LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 mai 2011), que le 24 octobre 1980, la société GAN vie, aux droit de laquelle se trouve la société civile immobilière IMEFA 34 (la SCI), propriétaire d'un appartement, l'a donné à bail à la société civile professionnelle Mothon-Astima-Lapouge, aux droits de laquelle se trouve la société civile professionnelle d'avocats Chatenet et Join-Lambert (la SCP), "dans les termes de l'article 3 sexies de la loi du 1er septembre 1948" ; que le bail a été tacitement reconduit ; que le 28 mars 2007, la SCI a délivré à la SCP un congé pour le 30 septembre 2007 invoquant l'usage exclusivement professionnel du local ; que la locataire s'étant maintenue dans les lieux, la bailleresse l'a assignée aux fins de faire déclarer son congé valable et obtenir son expulsion ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen, que les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 ne sont pas applicables à un bail portant sur des locaux qui ne sont pas affectés à l'habitation du preneur ; qu'en l'espèce, la SCI faisait valoir que les locaux donnés à bail à la SCP servaient à une utilisation exclusivement professionnelle, de sorte que le congé qui lui avait été délivré n'était pas soumis à l'article 15 de cette loi ; qu'en se bornant à retenir, pour déclarer nul le congé du 28 mars 2007, qu'il ne visait aucun des motifs prévus par l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, sans rechercher si, comme il était soutenu, les locaux n'étaient pas affectés à un usage exclusivement professionnel, de sorte que le bail échappait aux dispositions de cette loi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2 et 15 de la loi du 6 juillet 1989 ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le bail, portant sur un appartement, avait été consenti à usage d'habitation pour l'un des membres de la SCP locataire ou pour l'exercice de la profession d'avocat, la cour d'appel, qui a procédé à la seule recherche, à laquelle elle était tenue, relative à la destination contractuelle de la location, a pu retenir que le bail était désormais soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989 et le congé à l'article 15 de cette loi ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 2 et l'article 15-I de la loi du 6 juillet 1989 ;
Attendu que les dispositions de ce texte s'appliquent aux locations de locaux à usage d'habitation principale ou à usage mixte professionnel et d'habitation principale ; que, lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié, soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant ;
Attendu que pour déclarer le congé nul, l'arrêt retient qu'il a été délivré "conformément aux dispositions du code civil, des termes de votre contrat de location et de l'article L. 632-1 du code de la construction et de l'habitation", au motif que ladite SCP utilise les lieux à usage exclusivement professionnel et qu'ainsi elle ne peut bénéficier du droit au renouvellement prévu et réglementé par la loi du 6 juillet 1989 au profit des locations à usage d'habitation ou à usage mixte d'habitation et professionnel, que ce congé ne vise aucun des motifs prévus à l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, à savoir, soit la décision du bailleur de reprendre ou de vendre le logement, soit un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant, que ledit congé est donc entaché de nullité ;
Qu'en statuant ainsi, alors que si le titulaire du contrat de location à usage mixte professionnel et d'habitation n'est pas tenu, durant le bail, d'utiliser les lieux à chacun des usages prévus par la convention des parties, il ne peut, lorsqu'au terme du contrat il n'occupe pas, pour son habitation principale, au moins partiellement, les locaux pris en location, se prévaloir du droit au renouvellement du contrat que confère la loi du 6 juillet 1989 à celui qui habite les lieux loués, la cour d'appel, qui a écarté l'existence d'un motif légitime et sérieux de congé sans constater un usage à titre d'habitation principale, au moins partiellement, des locaux loués, au terme du contrat, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la SCP Chatenet et Join-Lambert aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCP Chatenet et Join-Lambert à payer à la SCI IMEFA 34 la somme de 2 500 euros, rejette la demande de la SCP Chatenet et Join-Lambert ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq septembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils, pour la SCI IMEFA 34.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré nul et de nul effet le congé délivré le 28 mars 2007 par la SCI IMEFA 34 à la SCP Chatelet et Join-Lambert, et d'avoir constaté la reconduction du bail de celle-ci à compter du 1er octobre 2007 pour une durée de six ans,
AUX MOTIFS QUE « la société Gan-Vie, aux droits de laquelle se trouve la SCI IMEFA 34, a consenti le 24 octobre 1980 et à effet du 1er octobre 1980, « dans les termes de l'article 3 sexies de la loi du 1er septembre 1948 modifiée par la loi n° 70-598 du 9 juillet 1970 », à la SCP Mothon Astima Lapouge, aux droits de laquelle se trouve la SCP Chatelet et Join-Lambert, un bail à usage d'habitation pour l'un des membres de la SCP locataire ou pour l'exercice de la profession d'avocat sous réserve de l'obtention des autorisations administratives nécessaires, ce bail portant sur un appartement situé au 2ème étage de l'immeuble du 3 avenue Bugeaud à Paris ; que ledit bail, initialement convenu au visa de l'article 3 sexies de la loi du 1er septembre 1948, est désormais soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989 ; que la SCI IMEFA 34 a fait notifier le 28 mars 2007 à la SCP Chatelet et Join-Lambert un congé à effet du 30 septembre 2007 délivré « conformément aux dispositions du Code civil, des termes de votre contrat de location et de l'article L. 632-1 du Code de la construction et de l'habitation », au motif que ladite SCP utilise les lieux à usage exclusivement professionnel et qu'ainsi elle ne peut bénéficier du droit au renouvellement prévu et réglementé par la loi du 6 juillet 1989 au profit des locations à usage d'habitation ou à usage mixte d'habitation et professionnel ; qu'or ce congé du 28 mars 2007 ne vise aucun des motifs prévus à l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, à savoir la décision du bailleur de reprendre ou de vendre le logement, soit un motif légitime et sérieux notamment l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant ; que ledit congé est donc entaché de nullité comme l'appelante le soutient, le bail litigieux ayant donc été reconduit à compter du 1er octobre 2007 pour une durée de six ans »,
ALORS QUE, D'UNE PART, les dispositions de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ne sont pas applicables à un bail portant sur des locaux qui ne sont pas affectés à l'habitation du preneur ; qu'en l'espèce, la SCI IMEFA 34 faisait valoir que les locaux donnés à bail à la SCP Chatelet et Join-Lambert servaient à une utilisation exclusivement professionnelle, de sorte que le congé qui lui avait été délivré n'était pas soumis à l'article 15 de cette loi ; qu'en se bornant à retenir, pour déclarer nul le congé du 28 mars 2007, qu'il ne visait aucun des motifs prévus par l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, sans rechercher si, comme il était soutenu, si les locaux n'étaient pas affectés à un usage exclusivement professionnel, de sorte que le bail échappait aux dispositions de cette loi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2 et 15 de la loi du 6 juillet 1989 ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, subsidiairement, en toute hypothèse, l'utilisation des lieux par le locataire à un usage exclusivement professionnel constitue un motif légitime et sérieux de refus de renouvellement du bail au sens de l'article 15-I de la loi du 6 juillet 1989 ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que le congé du 28 mars 2007 était motivé par le fait que la SCP locataire utilisait les lieux à usage exclusivement professionnel et qu'ainsi elle ne pouvait bénéficier du droit au renouvellement prévu et réglementé par la loi du 6 juillet 1989 au profit des locations à usage d'habitation ou à usage mixte d'habitation et professionnel ; qu'ainsi ce congé visait un motif légitime et sérieux de non-renouvellement du bail et satisfaisait aux exigences du texte susvisé ; qu'en retenant, pour déclarer le congé nul, qu'il ne visait aucun des motifs prévus par ce texte, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 15-I de la loi du 6 juillet 1989.