REJET du pourvoi formé par :
- X... Louis-Marie,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, en date du 21 octobre 1994, qui, après sa condamnation définitive pour fraude fiscale, l'a déclaré solidairement tenu, avec le redevable légal des impôts fraudés, au paiement de ces impôts et à celui des pénalités fiscales y afférentes.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation par fausse application de l'article 1745 du Code général des impôts, violation par non-application de l'article 515 du Code de procédure pénale, ensemble violation de l'article 593 du même Code, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a reçu l'administration des Impôts en son appel, réformé le jugement attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 1745 du Code général des impôts ; dit que Louis-Marie X... sera solidairement tenu avec la société SECI, redevable de l'impôt, au paiement des impôts fraudés ainsi qu'au paiement des majorations et pénalités fiscales y afférentes ;
" aux motifs que l'administration des Impôts tient de l'article L. 232 du Livre des procédures fiscales le droit de se constituer partie civile devant la juridiction correctionnelle saisie par le ministère public de poursuites pour fraude fiscale ;
" que l'action civile ainsi exercée revêt une nature particulière, sans pouvoir être assimilée cependant à l'action publique ; que si l'Administration ne peut solliciter l'allocation de dommages-intérêts, son action peut tendre au prononcé de la solidarité prévue par l'article 1745 du Code général des impôts qui n'est pas une peine mais une sanction fiscale complémentaire et facultative ;
" que l'administration des Impôts a, dès lors, qualité et intérêt à relever appel d'un jugement qui refuse de faire application de l'article 1745 du Code général des impôts au condamné pour fraude fiscale ;
" que cet appel, même en l'absence d'appel du ministère public, remet en cause ce qui a été jugé sur l'action exercée par l'Administration ;
" alors que le directeur général des Impôts qui use de la faculté qui lui est ouverte par l'article L. 232 du Livre des procédures fiscales et se constitue partie civile sur une poursuite exercée pour fraude fiscale par le ministère public, ne peut, sur son seul appel d'un jugement ayant déclaré le prévenu coupable de ce délit, obtenir de la juridiction du second degré qu'elle ajoute, aux sanctions prononcées par les premiers juges, celle de l'article 1745 du Code général des impôts qu'ils avaient écartée ; la sanction instituée par l'article 1745 du Code général des impôts étant rangée au nombre des "sanctions pénales" laissées à l'appréciation du juge répressif et non pas au nombre des "sanctions fiscales" par le chapitre II du livre II du Code général des impôts ;
" d'où il suit qu'en déclarant recevable et fondé l'appel du directeur général des Impôts, en l'absence d'appel du ministère public, la cour d'appel a violé par non-application l'article 515 du Code de procédure pénale " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'après avoir déclaré Louis-Marie X... coupable de fraude fiscale en qualité de gérant de la société SECI, le tribunal correctionnel a rejeté la demande de l'Administration tendant à la condamnation solidaire du prévenu, avec la société, au paiement des impôts fraudés, ainsi qu'aux majorations et amendes fiscales y afférentes ;
Attendu que, pour écarter les conclusions de Louis-Marie X... qui, arguant de l'absence de condamnation civile, contestait la recevabilité du recours formé par l'administration des Impôts, seule appelante, la cour d'appel énonce que cette dernière tient de l'article L. 232 du Livre des procédures fiscales le droit de se constituer partie civile devant la juridiction pénale, saisie par le ministère public de poursuites pour fraude fiscale ; que cette action civile revêt une nature particulière qui l'autorise à demander, non des dommages et intérêts, mais le prononcé de la solidarité prévue par l'article 1745 du Code général des impôts, sanction complémentaire facultative ; que les juges en déduisent que l'Administration a qualité et intérêt à relever appel d'un jugement de condamnation qui refuse de faire application des dispositions de l'article 1745 précité ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions de l'article 515 du Code de procédure pénale ;
Qu'en effet, lorsque les juges prononcent une condamnation pour fraude fiscale en application des articles 1741 et 1743 du Code général des impôts, l'administration des Impôts, partie civile sur le fondement de l'article L. 232 du Livre des procédures fiscales, est recevable à demander la mesure à caractère pénal que constitue la solidarité du condamné avec le redevable légal des impôts fraudés, prévue par l'article 1745 du Code précité, y compris sur son seul appel devant la juridiction du second degré ;
D'où suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.