LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 13 janvier 2011), que M. X... et Mme Y..., de nationalité algérienne, se sont mariés à Beni Mouhli (Algérie) le 14 décembre 1962 et se sont installés en France où ils ont eu six enfants ; qu'en juin 2007, M. X... est revenu en Algérie ; que, par requête du 11 février 2008, l'épouse a sollicité la condamnation de son époux à lui payer une contribution aux charges du mariage ; que, saisi par le mari le 7 avril 2008, le tribunal de Beni Ourtilane (Algérie) a rendu le 24 mai 2008, un jugement prononçant le divorce des époux ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée attachée au jugement de divorce qu'il a obtenu en Algérie, déclarer recevable l'action en contribution aux charges du mariage formée en France par Mme Y... et fixer en conséquence à 500 euros par mois sa contribution à ces charges, alors, selon le moyen :
1°/ que les articles 1 a et 1 d de la Convention franco-algérienne du 27 août 1964 stipulent qu'en matière civile et commerciale, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions siégeant en France ou en Algérie ont de plein droit l'autorité de la chose jugée sur le territoire de l'autre Etat si, notamment, la décision émane d'une autorité compétente selon les règles concernant les conflits de compétence admises dans l'Etat où la décision doit être exécutée et ne contient rien de contraire à l'ordre public de l'Etat où elle est invoquée ; qu'en déduisant le caractère frauduleux ou contraire à l'ordre public de l'action en divorce intentée par M. X... devant la juridiction algérienne de la seule antériorité de l'action en contribution aux charges du mariage intentée en France par Mme Y..., cependant que les deux époux étaient de nationalité algérienne et que M. X... résidait en Algérie avant l'introduction de l'action en divorce en sorte que rien ne permettait de suspecter une saisine frauduleuse de la juridiction algérienne, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des textes susvisés ;
2°/ que l'ordre public s'appréciant de manière concrète, la cour d'appel ne pouvait affirmer que la juridiction algérienne avait constaté la répudiation unilatérale du mari sans rechercher si la référence du jugement au droit pour le mari d'obtenir la dissolution du lien conjugal n'était pas totalement inopérante, la juridiction algérienne ayant constaté les fautes que s'étaient mutuellement reprochées les époux et ayant expressément prononcé le divorce aux torts partagés de ceux-ci ; qu'ainsi la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1 d de la Convention susvisée ensemble l'article 5 du protocole additionnel n° 7 à la Convention européenne des droits de l'homme du 22 novembre 1984 ;
Mais attendu qu'il résulte des constatations et des appréciations souveraines des juges du fond, que M. X..., qui avait quitté le 28 juin 2007 le domicile familial en France où il résidait depuis plusieurs dizaines d'années, a saisi le 7 avril 2008 le juge algérien d'une demande en divorce pour échapper à une condamnation au versement d'une contribution aux charges du mariage pouvant intervenir suite à la requête déposée le 11 février 2008 par son épouse, requête dont il a eu connaissance le 1er mars 2008, date à laquelle il a signé l'accusé de réception de sa convocation à l‘audience du 19 mai 2008 devant le juge français ;
Que la cour d'appel a pu en déduire que les circonstances de cette procédure précipitée en Algérie constituaient une fraude au jugement dans le but de faire échec à l'exécution de la décision française devant intervenir de sorte que c'est à bon droit qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée attachée au jugement algérien de divorce du 24 mai 2008 du tribunal de Beni Ourtilane (Algérie) ; que, par ces seuls motifs, l'arrêt est légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la fin de non recevoir tirée du jugement de divorce obtenu en Algérie à la demande de M. Mohand X..., déclaré recevable l'action en contribution aux charges du mariage formée en France par Mme Y... et fixé en conséquence à 500 euros par mois la contribution de M. X... à ces charges ;
AUX MOTIFS QUE « En application de la convention Franco-Algérienne du 27 août 1964, pour être reconnue en France, cette décision ne doit pas être contraire à l'ordre public de l'état où elle est invoquée ou aux principes de droit public applicables dans cet état. Or, il résulte clairement de la chronologie des actes de procédure que le mari a saisi le 7 avril 2008 le juge algérien d'une demande en divorce pour échapper à une condamnation au versement d'une condamnation aux charges du mariage pouvant intervenir suite à la requête déposée le 11 février 2008 par son épouse, requête dont il a eu connaissance le 1er mars 2008, date à laquelle il a signé l'accusé de réception de sa convocation à l'audience du 19 mai 2008 devant le juge français. Par ailleurs, le tribunal de Beni Ourtilane a prononcé le divorce, auquel s'opposait l'épouse, en retenant, en application de l'article 48 du code de la famille algérien, le droit du mari de dissoudre le mariage par sa seule volonté. Il en résulte que cette décision, constatant une répudiation unilatérale du mari sans donner d'effet juridique à l'opposition éventuelle de la femme et en privant l'autorité compétente de tout pouvoir autre que celui d'aménager les conséquences financières de cette rupture du lien matrimonial, est contraire au principe d'égalité des époux lors de la dissolution du mariage, reconnu par l'article 5 du protocole du 22 novembre 1984, n°7, additionnel à la convention européenne des droits de l'homme, que la France s'est engagée à. garantir à toute personne relevant de sa juridiction, et à l'ordre public international réservé par l'article 1er de la convention Franco-Algérienne susvisée alors que l'épouse est domiciliée sur le territoire français. » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE les articles 1 a) et 1 d) de la Convention franco-algérienne du 27 août 1964 stipulent qu'en matière civile et commerciale, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions siégeant en France ou en Algérie ont de plein droit l'autorité de la chose jugée sur le territoire de l'autre Etat si, notamment, la décision émane d'une autorité compétente selon les règles concernant les conflits de compétence admises dans l'Etat où la décision doit être exécutée et ne contient rien de contraire à l'ordre public de l'Etat où elle est invoquée ; qu'en déduisant le caractère frauduleux ou contraire à l'ordre public de l'action en divorce intentée par M. X... devant la juridiction algérienne de la seule antériorité de l'action en contribution aux charges du mariage intentée en France par Mme Y..., cependant que les deux époux étaient de nationalité algérienne et que M. X... résidait en Algérie avant l'introduction de l'action en divorce en sorte que rien ne permettait de suspecter une saisine frauduleuse de la juridiction algérienne, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des textes susvisés ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'ordre public s'appréciant de manière concrète, la Cour d'appel ne pouvait affirmer que la juridiction algérienne avait constaté la répudiation unilatérale du mari sans rechercher si la référence du jugement au droit pour le mari d'obtenir la dissolution du lien conjugal n'était pas totalement inopérante, la juridiction algérienne ayant constaté les fautes que s'étaient mutuellement reprochées les époux et ayant expressément prononcé le divorce aux torts partagés de ceux-ci ; qu'ainsi la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1 d) de la Convention susvisée ensemble l'article 5 du protocole additionnel n°7 à la Convention Européenne des Droits de l'Homme du 22 novembre 1984.