LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- La direction régionale des finances publiques d'Aquitaine et de la Gironde, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 2 décembre 2011, qui, dans la procédure suivie contre M. Gil X... du chef de fraude fiscale, a prononcé sur la solidarité pour le paiement des impôts fraudés et des pénalités afférentes ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 décembre 2012 où étaient présents : M. Louvel président, M. Bloch conseiller rapporteur, M. Dulin, Mme Desgrange, M. Rognon, Mme Nocquet, MM. Bayet, Soulard, Mmes de la Lance, Vannier conseillers de la chambre, Mmes Labrousse, Moreau conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Bonnet ;
Greffier de chambre : Mme Leprey ;
Sur le rapport de M. le conseiller BLOCH, les observations de Me FOUSSARD, de Me SPINOSI, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1741 et 1745 du code général des impôts, des articles L. 227 et L. 230 du livre des procédures fiscales, ainsi que des articles 496 et 497, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'appel de l'administration portant sur la solidarité ;
"aux motifs qu'aux termes de l'article 1745 du code général des impôts, tous ceux qui ont fait l'objet d'une condamnation définitive prononcé en application des articles 1741 et 1742 ou 1743 peuvent être solidairement tenus, avec le redevable légal de l'impôt fraudé, au paiement de cet impôt ainsi qu'à celui des pénalités fiscales y afférentes ; qu'il résulte d'une jurisprudence constante de la chambre criminelle de la Cour de cassation que la solidarité prévue à cet article est une mesure pénale ; que désormais, la chambre criminelle énonce, au visa des articles 1745 du code général des impôts et de l'article 497 3° du code de procédure pénale, que la solidarité étant une mesure pénale, il s'en déduit que les juges du second degré, saisis du seul appel de l'administration fiscale, ne peuvent prononcer une telle mesure qui avait été écartée par le tribunal après déclaration de culpabilité du prévenu du chef de fraude fiscale ; que dès lors, la cour, étant saisie en l'espèce du seul appel de l'administration fiscale, ne peut que confirmer la décision attaquée ;
"alors que, si, s'agissant d'un appel portant sur la déclaration de culpabilité, l'appel de l'administration n'est recevable que conjointement à l'appel du ministère public, en revanche, l'administration, qui sollicite le prononcé de la solidarité, est légalement autorisée à former seule appel à l'encontre d'une décision de première instance qui la refuse ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les textes susvisés" ;
Vu les articles 1745 du code général des impôts et 515 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que lorsque les juges prononcent une condamnation pour fraude fiscale en application des articles 1741, 1742 et 1743 du code général des impôts, l'administration fiscale, partie civile, est recevable devant la juridiction du second degré, y compris sur son seul appel, à demander que soit prononcée la solidarité du condamné avec le redevable légal des impôts fraudés ;
Attendu que M. X..., dirigeant de droit de la société Cigagna Top Fermetures, a été poursuivi du chef de fraude fiscale ; que le tribunal correctionnel l'a déclaré coupable de cette infraction, a notamment prononcé à son encontre une peine d'emprisonnement et une amende assorties du sursis et a rejeté la demande de solidarité présentée, sur le fondement de l'article 1745 susvisé, par l'administration fiscale, partie civile ; que cette dernière a interjeté appel de cette décision ;
Attendu que, pour débouter l'administration appelante de ses demandes, l'arrêt retient que la solidarité est une mesure pénale et que les juges ne peuvent la prononcer sur le seul appel de l'administration fiscale ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 2 décembre 2011, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Agen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu, à application, au profit de M. X..., de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize janvier deux mille treize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;