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04/11/2010 | FRANCE | N°10-81825

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 novembre 2010, 10-81825


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Eric X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 24 février 2010, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de fraude fiscale, a prononcé sur la solidarité pour le paiement des impôts fraudés et des pénalités afférentes ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 232 du livre des procédures fiscales, 1741, 1745 et 1750

du code général des impôts, de l'article 6 de la Convention européenne des droits d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Eric X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 24 février 2010, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de fraude fiscale, a prononcé sur la solidarité pour le paiement des impôts fraudés et des pénalités afférentes ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 232 du livre des procédures fiscales, 1741, 1745 et 1750 du code général des impôts, de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 497, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a reçu l'administration des impôts en son appel ;
" aux motifs que M. X... fait valoir, pour sa part, tout d'abord, que la solidarité de l'article 1745 du code général des impôts est une mesure à caractère pénal, tandis que l'action exercée par la direction générale des impôts est de nature civile ; que, de cette sorte, la direction générale des impôts n'a pas plus de droit que n'importe quelle partie civile ; qu'ainsi qu'il est dit à l'article 497 du code de procédure pénale, la faculté d'appeler n'appartient qu'à la partie civile que quant à ses intérêts civils seulement ; qu'en l'occurrence, seul le ministère public pourrait requérir à hauteur de cour la condamnation d'un prévenu à la solidarité en cause ; que l'intimé argue, ensuite, de ce qu'aucune disposition légale n'autorisant la direction générale des impôts à poursuivre à hauteur d'appel la condamnation d'un citoyen à une sanction de caractère pénal, « prérogative du ministère public en application de l'article 497 du code de procédure pénale », il y aurait en l'espèce violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme exigeant au titre du droit à un tribunal « légalement établi », que les règles de procédure à appliquer soient elles-mêmes prévues légalement ; que M. X... conclut en cet état à l'irrecevabilité de l'appel et subsidiairement à son mal fondé ; que, d'une part, l'article 1745 du code général des impôts prévoit que « tous ceux qui ont fait l'objet d'une condamnation définitive prononcée en application des articles 1741, 1742 ou 1743 peuvent être solidairement tenus, avec le redevable légal de l'impôt fraudé, au paiement de cet impôt ainsi qu'à celui des pénalités fiscales y afférentes » ; que, selon l'article L. 232 du livre des procédures fiscales, d'autre part, l'administration fiscale peut se constituer partie civile dans toute procédure pénale ouverte en matière fiscale et sur sa plainte par l'autorité judiciaire ; que, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, il se déduit de la combinaison de ces deux textes que seule la direction générale des impôts a vocation à demander et à obtenir le prononcé, en cas de déclaration de culpabilité de la personne poursuivie, de la solidarité dont s'agit ; que, dès lors, la direction générale des impôts est bel et bien recevable à faire appel du jugement qui l'a, dans le cas présent, déboutée de sa requête formée de ce chef, ainsi qu'à demander devant la cour que les dispositions correspondantes de ce jugement soient infirmées et qu'il soit satisfait aux termes de la requête en cause ; qu'il sera rajouté qu'il n'y a rien là qui serait contraire aux dispositions de l'article 497 du code de procédure pénale, quand bien même le prononcé de la solidarité est prévu au rang des sanctions pénales dont sont passibles les infractions prévues en matière de soustraction à l'établissement ou au paiement de l'impôt et que l'on parle à propos de cette solidarité de « mesure à caractère pénal » ; qu'en effet, au sens du 3ème alinéa de l'article 497 du code de procédure pénale, fait directement partie des intérêts civils de la direction générale des impôts, partie civile, la question de la solidarité à prononcer le cas échéant contre l'auteur d'une infraction passible de cette peine ; qu'il en va d'autant mieux ainsi que le jugement frappé d'appel ici est définitif en ses dispositions ayant déclaré M. X... coupable du délit de fraude fiscale qui lui était reproché ;
"alors que la solidarité au paiement de l'impôt prévue par l'article 1745 du code général des impôts est une peine et non une réparation civile de sorte que l'administration fiscale, partie civile, n'est pas recevable à interjeter seule appel d'un jugement qui condamne pour fraude fiscale le dirigeant d'une entreprise, limitant la peine à un emprisonnement avec sursis et rejetant la solidarité au paiement de l'impôt ; qu'en retenant néanmoins que nonobstant la circonstance que le prononcé de la solidarité constitue une sanction pénale la question de la solidarité à prononcer contre l'auteur d'une infraction passible de cette peine fait directement partie des intérêts civils, les juges d'appel ont violé les textes susvisés" ;
Vu les articles 1745 du code général des impôts et 497 3° du code de procédure pénale ;
Attendu que la solidarité, prévue par le premier de ces textes, est une mesure pénale ; qu'il s'ensuit que les juges du second degré, saisis du seul appel de l'administration fiscale, ne peuvent prononcer une telle mesure qui avait été écartée par le tribunal après déclaration de culpabilité du prévenu, du chef de fraude fiscale ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, qu'après avoir déclaré M. X... coupable de fraude fiscale, en qualité de gérant de la société Cesam transport, le tribunal correctionnel a rejeté la demande de l'administration fiscale tendant à la condamnation solidaire du prévenu, avec la société redevable légal de l'impôt fraudé, au paiement de cet impôt ainsi qu'à celui des pénalités fiscales y afférentes ;
Attendu que, statuant sur le seul appel de l'administration, les juges du second degré ont infirmé cette disposition du jugement au motif que cette administration, partie civile, a qualité pour demander et obtenir le prononcé de la solidarité, en cas de déclaration de culpabilité de la personne poursuivie ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il y soit besoin d'examiner le second moyen de cassation proposé :
CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Metz, en date du 24 février 2010, en ses seules dispositions ayant dit que le prévenu serait tenu solidairement avec la société Cesam transport, au paiement des impôts fraudés ainsi qu'à celui des pénalités y afférentes, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Metz et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Ract-Madoux conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 10-81825
Date de la décision : 04/11/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

APPEL CORRECTIONNEL OU DE POLICE - Appel correctionnel - Appel de la partie civile - Appel de la partie civile seule - Appel de l'administration des impôts - Demande tendant au prononcé de la solidarité avec le redevable de l'impôt fraudé - Demande écartée en première instance - Exclusion - Portée

IMPOTS ET TAXES - Impôts directs et taxes assimilées - Pénalités et peines - Condamnations pécuniaires - Solidarité - Nature - Mesure à caractère pénal - Portée

La solidarité prévue par l'article 1745 du code général des impôts est une mesure pénale. Dès lors, les juges du second degré, saisis du seul appel de l'administration fiscale, ne peuvent prononcer une telle mesure qui avait été écartée par le tribunal, après déclaration de culpabilité du prévenu du chef de fraude fiscale


Références :

article 1745 du code général des impôts

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 24 février 2010

Sur la détermination des conditions ouvrant à une cour d'appel la possibilité de prononcer la solidarité prévue par l'article 1745 du code général des impôts, à rapprocher :Crim., 19 mai 2010, pourvoi n° 09-83970, Bull. crim. 2010, n° 89 (rejet). Sur la possibilité pour une cour d'appel, saisie de l'appel de la seule administration des impôts, de prononcer la solidarité prévue par l'article 1745 du code général des impôts, en sens contraire :Crim., 21 mars 1996, pourvoi n° 94-85492, Bull. crim. 1996, n° 130 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 nov. 2010, pourvoi n°10-81825, Bull. crim. criminel 2010, n° 174
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2010, n° 174

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : M. Salvat
Rapporteur ?: Mme Ract-Madoux
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Delaporte, Briard et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:10.81825
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