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16/02/2011 | FRANCE | N°10-83606

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 février 2011, 10-83606


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :- M. Claude X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX- EN- PROVENCE, 19e chambre, en date du 28 avril 2010, qui, pour abandon de famille, l'a condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires ampliatif, additionnel et en défense produits ;
Sur le second moyen du mémoire additionnel, pris de la violation des articles 112-1 et 227-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, ma

nque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupabl...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :- M. Claude X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX- EN- PROVENCE, 19e chambre, en date du 28 avril 2010, qui, pour abandon de famille, l'a condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires ampliatif, additionnel et en défense produits ;
Sur le second moyen du mémoire additionnel, pris de la violation des articles 112-1 et 227-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable du délit d'abandon de famille, l'a condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
"aux motifs qu'à l'audience de la cour d'appel de ce siège, M. X... invoque une absence de liquidités pour pouvoir faire face au montant de la condamnation civile prononcée contre lui ; qu'il soutient :- que le jugement correctionnel déféré retient à tort qu'il disposait de 160 000 euros de liquidités (en 2004), du prix de vente de locaux commerciaux et d'un immeuble à Is-sur-Tille (vendus en 2006), soit au total 470 000 euros qui lui étaient réclamés ;- qu'en effet le prix de vente de ces immeubles a dû être remployé dans l'acquisition d'un F 3 à Hyères, M. X... ayant du faire face aux frais de son relogement ;- que s'il ne disposait pas de cette somme, c'était aussi en raison du comportement fautif de Mme Y..., laquelle refusait de vendre un appartement indivis d'une valeur de 400 000 euros en 2004 ;- qu'il a réellement eu besoin, pour mobiliser ses actifs, du délai total qu'il a mis pour s'acquitter de sa dette ;- qu'il pensait avec naïveté pouvoir parvenir à quelque arrangement amiable avec son ex-femme, ce qui l'avait conduit à accepter les termes du jugement de divorce le condamnant à ce paiement de la somme de 470 000 euros dans un délai de deux mois ; que la cour d'appel observe que la procédure de divorce pour faute opposant les époux était déjà conflictuelle ; qu'il ne pouvait en aller différemment au plan pécuniaire ; que s'il n'était pas à même de s'acquitter du montant de la prestation compensatoire en un unique versement, si la situation patrimoniale de M. X... nécessitait réellement quelque délai, cela aurait dû conduire M. X..., professionnel averti assisté d'un conseil, à solliciter du juge du divorce un paiement échelonné, ou bien à interjeter appel de la décision lui imposant un tel versement ; que tel n'a pas été le cas en l'espèce ; que, de surcroît, questionné sur ce point, M. X... admet ne pas avoir sollicité ses partenaires bancaires afin d'obtenir (ou de pouvoir justifier de leur refus) de lui prêter leur concours par l'octroi d'un prêt bancaire adossé à ses biens immobiliers (le couple possédant directement ou par leur SCI plus d'une vingtaine d'immeubles) ; qu'en définitive M. X... n'établit pas s'être trouvé dans l'impossibilité absolue de verser le montant de la prestation compensatoire ; que le jugement, qui a déclaré M. X... coupable des faits visés aux poursuites, doit donc être confirmé ;
"alors que les lois pénales de fond plus douces s'appliquent aux faits commis avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée ; que l'article 133 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 a modifié l'article 227-3 du code pénal qui prévoit dorénavant qu'une personne n'exécutant pas une décision judiciaire lui imposant des prestations dues en raison de l'une des obligations familiales prévues par le titre IX du livre 1er du code civil, commet l'infraction d'abandon de famille ; que cette nouvelle disposition supprime ainsi les références anciennement visées par l'article 227-3 du code pénal, à savoir « les titres V, VI, VII et VIII » relatifs au mariage, au divorce et à la filiation, et les remplace par la seule référence au « titre IX » relatif à l'autorité parentale ; qu'en conséquence, le nouvel article 227-3 définissant de manière plus restrictive l'infraction d'abandon de famille, est plus doux et rétroagit ; qu'en entrant en voie de condamnation à l'encontre de M. X... du chef d'abandon de famille pour ne pas avoir payé la prestation compensatoire prévue par le jugement de divorce, la cour d'appel s'est abstenue d'appliquer la loi nouvelle plus douce aux faits dont elle était saisie et a, en conséquence, violé les dispositions susvisées" ;
Sur le premier moyen du mémoire ampliatif pris de la violation des articles 121-3, 227-3 et 227-29 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable du délit d'abandon de famille, l'a condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
"aux motifs qu'à l'audience de la cour d'appel de ce siège, M. X... invoque une absence de liquidités pour pouvoir faire face au montant de la condamnation civile prononcée contre lui ; qu'il soutient :- que le jugement correctionnel déféré retient à tort qu'il disposait de 160 000 euros de liquidités (en 2004), du prix de vente de locaux commerciaux et d'un immeuble à Is-sur-Tille (vendus en 2006), soit au total 470.000 euros qui lui étaient réclamés ;- qu'en effet le prix de vente de ces immeubles a dû être remployé dans l'acquisition d'un F 3 à Hyères, M. X... ayant du faire face aux frais de son relogement ;- que s'il ne disposait pas de cette somme, c'était aussi en raison du comportement fautif de Mme Y..., laquelle refusait de vendre un appartement indivis d'une valeur de 400 000 euros en 2004 ;- qu'il a réellement eu besoin, pour mobiliser ses actifs, du délai total qu'il a mis pour s'acquitter de sa dette ;- qu'il pensait avec naïveté pouvoir parvenir à quelque arrangement amiable avec son ex-femme, ce qui l'avait conduit à accepter les termes du jugement de divorce le condamnant à ce paiement de la somme de 470 000 euros dans un délai de deux mois ; que la cour d'appel observe que la procédure de divorce pour faute opposant les époux était déjà conflictuelle ; qu'il ne pouvait en aller différemment au plan pécuniaire ; que s'il n'était pas à même de s'acquitter du montant de la prestation compensatoire en un unique versement, si la situation patrimoniale de M. X... nécessitait réellement quelque délai, cela aurait dû conduire M. X..., professionnel averti assisté d'un conseil, à solliciter du juge du divorce un paiement échelonné, ou bien à interjeter appel de la décision lui imposant un tel versement ; que tel n'a pas été le cas en l'espèce ; que, de surcroît, questionné sur ce point, M. X... admet ne pas avoir sollicité ses partenaires bancaires afin d'obtenir (ou de pouvoir justifier de leur refus) de lui prêter leur concours par l'octroi d'un prêt bancaire adossé à ses biens immobiliers (le couple possédant directement ou par leur SCI plus d'une vingtaine d'immeubles) ; qu'en définitive M. X... n'établit pas s'être trouvé dans l'impossibilité absolue de verser le montant de la prestation compensatoire ; que le jugement, qui a déclaré M. X... coupable des faits visés aux poursuites, doit donc être confirmé ;
"1°) alors que la méconnaissance de l'obligation de régler l'intégralité du capital dû à titre de prestation compensatoire dans le délai de deux mois suivant la signification de la décision de justice en raison de la nécessité de procéder à la réalisation de certains actifs patrimoniaux, ne saurait en soi caractériser l'élément intentionnel du délit d'abandon de famille consistant dans la volonté de ne pas exécuter une décision de justice ;
"2°) alors que la cour d'appel qui retient la culpabilité de M. X... sans répondre à son argumentation selon laquelle son patrimoine tel que l'avait du reste apprécié le juge aux affaires familiales, était composé principalement de biens immobiliers détenus personnellement ou en indivision avec son épouse et ne comportait pas au moment du prononcé du divorce et à la date d'exigibilité de la prestation compensatoire de liquidités à hauteur du montant intégral de celle-ci, n'a pas justifié de sa décision écartant l'impossibilité absolue où s'était trouvé M. X... de régler intégralement le montant de cette prestation dans le délai légal ;
"3°) alors que ni le fait de ne pas avoir demandé devant le juge aux affaires familiales la possibilité d'un paiement échelonné du capital dû à titre de prestation compensatoire, ou encore de ne pas avoir exercé de recours contre cette décision, ni l'absence de sollicitation d'un prêt bancaire, ne suffisent à caractériser la volonté de se soustraire à l'exécution de la décision du juge aux affaires familiales ;
"4°) alors que la cour d'appel ne pouvait entrer en voie de condamnation à l'encontre de M. X... pour avoir payé le capital dû au titre de la prestation compensatoire plus de deux mois après son exigibilité sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions délaissées, si ce retard n'était pas imputable aux agissements de la partie civile qui, en retardant indûment la liquidation des actifs en indivision avec son ex-époux, avait fait obstacle au paiement dans le délai légal" ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 112-1 du code pénal, ensemble l'article 133, III, de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 ;
Attendu que les dispositions d'une loi nouvelle s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée, lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ;
Attendu que M. Claude X... a été poursuivi pour être demeuré plus de deux mois sans acquitter le montant intégral de la prestation compensatoire sous forme d'un capital de 470.000 euros qu'il avait été condamné à verser à son ex-épouse Mme Florence Y... par jugement de divorce du 1er juin 2007 ;
Attendu que la cour d'appel a déclaré le prévenu coupable d'abandon de famille et a prononcé une peine ;
Mais attendu que l'article 133, III, de la loi du 12 mai 2009, a remplacé, au premier alinéa de l'article 227-3 du code pénal, les références aux titres V, VI, VII et VIII du livre 1er du code civil par la seule référence au titre IX du livre 1er du même code, lequel ne concerne que l'autorité parentale ;
Qu'il s'ensuit que le non-paiement d'une prestation compensatoire allouée par un jugement de divorce échappe désormais aux prévisions de l'article 227-3 du code pénal;
Attendu qu'en statuant sur l'action publique, alors que les faits poursuivis n'étaient plus susceptibles de constituer une infraction au jour où elle a statué, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Attendu que les juridictions pénales restent cependant compétentes pour statuer sur les intérêts civils lorsqu'elles en ont été régulièrement saisies, comme en l'espèce, avant que la loi pénale ait cessé d'être applicable ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé l'existence d'une faute justifiant l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que le premier moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions pénales, l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 28 avril 2010, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
CONSTATE l'extinction de l'action publique ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
REJETTE le pourvoi sur l'action civile ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Ponroy conseiller rapporteur, Mme Chanet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 10-83606
Date de la décision : 16/02/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ACTION CIVILE - Extinction de l'action publique - Survie de l'action civile - Abrogation de la loi pénale - Abrogation postérieure à la saisine de la juridiction répressive

Les juridictions pénales restent compétentes pour statuer sur les intérêts civils lorsqu'elles en ont été régulièrement saisies avant que la loi pénale ait cessé d'être applicable


Références :

Sur le numéro 1 : article 133 III de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009

article 227-3 du code pénal
Sur le numéro 2 : article 112-1 du code pénal

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 28 avril 2010

Sur le n° 1 : Sur l'application dans le temps d'une loi pénale plus douce portant sur le délit d'abandon de famille, à rapprocher :Crim., 28 juin 1995, pourvoi n° 94-84811, Bull. crim. 1995, n° 243 (cassation). Sur le n° 2 : Sur la compétence de la juridiction répressive pour statuer antérieurement à l'abrogation de la loi pénale sur les intérêts civils, à rapprocher :Crim., 6 février 1989, pourvoi n° 87-90218, Bull. crim. 1989, n° 45 (cassation partielle) ;Crim., 15 mars 1995, pourvoi n° 93-85623, Bull. crim. 1995, n° 104 (annulation partielle sans renvoi). Sur l'application de la loi pénale dans le temps et la compétence des juridictions répressives pour statuer sur les intérêts civils en cas d'extinction de l'action publique, à rapprocher :Crim., 22 mars 2011, pourvoi n° 10-80203, Bull. crim. 2011, n° 58 (cassation partielle)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 fév. 2011, pourvoi n°10-83606, Bull. crim. criminel 2011, n° 31
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2011, n° 31

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : Mme Zientara-Logeay
Rapporteur ?: Mme Ponroy
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 29/11/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.83606
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