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27/03/2013 | FRANCE | N°12-12892

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 mars 2013, 12-12892


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 24 novembre 2011), que par contrat de cogérance du 29 juin 2006, la société Distribution Casino France (la société) a confié à M. et Mme X...la gestion de la succursale exploitée à Clères (76) à l'enseigne " Petit Casino " ; que par lettre du 22 avril 2008, la société leur a notifié un inventaire réalisé le 19 mars 2008, faisant apparaître un manquant de marchandises ; que par lettre du 28 mai 2008, elle a notifié aux époux X...la rupture de leur contrat ; que

ces derniers ont saisi la juridiction prud'homale aux fins de requalific...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 24 novembre 2011), que par contrat de cogérance du 29 juin 2006, la société Distribution Casino France (la société) a confié à M. et Mme X...la gestion de la succursale exploitée à Clères (76) à l'enseigne " Petit Casino " ; que par lettre du 22 avril 2008, la société leur a notifié un inventaire réalisé le 19 mars 2008, faisant apparaître un manquant de marchandises ; que par lettre du 28 mai 2008, elle a notifié aux époux X...la rupture de leur contrat ; que ces derniers ont saisi la juridiction prud'homale aux fins de requalification de leur contrat en un contrat de travail et de paiement de rappels de salaires, d'indemnités de rupture et d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de dommages-intérêts au titre d'une clause de non-concurrence illicite faute de contrepartie financière ;
Sur les premier et second moyens du pourvoi principal des cogérants :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens, qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident de la société :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à chacun des époux X...des dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de cogérance et une indemnité de préavis, alors, selon le moyen :
1°/ que le mandataire dépositaire doit rendre compte tant du mandat que du dépôt et justifier de la restitution ou de l'utilisation conforme des biens remis en dépôt ; qu'en faisant peser sur la société Casino la charge de la preuve, et en lui reprochant notamment de ne pas établir avec certitude la responsabilité des mandataires gérants dans le déficit constaté, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé les articles 1315, 1927, 1933 et 1993 du code civil et L. 7322-1 du code du travail ;
2°/ que l'article L. 7322-1 du nouveau code du travail, applicable depuis le 1er mai 2008, accorde seulement aux gérants mandataires non salariés des succursales de commerce de détail alimentaire, le bénéfice des dispositions du Livre I de la troisième partie relatif à la durée du travail, aux repos et aux congés, et la quatrième partie du code du travail relative à la santé et à la sécurité au travail, et ce à la condition que soient fixées par l'entreprise propriétaire de la succursale les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement, ou soumises à son agrément ; qu'il en résulte qu'une rupture du contrat de gérance mandat survenue postérieurement au 1er mai 2008 ne peut se voir appliquer les dispositions du code du travail relatives au licenciement ; qu'en affirmant que l'article L. 782-7 de l'ancien code du travail, faisant bénéficier les gérants non salariés des succursales des maisons d'alimentation de détail de tous les avantages accordés aux salariés par la législation sociale, était applicable au moment de la rupture, quand celle-ci était intervenue le 28 mai 2008, la cour d'appel a violé l'article 14 de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative) et l'article 2- X de la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008 ratifiant cette ordonnance, ensemble l'article L. 782-7 de l'ancien code du travail par fausse application ;
3°/ qu'il appartient au juge d'examiner tous les motifs énoncés dans la lettre de rupture du contrat de gérance ; qu'en l'espèce, l'exposante faisait valoir que la lettre de rupture du contrat de gérance reprochait aux époux X...non seulement un déficit d'inventaire, mais également l'absence, en méconnaissance de leurs obligations contractuelles, de toute justification apportée concernant les manquants constatés de même que leur carence totale à rembourser dans les délais contractuels le déficit d'inventaire constaté ; qu'en s'abstenant d'examiner ces griefs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6, L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 7322-1 du code du travail, ensemble les articles 1927, 1933 et 1993 du code civil ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 7322-1 du code du travail que les dispositions de ce code bénéficiant aux salariés s'appliquent en principe aux gérants non salariés de succursales de commerce de détail alimentaire ; que les articles L. 1231-1 et suivants du code du travail, relatifs à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée, sont par conséquent applicables à ces gérants non salariés ;
Et attendu que si le gérant non salarié d'une succursale peut être rendu contractuellement responsable de l'existence d'un déficit d'inventaire en fin de contrat et tenu d'en rembourser le montant, il ne peut être privé, dès l'origine, par une clause du contrat, du bénéfice des règles protectrices relatives à la rupture des relations contractuelles ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel, qui n'était pas liée par la définition donnée par la convention des parties des faits susceptibles d'en entraîner la rupture sans préavis ni indemnité, a apprécié si les faits reprochés aux cogérants constituaient une faute grave ou une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'elle a, par motifs adoptés, retenu que les époux X...justifiaient des anomalies rencontrées dans la manière dont étaient effectués les inventaires, mais aussi en matière de reprise des périmés, dans la tarification des marchandises, dans les prises de commandes et de façon plus générale dans le suivi des comptes de nombreuses supérettes, que les faits reprochés et notamment la responsabilité en matière de déficit ne sont pas avérés ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi incident de la société :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à chacun des époux X...une indemnité pour nullité de la clause de non-concurrence, alors, selon le moyen :
1°/ que les parties à un contrat de gérance non salariée de succursale de maison d'alimentation de détail, sont libres d'y insérer une clause de non-concurrence dépourvue de contrepartie financière ; qu'en retenant que les époux X...pouvaient prétendre au bénéfice d'une indemnité dès lors que leur contrat comportait une clause de non-concurrence dépourvue de contrepartie financière, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L. 7322-1 du code du travail ;
2°/ que l'article L. 7322-1 du nouveau code du travail, applicable depuis le 1er mai 2008, accorde seulement aux gérants mandataires non salariés des succursales de commerce de détail alimentaire, le bénéfice des dispositions du Livre I de la troisième partie relatif à la durée du travail, aux repos et aux congés, et la quatrième partie du code du travail relative à la santé et à la sécurité au travail, et ce à la condition que soient fixées par l'entreprise propriétaire de la succursale les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement, ou soumises à son agrément ; qu'il en résulte qu'à tout le moins, depuis le 1er mai 2008, n'est pas nulle la clause de non-concurrence d'un contrat de gérance dépourvue de contrepartie financière ; qu'en l'espèce, la rupture du contrat de gérance est intervenue le 28 mai 2008 ; qu'en jugeant cependant que les époux X...pouvaient prétendre au bénéfice d'une indemnité dès lors que leur contrat comportait une clause de non-concurrence dépourvue de contrepartie financière, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L. 7322-1 du code du travail, l'article 14 de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative) et l'article 2- X de la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008 ratifiant cette ordonnance ;
Mais attendu qu'en vertu du principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle et de l'article L. 782-7, recodifié L. 7322-1, du code du travail, une clause de non-concurrence stipulée dans le contrat d'un gérant non salarié de succursale de maison d'alimentation de détail n'est licite que si elle comporte l'obligation pour la société de distribution de verser au gérant une contrepartie financière ; que la validité d'une telle clause doit être appréciée à la date de sa conclusion ; que le moyen, inopérant en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour les époux X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les époux X... de leurs demandes tendant à la requalification de la relation contractuelle en contrats de travail et à la condamnation de la société CASINO au paiement de rappels de salaires, heures supplémentaires.
AUX MOTIFS QUE l'article L. 782-1, recodifié L. 7322-1, du Code du travail dispose que les personnes qui exploitent, moyennant des remises proportionnelles au montant des ventes, les succursales des maisons d'alimentation de détail ou des coopératives de consommation sont qualifiées " gérants non-salariés " lorsque le contrat intervenu ne fixe pas les conditions de leur travail et leur laisse toute latitude d'embaucher du personnel ou de se substituer des remplaçants à leurs frais et sous leur entière responsabilité et que la clause de fourniture exclusive avec vente à prix imposé est une modalité commerciale qui ne modifie pas la nature du contrat ; que l'existence d'un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à la convention, mais des conditions de fait dans laquelle s'est exercée l'activité ; que le contrat de travail se caractérise par l'existence d'un lien de subordination dont il résulte que l'activité est exercée sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements ; qu'il n'est pas contesté que les époux X...ont exploité une succursale dans le cadre d'un service organisé mis en place par la société Distribution Casino France et déterminant, conformément aux dispositions légales et à celle de l'accord collectif du 18 juillet 1963, les conditions de participation des gérants à la politique commerciale (article 34) : obligation de vendre les marchandises fournies par la société aux prix imposés par elle, de participer aux actions promotionnelles et publicitaires proposées, d'assurer la présentation des marchandises selon l'agencement fixé par la société et de se conformer à l'utilisation de divers documents transmis par cette dernière ; que les époux X...ne peuvent tirer des conditions d'exécution de leur travail selon l'organisation définie par la société Distribution Casino France en fonction de sa politique commerciale (notamment obligation de se soumettre au port d'une tenue vestimentaire imposée, aux heures d'ouverture et de fermeture des magasins, de respecter l'agencement particulier des produits vendus, de se soumettre à une liste de fournisseurs, aux prix imposés, de respecter la procédure de gestion des produits périmés ou retirés) la preuve de l'exécution d'un contrat de travail, étant observé qu'il résulte des éléments du dossier que les contrôles opérés par les " managers " de la société ne portaient que sur la mise en oeuvre de cette politique commerciale ; qu'excepté ces contraintes inhérentes au contrat de gérance, il est établi que les époux X...organisaient librement leur activité professionnelle ; que s'agissant notamment de l'organisation de leurs congés, s'ils pouvaient recourir à un mandataire gérant non salarié de la société pour les remplacer, ce qui nécessitait l'établissement à l'avance d'un planning, cela n'était qu'une possibilité, les intéressés pouvant également se faire remplacer par une personne de leur choix ; qu'ainsi, il n'est pas établi que les époux X...se soient trouvés dans un lien de subordination vis à vis de la société Distribution Casino France et que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il les a déboutés de leur demande tendant à voir requalifier leur contrat de cogérance en un contrat de travail.
ET AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE le contrat qualifié de cogérance conclu entre les époux X... d'une part et la Société CASINO d'autre part fait référence aux dispositions prévues par les articles L 782. 1 et suivants du Code du Travail devenus les articles L-7322-1 et suivants et à l'accord collectif national des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés, gérants mandataires en date du 18 juillet 1963 modifié ; que ces dispositions fixent les modalités d'exécution du travail des gérants mandataires du travail des gérants non salariés qui exploitent des succursales moyennant des remises proportionnelles sur les ventes tout en conservant leur latitude pour embaucher du personnel, se substituer des remplaçants et pour organiser leur exploitation ; que les époux X... signataires du contrat de cogérance, ne peuvent invoquer avoir été trompés sur les conditions d'exploitation du magasin dont ils avaient la gestion ; que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, mais des conditions dans lesquelles est exercée l'activité des gérants de magasin ; qu'à cet égard, il appartient de démontrer la réalité du travail effectué sous la subordination de la Société Casino ; que les époux X... ont assuré l'exploitation du magasin de Clèves sous les directives de la Société CASINO, conformément aux dispositions légales étal ‘ accord collectif du 18 juillet 1963 fixant les conditions auxquelles devront satisfaire les contrats individuels passés entre les entreprises adhérant au Syndicat National des Maisons d'Alimentation à Succursales, Supermarchés, Hypermarchés, et leurs gérants non salariés, conclu en exécution de l'article L. 782-1 à L. 782-7 du Code du Travail précisant la situation, au regard de la législation du travail, des gérants non salariés de succursales de maisons d'alimentation de détail, et conformément aux articles L. 132-4 à L. 132-10 et L. 135-1 à L. 135-5 du Code du Travail ; que ces garanties, reconnues aux gérants non salariés en application des articles L. 782-1 à L. 782-7 du Code du Travail, tiennent compte du caractère spécifique de leur profession, et défait de leur mandat ; que néanmoins, les époux X... ne sauraient établir un lien de subordination au regard des conditions de gestion du magasin définies par la Société CASINO : notamment le port d'une tenue ou les horaires et jours de fermeture imposés ou l'obligation se soumettre aux directives du mandant en ce qui concerne la liste des fournisseurs ou les prix de vente imposés ; qu'en conséquence il convient débouter les époux X... de leurs demandes de requalification et défait de toutes demandes relatives aux salaires.
ALORS QUE l'existence d'un lien de subordination est exclusive du statut de gérant non salarié de succursale des commerces de détail alimentaire ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que les époux X... assuraient l'exploitation de la succursale dans le cadre d'un service organisé mis en place par la société CASINO et définissant les conditions de participation des gérants à la politique commerciale comportant l'obligation de présenter les marchandises selon l'agencement fixé par la société, de se conformer à l'utilisation de divers documents transmis par la société, de porter une tenue vestimentaire imposée, de se soumettre à un contrôle des managers, de respecter la procédure de gestion des périmés et invendus définie par la société CASINO, de participer aux opérations promotionnelles et publicitaires, et de se soumettre aux horaires et jours de fermeture ; qu'en écartant le statut de salarié en l'état de ces constatations caractérisant l'existence d'un lien de subordination, la Cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 et L. 7322-2 du Code du travail.
ET ALORS QU'est gérant non salarié toute personne qui exploite, moyennant des remises proportionnelles au montant des ventes, les succursales des commerces de détail alimentaire ou des coopératives de consommation lorsque le contrat intervenu ne fixe pas les conditions de son travail et lui laisse toute latitude d'embaucher des salariés ou de se faire remplacer à ses frais et sous son entière responsabilité ; qu'en refusant de requalifier la relation contractuelle en relation salariale sans rechercher si les époux X... ne percevaient pas, comme ils le soutenaient, une rémunération forfaitaire minimale sans lien avec le montant des ventes, et en conséquence incompatible avec le statut de gérant non salarié de succursales de commerce de détail alimentaire, la Cour d'appel a violé l'article L. 7322-2 du Code du travail.
ALORS enfin QU'aux termes de l'article L 7322-2 du Code du travail le gérant non salarié est celui auquel son contrat laisse toute latitude d'embaucher des salariés ou de se faire remplacer à ses frais et sous son entière responsabilité ; que pour que cette latitude soit effective, la rémunération perçue par le gérant non salarié doit être d'un montant suffisant pour lui permettre de faire face à ces frais d'embauche ou de remplacement ; que dès lors, la Cour d'appel ne pouvait, pour écarter l'existence d'un lien de subordination, retenir que les époux X... organisaient librement leur activité professionnelle et pouvaient, notamment, s'agissant de l'organisation de leurs congés, se faire remplacer par une personne de leur choix sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'insuffisance de leurs revenus n'excluait pas toute possibilité d'embaucher du personnel ou de se substituer des remplaçants à leurs frais ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article L. 7322-2 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les époux X... de leurs demandes en paiement de rappels de salaires, d'heures supplémentaires et congés payés y afférents.
AUX MOTIFS QUE les époux X... ne démontrent pas que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE leur a imposé à titre individuel, l'exécution d'horaires de travail déterminés, en dehors des horaires d'ouverture et de fermeture du magasin et que c'est également à juste titre que le Conseil les a déboutés de leur demande en paiement des salaires ; que pour le même motif, les appelant seront déboutés de leur demande au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs.
ET AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE le contrat qualifié de cogérance conclu entre les époux X... d'une part et la Société CASINO d'autre part fait référence aux dispositions prévues par les articles L 782. 1 et suivants du Code du Travail devenus les articles L-7322-1 et suivants et à l'accord collectif national des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés, gérants mandataires en date du 18 juillet 1963 modifié ; que ces dispositions fixent les modalités d'exécution du travail des gérants mandataires du travail des gérants non salariés qui exploitent des succursales moyennant des remises proportionnelles sur les ventes tout en conservant leur latitude pour embaucher du personnel, se substituer des remplaçants et pour organiser leur exploitation ; que les époux X... signataires du contrat de cogérance, ne peuvent invoquer avoir été trompés sur les conditions d'exploitation du magasin dont ils avaient la gestion ; que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, mais des conditions dans lesquelles est exercée l'activité des gérants de magasin ; qu'à cet égard, il appartient de démontrer la réalité du travail effectué sous la subordination de la Société Casino ; que les époux X... ont assuré l'exploitation du magasin de Clèves sous les directives de la Société CASINO, conformément aux dispositions légales étal ‘ accord collectif du 18 juillet 1963 fixant les conditions auxquelles devront satisfaire les contrats individuels passés entre les entreprises adhérant au Syndicat National des Maisons d'Alimentation à Succursales, Supermarchés, Hypermarchés, et leurs gérants non salariés, conclu en exécution de l'article L. 782-1 à L. 782-7 du Code du Travail précisant la situation, au regard de la législation du travail, des gérants non salariés de succursales de maisons d'alimentation de détail, et conformément aux articles L. 132-4 à L. 132-10 et L. 135-1 à L. 135-5 du Code du Travail ; que ces garanties, reconnues aux gérants non salariés en application des articles L. 782-1 à L. 782-7 du Code du Travail, tiennent compte du caractère spécifique de leur profession, et défait de leur mandat ; que néanmoins, les époux X... ne sauraient établir un lien de subordination au regard des conditions de gestion du magasin définies par la Société CASINO : notamment le port d'une tenue ou les horaires et jours de fermeture imposés ou l'obligation se soumettre aux directives du mandant en ce qui concerne la liste des fournisseurs ou les prix de vente imposés ; qu'en conséquence il convient débouter les époux X... de leurs demandes de requalification et défait de toutes demandes relatives aux salaires.
ALORS QUE les gérants non salariés de succursales de maisons d'alimentation de détails bénéficient de tous les avantages accordés aux salariés par la législation sociale ; que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; qu'en retenant que les époux X... ne démontraient pas s'être vu imposer l'exécution d'horaires de travail déterminés quand elle devait exiger de la société CASINO qu'elle lui fournisse les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par les époux, et former sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par les époux, la Cour d'appel a violé l'article L. 212-1-1 du Code du travail alors en vigueur, actuellement article L-3171-4 du Code du travail.
ET ALORS en tout cas QU'en se bornant à reprocher aux époux X... de ne pas démontrer que leur était imposée à titre individuel l'exécution d'horaires de travail déterminés sans rechercher si les horaires d'ouverture et de fermeture de la succursale, auxquels les époux étaient soumis, et la réalisation des nombreuses tâches qui leur étaient confiées n'exigeaient pas de leur part la réalisation d'heures supplémentaires de travail, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 212-1-1 du Code du travail alors en vigueur, actuellement article L-3171-4 du Code du travail.
Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Distribution Casino France
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à chacun des époux X... des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de gérance, une indemnité de préavis et les congés payés afférents,
AUX MOTIFS PROPRES QUE la lettre de rupture est rédigée en ces termes : « " Nous faisons suite à votre entretien du jeudi 22 mai 2008 au cours duquel il vous a été exposé les faits qui nous ont amenés à envisager à votre égard la rupture de votre contrat de cogérance mandataire non salarié signé le 29 juin 2006, à savoir le résultat de votre inventaire effectué le 19 mars 2008, dans le magasin « Petit Casino » E9621 sis 143, Marche Pied la Rivière à CLERES (76690), et qui a fait ressortir un manquant marchandises et/ ou espèces de 1, 449, 91 euros, un manquant emballages de 60, 73 euros, ce qui, après réintégration à votre compte général de dépôt, fait ressortir un solde débiteur de 30. 705, 53 euros (trente mille sept cent cinq 6uros et cinquante trois centimes) à ce jour. Conformément à l'article 22 de l'Accord Collectif National du 18 juillet 1963 modifié, vous disposiez d'un délai de 15 jours à compter de la remise des comptes effectuée le 22 avril 2008 en main propre, pour vérifier les dits comptes, nous faire connaître, le cas échéant vos observations et nous retourner les comptes dûment approuvés et signés ; à ce jour vous n'avez pas approuvé ces comptes. Compte tenu de l'importance de ce manquant notamment eu égard à votre chiffre d'affaires, nous vous rappelons que nous avons été contraints de vous relever immédiatement et provisoirement de vos fonctions de cogérants mandataires non salarié le 22 avril 2008, dans l'attente d'une décision définitive. Or, nous vous rappelons que par courrier du 14 juin 2007, vous nous avez indiqué avoir fait le tour complet et minutieux de tous les locaux commerciaux (magasin et réserves) et que cela vous a permis d'établir un montant de vol minimum de 293, 33 € et un montant maximum de 343, 33 €. Vous avez également demandé dans votre courrier à ce qu'il n'y ait pas d'inventaire après ce vol d'effectué. En conséquence, nous ne pouvons accepter vos remarques. Ensuite, nous vous rappelons que suite à votre inventaire de renseignement effectué le 26 octobre 2007 dans le magasin E9621, un montant de 343, 33 € à été versé à votre compte général de dépôt conformément à votre demande et qui correspondait au montant maximum du vol sus cité que vous avez vous-même validé. Enfin, nous avons effectué, et ce conformément aux dispositions de l'Accord Collectif National des Maisons d'alimentation à succursales du 18 juillet 1963 modifié, un inventaire de reprise le 22 avril 2008 et en application des dispositions de l'article 7 du contrat de cogérance qui stipule : " II sera procédé périodiquement à un inventaire de règlement dans les conditions prévues à l'accord collectif national... Au cas où les cogérants se refuseraient à assister à un inventaire ou à raison d'une difficulté quelconque, DISTRIBUTION CASINO FRANCE aura le droit de passer outre en faisant constater la régularité des opérations par un officier ministériel ou par toute autre personne assermentée. " ; qu'en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle approuve, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en estimant que la preuve de la responsabilité des époux X...dans l'existence du déficit constaté par la société Distribution Casino France n'est pas avérée ; que dans ces conditions, le fait que les époux X...n'aient pas pu présenter les marchandises ou espèces provenant de la vente, déclarées manquantes par la société Distribution Casino France dans un arrêté de compte que ces derniers ont contesté, ne constitue pas un manquement à leurs obligations contractuelles et que la rupture du contrat présente un caractère abusif ; que selon l'article L. 782-7 du Code du travail (ancienne codification), applicable au moment de la rupture, les gérants non salariés des succursales des maisons d'alimentation de détail bénéficient de tous les avantages accordés aux salariés par la législation sociale ; que les époux X...peuvent en conséquence prétendre, en application des dispositions de l'article L. 1234-1 du Code du travail, à une indemnité compensatrice de préavis égale à un mois de rémunération ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en matière de licenciement, la société CASINO est tenue de respecter l'article 14 de la convention collective du 18 juillet 1963 ; que les époux X... justifient des anomalies rencontrées dans la manière dont sont effectués les inventaires mais aussi en matière de reprise des périmés, dans la tarification des marchandises, dans les prises de commandes et de façon plus générale dans le suivi des comptes de nombreuses supérettes ; qu'en matière de faute, il appartient à la personne qui a prononcé la rupture de justifier des motifs de ladite rupture ; qu'en l'espèce le doute profite aux cogérants ; que les faits reprochés aux époux X... et notamment la responsabilité en matière de déficit ne sont pas avérés ; qu'en l'espèce il appartient au mandataire d'apporter les éléments probants justifiants la rupture du contrat de cogérance ; que l'étude des pièces fournies par les parties ne permettent pas de justifier les faits reprochés aux époux X... ; qu'en l'espèce la société CASINO n'apporte pas les éléments comptables permettant d'établir la responsabilité des époux X... en matière de déficit ; qu'au regard des pièces du dossier il apparaît que la rupture du contrat de cogérance n'est pas fondée sur un motif réel et sérieux ;
1. ALORS QUE le mandataire dépositaire doit rendre compte tant du mandat que du dépôt et justifier de la restitution ou de l'utilisation conforme des biens remis en dépôt ; qu'en faisant peser sur la société CASINO la charge de la preuve, et en lui reprochant notamment de ne pas établir avec certitude la responsabilité des mandataires gérants dans le déficit constaté, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé les articles 1315, 1927, 1933 et 1993 du Code Civil et L. 7322-1 du Code du travail ;
2. ALORS en outre QUE l'article L. 7322-1 du nouveau Code du travail, applicable depuis le 1er mai 2008, accorde seulement aux gérants mandataires non salariés des succursales de commerce de détail alimentaire, le bénéfice des dispositions du Livre I de la troisième partie relatif à la durée du travail, aux repos et aux congés, et la quatrième partie du code du travail relative à la santé et à la sécurité au travail, et ce à la condition que soient fixées par l'entreprise propriétaire de la succursale les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement, ou soumises à son agrément ; qu'il en résulte qu'une rupture du contrat de gérance mandat survenue postérieurement au 1er mai 2008 ne peut se voir appliquer les dispositions du Code du travail relatives au licenciement ; qu'en affirmant que l'article L. 782-7 de l'ancien Code du travail, faisant bénéficier les gérants non salariés des succursales des maisons d'alimentation de détail de tous les avantages accordés aux salariés par la législation sociale, était applicable au moment de la rupture, quand celle-ci était intervenue le 28 mai 2008, la cour d'appel a violé l'article 14 de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au Code du travail (partie législative) et l'article 2- X de la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008 ratifiant cette ordonnance, ensemble l'article L. 782-7 de l'ancien Code du travail par fausse application ;
3. ALORS en tout état de cause QU'il appartient au juge d'examiner tous les motifs énoncés dans la lettre de rupture du contrat de gérance ; qu'en l'espèce, l'exposante faisait valoir que la lettre de rupture du contrat de gérance reprochait aux époux X... non seulement un déficit d'inventaire, mais également l'absence, en méconnaissance de leurs obligations contractuelles, de toute justification apportée concernant les manquants constatés de même que leur carence totale à rembourser dans les délais contractuels le déficit d'inventaire constaté (conclusions d'appel, p. 37) ; qu'en s'abstenant d'examiner ces griefs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6, L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5 L. 1234-9 et L. 7322-1 du Code du travail, ensemble les articles 1927, 1933 et 1993 du Code Civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à chacun des époux X... une indemnité pour respect d'une clause de non-concurrence illicite,
AUX MOTIFS QU'en application du principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle et des dispositions de l'article L. 7322-1 du Code du travail, une clause de non-concurrence introduite dans le contrat d'un gérant non salarié de succursale de maison d'alimentation de détail n'est licite que si elle comporte l'obligation pour la société de distribution de verser au gérant une contrepartie financière ; que le contrat de cogérance des époux X...comportait une clause de non-concurrence d'une durée de trois ans sans contrepartie financière au bénéfice de ces derniers et qu'il n'est ni justifié ni même allégué qu'ils n'ont pas respecté cette clause illicite ; qu'il convient en conséquence d'allouer aux époux X..., en réparation de leur préjudice, une indemnité qu'il y a lieu d'évaluer, au vu des éléments de la cause, à la somme de 15. 000 € pour chacun d'entre eux ;
1. ALORS QUE les parties à un contrat de gérance non salariée de succursale de maison d'alimentation de détail, sont libres d'y insérer une clause de non-concurrence dépourvue de contrepartie financière ; qu'en retenant que les époux X... pouvaient prétendre au bénéfice d'une indemnité dès lors que leur contrat comportait une clause de non-concurrence dépourvue de contrepartie financière, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article L. 7322-1 du Code du travail ;
2. ALORS en outre QUE l'article L. 7322-1 du nouveau Code du travail, applicable depuis le 1er mai 2008, accorde seulement aux gérants mandataires non salariés des succursales de commerce de détail alimentaire, le bénéfice des dispositions du Livre I de la troisième partie relatif à la durée du travail, aux repos et aux congés, et la quatrième partie du code du travail relative à la santé et à la sécurité au travail, et ce à la condition que soient fixées par l'entreprise propriétaire de la succursale les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement, ou soumises à son agrément ; qu'il en résulte qu'à tout le moins, depuis le 1er mai 2008, n'est pas nulle la clause de non-concurrence d'un contrat de gérance dépourvue de contrepartie financière ; qu'en l'espèce, la rupture du contrat de gérance est intervenue le 28 mai 2008 ; qu'en jugeant cependant que les époux X... pouvaient prétendre au bénéfice d'une indemnité dès lors que leur contrat comportait une clause de non-concurrence dépourvue de contrepartie financière, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article L. 7322-1 du Code du travail, l'article 14 de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au Code du travail (partie législative) et l'article 2- X de la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008 ratifiant cette ordonnance.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-12892
Date de la décision : 27/03/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

STATUTS PROFESSIONNELS PARTICULIERS - Gérant - Gérant non salarié - Succursale de maison d'alimentation de détail - Bénéfice des avantages de la législation sociale - Etendue - Portée

STATUTS PROFESSIONNELS PARTICULIERS - Gérant de succursale - Travailleur visé à l'article L. 7322-2 du code du travail - Application du code du travail - Dispositions applicables - Détermination - Portée CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Rupture par les parties - Règles relatives à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée - Domaine d'application - Gérant non salarié - Succursale de maison d'alimentation de détail - Détermination - Portée

Il résulte des dispositions de l'article L. 7322-1 du code du travail que les dispositions de ce code bénéficiant aux salariés s'appliquent en principe aux gérants non salariés de succursales de commerce de détail alimentaire. Les articles L. 1231-1 et suivants du code du travail, relatifs à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée, sont par conséquent applicables à ces gérants non salariés


Références :

article 14 modifié de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative)

article L. 7322-1 du code du travail

articles L. 1231-1 et suivants du code du travail

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 24 novembre 2011

Sur l'application des dispositions du code du travail relatives à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée au gérant non salarié de succursale de commerce de détail alimentaire, à rapprocher :Soc., 8 décembre 2009, pourvoi n° 08-42090, Bull. 2009, V, n° 278 (cassation partielle), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 mar. 2013, pourvoi n°12-12892, Bull. civ. 2013, V, n° 91
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2013, V, n° 91

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Aldigé
Rapporteur ?: M. Linden
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.12892
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