sous-préfet hors classe ». Vous engagez un débat d'expert sur « le principe de propriété du grade et le droit d'usage qui s 'y attache en droit français ». Votre insistance à ne considérer que la défense de vos prérogatives personnelles sans prendre en compte la relation commerciale, sans prendre en compte le fait que cet usage peut créer de la confusion, en continuant dans vos explications, malgré notre courrier du 26 juin 2007, à mêler, à la question posée, des mises en cause personnelles à l'encontre d'un représentant du client, constitue un manque de discernement préjudiciable, qui nous met en difficulté vis-à-vis de notre client. Les éléments qui précèdent ne permettent plus la poursuite normale des relations contractuelles et justifient votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. La date de première présentation de cette lettre par les services postaux marquera le point de départ de votre préavis de 3 mois. Nous vous dispensons de l'exécution de votre préavis avec maintien de la rémunération correspondante qui vous sera servie aux échéances normales de paie...": Contestant la licéité et la légitimité de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits au titre de la rupture de son contrat de travail, Monsieur X... a saisi le conseil de prud'hommes de Laon de demandes indemnitaires diverses que la juridiction prud'homale, statuant par jugement du 21 avril 2008, dont appel, a rejeté dans leur intégralité, après avoir considéré en substance que le comportement du salarié, tel que dénoncé dans la lettre de notification du licenciement, était avéré et constitutif d'un acte d'insubordination de nature à conférer un cause réelle et sérieuse à l'initiative de rupture des relations contractuelles prise par l'employeur ; En sa qualité de fonctionnaire détaché dans le cadre d'un contrat de travail de droit privé, Monsieur X... s'est trouvé placé vis à vis de son employeur le temps de son détachement dans un rapport de subordination juridique lui imposant notamment de suivre les ordres et directives qui lui étaient donnés ; Il ressort à cet égard des éléments concordants et non sérieusement contestés du dossier que Monsieur X..., engagé en qualité d'ingénieur chef d'équipe par la société Sogreah exclusivement en considération d'un savoir faire et d'une expérience professionnelle affichés dans le domaine des projets et missions menés ou accompagnés à l'international par la Commission européenne, soit pour exercer des fonctions totalement étrangères à son statut de fonctionnaire français, s'est délibérément opposé à quatre reprises aux directives de sa hiérarchie relayant une requête expresse de la représentante de la délégation de la Commission européenne en Ukraine en charge du suivi du projet communautaire confié à la société Sogreah, directives aux termes desquelles il lui était instamment demandé de ne pas faire usage dans l'exercice de ses fonctions de son grade de "Sous-préfet hors classe" en raison des risques de confusion que cet usage pouvait entraîner entre la nature européenne du projet et son rattachement au gouvernement ou à l'Etat français ; En refusant obstinément de satisfaire à une telle demande, parfaitement en phase avec les intérêts légitimes de l'entreprise dans la mesure où effectivement le projet considéré, conduit et financé au niveau européen, se devait d'être déconnecté de toute appartenance nationale, Monsieur X... commis une faute contractuelle de nature à justifier son licenciement, sans que c dernier puisse utilement se prévaloir des règles de la fonction publique qu l'autoriseraient à faire librement usage de son grade de "Sous -préfet hors classe", un tel droit d'usage, qui ne peut être rattaché à un droit ou à une liberté fondamentale bénéficiant d'une protection absolue, n'autorisant pas son titulaire à le mettre en oeuvre sans justification dans un rapport de droit privé notamment dans le cadre d'un contrat de travail, en contravention avec les ordre; donnés et dans des conditions susceptibles d'apporter un trouble objectif au intérêts et au fonctionnement de l'entreprise ; Le grief énoncé dans la lettre de licenciement étant avéré et constitutif d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, il n'y a pas lieu de s'interroger sur l'existence éventuelle d'une autre cause de rupture qui aurait été liée, selon les affirmations non étayées du salarié, à son refus de se rendre complice de prétendus agissements illégaux de son employeur et de la délégation de la Commission européenne ; Les conditions parfaitement légitimes au regard des intérêts de l'entreprise dans lesquelles il a été demandé au salarié de cesser de faire usage de son grade de "Sous préfet hors classe" ne sauraient à elles seules et en l'absence de tout autre élément traduire une situation de harcèlement, prétendument destinée à obtenir une démission, dont le salarié serait fondé à se prévaloir pour contester son licenciement ou prétendre justifier sa demande indemnitaire pour préjudice moral ; Les éléments du dossier ne permettent pas davantage de considérer que le licenciement se serait entouré de circonstances particulières propres à caractériser un préjudice distinct dont le salarié serait fondé à obtenir réparation ; A la faveur de ces motifs et de ceux non contraires des premiers juges et en l'absence de toute garantie contractuelle d'emploi pour une période déterminée, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a écarté les moyens de nullité invoqués, retenu l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement et rejeté l'ensemble des demandes indemnitaires du salarié ;
ET AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE, Monsieur X... a été engagé par lettre du 18 octobre 2006 sous contrat à durée indéterminée de chantier pour remplir une mission d'intérêt public à l'étranger, financé par la Commission européenne en UKRAINE. Il a été recruté en qualité d'ingénieur position 3-1 par la SAS SOGREAH Consultants, et placé sous l'autorité hiérarchique de Monsieur Alain Y.... Monsieur X..., sous-préfet hors classe au Ministère de l'intérieur et de l'aménagement du Territoire a demandé son détachement pour remplir cette mission et a obtenu cet accord le 25 Octobre 2006. Les relations contractuelles ont pris effet à compter du 1er Novembre 2006. Le 19 juillet 2007, Monsieur Y... a demandé à Monsieur X... de cesser d'utiliser le titre de sous-préfet dans le cadre de ses fonctions de Team Leader. Le 26 juillet 2007, Monsieur Y... a confirmé par écrit cette demande. IL est demandé à Monsieur X... de ne plus faire état de son grade de sous-préfet hors classe dans l'exercice de sa mission au motif que la mention de sous-préfet hors classe constitue une violation des règles de visibilité des obligations contractuelles, en ce qu'elle laisse apparaître des relations contractuelles entre le projet et le gouvernement français qui n'existent pas. Par courrier du 3 août 2007, Madame Z..., responsable des opérations de la délégation de la commissions européenne en UKRAINE, et donc financeur du projet, a adressé un courrier à Monsieur Y... en l'informant que Monsieur X... avait adressé deux lettres le 1er août 2007 à la délégation en signant « Jean-François X..., souspréfet hors classe, Team Leader », demandant à nouveau à Monsieur Y... d'interdire à Monsieur X... « de ne plus utiliser cette référence » et insistant « sur le fait qu'il s'agissait d'un point de la plus haute importance pour la délégation ». Monsieur X... est employé par une société privée dans un cadre contractuel. L'article 101 du Code civil précise « le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent envers une ou plusieurs autres, à faire ou à ne pas faire quelque chose ». Par le lien de subordination inhérent au contrat de travail de Monsieur X..., celui-ci devait respecter les consignes de sa hiérarchie pour ne pas nuire aux intérêts de son employeur. Par ses refus réitérés, Monsieur X... s'est placé dans une situation d'insubordination vis-à-vis de son employeur. Dans le cadre de ses prérogatives, et dans l'intérêt de l'entreprise, l'employeur pouvait dispenser Monsieur X... de travailler dans le cours de la procédure, sans préjudice financier. Ces mesures ne remettent pas en cause la procédure.
ALORS, D'UNE PART, QUE, les juges du fond doivent rechercher, au-delà des énonciations de la lettre de licenciement, la véritable cause du licenciement et ils ne peuvent se dispenser de cette recherche, pour la seule raison que le motif allégué par l'employeur, présenterait un caractère réel et sérieux ; que pour juger que le licenciement de M. X... avait une cause réelle et sérieuse et refuser, comme il le lui était pourtant demandé, de rechercher la cause véritable du licenciement, la Cour d'appel a affirmé que le grief énoncé dans la lettre de licenciement étant avéré et constitutif d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, il n'y a pas lieu de s'interroger sur l'existence éventuelle d'une autre cause de rupture ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé le principe susvisé et l'article L.1235-1 du Code du travail, ensemble l'article 12 du nouveau Code de procédure civile.
ALORS, D'AUTRE PART, QUE les juges du fond ne sauraient dénaturer les conclusions des parties ; que pour juger que le licenciement de M. X... avait une cause réelle et sérieuse et refuser, comme il le lui était pourtant demandé, de rechercher la cause véritable du licenciement, la Cour d'appel a également affirmé qu'il n'y a pas lieu de s'interroger sur l'existence éventuelle d'une autre cause de rupture qui aurait été liée, selon les affirmations non étayées du salarié, à son refus de se rendre complice de prétendus agissements illégaux de son employeur et de la délégation de la Commission européenne ; qu'en statuant ainsi, par voie de simple affirmation sans répondre à l'argumentation précise de Monsieur X... qui détaillait, pièces à l'appui, la cause réelle de la rupture, la Cour d'appel privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1235-1 du Code du travail
ALORS, AUSSI, QUE, l'interdiction d'apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché n'est pas limitée aux droits ou libertés fondamentaux bénéficiant d'une protection prétendument absolue ; que pour juger que M. X... avait commis une faute contractuelle justifiant son licenciement, la Cour d'appel a affirmé que le droit de faire librement usage de son grade de « Sous-préfet hors classe » ne peut être rattaché à un droit ou à une liberté fondamentale bénéficiant d'une protection absolue » ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé l'article L.1121 du Code du travail.
ALORS, DE SURCROÎT QUE, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; que pour juger que M. X... avait commis une faute contractuelle justifiant son licenciement, la Cour d'appel a affirmé que un tel droit d'usage de son grade de « sous-Préfet hors cadre » n'autorise pas son titulaire à le mettre en oeuvre sans justification dans un rapport de droit privé en contravention avec les ordres donnés et dans des conditions susceptibles d'apporter un trouble objectif aux intérêts et au fonctionnement de l'entreprise ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui incombait à l'inverse de rechercher si la restriction à l'usage de ce droit d'usage du grade était justifiée et proportionnée, la Cour d'appel a de nouveau violé l'article L.1121-1 du Code du travail.
QU'au demeurant, l'interdiction faite à un salarié de mentionner son grade constitue une atteinte à sa liberté d'expression, et au droit de communication, protégés par les articles 11 de la Déclaration des droits de l'homme, et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'en retenant pour fautif la mention du grade, la Cour d'appel a violé lesdites dispositions.
ALORS, ENCORE QUE lorsque le licenciement du salarié est prononcé parce que son comportement a, compte tenu de ses fonctions et de la finalité propre de l'entreprise, créé un trouble objectif au sein de l'entreprise, ce trouble doit être caractérisé ; que pour juger que le licenciement de M. X... était justifié par une cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel a affirmé que l'usage par M. X... de son titre de « Sous-Préfet hors classe » pouvait entraîner des risques de confusion entre la nature du projet et son rattachement à l'Etat français et qu'il avait agit dans des conditions susceptibles d'apporter un trouble objectif aux intérêts et au fonctionnement de l'entreprise ; que ce faisant, la Cour d'appel n'a pas fait état d'un trouble caractérisé, mais seulement hypothétique et a donc violé l'article L.1232-1 du Code du travail.
ET ALORS enfin QUE Monsieur X... avait fait valoir que, recruté en sa qualité de sous-préfet, il avait pendant plus de 9 mois fait usage de courriers et cartes de visite portant son grade, comme le faisaient les autres responsables du projet ; que la demande de modification de ces documents ne lui a été faite que verbalement et plus d'un mois après qu'il lui eût été demandé de démissionner pour d'autres raisons ; qu'aucun trouble caractérisé n'a été invoqué ; qu'en n'examinant pas ces moyens pertinents, la Cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1232-1 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR fait droit à la demande reconventionnelle de la Société SOGREAH CONSULTANTS et d'avoir, en conséquence, condamné M. X... à lui verser 17.824,50 Euros en remboursement des cotisations liées à son statut de fonctionnaire que ladite Société aurait acquittées pour son compte et en ses lieu et place.
AUX MOTIFS PROPRES QUE s'agissant de la demande reconventionnelle de l'employeur qu'il ressort des pièces et documents concordants du dossier qu'en exécution d'un avis à tiers détenteur émis le 4 septembre 2009 par la trésorerie générale de l'Isère suite à la notification de trois titres de perception relatifs aux cotisations dues par Monsieur X... en sa qualité de fonctionnaire en détachement pour la période du 1er novembre 2006 au 13 décembre 2007, la société Sogreah a du s'acquitter le 14 septembre 2009 d'une somme de 17 824,50 € qui ne lui pas été remboursée par Monsieur X..., alors même que celui-ci était personnellement redevable desdites cotisations liées à son statut de fonctionnaire et que son contrat individuel de travail ( lettre d'engagement) prévoyait expressément qu'il ferait son affaire personnelle de toute cotisation, de quelque nature que ce soit, susceptible d'être due pendant la durée de son détachement à raison de sa situation de fonctionnaire détaché ; Qu'il sera fait droit dans ces conditions à la demande reconventionnelle de la société Sogreah;
ALORS QU' un salarié ne peut être tenu au versement des cotisations patronales sur ses rémunérations, peu important les stipulations contractuelles contraires ; qu'aux termes de l'article 31 du décret 85-986 du 16 septembre 1985 applicable aux faits de l'espèce, (aujourd'hui remplacé par le décret 2007-1796 du 19 décembre 2007, non applicable) l'employeur auprès duquel le fonctionnaire est détaché a la charge des cotisations ; qu'en mettant à la charge d'un fonctionnaire détaché la part patronale de ses cotisations, la Cour d'appel a violé ledit article 31 du décret du 16 septembre 1985, l'article L 61 du Code des pensions civiles et militaires de l'Etat, ensemble l'article L 241-8 du Code de la Sécurité sociale
ET ALORS en tout cas QUE les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; que M. X... a fait valoir dans ses conclusions en réplique qu'il avait réglé directement à l'administration la part salariale des cotisations retraite et que la demande que l'administration avait adressée à la Société SOGREAH CONSULTANTS portait sur la part patronale des cotisations retraite, laquelle devait être supportée par l'employeur en vertu de la loi et de la convention collective applicable, la clause contraire de son contrat étant nulle ; qu'en se contentant d'affirmer, sans distinguer la part salariale et la part patronale des cotisations retraite, que M. X... était personnellement redevable desdites cotisations liées à son statut de fonctionnaire et que son contrat prévoyait expressément qu'il ferait son affaire personnelle de toute cotisation de quelque nature que ce soit, la Cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions de M. X... et violé l'article 455 du nouveau Code de Procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-12411
Date de la décision : 23/04/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Obligations - Contribution à la constitution des droits à pension - Convention des parties - Nullité - Cas - Clause prévoyant la mise à la charge du salarié de toute cotisation due à raison de sa situation de fonctionnaire détaché

SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES - Vieillesse - Pension - Conditions - Cotisations - Paiement - Employeur débiteur - Convention contraire - Nullité

La contribution de l'employeur pour la constitution des droits à pension reste exclusivement à sa charge, toute convention contraire étant nulle de plein droit. Doit être cassé l'arrêt qui, pour condamner le salarié à rembourser à l'employeur les cotisations liées à son statut de fonctionnaire acquittées pour son compte et en ses lieu et place, retient que le salarié était personnellement redevable desdites cotisations et que son contrat individuel de travail prévoyait expressément qu'il ferait son affaire personnelle de toute cotisation, de quelque nature que ce soit, susceptible d'être due pendant la durée de son détachement à raison de sa situation de fonctionnaire détaché


Références :

Sur le numéro 1 : articles L. 1121-1, L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail
Sur le numéro 2 : article 31 du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive de fonctions
Sur le numéro 2 : article L. 61 du code des pensions civiles et militaires de l'Etat

article L. 241-8 du code de la sécurité sociale

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 22 novembre 2011

Sur le n° 1 : Sur la détermination des conditions auxquelles l'employeur peut, dans le cadre de son pouvoir de direction, restreindre l'usage d'un droit ou d'un liberté qui n'entre pas dans la catégorie des libertés fondamentales, à rapprocher :Soc., 28 mai 2003, pourvoi n° 02-20273, Bull. 2003, V, n° 178 (rejet)

arrêt cité. Sur le n° 2 : Sur la portée de l'article L. 241-8 du code de la sécurité sociale, à rapprocher :Soc., 17 octobre 2000, pourvoi n° 98-45669, Bull. 2000, V, n° 329 (cassation partielle)


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 avr. 2013, pourvoi n°12-12411, Bull. civ. 2014, V, n° 106
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2014, V, n° 106

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : Mme Lesueur de Givry
Rapporteur ?: M. Contamine
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.12411
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