LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. X... de son désistement à l'égard de la société Vancraeynest et de M. Y..., ès qualités de curateur de la société Vancraeynest,
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 3253-6 du code du travail, ensemble l'article 3 de la directive 80/987/CEE du Conseil du 20 octobre 1980 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur, dans sa rédaction applicable dans la cause ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 1er mai 1995 par la société de droit belge Vancraeynest en qualité de voyageur-représentant-placier, chargé de commercialiser les produits de la société sur le territoire français ; que le 27 février 2001, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail ; que la société Vancraeynest a fait l'objet d'une procédure de liquidation de biens par décision prononcée le 26 mars 2001 par le Rechtbank van Koophandel de Courtrai (Belgique) et le salarié a déclaré sa créance entre les mains de M. Y..., curateur de la société, puis saisi le Fonds de fermeture des entreprises de l'Office national de l'emploi en Belgique d'une demande en paiement des sommes dues en exécution de son contrat de travail ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la condamnation de son employeur au paiement du solde de ses créances impayées par le Fonds et la garantie de l'AGS ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de garantie du solde de ses créances impayées par le Fonds, l'arrêt retient qu'en déclarant sa créance auprès du curateur à la liquidation des biens de la société de droit belge qui l'employait et surtout en saisissant le fonds de faillissement belge, il a choisi de faire valoir ses droits sur la garantie de ses revenus issus de son travail auprès de la juridiction et de cet organisme belges, qu'il a renoncé aux droits qu'il tenait de bénéficier de la garantie de l'AGS et que le caractère cumulatif des garanties dues par les deux organismes de garantie n'est aucunement démontré ;
Attendu cependant que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 17 novembre 2010, affaire C-477/09) a dit pour droit, d'une part, que l'article 3 de la directive 80/987/CEE du Conseil du 20 octobre 1980 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur, dans la version de celle-ci antérieure à celle découlant de sa modification par la directive 2002/74/CE, doit être interprété en ce sens que, pour le paiement des créances impayées d'un travailleur qui a habituellement exercé son activité salariée dans un État membre autre que celui où se trouve le siège de son employeur déclaré insolvable avant le 8 octobre 2005, lorsque cet employeur n'est pas établi dans cet autre État membre et remplit son obligation de contribution au financement de l'institution de garantie dans l'État membre de son siège, c'est cette institution qui est responsable des obligations définies par cet article, et, d'autre part, que la directive 80/987 ne s'oppose pas à ce qu'une législation nationale prévoie qu'un travailleur puisse se prévaloir de la garantie salariale de l'institution nationale, conformément au droit de cet État membre, à titre complémentaire ou substitutif par rapport à celle offerte par l'institution désignée comme étant compétente en application de cette directive, pour autant, toutefois, que ladite garantie donne lieu à un niveau supérieur de protection du travailleur ;
Qu'en statuant comme elle a fait, alors, d'une part, que le salarié n'avait pas renoncé à solliciter à titre complémentaire la garantie de l'AGS, du seul fait qu'il avait obtenu du Fonds de fermeture des entreprises de l'Office national de l'emploi en Belgique, la garantie partielle des créances fixées au passif de son employeur, et alors d'autre part, que la garantie assurée par l'institution du pays dans lequel est établi l'employeur peut être complétée par celle du pays dans lequel s'accomplissait le travail, dans la limite du plafond de garantie qui s'y applique, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 avril 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne le CGEA de Nancy aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le CGEA de Nancy à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze avril deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour M. X....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Jean-Marc X... de ses demandes tendant à voir reconnaître ses créances salariales à l'encontre de la société VANCRAEYNEST et à entendre dire que leur reliquat devait être pris en charge par l'AGS – CGEA de NANCY et dit que le CGEA de NANCY ne peut garantir les créances de monsieur X... suite au faillissement de la SA VANCRAEYNEST de droit belge ;
AUX MOTIFS QU' « aux termes de l'article L3253-6 du Code du Travail "tout employeur de droit privé assure ses salariés, y compris ceux détachés à l'étranger ou expatriés mentionnés à l'article L5422-13, contre le risque de non-paiement des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail, en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire" ; Qu'en ce qui concerne son domaine d'action, l'article L.3253-8 du même code précise que "l'assurance mentionnée à I'article L.3253-6 couvre : 1° Les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, ainsi que les contributions dues par l'employeur dans le cadre de la convention de reclassement personnalisé ; 2° Les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant : a) Pendant la période d'observation ; b) Dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession ; c) Dans les quinze iours suivant Ie jugement de liquidation ; d) Pendant le maintien provisoire de I'activité autorisé par le jugement de liquidation ; 3° Les créances résultant de la rupture du contrat de travail des salariés auxquels a été proposée la convention de reclassement personnalisé, sous réserve que l'administrateur, l'employeur ou le liquidateur, selon Ie cas, ait proposé cette convention aux intéressés au cours de l'une des périodes indiquées au 2°, y compris les contributions dues par l'employeur dans le cadre de cette convention et les salaires dus pendant le délai de réponse du salarié ; 4° Lorsque le tribunal prononce la liquidation judiciaire, dans ta limite d'un montant maximal correspondant à un mois et demi de travail, les sommes dues : a) Au cours de la période d'observation ; b) Au cours des quinze jours suivant le jugement de liquidation ; c) Au cours du mois suivant le jugement de liquidation pour les représentants des salariés prévus par les articles L. 621-4 et L. 631-9 du code de commerce ; d) Pendant Ie maintien provisoire de l'activité autorisé par le jugement de liquidation. La garantie des sommes et créances mentionnées aux 1°, 2° et 4° inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d'origine Iégale, ou d'origine conventionnelle imposée par la loi" ; Qu'enfin l'article L. 625-7 du code de commerce précise que cette garantie s'applique aux rémunérations de toute nature dues aux V.R.P. et en cas de rupture, au titre des 90 derniers jours des travail ; Qu'en effet, le règlement communautaire n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité prévoit en son article 4, que "sauf disposition contraire du (…) règlement, la loi applicable à la procédure et à ses effets est celle de I'État membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte" ; Qu'il ajoute en son article 10 que "les effets de procédure d'insolvabilité sur un contrat de travail et sur un rapport de travail sont régis exclusivement par la loi de I'Etat membre applicable au contrat de travail" ;
Attendu cependant que la compétence de I'AGS pour garantir les salaires ne se limite pas qu'aux procédures collectives ouvertes en France ; Que l'article 8 bis de la Directive 80/987 du 20 octobre 2002 concernant le rapprochement des États membres relatives à la protection des salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur, prévoit que "lorsqu'une entreprise ayant des activités sur le territoire d'au moins deux États membres se trouve en état d'insolvabilité, l'institution compétente pour le paiement des créances impayées des travailleurs est celle de I'État membre sur le territoire duquel ils exercent ou exerçaient habituellement leur travail" ; Qu'ainsi, lorsque I'employeur est établi dans un État hors Union européenne la garantie de I'AGS est due d'une part, dès lors que les salariés exercent ou exerçaient habituellement leur travail en France, d'autre part, dès lors qu'une procédure collective d'apurement du passif de I'employeur est ouverte en France ou lorsqu'elle est ouverte dans un pays extérieur à I'Union européenne, a fait I'objet d'un jugement d'exequatur ; Qu'enfin, lorsque I'employeur est établi dans un État de I'Union européenne, I'AGS est compétente pour garantir les créances des salariés travaillant en France même si la faillite de I'entreprise a été prononcée dans un autre État membre de I'Union européenne ; Attendu en outre, que selon la Directive Européenne adoptée le 23 septembre 2002, recodifiée le 22 octobre 2008, reprenant la jurisprudence appliquée antérieurement par la C.J.C.E. (16 décembre 1999), l'institution de garantie compétente est celle de l'Etat membre du territoire duquel les travailleurs exercent ou exerçaient habituellement leur travail, critère supplantant celui du lieu d'établissement de l'employeur ; Qu'en effet, il n'est pas nécessaire que I'entreprise dispose d'une succursale dans l'autre Ëtat membre, une présence économique stable étant suffisante (CJCE 16 octobre 2008) ;Que I'objectif de ces dispositions est d'assurer I'intervention de l'institution de garantie d'un seul Etat membre ; Attendu que les dispositions sus énoncées ne sont applicables que lorsque survient un conflit de compétence et que le juge doit déterminer sa compétence, en l'absence de choix des parties ; Qu'il est de plus admis, que la détermination de I'institution de garantie compétente se fait indépendamment de la loi applicable au contrat ; Attendu par conséquent, que Monsieur Jean-Marc X... a, en l'espèce, en déclarant sa créance auprès du curateur à la liquidation de biens de la société de droit belge qui I'employait et surtout, en saisissant le fonds de faillissement belge, choisi de faire valoir ses droits sur la garantie de ses revenus issus de son travail auprès de la juridiction et de cet organisme belges ; Qu'il y a lieu également de rappeler que consécutivement à ces démarches, Monsieur Jean-Marc X... a obtenu du fonds de faillissement belge, une somme totale de 22 310,40 euros ; Que certes, ce montant est inférieur à celui de ses prétentions totales, notamment au titre de I'indemnité de clientèle , Que sa présente demande concerne le solde des sommes non obtenu ; Attendu cependant, que la garantie du CENTRE DE GESTION ET D'ETUDES (C.G.E.A.) - A.G.S. DE NANCY présente un caractère subsidiaire à l'obligation de paiement de l'employeur ou de son représentant en cas de procédure collective ; Que le droit au bénéfice des dispositions des articles du Code du Travail et du Code de Commerce susvisés, n'est pas refusé à Monsieur Jean-Marc X... dans son principe, dès lors qu'il est démontré qu'il exerçait son travail en France, critère de rattachement au bénéfice de la garantie de paiement de I'A.G.S., ce quel que soit le lieu d'ouverture de la procédure collective ; Mais attendu, qu'en agissant aux fins de paiement des sommes dues consécutivement à l'exécution de son contrat de travail, certes soumis aux dispositions du droit français relatif au statut particulier réservé aux V.R.P. devant les instances belges, Monsieur Jean-Marc X... a renoncé aux droits qu'il tenait des dispositions susvisées ; Qu'en effet, le caractère cumulatif des garanties dues par le CENTRE DE GESTION ET D'ÉTUDES (C.G.E.A.) –A.G.S. DE NANCY avec celles servies par les institutions belges de même nature n'est aucunement démontré ; Que partant, l'analyse des premiers juges est conforme, ce qui justifie la confirmation du jugement déféré à cet égard » ;
1. ALORS QUE l'assurance des salariés instituée par l'article L. 143-11-1 devenu L. 3253-6 du Code du travail garantit ceux-ci contre le risque de non-paiement, en cas de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire de l'employeur, des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail ; qu'il s'ensuit que lorsque les salariés victimes de l'insolvabilité de leur employeur exerçaient habituellement leur activité en France pour le compte d'un employeur faisant l'objet d'une procédure d'insolvabilité dans un autre État membre de l'Union européenne, la garantie de l'AGS est due ; que dans l'hypothèse où l'institution de garantie de l'État membre dans lequel la procédure d'insolvabilité est ouverte a fait l'avance d'une partie du montant des créances salariales, la garantie de L'AGS couvre, dans la mesure de ses obligations légales, le reliquat de ces créances ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, après avoir reconnu que le salarié, qui exerçait habituellement son activité en France au profit d'un employeur sis en Belgique, avait droit en principe à la garantie de l'AGS, et que son contrat de travail relevait du droit français, a néanmoins écarté cette garantie au prétexte qu'il n'était pas démontré que ces garanties étaient cumulatives ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les dispositions susvisées, ensemble l'article 3 de la directive n° 80/987/CEE du Conseil du 20 octobre 1980 ;
2. ALORS QUE la renonciation à un droit ne se présume pas ; que la seule circonstance qu'un salarié ait effectué une déclaration de créance selon la loi du lieu d'ouverture de la procédure d'insolvabilité et qu'il ait demandé sa couverture par l'institution de garantie de l'État membre dans lequel cette procédure a été ouverte ne constitue pas un acte manifestant la volonté claire et non équivoque du salarié de renoncer à son droit de bénéficier de la garantie de l'AGS pour la part de ses créances salariales qui n'a pas été prise en charge par l'institution de garantie étrangère ; qu'en l'espèce, en déboutant le salarié de sa demande de garantie par l'AGS, au prétexte que celui-ci aurait renoncé à son droit en saisissant les instances belges, la Cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1134 du Code civil.