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07/03/2012 | FRANCE | N°11-14630

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 07 mars 2012, 11-14630


Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime ;
Attendu que toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime est régie par les dispositions du titre premier du livre IV du même code ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 25 janvier 2011), que suivant acte sous seing privé daté du 15 mars 2004, Ghislaine X..., aux droits de laquelle se trouvent les consorts X...-Z..., a consenti à

M. Y... un " prêt à usage " portant sur un ensemble de parcelles de ter...

Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime ;
Attendu que toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime est régie par les dispositions du titre premier du livre IV du même code ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 25 janvier 2011), que suivant acte sous seing privé daté du 15 mars 2004, Ghislaine X..., aux droits de laquelle se trouvent les consorts X...-Z..., a consenti à M. Y... un " prêt à usage " portant sur un ensemble de parcelles de terres agricoles ; que celui-ci a agi aux fins de voir requalifier ce contrat en bail rural soumis au statut du fermage ;
Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que l'attestation selon laquelle " monsieur Romain Y... a remis à madame Ghislaine X... épouse Z... la première année une enveloppe contenant de l'argent liquide " et lui a par ailleurs fourni du foin, de la viande et des légumes ne permet pas de retenir le versement régulier de sommes à titre de fermages ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le caractère onéreux d'une mise à disposition ne dépend pas du caractère régulier du versement de la contrepartie, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 janvier 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne les consorts X...-Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les consorts X...-Z... à payer à M. Y... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande des consorts X...-Z... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté l'inexistence d'un bail à ferme liant Ghislaine X... épouse Z... à monsieur Romain Y..., enjoint monsieur Y... de libérer les parcelles qu'il occupe après résiliation du contrat de prêt à usage à lui consenti par madame X... le 15 mars 2004, et ordonné à défaut son expulsion.
AUX MOTIFS PROPRES QUE selon monsieur Romain Y..., madame Ghislaine X... épouse Z... lui a consenti verbalement un bail à ferme dès 2004, qu'elle a signé le 15 mars 2007 le formulaire de bail écrit qu'il lui avait remis mais avais différé l'enregistrement de ce document jusqu'au 20 août 2007 ; mais que le prêt à usage consenti par madame Ghislaine X... épouse Z... à monsieur Romain Y..., qui a donné lieu à l'établissement d'un document écrit spécifiant expressément que la mise à disposition des parcelles est gratuite, ne permet pas au bénéficiaire de prétendre au statut de fermage à un droit de préemption ; que monsieur A..., expert judiciaire en graphologie a conclu que le bail litigieux et le prêt à usage initial sont probablement de deux scripteurs différents ; qu'il a précisé qu'il était techniquement impossible d'identifier l'auteur de la signature du bail à ferme ; que monsieur Romain Y... ne peut se prévaloir dans la présente procédure, du doute qui lui a profité pour échapper aux poursuites pénales intentées à son encontre par les intimés, puisqu'il n'est pas en mesure de rapporter la preuve que madame Ghislaine X... épouse Z... est la signataire du document qu'il produit ; qu'au surplus, aucun indice ne permet d'expliquer le changement de position de madame Ghislaine X... épouse Z... et que depuis janvier 2001, celle-ci ne signait rien concernant sa propriété sans son avis et son accord, qu'il affirme qu'elle était opposée à consentir un bail quelconque sur sa propriété ; qu'il ajoute qu'en mars 2007, son état de santé était dégradé et qu'elle n'était pas « en état de décider quoi que ce soit » ; qu'il résulte du certificat médical rédigé par le docteur Eric B... que le 18 juillet 2007, date à laquelle il l'a examinée, madame Ghislaine X... épouse Z... présentait une cataracte blanche bilatérale et avait une acuité visuelle inférieure à 1/ 50 des deux côtés, qui limitait sa vision à la perception des mouvements de la main du côté droit et à une perception lumineuse du côté gauche ; que l'aptitude de madame Ghislaine X... épouse Z... à lire, le 15 mars 2007, le bail rural que monsieur Romain Y... prétend lui avoir remis pour signature, est extrêmement douteuse ; qu'au surplus, monsieur Romain Y... ne justifie pas avoir payé à madame Ghislaine X... épouse Z... un fermage ; que l'attestation établie par madame C... selon laquelle « monsieur Romain Y... a remis à madame Ghislaine X... épouse Z... la 1ère année une enveloppe contenant de l'argent liquide » et lui a par ailleurs fourni du foin, de la viande et des légumes ne permet pas de retenir le versement régulier de sommes à titre de fermage ; qu'en vertu du principe selon lequel on ne peut se constituer une preuve à soi-même, l'envoi de chèques au notaire après le décès de madame Ghislaine X... épouse Z... ne peuvent lui permettre d'établir l'acceptation par la défunte de ces versements à ce titre ;
Sur la validité d'un bail verbal
Que, par application des dispositions de l'article L. 411-4 du code rural, tout contrat de bail rural doit être écrit ; que le jugement rejetant cette demande ne peut qu'être confirmé ;
Sur la théorie de l'apparence
Que c'est en vain que monsieur Romain Y... prétend qu'il a pu de bonne foi, n'étant pas présent au moment où madame Z... a apposé sa signature sur le document qu'il lui avait préalablement déposé, légitimement croire qu'elle était la signataire du bail litigieux, cette circonstance n'étant pas de nature à valider le contrat produit ;
Sur les conséquences de l'absence de bail valable
Que monsieur Gaston Z..., monsieur Jean X... et madame Lucie D... épouse X... sont fondés à poursuivre, au besoin avec l'assistance de la force publique l'expulsion de monsieur Romain Y... et celles des occupants de son chef des parcelles qu'il occupe ensuite de la résiliation du prêt à usage à défaut de libération volontaire de celles-ci par monsieur Romain Y... (cf. arrêt p. 5 et 6) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la validité de la « résiliation du contrat de prêt à usage » du 15 mars 2004 : aux termes de l'article 1134 du code civil : « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi » ; qu'est produit aux débats le contrat signé le 15 mars 2004 par madame Ghislaine X... et monsieur Romain Y... ; que ce contrat est intitulé « prêt à usage » et stipule expressément la gratuité de la mise à disposition du bien prêté ; qu'il stipule encore expressément que l'exploitant agricole ne bénéficie pas du statut de fermage et qu'il ne bénéficie pas en cas de vente, du droit de préemption ; que monsieur Romain Y... produit des attestations selon lesquelles il aurait remis des sommes en liquide ou divers produits fermiers à madame Z... puis effectué divers travaux ou organisé des « repas » au profit de cette dernière ; que ces éléments sont manifestement insuffisants à démontrer l'existence d'une contrepartie onéreuse déterminable à la mise à disposition des parcelles concernées ; qu'ils ne sauraient permettre de contourner les stipulations contractuelles précitées, claires et explicites, dont il ressort que madame Z... a prêté ses parcelles à titre gratuit et que monsieur Y... ne bénéficie pas du statut de fermage ; que ce dernier sera par conséquent intégralement débouté de ses demandes (cf. jugement n° 51-10. 002) ; sur l'existence d'un bail verbal : aux termes de l'article L. 411-4 du code rural : « les contrats de baux ruraux doivent être écrits » ; que monsieur Romain Y... qui échoue à démontrer qu'il bénéficie d'un contrat écrit se prévaut, désormais d'un bail oral ; qu'or, le bail oral présupposant nécessairement, dans l'esprit de celui qui s'en prévaut, l'inexistence d'un bail écrit, monsieur Romain Y... ne peut, à peine de contradiction, se prévaloir, même successivement, des deux hypothèses, inconciliables ; qu'il le peut d'autant moins qu'il ne démontre pas avoir adressé le paiement d'un fermage ou d'une autre contrepartie onéreuse au bailleur ou à son mandataire ; des accusé-réception du notaire chargé de la succession de la défunte ou des attestations selon lesquelles monsieur Romain Y... aurait remis à madame Z... des sommes en liquide « la première année et l'année suivante » ainsi que divers produits fermiers puis effectué divers travaux ou organisé « des repas » au profit de celle-ci ne sauraient constituer la démonstration requise, d'un paiement en lien avec un bail à ferme censé débuter le 15 mars 2007, madame Z... étant décédée le 6 octobre 2007 ; que monsieur Romain Y... verra donc ses affirmations quant à l'existence subsidiaire d'un bail verbal rejetées (cf. jugement n° 51-10. 001) ;
1) ALORS QU'il résulte des dispositions combinées des articles L. L. 411-1 et L. 411-4 du code rural que la preuve de l'existence du bail rural peut être apportée par tous moyens et qu'en l'absence d'écrit les parties sont soumises à un bail type départemental ; que pour constater l'inexistence d'un bail à ferme entre monsieur Romain Y... et Ghislaine X... épouse Z..., la cour d'appel a retenu que tout contrat de bail rural devait être écrit, ce qui n'était pas le cas ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 411-1 et L. 411-4 du code rural ;
2) ALORS QUE toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole est soumise au statut du fermage ; que la reconnaissance d'une contrepartie onéreuse n'est pas subordonnée au versement régulier de sommes à titre de fermage ; qu'en écartant l'existence d'une contrepartie onéreuse à la mise à disposition des parcelles tout en relevant d'une part qu'il résulte de l'attestation de madame C... que monsieur Y... avait remis à madame X... « la première année une enveloppe contenant de l'argent liquide » et qu'il lui avait fourni du foin, de la viande et des légumes, d'autre part que des chèques avaient été adressés au notaire après le décès de madame X..., qu'enfin monsieur Y... produit des attestations selon lesquelles il avait effectué divers travaux et organisé des repas au profit de cette dernière, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 411-1 du code rural ;
3) ALORS QUE toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole est soumise au statut du fermage ; que pour refuser de requalifier en contrat de bail le contrat de prêt à usage du 15 mars 2004 la cour d'appel a retenu que ce document spécifie expressément que la mise à disposition des parcelles est gratuite ; qu'en statuant ainsi tout en constatant d'une part qu'il résulte de l'attestation de madame C... que monsieur Y... avait remis à madame X... « la première année une enveloppe contenant de l'argent liquide » et qu'il lui avait fourni du foin, de la viande et des légumes, d'autre part que des chèques avaient été adressés au notaire après le décès de madame X..., qu'enfin monsieur Y... produit des attestations selon lesquelles il avait effectué divers travaux et organisé des repas au profit de cette dernière, la cour d'appel a violé l'article L. 411-1 du code rural, ensemble les articles 1875 et 1876 du code civil ;
4) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, monsieur Y... faisait valoir que la contrepartie onéreuse de sa part n'avait d'autre cause que l'exploitation agricole des parcelles, et qu'il n'existait entre lui-même et madame X... aucun lien de parenté ou d'amitié ancienne justifiant des présents d'usage ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions (déposées le 29 novembre 2010 p. 5) d'où il résultait que la mise à disposition des parcelles n'était pas gratuite, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 11-14630
Date de la décision : 07/03/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

BAIL RURAL - Statut du fermage et du métayage - Domaine d'application - Mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole - Caractère onéreux - Conditions - Détermination

Pour l'application de l'article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime, le caractère onéreux d'une mise à disposition ne dépend pas du caractère régulier du versement de la contrepartie


Références :

article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 25 janvier 2011

Sur la requalification d'un "prêt à usage" en bail rural après constatation du caractère onéreux de la convention, à rapprocher : 3e Civ., 14 janvier 2004, pourvoi n° 02-12663, Bull. 2004, III, n° 6 (rejet) ;

3e Civ., 17 octobre 2007, pourvoi n° 06-18503, Bull. 2007, III, n° 179 (cassation partielle)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 07 mar. 2012, pourvoi n°11-14630, Bull. civ. 2012, III, n° 40
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, III, n° 40

Composition du Tribunal
Président : M. Terrier
Avocat général : M. Bruntz
Rapporteur ?: M. Crevel
Avocat(s) : Me Carbonnier, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.14630
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