LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance d'Aubervilliers, 22 novembre 2011), que la société de traitement de presse (STP) a organisé les élections des membres de son comité d'entreprise et des délégués du personnel selon un protocole d'accord préélectoral signé le 5 juillet 2011 ; que ce protocole prévoyait un établissement unique pour le comité d'entreprise ; que le 7 octobre 2011, le syndicat CGT a désigné M. X... en qualité de délégué syndical de l'établissement du Bourget ; que les 10 et 11 octobre 2011, le syndicat CFDT, d'une part, et le syndicat SUD-PTT, d'autre part, ont désigné respectivement Mme Y... et M. Z... en qualité de délégués syndicaux du même établissement ; que contestant ces désignations en ce qu'elles avaient été effectuées sur un périmètre d'établissement ne correspondant pas à celui du comité d'entreprise unique, la société STP a saisi le tribunal d'instance ;
Attendu que la société STP fait grief au tribunal d'instance d'avoir validé les désignations, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte de la combinaison des articles L. 2121-1 5°, L. 2122-1, L. 2141-10, L. 2143-3 et L. 2232-17 du code du travail issus de la loi du 20 août 2008 que le périmètre de désignation des délégués syndicaux est le même que celui retenu, lors des dernières élections, pour la mise en place du comité d'entreprise ou d'établissement sauf si un accord collectif conclu postérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi en dispose autrement; que dès lors, en faisant application d'un accord collectif du 14 mars 2003 pour valider les désignation de délégués syndicaux effectuées dans le cadre d'un établissement distinct, postérieurement à l'élection du comité d'entreprise intervenue en octobre 2011 au sein d'un établissement unique, le tribunal a violé les dispositions précitées ;
2°/ que l'article 1er de l'accord collectif du 14 mars 2003 "relatif aux moyens accordés aux organisations syndicales" rappelle seulement les règles légales applicables en matière de crédits d'heures alloués aux différents représentants du personnel indiquant ainsi que le nombre d'heures pour le "délégué syndical d'établissement" est de 10, 15, ou 20 selon que l'entreprise ou l'établissement compte de 50 à 150 salariés, de 151 à 500 salariés ou plus de 500 salariés ; que ce texte, qui se réfère ainsi, quel que soit l'effectif de l'entreprise ou de l'établissement, aussi bien à un "délégué syndical d'entreprise" qu'à un "délégué syndical d'établissement" ne détermine aucunement si le cadre de la mise en place des délégués syndicaux doit être l'entreprise ou l'établissement; que dès lors, en affirmant que ce texte fixait comme périmètre de désignation d'un délégué syndical l'établissement de plus de 50 salariés, le tribunal d'instance a violé la disposition conventionnelle en cause ;
Mais attendu que si le périmètre de désignation des délégués syndicaux est en principe le même que celui retenu, lors des dernières élections, pour la mise en place du comité d'entreprise ou d'établissement, un accord collectif peut en disposer autrement en prévoyant un périmètre plus restreint, peu important que cet accord ait été conclu avant l'entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008 ;
Et attendu qu'un accord d'entreprise qui, alors que le périmètre d'implantation du comité d'entreprise au sein de l'entreprise est unique, prévoit l'existence de "délégués syndicaux d'établissement" et les moyens qui leur sont affectés est nécessairement dérogatoire au périmètre légal de désignation des délégués syndicaux ;
Qu'il en résulte que le tribunal d'instance, qui a constaté que l'accord collectif d'entreprise du 14 mars 2003 prévoyait la possibilité de désigner des délégués syndicaux d'établissement malgré la mise en place d'un comité d'entreprise unique au sein de la société, et qui, en l'absence de précisions de l'accord collectif sur le périmètre des établissements distincts permettant la désignation de ces délégués syndicaux d'établissement, a fait ressortir que l'établissement du Bourget, périmètre de désignation de MM. X... et Z... et de Mme Y..., constituait un établissement distinct pour la désignation des délégués syndicaux, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Société de traitement de presse à payer la somme globale de 800 euros à la CFDT et à Mme Y... et la somme de 500 euros à la Fédération des syndicats solidaires ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils, pour la Société de Traitement de presse
IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d'avoir débouté la société STP de sa demande en annulation de la désignation de délégués syndicaux au sein de l'établissement du Bourget ;
AUX MOTIFS QUE l'article L. 2143-3 du code du travail issu de la loi du 20 août 2008 dispose que chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement de cinquante salariés ou plus, qui constitue une section syndicale, désigne parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou des déléguas du personnel, quel que soit le nombre de votants, dans les limites fixées à l'article L. 2143-12, un ou plusieurs délégués syndicaux pour la représenter auprès de l'employeur ; qu'il n'est pas contesté par l'ensemble des parties que cette disposition a été respectée ; qu'il n'est pas contesté non plus qu'il résulte de la loi du 20 août 2008 et de son interprétation par la cour de cassation que le périmètre de désignation des délégués syndicaux est le même que celui du comité d'entreprise ou d'établissement sauf accord collectif en décidant autrement ; qu'en l'espèce, la question est donc de savoir si l'accord collectif en date du 14 mars 2003 remplit les conditions nécessaires pour restreindre le périmètre de désignation des délégués syndicaux ; qu'il n'est invoqué aucune disposition prévoyant qu'un accord collectif antérieur à l'entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008 ne puisse pas perdurer au seul motif qu'il lui soit antérieur ; qu'il ne ressort pas non plus de l'interprétation de la cour de cassation sur laquelle se fonde la société STP qu'un accord collectif dérogeant au périmètre de désignation des délégués syndicaux doive être postérieur à cette loi ; qu'en conséquence, l'antériorité à la loi du 20 août 2008 de l'accord collectif du 14 mars 2003 ne peut à elle seule l'empêcher de déroger aux conditions de désignation des délégués syndicaux ; que concernant le contenu de l'accord collectif du 14 mars 2003, il convient de constater que cet accord s'intitule « Accord d'entreprise relatif au moyens accordés aux organisation syndicales » et qu'il prévoit « de définir les dispositions spécifiques régissant l'exercice du droit syndical à la société STP » ; que l'accord indique dans son premier article le nombre d'heures de délégation du délégué syndical d'établissement dès lors que l'établissement a un effectif supérieur à 50 salariés ; qu'il en résulte que le périmètre de désignation d'un délégué syndical est l'établissement de plus de 50 salariés ; qu'il ne peut donc être soutenu que cet accord ne statue pas sur le périmètre de désignation et se contente d'accorder des moyens aux délégués d'établissement, ces deux éléments étant indissociables et l'accord ne pouvant prévoir des moyens à des représentants syndicaux qui ne sont pas reconnus ; que s''agissant du respect de la loi du 20 août 2008 par l'accord collectif du 14 mars 2003, la société STP ne fait valoir aucun fondement juridique imposant que l'accord soit unanime pour demeurer applicable ; qu'en conséquence, il convient de retenir qu'à défaut de dénonciation ou de violation de règles d'ordre public, lesquelles ne sont pas alléguées, l'accord en cause demeure applicable ; qu'enfin, la société STP fait valoir que l'accord préélectoral, le dernier conclu, se substitue à tout accord préexistant ; que cependant, cela ne peut être justifié que pour ce qui est explicitement établi par ce protocole et non pour le périmètre de désignation des délégués syndicaux lequel n'est pas abordé par l'accord préélectoral et dépend de celui des élections au comité d'entreprise à défaut d'accord collectif en disposant autrement, ce qui est le cas en l'espèce ; qu'à titre surabondant il convient de relever que des délégués syndicaux d'établissement ont été désignés depuis l'entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008 sans contestation de la part de l'employeur, le seul élément nouveau en l'espèce résidant dans l'existence d'un protocole d'accord préélectoral ; qu'il en résulte qu'antérieurement au protocole d'accord préélectoral, l'employeur admettait que l'accord collectif fonde la désignation de délégués syndicaux dans chaque établissement et qu'il considère que ce protocole d'accord empêche désormais cette désignation ; qu'or, le protocole d'accord préélectoral du 5 juillet 2011 fixe le périmètre d'élection au comité d'entreprise, périmètre qui correspond selon la loi du 20 août 2008 à celui de désignation des délégués syndicaux sauf en cas d'accord collectif en disposant autrement, ce qui est bien le cas en l'espèce ;
1°) ALORS QU' il résulte de la combinaison des articles L 2121-1 5°, L 2122-1, L 2141-10, L 2143-3 et L 2232-17 du code du travail issus de la loi du 20 août 2008 que le périmètre de désignation des délégués syndicaux est le même que celui retenu, lors des dernières élections, pour la mise en place du comité d'entreprise ou d'établissement, sauf si un accord collectif conclu postérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi en dispose autrement ; que dès lors, en faisant application d'un accord collectif du 14 mars 2003 pour valider les désignations de délégués syndicaux effectuées dans le cadre d'un établissement distinct, postérieurement à l'élection du comité d'entreprise intervenue en octobre 2011 au sein d'un établissement unique, le tribunal d'instance a violé les dispositions précitées ;
2°) ALORS QUE l'article 1er de l'accord collectif du 14 mars 2003 « relatif aux moyens accordés aux organisations syndicales » rappelle seulement les règles légales applicables en matière de crédits d'heures alloués aux différents représentants du personnel, indiquant ainsi que le nombre d'heures pour le « délégué syndical d'entreprise » et pour le « délégué syndical d'établissement » est de 10, 15 ou 20 selon que l'entreprise ou l'établissement compte de 50 à 150 salariés, de 151 à 500 salariés ou plus de 500 salariés ; que ce texte, qui se réfère ainsi, quel que soit l'effectif de l'entreprise ou de l'établissement, aussi bien à un « délégué syndical d'entreprise » qu'à un « délégué syndical d'établissement », ne détermine aucunement si le cadre de la mise en place des délégués syndicaux doit être l'entreprise ou l'établissement ; que dès lors en affirmant que ce texte fixait comme périmètre de désignation d'un délégué syndical l'établissement de plus de 50 salariés, le tribunal d'instance a violé la disposition conventionnelle en cause ;
3°) ALORS QUE les règles de désignation des délégués syndicaux issues de la loi du août 2008 ne s'appliquent qu'à compter de l'organisation des premières élections du comité d'entreprise suivant l'entrée en vigueur de cette loi, les mandats des délégués syndicaux désignés auparavant prenant fin lors du renouvellement des institutions représentatives dans l'entreprise ; que dès lors, en retenant, pour justifier sa décision, que des délégués syndicaux d'établissement avaient été désignés au sein de la société STP postérieurement à la loi du 20 août 2008 sans contestation de la part de l'employeur, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L 2121-1 5°, L 2122-1, L 2141-10, L 2143-3 et L 2232-17 du code du travail, ensemble l'article 13 de la loi du 20 août 2008.