LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Patrick X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 18e chambre, en date du 6 avril 2011, qui, pour abandon de famille, organisation frauduleuse de son insolvabilité et défaut de notification du changement de son domicile, l'a condamné à 8 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 314-7 du code pénal et de l'article 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable du délit d'organisation frauduleuse d'insolvabilité et l'a condamné au paiement d'une amende de 8000 euros ainsi qu'à la somme de 3 000 euros au profit de la partie civile ;
"aux motifs qu'il est reproché à M. X..., d'avoir, de courant 2008 à courant novembre 2009, organisé ou aggravé son insolvabilité ; que le 6 décembre 2007, M. X... procédait au virement d'une somme de 100 000 euros sur le compte de sa fille, Alexandrine au Crédit Mutuel et 23 263,68 euros sur son livret Bleu ; que le 14 août 2008, soit durant la période de prévention, la somme de 126 993,88 euros était virée du compte d'Alexandrine, sur celui du père de M. X..., père dont il gérait les affaires à l'époque ; que le 19 août 2008, un chèque de 126 993,88 euros, soit du même montant, était déposé sur le compte de son fils, Jérémy ; que lors de la saisie attribution effectuée par Mme X..., en septembre 2009, il apparaissait que M. X... possédait comme avoirs au Crédit Mutuel, la somme de 2 161,07 euros ; que le 22 décembre 2009, M. X... versait à Mme X..., la somme de 27.500 euros en chèque de banque du Crédit Mutuel ; qu'il ressort de ces éléments que M. X... a diminué les actifs de son patrimoine en effectuant des mouvements de fonds très importants entre ses comptes et ceux de ses enfants en vue de se soustraire à ses obligations vis à vis de son épouse ; que l'infraction d'organisation frauduleuse de l'insolvabilité est constituée ; que le jugement dont appel sera confirmé de ce chef ;
"1°) alors que les juridictions correctionnelles ne peuvent statuer que sur les faits relevés par l'ordonnance ou la citation qui les a saisie sauf acceptation expresse du prévenu, dûment constatée par eux, d'être jugé sur des faits distincts ; qu'il résulte des propres termes de l'arrêt attaqué que M. X... avait été cité à comparaître devant le tribunal correctionnel pour « avoir à Epernon 28 – Rambouillet 78, courant 2008 à courant 2009, organisé ou aggravé son insolvabilité» ; que la citation directe du 5 novembre 2009, visait exclusivement la période de décembre 2008 à novembre 2009 ; qu'en retenant néanmoins pour caractériser ce délit un virement effectué par M. X... sur ses comptes bancaires le 6 décembre 2007 et deux autres opérations datées du mois d'août 2008 qui n'étaient pas davantage visés dans la citation, la cour d'appel a méconnu l'étendue de sa saisine et violé les textes susvisés ;
"2°) alors qu'en toute hypothèse, M. X... avait soutenu dans ses conclusions d'appel que les mouvements sur ses comptes de décembre 2007 et août 2008 étaient tous antérieurs à la date à laquelle il avait eu connaissance de la procédure de divorce engagée par Mme X... et qu'il ne pouvait donc pas pu avoir eu la volonté d'organiser son insolvabilité ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen qui démontrait l'absence de l'intention délictueuse spécifique du délit d'organisation d'insolvabilité qui suppose la volonté de se soustraire à une décision judiciaire, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 102 du code civil, de l'article 227-4 du code pénal et de l'article 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable du délit de défaut de communication au créancier d'aliment de son changement de domicile et l'a condamné au paiement d'une amende de 8 000 euros ainsi qu'à la somme de 3 000 euros au profit de la partie civile ;
"aux motifs qu'à l'audience de la cour, M. X... a indiqué avoir été hébergé par une cliente, puis dans un local professionnel aménagé, mais ne l'avoir pas dit à son épouse ; que le conseil de M. X... soutient que celui-ci n'a pas voulu délibérément dissimuler son adresse personnelle pour échapper à son obligation alimentaire, ayant en réalité aucune adresse, autre que celle de son étude ; qu'en vertu de l'ordonnance de non conciliation rendue le 10 novembre 2008 et signifiée le 1er décembre 2008, M. X... était débiteur d'une pension alimentaire mensuelle vis-à-vis de son épouse Mme X..., et devait quitter le domicile conjugal au plus tard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter du prononcé de l'ordonnance ; que Mme X... a demandé à se faire communiquer l'adresse personnelle du débiteur de cette obligation, par courrier de son conseil, du 5 février 2009 ; que l'assignation en divorce a été délivrée le 28 avril 2009 à l'étude notariale de M. X..., située ..., "à défaut de connaître son domicile personnel" ; que le jugement rendu par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Versailles le 20 août 2009, statuant sur la modification de la pension alimentaire, mentionne également l'adresse de M. X... au sein de son étude, ... ; que le fait que M. X... ait une adresse professionnelle connue de son épouse ne le dispensait pas de communiquer l'adresse de son domicile personnel, ainsi que le prévoient les dispositions légales ; que M. X... a reconnu, lors de l'audience de la cour, ne pas avoir communiqué son adresse personnelle à Mme X... ; que l'infraction est constituée, le jugement dont appel sera confirmé de ce chef ;
"1°) alors que le domicile d'une personne est le lieu du principal établissement qui correspond à un lieu d'installation durable ; que M. X... faisait valoir dans ses conclusions qu'il avait été obligé de quitter précipitamment le domicile conjugal afin de respecter l'ordonnance de non conciliation qui imposait son départ dans le délai d'un mois et qu'il avait été hébergée temporairement pendant les premiers mois de l'année 2009 dans le sous-sol de la maison d'une amie de la famille en attendant d'aménager un local de son étude notariale pour y habiter de manière durable et qu'il n'avait donc pas de domicile au sens de l'article 102 du code civil pendant la période visée à la prévention ; qu'en se contentant de relever que M. X... n'avait indiqué à son épouse que le lieu de son étude notariale sans l'informer de l'adresse de son domicile, sans rechercher si l'hébergement provisoire dont il faisait état pouvait être qualifié de domicile au regard de l'incrimination légale, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"2°) alors que l'infraction de défaut de communication du lieu du domicile au débiteur d'aliments est une infraction intentionnelle ; que M. X... soutenait en l'espèce que compte tenu du caractère précaire de son hébergement chez un tiers dans les premiers mois de l'année 2009 et de la connaissance par sa femme de son lieu de travail, il n'avait pas eu l'intention de dissimuler son domicile ; qu'en s'abstenant de caractériser l'élément intentionnel du délit, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Mais, sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 227-3 du code pénal, du principe selon lequel les dispositions d'une loi nouvelle s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée, lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions anciennes et de l'article 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable du délit d'abandon de famille pour la période de décembre 2008 au 13 mai 2009 et l'a condamné au paiement d'une amende de 8000 euros ainsi qu'à la somme de 3000 euros au profit de la partie civile ;
"aux motifs qu'aux termes de l'ordonnance de non-conciliation du 10 novembre 2008, M. X... devait verser une pension alimentaire de 3 200 euros par mois à son épouse, au titre du devoir de secours, somme fixée sur la base de revenus déclarés par lui, Notaire de profession, de 27 898 euros par mois en 2006, de 27 512 euros en 2007 ; que par jugement modificatif du 20 août 2009, la pension alimentaire a été réduite à la somme de 2 200 euros, sur la requête de M. X... ; qu'en décembre 2008, janvier et février 2009, M. X... n'a versé, au total, que 2 700 euros et n'a plus rien versé à partir de mars 2009 ; que M. X... explique qu'en 2009, son étude a subi les contre-coups de la crise immobilière, le chiffre d'affaire ayant chuté de 30 % et le bénéfice de 50 % ; qu'il déclare avoir "perdu pied", "perdu les pédales", à cette époque ; qu'il sera cependant relevé que M. X... a pris le soin, pour les mois de décembre 2008, janvier et février 2009, de réduire sa contribution à 2 700 euros, en déduisant la somme de 500 euros pour les dommages causés à son véhicule, par Mme X... ; que pour la période de prévention, en décembre 2008, janvier et février 2009, M. X... n'a versé, au total, que 2 700 euros, puis il n'a plus rien versé à partir de mars 2009, y compris après le jugement modificatif du 20 août 2009 ayant réduit le montant de la pension alimentaire à sa demande ; que bien que M. X... ait demandé, dans le cadre cette procédure modificative, que la pension soit fixée à 900 euros, force est de constater qu'il n'a pas même repris des versements de ce montant à son épouse ; que l'infraction d'abandon de famille est constituée ; que sur la période de prévention, l'article 133 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, publiée au Journal Officiel du 13 mai 2009, modifiant l'article 227-3 du code pénal, a supprimé les références anciennes du Livre 1er du code civil pour les remplacer par la seule référence au titre IX du Livre 1er du même code, lequel titre ne concerne que l'autorité parentale ; qu'ainsi, le non-paiement d'une prestation compensatoire est-il exclu désormais, des prévisions de l'article 227-3 du code pénal ; qu'en conséquence, M. X... sera déclaré coupable de non paiement de pension pour la période allant de décembre 2008 au 13 mai 2009 ; qu'il sera relaxé pour la période du 14 mai 2009 à novembre 2009 ; que le jugement dont appel sera réformé de ce chef ;
"alors que les dispositions d'une loi nouvelle s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée, lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ; que, comme l'a exactement énoncé l'arrêt, l'article 133, III, de la loi du 12 mai 2009, a remplacé, au premier alinéa de l'article 227-3 du code pénal, les références aux titres V, VI, VII et VIII du livre 1er du code civil par la seule référence au titre IX du livre 1er du même code, lequel ne concerne que l'autorité parentale, de sorte qu'il s'ensuit que le non-paiement d'une pension alimentaire allouée à un époux pendant l'instance de divorce échappe désormais aux prévisions de l'article 227-3 du code pénal ; qu'en statuant sur l'action publique pour la période antérieure au 14 mai 2009, bien que les faits poursuivis n'étaient plus susceptibles de constituer une infraction au jour où elle a statué, y compris pour la période antérieure, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé" ;
Vu l'article 112-1 du code pénal et l'article 227-3, alinéa 1er, du même code, tant dans sa rédaction issue de l'article 133 III de la loi du 12 mai 2009 que dans la rédaction issue de l'article 151 de la loi du 17 mai 2011 ;
Attendu qu'en cas de conflit entre plusieurs lois pénales de fond successives, lorsqu'une infraction a été commise sous l'empire d'une première loi, dont des dispositions ont ensuite été abrogées, ce qui a eu pour effet de la rendre inapplicable aux faits, cette deuxième loi étant elle-même remplacée par une troisième réprimant les faits objet de la poursuite, le principe de non rétroactivité de la loi pénale implique que les faits ne puissent plus être poursuivis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X... a été cité directement devant le tribunal correctionnel par son épouse, du chef d'abandon de famille commis de décembre 2008 à novembre 2009 ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable et prononcer sur la peine, l'arrêt énonce que, condamné par l'ordonnance de non-conciliation du 10 novembre 2008 à payer une pension alimentaire à son épouse, M. X... s'en est abstenu, en tout ou en partie, pendant la période de prévention, mais que ces faits ne sont punissables que jusqu'au 13 mai 2009, en application de l'article 113 de la loi du 12 mai 2009, parue au journal officiel le 13 mai 2009, laquelle a supprimé les références anciennes du livre 1er du code civil pour les remplacer par la seule référence au titre IX du livre 1er du même code, lequel ne concerne que l'autorité parentale ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'article 113 III de la loi du 12 mai 2009, abrogeant des dispositions de l'article 227-3 du code pénal, a eu pour effet d'enlever leur caractère d'infraction, dans leur totalité, aux faits objet des poursuites, sans que la loi du 17 mai 2011, modifiant la précédente et incriminant à nouveau les faits concernés, puisse davantage leur être appliquée rétroactivement, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions relatives aux faits qualifiés d'abandon de famille, à la peine et aux intérêts civils, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 6 avril 2011, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
DIT n'y avoir lieu à application, au profit de Mme Y..., épouse X..., de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Foulquié conseiller rapporteur, M. Pometan conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;