LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1842 du code civil, ensemble l'article 1165 du même code ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Markinter, exerçant l'activité d'agent commercial, a fait assigner la société Produits chimiques auxiliaires et de synthèse (la société PCAS) et sa filiale, la société Pharmacie centrale de France (la société PCF), en paiement de commissions dues par cette dernière et en dommages-intérêts en réparation de la rupture de son contrat d'agent commercial qui la liait avec la société PCF ;
Attendu que pour déclarer la société PCAS solidairement responsable des condamnations prononcées à l'encontre de la société PCF au titre des préjudices subis par la société Markinter, l'arrêt retient qu'il résulte des pièces produites que la société PCAS s'est constamment immiscée dans les rapports entre la société PCF et son agent commercial, dès l'acquisition de la quasi-totalité des titres représentant son capital ; que l'arrêt retient encore que la société PCAS a adressé directement aux lieu et place de sa filiale de nombreuses correspondances à la société Markinter concernant son contrat d'agence avec la société PCF, que certains courriers sont directement écrits sur du papier à en-tête PCF/PCAS mais signés par le dirigeant de la société PCAS et que, d'une manière générale, toutes les discussions relatives à la renégociation du contrat d'agence de la société Markinter avec la société PCF ont été menées directement par la société PCAS, à l'initiative des dirigeants de celle-ci ; qu'il en déduit que ces faits caractérisent l'immixtion de la société PCAS dans les relations de sa filiale avec son agent commercial ; qu'il retient, enfin, qu'en ayant exercé une influence prédominante sur sa filiale et agi en étroite interdépendance avec elle, la société PCAS a démontré disposer d'une autorité de fait sur les responsables de la société PCF et qu'elle a commis une faute personnelle à l'encontre de la société Markinter, à l'origine de ses préjudices, en définissant une nouvelle politique, imposée à la société PCF, au détriment de la société Markinter, qui a conduit à la rupture des relations contractuelles existant depuis 30 ans entre ces deux sociétés ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans constater que l'immixtion de la société PCAS avait été de nature à créer pour la société Markinter une apparence trompeuse propre à lui permettre de croire légitimement que cette société était aussi son cocontractant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la société PCAS doit être tenue solidairement responsable des condamnations prononcées à l'encontre de la société PCF au titre des préjudices subis par la société Markinter et en ce qu'il a condamné la société PCAS solidairement avec la société PCF à payer une provision, l'arrêt rendu le 27 janvier 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Markinter aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Produits chimiques auxiliaires et de synthèse (PCAS) la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Produits chimiques auxiliaires et de synthèse (PCAS).
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société PCAS doit être tenue solidairement responsable des condamnations prononcées à l'encontre de la société PCF au titre des préjudices subis par la société Markinter, d'avoir condamné la société PCAS solidairement avec la société PCF à payer une provision correspondant à la contre-valeur en euros au jour du paiement de 100.000 USD, et d'avoir ordonné une expertise avant dire droit sur le montant des sommes dues ;
Aux motifs que la société PCAS estime qu'elle ne saurait être tenue solidairement des condamnations prononcées à l'encontre de la société PCF compte tenu du principe d'autonomie des personnes morales qui implique que le groupe et les entités qui le composent ne peuvent être tenus aux obligations de la filiale concernée du seul fait de leur appartenance au groupe ou de la détention du capital de cette filiale ; que la société Markinter soutient que l'immixtion de la société PCAS dans les relations de sa filiale, la société PCF avec son agent commercial et ses fautes propres justifient sa responsabilité dans la rupture du contrat d'agence et les préjudices qui en sont résulté pour elle ; qu'il résulte effectivement des pièces produites en annexe par la société Markinter que la SA PCAS s'est constamment immiscée dans les rapports entre la société PCF et son agent commercial et ceci dès l'acquisition de 99,40% de son capital en 1999 ; que c'est ainsi que le 21 décembre 1999, la société PCF écrivait à la société Markinter : « Vous n'êtes pas sans ignorer qu'à la date du 11 octobre 1999, la société PCAS (Produits Chimiques Auxiliaires de Synthèse) a pris le contrôle de PCF, précédemment détenue par Finuchem. Notre nouvel actionnaire qui travaille déjà aux USA avec des agents confirmés nous demande de clarifier notre relation avec vous sur plusieurs aspects. En premier lieu il n'est pas établi de contrat clair entre PCF et Markinter… Par ailleurs, le taux de commission appliqué historiquement (7% du chiffre d'affaire réalisé) est jugé excessif au regard de ce qui est pratiqué pour d'autres agents au sein de PCAS mais aussi au sein de PCF » ; qu'en outre on constate dans de multiples courriers, e-mails et télécopies adressés à la société Markinter concernant son contrat d'agence avec la société PCF que c'est la société PCAS qui écrit directement aux lieu et place de sa filiale (par exemple courriers des 11 septembre 2000, 21 décembre 2000, 11 mars 2002 et 9 juillet 2004, e-mails des 19 novembre 2002, 5 juin 2003 et 2 décembre 2003, télécopies des 2 octobre 2000 et 25 janvier 2001) ; que certains courriers sont directement écrits sur du papier à entête PCF/PCAS mais signés par le dirigeant de la société PCAS, comme ceux du 24 octobre et du 20 novembre 2003 ; que d'une manière générale, toutes les discussions qui n'ont pas abouti, relatives à la renégociation du contrat d'agence de la société Markinter avec la société PCF ont été menées directement par la société PCAS, les entretiens et réunions tant aux Etats-Unis qu'en France, ayant eu lieu à l'initiative des dirigeants de la SA PCAS ; que ces faits ne peuvent être considérés comme une simple harmonisation des représentations commerciales à l'étranger du groupe PCAS comme le soutient l'appelante, mais caractérisent l'immixtion de la société PCAS dans les relations de sa filiale la PCF avec son agent commercial ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont souligné que, « en ayant exercé une influence prédominante sur sa filiale et en ayant agi en étroite interdépendance avec elle, PCAS a démontré disposer d'une autorité de fait sur les responsables de PCF » ; que la société PCAS a, par la définition d'une nouvelle politique imposée à la société PCF, politique s'exerçant au détriment de la société Markinter et ayant conduit à la rupture par la société PCF des relations contractuelles existant depuis 30 ans, entre cette société et son agent, commis à l'encontre de la société Markinter une faute personnelle à l'origine des préjudices nés pour l'agent commercial de cette rupture ; qu'elle doit donc être solidairement responsable des condamnations prononcées à l'encontre de la SA PCF au titre des préjudices subis par la société Markinter ; que par contre elle ne saurait être tenue du paiement des commissions qui ne sont que le résultat de l'exécution du contrat d'agence auquel elle est étrangère ;
Alors d'une part, que la société jouit de la personnalité morale à dater de son immatriculation ; que les sociétés d'un même groupe sont autonomes ; qu'en condamnant la société mère PCAS au paiement de l'indemnité de rupture du contrat d'agence due par sa filiale, la société PCF à la société Markinter, après avoir admis que la société PCAS était étrangère au contrat conclu par la société PCF avec la société Markinter et sans avoir relevé que la filiale était une société fictive, ou encore que les patrimoines des sociétés PCF et PCAS étaient confondus, la Cour d'appel a violé l'article L 210-6 du Code de commerce ;
Alors d'autre part, qu'en se bornant à relever l'existence d'une immixtion de la société mère « dans les rapports entre la société PCF et son agent commercial » sans caractériser une immixtion dans l'exécution du contrat d'agence, de nature à créer pour l'agent commercial une apparence trompeuse propre à lui faire croire que la société mère PCAS était aussi son cocontractant, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1165 du Code civil ;
Alors enfin, que lorsque comme en l'espèce, le contrat d'agence est à durée indéterminée, chacune des parties et notamment le mandant a le droit d'y mettre fin même sans aucun motif, moyennant un préavis et le versement d'une indemnité de rupture ; que dès lors, ne constitue pas une faute, le fait pour la société mère d'avoir incité sa filiale à faire usage de son droit le plus strict de mettre un terme à des relations contractuelles très anciennes avec son agent commercial, moyennant le versement d'une indemnité ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles L 134-11, L 134-12, L 134-13 du Code de commerce et 1382 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société PCAS solidairement avec la société PCF à payer à la société Markinter, la contre-valeur en euros au jour du paiement de la somme de 100.000 USD à titre de provision ;
Aux motifs que la société PCAS doit être tenue solidairement responsable des condamnations prononcées à l'encontre de la société PCF au titre des préjudices subis par la société Markinter ; que par contre elle ne saurait être tenue du paiement des commissions qui ne sont que le résultat de l'exécution du contrat d'agence auquel elle est étrangère ; qu'aucune des parties ne fournit à la Cour d'éléments suffisants pour permettre de calculer les commissions et indemnités qui sont dues à la société Markinter, qu'il sera donc ordonné une expertise pour la détermination de l'indemnité de rupture et des commissions dues sur lesquels il doit être réservé à statuer ; que dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise, il doit être mis à la charge de la société PCAS solidairement avec la société PCF une provision correspondant à la contre-valeur en euros au jour du paiement de 100.000 USD ;
Alors d'une part, qu'en condamnant la société PCAS au paiement solidaire de la provision de 100.000 USD mise à la charge de la société PCF tenue à l'égard de la société Markinter tant au titre de l'indemnité de rupture qu'au titre des commissions impayées, après avoir constaté que la société PCAS tiers au contrat ne pouvait être tenue qu'au titre de l'indemnité de rupture, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations au regard des articles 1134 et 1165 du Code civil qu'elle a violés ;
Alors en toute hypothèse qu'en statuant comme elle l'a fait, sans qu'il résulte de ses constatations que la provision n'aurait été allouée qu'au titre de la créance d'indemnité de rupture et non au titre des commissions impayées, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1165 du Code civil.